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Comment les démarches, expressions et pratiques spirituelles de chacun peuvent-elles contribuer davantage au mieux vivre ensemble dans notre cadre laïc et républicain ?

Tel est le thème actuel sur lequel travaille Démocratie & Spiritualité. Ce thème pouvant intéresser d’autres acteurs de la société française (associations, personnes physiques etc.), nous le publions en page d’accueil pour nous présenter et envisager avec vous, si vous le souhaitez, d’éventuelles collaborations.

1 ÉTAT DES LIEUX

A l’évidence nos sociétés ne vont pas bien et nos démocraties sont en crise.

La mondialisation qui devrait être porteuse d’une civilisation universelle de progrès, où les diversités nationales ou régionales apporteraient chacune des qualités d’identité différentes prend des formes inquiétantes : conflit culturel, économique et politique, dérives extrémistes et menaces terroristes, limites écologiques etc.

Dans les pays riches, les inégalités s’accroissent, le chômage reste souvent à un niveau élevé, les exclusions se développent, le lien social se délite, des communautarismes se développent et le déficit de sens s’accroît. Le décalage est massif entre les désirs matériels, stimulés de toute part, et les moyens de les satisfaire qui croissent moins vite et créent, notamment auprès des jeunes, un état de frustration permanente, source de graves dangers.

Enfin, la technique donne à l’homme des moyens d’agir sur lui-même de manière inimaginable jusqu’ici et pose des questions éthiques d’une ampleur considérable et bien difficiles à dominer dans une situation d’individualisme, de relativisme et parfois de nihilisme.

Le grand défi du siècle qui commence est de définir et mettre en place un développement humain durable et équitable associant solidarité pratique, venant de ce que nous vivons tous sur la même planète, et solidarité éthique, venant de ce que tous les hommes sont égaux en dignité et en droits.

Pour ce faire, d’importants rééquilibrages s’imposent tant au niveau mondial que local ou individuel. On peut en mentionner quelques uns :

  • Renoncer à une consommation sans fin pour parvenir à une plus grande frugalité en évitant les gaspillages
  • Avoir un plus grand souci de préservation de la nature et des grands équilibres écologiques en recherchant des modes de vie moins consommateurs d’énergie
  • Donner plus de place à l’échange, au don et au contre don, à la relation considérée comme une fin en soi, par rapport à la logique dominante de la puissance et de l’argent
  • Rééquilibrer la place respective du travail et du capital qui s’est déformée à l’excès au profit du second
  • Favoriser le développement des temps d’activité conviviaux par rapport aux temps productifs
  • Favoriser une moindre tension entre technique et nature et encourager la recherche de modes de vie plus harmonieux, là où la technique privilégie, sans discernement, l’élévation du niveau de vie
  • Reconstituer la juste relation entre l’individu, les corps intermédiaires et la collectivité
  • Conjuguer l’utilisation des rapports de force et la proposition de projets cohérents dans les combats sociaux

Pour réaliser ces changements, il y a besoin d’une nouvelle donne permettant de mobiliser des énergies nouvelles. Les idéologies n’ont pas tenu leurs promesses et l’on voit bien les limites et dangers de l’idéologie libérale. Il faut mobiliser simultanément, complémentairement, des capacités de résistance, de régulation et d’utopie, là où ces cultures ont tendance à s’ignorer ou à s’opposer.

C’est dans cette perspective qu’a été rédigée en 1993, par des personnes venant d’horizons différents, La charte de Démocratie & Spiritualité. Elle propose une double révolution copernicienne :

Il s’agit tout d’abord de promouvoir une fécondation croisée entre l’exigence démocratique, prise en son sens le plus élevé, et l’exigence spirituelle, envisagée dans sa possibilité d’incarnation la plus concrète.

Ce pari repose sur l’idée que les démocraties, pour s’accomplir pleinement et obéir à leurs finalités les plus élevées ont besoin d’être porteuse d’une espérance que la ou les spiritualités, au sens le plus large du terme, peuvent contribuer à leur donner.

