En-tête
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"On le voit maintenant : l'éthique de la conviction et l'éthique de la responsabilité ne sont pas contradictoires, mais elles se complètent l'une l'autre et constituent ensemble l'homme authentique, c'est à dire un homme qui peut prétendre à la "vocation politique"." 

(Max Weber, Le savant et le politique)

 

  Lettre de D&S n°169

Mars 2020

 

Table des matières

Avertissement et Éditorial

Nouvelles exigences démocratiques

Dossier du mois : Les élections municipales

Libre propos

Résonances spirituelles face aux défis contemporains

Echos

Que font nos partenaires ?

Agenda

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AVERTISSEMENT ET PROPOS INTRODUCTIF               

Cette Lettre 169 de D&S avait initialement pour objet principal les élections municipales : que peut apporter concrètement la problématique de la relation entre démocratie et spiritualité pour la gestion des futurs maires ? Nous avions demandé à notre ami Jo Spiegel d’en rédiger l’éditorial, que vous trouverez ci-après.

 C’était aussi l’occasion d’interroger, en évoquant les responsabilités municipales, la question de l’environnement spirituel des personnes en situation de responsabilité, pour laquelle nous lançons dans ce numéro, un questionnaire auquel nous vous invitons à répondre, nombreux, et que vous pouvez proposer aux personnes de votre entourage qui peuvent être intéressées.

 C’est cette conjonction des thèmes qui nous avait conduits à mettre en exergue la citation de Max Weber sur l’éthique de responsabilité et l’éthique de conviction, dont on voit que, contrairement à une idée trop souvent reçue, notamment chez les politiques, il ne les opposait pas.

Evidemment, la pandémie du coronavirus, le report du deuxième tour des élections et surtout le confinement général changent complètement la donne. A cet effet, nous organiserons sur la crise sanitaire le jeudi 2 avril à 18 h une conviviale téléphonique, sur inscription préalable (http://www.democratieetspiritualite.org/contactez-nous/) et nous pourrons lui consacrer la Lettre 170. Mais vous trouverez d’ores et déjà quelques réflexions dans celle-ci, puisque tout se tient.

 Que dire, à ce stade (27 mars), dans une situation très rapidement évolutive ?

 Le Pacte civique, dont D&S est une des trois organisations fondatrices, plaide depuis plusieurs années pour cultiver la sobriété à tous les étages, une sobriété qui doit être créative, juste et fraternelle. Nous y voilà, mais peut-être de la pire des façons.

 Ce n’est pas une sobriété choisie, comme une option pour mieux vivre ensemble, mais une sobriété imposée par les circonstances et par la stratégie gouvernementale, sans que le citoyen ait pu être consulté, vu l’urgence et la rapidité de progression du virus. Créative ? Il le semble, grâce à internet notamment, qui permet de maintenir la relation malgré tout, mais qui ne pourra pas compenser la limitation drastique du droit d’aller et venir. Juste ? C’est la même pour tout le monde en apparence, mais elle est évidemment beaucoup plus dure à supporter pour ceux qui vivent à plusieurs dans de petits appartements, qui n’ont pas de résidences secondaires à leur disposition, qui risquent de voir leur revenu baisser ou leur emploi disparaître, sont déjà en situation de fragilité ou de handicap, quelles que soient les mesures de compensation prises par le gouvernement. Fraternelle ? Cette nouvelle sobriété peut l’être, mais de façon si paradoxale : être fraternel, c’est actuellement se distancer de l’autre ; sauver le collectif, c’est se confiner chez soi ; pour préserver la vie, il faut se priver de ce qui fait le sel de la vie ; impossible même de rendre visite aux personnes hébergées dans les institutions, qui ne sont pas toujours en état de comprendre et peuvent se sentir abandonnées.

Comment allons-nous vivre cette épreuve, comment en sortirons-nous, voilà l’enjeu immédiat, pour lequel rien n’est joué.

La démocratie a une drôle de figure, figure : certes, elle ne se porte jamais très bien en temps de guerre, mais l’abus de la métaphore guerrière est lui-même suspect, car nous ne faisons pas face à un ennemi, humain, mais à un virus, qui appelle au contraire à renforcer les coopérations. Et pourtant, il n’y a pas d’autres solutions que de respecter les règles, de faire preuve de civisme, et de faire confiance, tout en exigeant la plus grande transparence des informations, un libre débat, et une évaluation en continu de la stratégie suivie.

