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La dynamique des droits humains : un outil au service du pacte civique ?

L’outil que représentent les textes juridiques nationaux et internationaux au sujet des droits humains, les multiples instances locales ou mondiales créées pour leur mise en œuvre, la naissance d’une fragile « société civile » à leur service, cet ensemble qui constitue la Dynamique des droits de l’Homme a d’abord une vocation protestataire – un cri pour la survie – mais elle ne s’arrête pas là.

Non les droits humains ne servent pas seulement à éteindre une flamme aussi faussement olympique soit elle. Ils n’ont aucune prétention à trouver une solution aux problèmes de la société française comme à ceux de la planète.

Non les droits humains ne sont pas une nouvelle philosophie ni même une morale universelle qui s’imposerait à tous.

Oui les droits humains contribuent à repérer, ensemble, ce qui est aujourd’hui inacceptable.

Ils reposent sur une démarche commune (même si son contenu est parfois ambigu) : « l’acte de foi, de tous les peuples, en la valeur et la dignité de la personne humaine ».
Oui les droits humains engagent juridiquement (comme un contrat) les états signataires et tous les acteurs de la société. Ils doivent s’incarner dans les décisions politiques, économiques, pédagogiques… prises par nos sociétés, ainsi que dans les comportements individuels.

Et le Pacte civique ?

La dynamique des droits de l’homme ne nous dictera pas son contenu, mais elle peut aider à sa confection. Tout spécialement si l’on accepte de définir le pacte civique comme un acte pouvant donner  » du sens au vivre et au vivre ensemble dans le respect d’une laïcité d’ouverture et de dialogue… Le Pacte civique contribuera à renforcer l’implication de chacun au service de chacun et de tous, et à créer une dynamique collective permettant de construire ensemble. « Le pacte incite à l’élaboration et l’acceptation d’une éthique du débat » et invite « les démocraties à se laisser interpeller par les valeurs spirituelles ». Le pacte civique pourra prendre la forme d’un texte citoyen très général ou celle de pactes locaux ou de pactes thématiques répondant à des besoins précis que les partenaires s’engagent à satisfaire, ensemble.

La référence aux droits de l’homme (qui peuvent être assimilés à des pactes nationaux ou internationaux que les communautés signent) peut être utile lors des diverses phases de l’élaboration du (des ) pacte(s) civique(s) :