Cependant, pour que cette inspiration spirituelle puisse opérer, il faut que les religions et les spiritualités reconnaissent pleinement le fait démocratique, porteur, en outre, de spiritualité. Cela signifie se mettre au service des démocraties plutôt que de vouloir y exporter leur propre morale. Cela signifie aussi qu’elles reconnaissent qu’une culture et un climat démocratique contribuent à les préserver des tentations d’intolérance présentes en elles

Ceci implique aussi que les différentes spiritualités et les humanismes trouvent un langage commun et développent le dialogue inter ou intra religieux et explorent la grammaire commune qui les unit entre elles ainsi qu’avec les humanismes.

Si ces conditions sont réunies, les spiritualités et les humanismes peuvent apporter aux démocraties des ressources qui leur manquent plus aujourd’hui qu’hier. On peut citer :

  • l’aide à la constitution de l’identité symbolique des personnes
  • la valorisation d’un lien social n’obéissant pas au seul principe d’utilité et de rentabilité
  • le souci des plus pauvres, des moins efficaces, des personnes en situation d’exclusion, des minorités
  • la capacité à la modération des désirs, là où le système économique les active sans cesse, au-delà même des possibilités de les satisfaire, ce qui engendre un sentiment de frustration permanente
  • le sens du temps et du long terme, là où prime l’instant présent un souci particulier de respect de la nature et la capacité à s’émerveiller devant la création
  • une vision de la vie reposant sur un ensemble de droits et de devoirs à respecter ensemble, invitant à rendre au moins autant qu’il a été reçu

Il s’agit, en second lieu, de lier de manière plus étroite, bien que souple, la dimension individuelle et la dimension collective des problèmes à résoudre . Pour nous, transformation personnelle et transformation collective sont complémentaires et doivent être conduits simultanément. Les changements de comportement personnels ne suffisent pas à changer la société et ne sont pas nécessairement un préalable. Mais les changements collectifs qui ne s’appuient pas d’une manière ou d’une autre sur des changements individuels trouvent vite leurs limites. Changements individuels et changements collectifs interagissent pour parvenir à une justice sociale et participent à la transformation du monde.

Pour réaliser ces deux changements il nous paraît que nous devons nous attaquer en priorité à deux déficits éthiques qui minent notre société : D’une part le fossé qui sépare le monde des spiritualités, en plein bouillonnement, et le monde de l’action, emporté par un élan qu’il ne maîtrise plus, qu’il s’agisse de l’action politique ou de l’action productive.Ces deux mondes non seulement s’ignorent, mais se méprisent et ne peuvent plus rétroagir l’un sur l’autre. A cette séparation certains trouvent leur compte et même leur gratification, mais tous y perdent. D’autre part, la tendance à la dispersion des efforts de ceux qui veulent essayer de combler cet écart. Une énergie considérable est gâchée dans des structures trop petites qui reflètent l’individualisme contemporain qu’elles sont censées combattre. Le moment est venu de passer d’une situation de juxtaposition, parfois de concurrence, à une coopération en profondeur en dépassant les enjeux d’appareils ou de pouvoir.

Douze ans après la création de Démocratie et Spiritualité, alors que le diagnostic fait reste valable, mais que les solutions tardent, il nous est apparu nécessaire de faire le point et de proposer à des partenaires ayant entrepris des démarches voisines de se rencontrer pour envisager ensemble comment mieux s’organiser pour rendre le monde plus humain.

2 NOS CONVICTIONS ET NOS PRATIQUES

Notre association Plus de 300 membres et sympathisants, militants du « vivre ensemble » dans des partis, des associations ou des réseaux, engagés dans la lutte contre la précarité (SNC : Solidarités Nouvelle face au Chômage, SNL : Solidarités nouvelles pour le logement etc.) pour la citoyenneté (RECIT : Réseaux d’écoles de citoyens), pour une Coopération internationale d’échanges (inter réseaux de développement rural, coopération décentralisée) etc.,

Chrétiens mais aussi, moins nombreux, musulmans, juifs, bouddhistes, francs maçons ou sans étiquette précise réunis autour d’une Charte affirmant la nécessité « d’un double effort d’approfondissement de l’exigence démocratique et de renouvellement spirituel pour favoriser leur fécondation mutuelle »

Souhaitant disposer d’une instance commune de réflexion et d’action, ils ont créé ensemble depuis 1993 l’association D&S, pour approfondir les exigences de leur chemin intérieur en se confrontant avec d’autres et pour participer à l’élaboration d’analyses et de propositions pour notre société,

Ils se réunissent à l’occasion d’universités d’été, de week-ends, de conférences, débats ou réunions conviviales, de groupes de travail ou d’expression, de fraternités, de méditations interspirituelles. Ces activités mettent en avant l’expression de chacun, l’écoute, l’éthique du débat ; elles ont permis l’élaboration de réflexions et de propositions.