Quant à la spiritualité, entendue au sens large du terme, elle va être au cœur du problème. Car, en cette période de Pâques pour les chrétiens, de fête de Pessah pour les juifs, et bientôt de Ramadan pour les musulmans, c’est une sorte d’exercice spirituel en vraie grandeur, de retraite quasi-monacale, qui est imposé à la société confinée et ainsi mise à la diète, sans y avoir été nullement préparée et au moment où les rassemblements sont limités, voire interdits, y compris pour les obsèques : nous allons disposer pour plusieurs semaines de plus de temps à domicile, et devrons vivre à plein temps avec notre solitude ou avec notre entourage, c’est selon. Ce peut être très enrichissant, ce peut être aussi source de conflit, de maltraitance, de névrose. La manière dont notre intériorité ainsi sollicitée répondra aux limitations de l’extériorité sera déterminante. En cela, nous avons à nous aider les uns les autres dans un esprit de communion dans l’épreuve : à développer la tolérance et la compréhension, à maîtriser notre violence, à faire preuve d’empathie, à cultiver l’attention à l’autre, particulièrement celles et ceux qui sont seul(e)s, malades ou en situation de fragilité. A remplacer l’impossible croissance extérieure du moment par une sorte de développement intérieur, rattrapant ainsi un décalage qui ne s’est que trop installé dans nos consciences et dans la société.

Marion Muller-Colard, amie de Jo Spiegel, pousse l’idée de la mise en place d’un numéro vert qui serait ouvert aux personnes qui se posent des questions d’ordre existentiel, spirituel, ou religieux, et qui auraient besoin d’en parler avec un interlocuteur de premier rang, lequel pourrait ensuite les aiguiller, si besoin, vers une personne plus spécialisée dans le type de question posée. Cette initiative doit-elle venir de la société civile, ou émaner des pouvoirs publics (au titre de la nécessité d’organiser une présence spirituelle, dans les lieux fermés que sont devenues nos habitations, prévue par la loi de 1905) ? Il nous parait en tous cas hautement souhaitable qu’elle soit rapidement mise en œuvre.

Jean-Baptiste de Foucauld et Daniel Lenoir

 

EDITORIAL

 

« C’est à ce moment que j’ai fait une rencontre décisive, tout près de l’endroit où j’ai pris l’habitude de me ressourcer, sur la colline de Mazille, dans le Clunisois.

Cette rencontre est celle de l’association Démocratie et Spiritualité, présidée par Jean- Baptiste de Foucauld. Ce fut la révélation… la question démocratique prenait pour moi une dimension nouvelle : celle de l’exigence, de la transformation, du sens. En d‘autres termes, la démocratie-construction qui inspire l’écosystème démocratique mis en œuvre à Kingersheim fera appel à l’intériorité, au grandissement personnel et collectif ».

 

 Cet extrait du livre de Jo Spiegel à paraître prochainement (Nous avons de décidé de décider ensemble) veut témoigner de la force de l’intuition initiale de D&S dans la transformation du regard sur la politique, du rapport au pouvoir, du changement de pratiques.

La démocratie-construction invite à solliciter le meilleur de soi dans la co-construction du commun, dans la coproduction de l’intérêt général, dans l’émergence de l’intelligence collective. C’est le sens d‘une démocratie habitée, continue, édifiante et donc transformatrice.

Au moment où je tourne la page de mon engagement politique et au moment où les Français choisissent leurs équipes municipales (dans les conditions épouvantables de la pandémie du coronavirus) je peux partager des convictions qui ont mûri et grandi à l’aune de D&S. Partout où je peux témoigner de la transition démocratique, écologique et sociale, je plaide pour quelques-unes des considérations qui me paraissent dorénavant essentielles :

 

-          Le territoire, avant d’être un pouvoir à conquérir, doit être considéré comme un espace à transformer et plus encore comme un lieu « d’excellence humaine » (Hannah Arendt).

-          Il n’y a pas de transformation en profondeur sans transformation collective ET personnelle.

-          Il ne peut y avoir de Pacte écologique sans Pacte Civique qui invite au sens, à la sobriété, à la justice, à la Fraternité : « je fais, tu fais, nous faisons ». 

-          Il nous faut approfondir ce qui est de l’ordre du commun, de la limite, de la transcendance dans tout processus de décision.

-          C’est par l’humilité que nous sauverons le monde, ici et maintenant. Et cette humilité doit interroger d’abord le rapport au pouvoir.