  1. reconnaître une responsabilité commune.
    Cette reconnaissance peut provenir d’une analyse identique de la gravité de la situation. La référence aux droits humains aidera à dépasser les divergences d’analyse . Même sans accord idéologique,elle justifie une démarche commune (par exemple un pacte civique) par le seul fait que nous avons tous signé les principaux textes de droits humains qui exigent au moins de dénoncer ,ensemble, »la barbarie » ou le caractère inacceptable de la situation .
    Les textes cosignés vont plus loin puisqu’ils imposent une démarche commune pour remédier aux difficultés dénoncées. La règle du contrat nous invite à « se mettre ensemble », même si l’accord ne se fait pas sur tous les aspects de la réflexion. La démarche du Pacte est alors fondée sur la parole donnée à propos des textes généraux relatifs aux droits de l’homme. Oui ou non nous sentons nous coresponsables de la survie et de l’espérance ? Sommes-nous prêts à incarner cet engagement dans des pactes plus opérationnels ?
  2. Une fois « ensemble » il faut progresser pour élaborer le Pacte.
    Les droits de l’homme appellent alors à exprimer ensemble la conviction minimale de la dignité de la personne et de sa liberté fondamentale. Pour construire un Pacte encore faut-il se reconnaître « membre de la même famille humaine ». À ce stade également les approches philosophiques, religieuses, culturelles peuvent être très diverses Ensemble sommes nous prêts à dire oui à la Dignité de chaque personne ? Le Pacte a alors un premier fondement.
  3. Il faut ensuite lui donner un contenu.
    La dynamique des droits de l’homme, reposant sur la reconnaissance de la richesse de chacun pour construire la vie de tous, impose la création de lieux de concertation multiculturelle (ou multiopinions). Ces lieux permettront l’expression des diversités. Cette rencontre n’est pas un généreux gadget mais une exigence qui fonde la discussion sur une totale égalité. Sans création de ce type de lieux d’échanges interculturels, le ou les pactes ne pourront jamais voir le jour. Alors apparaîtront des oppositions car ce qui semble futile aux uns est fondamental pour d’autres. Les demandes seront passées au crible de la dignité de chacun et du bien de tous. En effet la dynamique des droits humains ne se limite pas à un catalogue revendicatif de droits individuels. Elle met ceux-ci en tension avec l’avenir du groupe. Les échanges permettront aussi, sans a priori idéologique, de repérer les enjeux qui se cachent derrière les revendications divergentes. Ainsi la référence à la coutume, à la tradition n’est-elle pas écartée mais elle va être appréciée à la lumière du respect effectif de la dignité . Il faudra s’interroger : la pratique habituelle revendiquée par une personne ou un groupe, est-elle aujourd’hui source de davantage de dignité pour la personne et pour le groupe ? Alors, ce qui est superflu apparaît. Il ne devient pas dérisoire mais ne sera pas l’objet du pacte qui, lui, exprimera ce qui est considéré, ensemble, comme essentiel.
  4. Vient le temps de la décision.
    Faut-il ou non décider dans telle direction ? Parce que les droits de l’homme doivent trouver une application concrète, ils supposent la création de « lieux », d’instances où l’on va trancher. La composition de ces instances doit le plus possible refléter la variété des approches. En tous cas, mandat va être donné à quelques-uns pour qu’ils décident. Cela est fondamental dans un monde si pluriel qu’il ne sait plus décider pour l’ensemble du groupe. Comment espérer formuler un/des pactes si de tels organes de décision ne sont pas crées, d’un commun accord. Cela a pour nom : la pratique démocratique, avec toutes ses exigences. De tels organes pourront être une commission de « sages » repérés dans les groupes. Une commission de mise en œuvre. Un comité de suivi et d’évaluation. Parfois une instance ayant le pouvoir (confié par tous) de dire ce qui est juste ou ne l’est pas.
  5. Une autre spécificité de la dynamique des droits humains : le contrôle extérieur.
    Le danger serait en effet que chaque groupe local se « mijote » un joli petit pacte, bien adapté aux exigences locales mais pouvant être en contradiction avec des exigences internationales, ou simplement des références générales énoncées par les droits humains. Ainsi existe-t-il sûrement une manière chinoise, française, cubaine, d’exercer la Justice mais cette manière de faire va être contrôlée par des organes extérieurs. Ceci non pas au nom d’un impérialisme ni d’une ingérence anormale. Simplement au nom de la coresponsabilité que nous avons créée en signant le même texte. C’est pourquoi des pactes locaux ou très spécialisés sont nécessaires, mais ils devront accepter le regard extérieur de ceux et celles qui ne sont pas directement intéressés par le pacte mais qui font partie de la démarche commune du bien vivre ensemble.
  6. Tout au long de ces diverses étapes d’élaboration d’un pacte, les droits humains ont fourni une référence minimale acceptée par tous puisque cosignée par tous
    (même si la signature est pleine d’arrière-pensées).

Cela permet de ne pas rester bloqués par une opposition culturelle, philosophique, religieuse ou autre. Pourtant, la référence aux droits de l’homme ne supprime en rien le débat entre les cultures et les convictions les plus divergentes. Bien au contraire, ce débat est favorisé.
Tous les états , ou sur le plan national tous les groupes acceptent la référence à la dignité humaine et aux textes qui l’expriment. Encore faut-il savoir ce que chacun met sous le mot communément accepté. Dis moi ce que tu mets sous le concept de « dignité », d’autorité, de justice, de niveau de vie suffisant, de liberté de croire… etc. Parce qu’il nous faut dans la pratique, par exemple à l’occasion de l’élaboration d’un pacte civique, donner du contenu à un mot, nous avons à nous expliquer sur ce mot. Le dialogue va alors se développer non à partir d’un à priori idéologique qui souvent nous sépare, mais à partir du mot, de la valeur, qu’ensemble nous avons promis de faire vivre.
Le pacte du bien vivre ensemble, loin d’être un piètre dénominateur commun minimal se chargera peu à peu de nombreuses richesses et pourra se parfaire au fur et à mesure que le dialogue s’approfondira.

Guy Aurenche
Avocat, Président d’honneur de la Fed. Inter. de l’ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture), Président des Amis de l’hebdomadaire La Vie, membre du Groupe Paroles.

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