Par exemple, il y a un peu plus d’un an, D&S a remis à la Commission Stasi un texte, Réflexions et propositions pour la Commission indépendante chargée de réfléchir à l’application du principe de laïcité dans la République, dans lequel elle indiquait, sans nier aucun des problèmes posés par le voile islamique, qu’il lui semblait plus urgent de se préoccuper de l’intégration sociale et économique des jeunes issus de l’immigration non européenne, plutôt que de légiférer sur l’interdiction du port de signes religieux à l’école.

L’ensemble des réflexions de Démocratie et Spiritualité se reflète dans une Lettre mensuelle et dans la publication annuelle des travaux de notre université d’été.

Une conception commune de la laïcité

La laïcité est aussi un « lieu d’itinéraires démocratiques et spirituels ». Chacun peut y faire l’épreuve personnelle de ce à quoi il croit. En limitant contre les tentations d’intolérance des religions, la laïcité contribue à développer leur vocation fondamentale d’éveil des hommes à la spiritualité et à l’engagement dans l’universel concret de la fraternité universelle. La quête spirituelle rejoint ainsi la construction de l’homme et le combat politique pour la citoyenneté.

Confrontés chacun à notre propre histoire, à notre sensibilité, à la façon dont nous traduisons chacun notre quête du sens, ce que nous avons appris dans notre culture et que certains d’entre nous appellent langue maternelle du sens, nous acceptons d’abord la diversité, source d’enrichissement pour chacun, pour notre association, pour notre société.

Et en reprenant des phrases dites ou citées à un moment, par l’un ou l’autre d’entre nous,

« Il faut retourner aux sources vivantes de la parole. Ce qui importe c’est que l’Evangile, source de vie et poème du monde soit, ici et là, à temps et à contre temps, vécu, offert, raconté parfois enseigné, mais jamais imposé par des témoins »

« La lumière qui jaillit du nom « Allah » lorsqu’on le mentionne avive la puissance de la flamme spirituelle qui a été déposée par Dieu en chaque âme, à sa venue à l’existence. Répéter constamment ce nom est un moyen sûr d’introduire en soi le souffle qui attisera le feu intérieur. »

« Le « souci de l’autre » comme le dénomme le rabbin Gilles Bernheim et le visage de l’Autre selon la conception d’Emmanuel Levinas sont au cœur de mes convictions et de mes actes »

« Je suis athée mais je n’aime pas parler avec les athées, je préfère discuter avec ceux, qui croient. Ils m’apportent un peu de la lumière que je cherche » (Lévi Strauss).

« Il existe un fonds commun à tous les êtres humains. Au delà des mots on peut voir se dessiner une sagesse universelle ou une philosophie éternelle »

Au delà des mots, ce qui importe, ce qui est en jeu c’est de permettre l’expression de chacun,

« L’homme est le lieu où la prière du monde prend conscience d’elle même »

Modestement, à travers l’écoute, ce que nous appelons l’éthique du débat, nous essayons de participer chacun et ensemble à cette prise de conscience.

Une volonté d’agir sur le monde

Guidés par nos histoires de militants nous souhaitons nous impliquer dans les problèmes actuels de la société compte tenu de l’analyse que nous en faisons,

« L’aspiration au spirituel et au politique est emportée par la vague d’individualisme, de permissivité, d’économie de marché d’exclusion sans parvenir à s’exprimer de manière positive. Un certain religieux a fait retour mais ce n’est pas celui que nous voulons. Comment alors s’impliquer collectivement ? Comment créer et résister utilement et simultanément au fondamentalisme à l’intégrisme, au sectarisme mais aussi au relativisme et au cynisme ? Quelles sont les conditions d’une fécondation mutuelle entre démocratie et spiritualité ? »

Certains d’entre nous sont plus marqués par leur besoin de cohérence intérieure. D’autres souhaitent plutôt s’impliquer collectivement. Mais les deux démarches sont complémentaires. L’une ne peut se faire sans l’autre,

« Et j’ai bien envie d’insister sur cette dimension de sentiment, de passion pour le monde et pour tous les êtres qui donne une joie intérieure profonde indéfectible et une foi en la vie qui transparaît au-delà de ce qui apparaît ».