Suis-je dans l’ego ou dans le service ? Suis-je dans Éros ou Thanatos ? Suis-je dans la pesanteur ou dans la grâce ? Est-ce que je suis les traces de Trump ou de Mandela ?......

-          Jamais à l’avenir le rôle de l’élu n’aura autant d’importance et jamais il lui sera tant nécessaire de le changer. Avant d’affirmer une sensibilité, il lui faudra tirer vers l’avant et vers le haut. Avant d’être décideur, il sera l’animateur du processus de décision. Autant que pourvoyeur d’équipements et de services publics, il sera un catalyseur du pouvoir d’agir citoyen …

 

Il s’agit là de quelques éléments d’un vrai retournement de sens et d’engagement, au service du « pouvoir de vivre » de tous !

Voilà pourquoi D&S doit continuer à inspirer, à semer, à provoquer.

Nous ne sommes pas nombreux. Notre force, nous la tirons de l‘audace. Elle est de l’ordre spirituel et donc politiquement contre-intuitive, profondément subversive, mais tellement essentielle.

 

Cette audace invite à la fois à résister à l’histoire telle qu’elle avance, à rêver un autre monde et à nous engager en vérité dans la radicalité du possible.

Face à la marchandisation des consciences, au consumérisme prégnant, au matérialisme dominant, aux inégalités insupportables, je ne suis pas loin de penser que la première des révoltes est intérieure et que la première des résistances est spirituelle.

Le partager est notre combat.

Jo Spiegel, Maire de Kingersheim

 

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Nouvelles exigences démocratiques

 

DOSSIER DU MOIS :

Les élections municipales

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Réunion conviviale du 21 janvier : Quels territoires pour la démocratie locale aujourd’hui avec

Philippe Estèbe, docteur en sciences politiques et en géographie, Directeur de l’Institut des hautes études de l’aménagement des territoires en Europe (depuis 2009). 

 Daniel Lenoir, vice-président de D&S, présente Philippe Estèbe, docteur en sciences politiques et en géographie, enseignant, chercheur, auteur notamment de Gouverner la ville mobile [1] et de L’égalité des territoires, une passion française [2].  Il développe par ailleurs une pratique de conseil auprès des élus locaux. Observateur de la vie des habitants dans leurs territoires, il a effectué un travail de recherche pour Terra Nova sur le pouvoir local.

 Bertrand Parcollet propose ensuite de partir du constat selon lequel :

• Nos découpages territoriaux politico-administratifs correspondent de moins en moins à nos cadres de vie et d’activité.

• Nous rangeons les personnes, les activités, les projets, et les électeurs bientôt, dans des cases et des frontières qui ne correspondent manifestement plus à leurs espaces de vie et d’entreprise, ni à des « devenirs communs » lisibles.

La prise de conscience de ce bouleversement n’est pas nouvelle. Depuis bien des années, des géographes, sociologues, politologues l’ont formulée. Sans aucun écho, y compris au moment des lois successives dites de décentralisation. La proche perspective des élections municipales lui rend une actualité.

Cette dissociation est préjudiciable à la démocratie comme à l’engagement citoyen :

• Préjudiciable à la justice démocratique dans la mesure où les niveaux de subsidiarité, auxquels se posent réellement les enjeux, ne répondent plus aux découpages administratifs et aux lieux de délibération. Ce qui interpelle les légitimités décisionnelles et représentatives.

• Préjudiciable aux conditions de l’engagement citoyen, en accentuant une distanciation entre la société civile et « le politique » et en dévalorisant la force de l’engagement politique et du bénévolat, essentiel à la démocratie locale, comme des ressources spirituelles qui peuvent les nourrir.

Cela appelle-t-il :

• Des réformes institutionnelles ?

• De nouveaux systèmes de redistributions (solidarités « horizontales », fiscalité) ?

• De nouvelles mobilités en réponse au déplacement des enjeux de la proximité et de l’accessibilité ?

• L’émergence de nouveaux espaces démocratiques complémentaires aux structures territoriales ?

Nous voudrions comprendre les causes et la généalogie de cette dissociation territoires/cadres de vie, en analyser les conséquences (qui, aujourd’hui, gouverne au plan local, qui délibère et qui est gouverné ?) et anticiper vers quelles nouvelles pratiques démocratiques nous tendons, nous interroger sur leur potentialité à s’étayer sur les ressources spirituelles de leurs acteurs.

