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Aux âmes citoyens

Notre humanité s’est égarée dans la complexité de sa propre fabrication… et risque fort, en une régression rapide, d’entraîner avec elle toute la création.

Nous sommes engagé, de biais, dans une mutation plus radicale encore que toutes celles que les hommes ont connues depuis le néolithique ! La « crise », dont on nous abreuve la raison, n’est pas politique, ni sociale, ni même économique, elle est civilisationnelle, c’est à dire consubstantielle au contenu même de nos croyances.

Nos « projets de sociétés » n’ont pas d’avenir, et le passé le prouve, s’ils ne sont pas vigoureusement adossés à des croyances bien établies. Car ce sont Elles qui président à toutes les économies, psychiques, écologiques, sexuelles, sociales, politiques, et à toutes nos organisations ! C’est pourquoi il est devenu urgent de questionner nos croyances implicites qui semblent toutes dire autre chose que nos belles valeurs explicites… le présent l’atteste.

Quel est le désir profond de notre société ? La question mérite mille fois d’être posée car ce qui fait une société et plus encore ce qui fonde une civilisation c’est l’harmonisation du désir. Regarde, notre société schizoïde est convulsée d’injonctions paradoxales qui la déchirent. Certains en jouissent, certes. Ils attestent l’obscène ou même le pire peut être aimé… Nous sommes un navire en désordre tiraillé dans tous les sens par mille désirs qui en combattent mille autres.

En vérité, quel que soit le cheminement de notre humanité dans le fleuve du temps, la source reste la même. Ce que nos pères ont vu, ce que nos pères ont dit, ne peut pas être une illusion vieille de cent mille ans et dont pourraient rire et se moquer nos connaissances du moment. Ne vois-tu pas dans la fabrication des faits, la furieuse volonté des hommes à dissimuler le doute qui persiste toujours au cœur de toutes connaissances ? Interroge, sans culpabilité et sans crainte, ce que le siècle des Lumières a retranché de toutes connaissances, et ce que la Révolution française a évacué de son avenir en tranchant, avec la question, la tête qui sortait du rang ! Sommes nous véritablement capable de faire autrement que de toujours orienter les hommes vers de nouvelles tyrannies, plus mortifères les unes que les autres ?

Nous le voyons que trop bien et trop souvent, le pire, lové dans le cœur même de notre civilisation sans cesse meurtrière, nous voyons approcher l’hydre d’une tendance qui n’est pas nouvelle. C’est pourquoi il est devenu légitime de chercher dans les « choix » d’aujourd’hui ce qui subsiste de la terreur de 1793. Et nous y viendrons.

Nos performances intellectuelles de toute évidence s’avèrent insuffisantes pour bâtir un avenir, et plus encore, pour fonder une civilisation. Il est enfin, et à nouveau, devenu raisonnable de penser et de croire, qu’au dessus de toutes les sciences, et de toutes les richesses trône la sagesse, de penser et de croire que la lumière de l’esprit n’est pas un vain mythe. Il est urgent de réapprendre à respecter le fabuleux héritage de nos pères, car l’Homme était déjà présent à la lumière du monde et à lui même, bien avant que des modernes ne décrètent une humanité nouvelle…

Ecoute. « Grave comme un son de cloche, un murmure de courants invisibles ne cesse de résonner à travers les millénaires et tout le bruit du jour ne peut empêcher qu’il soit perçu dans toute sa profondeur par ceux qui veulent entendre. Il est vrai que ceux qui contribuent à engendrer le bruit sont devenus presque sourds, de sorte qu’ils ne peuvent plus entendre que le vacarme strident qui se déchaîne tout près d’eux ; mais de tout temps, des hommes se tinrent à l’écart du tumulte des foires et écoutèrent, dans le silence de minuit, ces sons d’une gravité solennelle, issus des profondeurs de l’Être originel.

A certaines époques, le nombre de ces hommes s’accroît et leur ouïe s’affine à tel point que, même au milieu du plus violent tapage du monde ivre de bruit qui les entoure, ils parviennent à percevoir ces sons lointains des origines plus distinctement que le vacarme qui cherche à les en empêcher.

Nous vivons au seuil d’une telle époque ! De jour en jour grandit le nombre de ceux qui entendent ! Les cris éraillés des forains ne les dérangent plus, ni les rugissements des bêtes sauvages, ni les roulements de castagnette de danseurs frénétiques et ils ignorent en souriant le tintement des grelots des bouffons aux bonnets bariolés. Ils n’entendent que cet unique son, majestueux et sacré, — n’écoutent que le murmure aux profondes résonances des fleurs de l’éternité – et cherchent leur semblables dans l’espace et le temps, au loin comme auprès d’eux : des hommes pouvant témoigner qu’ils entendent, eux aussi, en tout lieu, ce murmure profond. » +

Certains, obstinément opaques et insensibles au murmure, s’embourbent allégrement dans les méandres et la partie la plus exiguë d’eux même, ils voient dans la théorie psychanalytique « un humanisme de l’avenir ». D’autres rêvent une vie d’artefact où le paradis ressemble à une limousine. D’autres enfin ont fait de l’enseignement du maître de Nazareth une éthique de boy-scout. Et de l’anthrôpos amputé de son héritage cinq cent fois millénaire, et qui cherche toujours à se nommer, que faisons-nous ? Et pourquoi pas une vie extraordinaire, véritablement enchâssée dans la vie ordinaire ? Une perception surnaturelle du monde naturel ? Sois attentif. A travers le dédale de la raison nous allons maintenant te conduire par la main, jusqu’à l’aurore. Sans intégrer les fondements pédagogiques du sacré, nos prouesses technologiques ne seront jamais plus qu’un simple jeu de logos, car il faut bien plus que de la science pour fabriquer une civilisation. Ce que nous voyons, ce n’est pas simplement la fin des grands récits et le désenchantement du monde, c’est une civilisation morbide qui s’effondre ! Noirs fantômes, monstres hideux, et démons de toutes sortes y rôdent en permanence… car les jours sont ténébreux, ils dévorent la lumière.

Est-il possible « d’isoler » la sacralité de la socialité ? Sans être intrinsèquement religieuse, une culture, une civilisation, peut-elle survivre au bien ? La modernité, depuis le siècle des Lumières, pense pouvoir interpréter, réduire, et dépasser le sacré, c’est à dire ce qui précisément dépossède l’homme de sa suffisance, lui indique, par des signes et par le silence, une voie, et surtout le remet dans une disposition d’émerveillement, de réceptivité, de réciprocité. C’est de Cela dont brutalement l’homme se sépare…. et nous voyons le résultat. Lorsque le sacré disparaît, que reste t-il à part la vanité… et la décompensation qui s’en-suit… à chaque fois… et depuis toujours !

Cet article a été publié par Nouvelles Clés.

Hervé Rigo
Hervé Rigo est membre de D&S, sociologue, enseignant, thérapeute. Après avoir été responsable de formation dans le secteur socio-éducatif, il démarre un projet de retraites dans le désert tunisien.

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