3 DES PISTES POUR L’ACTION

Que devons nous changer en nous mêmes et dans la société pour que les expressions et pratiques spirituelles de chacun contribuent davantage au vivre ensemble ?

Tel est le thème sur lequel D&S compte réfléchir avec d’autres pour trouver des pistes d’action collective.

Cette démarche repose sur :

Un constat

Beaucoup d’actions dans notre société contribuent déjà à un mieux vivre ensemble. Ces actions diverses et variées, menées au niveau d’une ville ou d’un quartier, sont en fait des écoles de citoyenneté. Et le travail mené par exemple par RECIT (Réseaux d’écoles de citoyens) pour repérer et faire s’exprimer les initiatives existantes montre la richesse de ces initiatives.

Sur un plan plus général et dans un environnement qui prive trop souvent d’espérance nos concitoyens les plus fragiles, des acteurs continuent d’agir pour favoriser le maintien de solidarités de proximité, recréer du lien entre les générations, développer de la sociabilité et redonner à tous un sentiment d’appartenance à une même humanité.

Une hypothèse

Derrière ces actions apparaît très fortement le rôle de « militants », professionnels ou bénévoles, qui croient à ce qu’ils font, expriment ainsi leurs valeurs. Quelle que soit l’origine de leur motivations personnelles qui dépend de leur histoire, de leur culture, laïque, humaniste ou religieuse, elles représentent une quête de sens ; ce que l’on appellera une spiritualité. Ces lieux de militance favorisent-ils le dialogue multiculturel ou multispirituel (sans que ce dialogue soit forcément explicité. Il peut simplement être vécu dans l’action) ? Favorisent-ils la création et le développement de valeurs communes ? Enrichissent-ils la spiritualité de chacun ? Sont-ils porteurs de nouvelles formes de spiritualité, plus collectives ? Quelle place peut-on donner à ces différentes démarches d’inspiration éthiques et spirituelles dans la recherche d’une meilleure cohésion sociale ?

Une conviction

L’affirmation nécessaire de cette quête de sens individuelle et collective comme source d’enrichissement des personnes en même temps que d’approfondissement des valeurs communes d’une société démocratique est une nécessité.

Elle doit conduire à des dialogues entre tous ceux qui n’ont pas renoncé à la quête de l’espérance. Il s’agit de redonner de l’espérance à une société en perte de sens avec tous ceux qui ne peuvent se satisfaire de consommer et de se distraire et qui placent leur espérance dans une démarche de type spirituel et avec tous ceux qui devraient avoir toute leur place dans une société laïque qui prenne en compte tout homme et chaque homme dans toute sa liberté et puissent donner son sens à la fraternité. Affirmation au niveau local dans le cadre de lieux de militance mais aussi plus largement au niveau national ou européen dans tous les lieux ou le citoyen peut exprimer sa citoyenneté.

Tel est le sens de la démarche dans laquelle D&S souhaiterait s’engager avec d’autres pour inventer des formes d’expression appropriées.

4 UNIVERSITÉ D’ÉTÉ 2005

L’Université se déroulera du 25 au 28 août 2005, à Cluny ( Saône et Loire), à la Maison de l’Europe. Elle rassemble généralement entre 60 à 80 personnes, membres ou sympathisants de D&S et alterne groupes de discussion, réunions plénières, ateliers d’expression et moments de convivialité, méditation etc.

Cette année, l’Université sera centrée sur la question « Comment les démarches, expressions et pratiques spirituelles de chacun peuvent-elles favoriser les changements individuels et collectifs nécessaires au mieux vivre ensemble ? »

Première journée De l’inacceptable individuel à l’engagement. Qu’est-ce qui nous amène à réagir aux injustices sociales ?
Deuxième journée Des actions militantes porteuses de sens. Voit-on apparaître dans ces actions émergence de valeurs communes et quêtes de sens collectives ?
Troisième journée Quelles priorités et quoi faire ensemble ?

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