Philippe Estèbe propose de prendre du recul, sortir du débat franco-français à l’instar de celui concernant le regroupement des régions où chacun y va de sa proposition qui, in fine, produit le millefeuille que l’on connaît ; il conseille de sortir du mécano institutionnel pour éclairer comment vivent les habitants dans leurs territoires. Son propos n’est pas de tenir un discours général mais de restituer son enquête.

Il part de l’hypothèse que chaque territoire (européen ou non) est le produit d’une histoire et qu’il est impossible de dire ce qui est le bon pouvoir local.

S’agissant de la France, ce qui est frappant, c’est le conservatisme de la carte administrative.

 

Depuis les années 80, la France empile des réformes locales mais reste un pays très conservateur alors que les pays voisins ont bouleversé leur carte territoriale en diminuant les juridictions de base de manière drastique. La "loi Marcellin" (juillet 1971) a commencé à organiser des regroupements et fusions de communes, le résultat n’est pas vraiment probant.

La loi du 16 décembre 2010, réforme des collectivités locales, a favorisé la création de « communes nouvelles », procédure destinée à remplacer la fusion de communes.

 

« L’égalité des territoires » fonde un quadrillage territorial dont les régimes successifs ont doté l’espace national. L’œuvre républicaine n’a délaissé aucun morceau du territoire national grâce aux mairies, écoles, bureaux de poste, gares de chemin de fer, gendarmeries, sous-préfets, conseillers généraux, sénateurs, maternités, perceptions, tribunaux – la liste des signes de la présence de l’État et de la nation dans les territoires est particulièrement longue. C’est une construction historique correspondant à des conditions sociales, économiques et géographiques spécifiques.

L’égalité des territoires, dans ses différentes composantes juridiques, politiques, économiques est l’équivalent de l’égalité des citoyens dans un monde sédentaire, relativement autarcique, dans lequel les grandes villes jouent un rôle mineur et où il est nécessaire de quadriller le pays pour s’en assurer la fidélité. En retour, cette superstructure a contribué à maintenir un ordre territorial spécifique qui distingue largement la France des pays voisins.

 Mais cette superstructure se trouve, depuis plusieurs décennies, confrontée à des séismes et des plissements qui voient s’affirmer les grandes villes, circuler les personnes, les biens et les informations, et se transformer profondément les visages de la « ruralité ». Ces transformations font apparaître, en retour, le coût et les conséquences du dispositif multiséculaire d’égalité des territoires – dispersion de la population et des équipements, isolement des collectivités territoriales, dépendance excessive à l’État, et surtout, conflit entre l’égalité des territoires et l’égalité des citoyens et des habitants ».[3] 

La carte du territoire se constitue en France au XIXème siècle, pays le plus peuplé d’Europe jusqu’au milieu du siècle. La France opère une transition démographique qui limite la progression de sa population de 30 à 40 M d’habitants alors que ses voisins européens (Italie, Allemagne, Angleterre) doublent leur population. Le pays se caractérise par sa grande stabilité démographique relative, pas de domination particulière des villes sur la campagne (à l’exception de Paris) ; pas d’exode rural. En Angleterre, 80 % de la population est déjà urbaine au début du siècle, en France cela n’arrive qu’un siècle plus tard. La population ne bouge pas, pas d’émigration comme en Irlande ou en Allemagne par exemple vers les États-Unis. L’industrie française n’est pas concentrée dans certaines régions comme c’est le cas dans d’autres pays (la Ruhr…). En fait, la France s’est organisée sur une base de sédentarité alors que les autres pays l’ont fait en tenant compte de la mobilité.

Karl Marx a clairement analysé, dans Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, cette société, issue de la Révolution française, de « paysans parcellaires » petits propriétaires ancrés sur leur petite terre, attentifs à la stabilité et à l’immobilisme.

Cela dure jusqu’aux années 1875/80, on parle alors du tournant républicain : La Loi Communale de 1884 est le fruit des débats et réflexions menés tout au long du XIXème siècle, et particulièrement sous le Second Empire. La loi vise avant tout à uniformiser le régime juridique des communes et à leur conférer une compétence commune. Elle pose les principes de l'organisation et des attributions des communes, ainsi que ceux de la tutelle préfectorale. Gambetta dit vouloir chausser les paysans avec les sabots de la République. Le Ministère de l’Agriculture est créé et constitue un état dans l’état, encore aujourd’hui, régulant l’économie, la recherche, l’aide sociale.

 

Quand les villes commencent à absorber les communes limitrophes, on passe à l’hyper proximité, à l’administration de la sédentarité, les communes rurales deviennent des sortes de copropriétés du sol (et sont administrées comme telles), assurance leur est donnée qu’elles ne tomberont pas sous domination urbaine. Si les grandes villes s’extraient des rapports de dépendance absolue à l’État, il n’en est pas de même pour le reste du territoire.

Cela crée des territoires peu viables (malgré des tentatives de mutualisation) parce que dépendantes de l’Etat pour les services techniques (services, transports, écoles, hôpitaux) et mène à la compétition entre les communes pour obtenir reconnaissance et subventions non pas au travers de groupes politiques mais de groupes de pression.

 

Cela a fonctionné jusqu’à la fin des années 1950-60. On assiste alors à un basculement brutal, les Français commencent à bouger rapidement - ce que les pays voisins ont fait sur un siècle. La population augmente mais la structure politique ne bouge pas et s’avère incapable de gérer les nouveaux territoires péri-urbains. Les villes de province comme Toulouse ou Nantes prennent de l’importance. Ce processus de métropolisation est une histoire récente qui surgit et vient déformer la carte territoriale et administrative. Le pays n’était pas préparé à ce changement, les habitants ont tendance à considérer les métropoles comme une obscénité qui dérange un mode de fonctionnement paisible. Un vrai clivage entre les espaces sous domination urbaine et ceux hors d’influence métropolitaine émerge. Le monde urbain devient dominant dans tous les domaines, politiquement et socialement.

 

Deux tendances se font face :

• L’une considère que la situation est menaçante et se place du côté des perdants, des personnes non mobiles, comme si l’urbanité ne concernait qu’une partie de la population. C’est stérilisant et conduit à une politique d’aménagement des territoires très éparpillée.

• Pour l’autre tendance, mobilité et urbanité constituent un fait qui produit des inégalités bouleversant la carte politique mais avec lequel il faut composer.

Cela interpelle la démocratie locale ainsi que les espaces de vie. Il y a clivage entre une administration très structurée et la mobilité des habitants, les usagers ne sont pas captifs de l’offre des services de proximité. La mobilité confère désormais à tout le monde une capacité de consumérisme territorial.

Seules 20 % des personnes habitant Montpellier y sont nés par exemple, c’est moins marqué dans le Pas de Calais.

 

L’administration doit revoir ses méthodes de travail : Élargissement des périmètres politiques, intercommunalité (non démocratique, semi-démocratique) ; les territoires débordent, les déplacements de plus de 100 km augmentent. Il n’est plus très clair qui gouverne qui, les gens travaillent en ville, habitent la campagne.

 

On assiste à la démocratisation de l’intercommunalité car cette vie multi-territoriale passe aussi par les réseaux : route, chemin de fer, traitement des eaux et des ordures ; les syndicats techniques assurent le substrat de la vie quotidienne dans une opacité absolue ce qui pose la question de la démocratisation des réseaux et de la participation citoyenne.

Ce changement radical rend la vie difficile aux Maires, confrontés à la démocratie participative, représentative, l’engagement des citoyens, les unions locales.

On assiste actuellement à un enchevêtrement des réseaux, un urbanisme de la grande distribution, chaque domaine industriel se fabrique son territoire.

L’État maintient sa pression (sans réussir) mais se retire en finançant des services techniques.

Face à ce millefeuille, la carte politique est bouleversée. L’intercommunalité, très difficile politiquement parlant, est une vraie transformation en germe.

 

Bertrand Parcollet ouvre le débat en revenant sur le défaut d’ajustement des découpages administratifs et des périmètres les mieux favorables à une démocratie locale.

Notre organisation territoriale reste donc l’héritage d’une société agricole et rurale qui n’est plus qu’une fiction politique. (90 % des Français n’ont plus aucun rapport avec le monde agricole et ne sont plus liés à une terre, l’espace rural est un espace urbain).

Ce constat peut conduire à juger que de profondes réformes institutionnelles sont inévitables, ce qui en France a été jusqu’à présent prudemment évité.

Mais à l’opposé, on peut estimer qu’il n’est pas réaliste de survaloriser la dimension politico-administrative sans considérer que dans le contexte d’aujourd’hui, au risque d’un déni de démocratie, ce sont d’abord les forces d’impulsion de la société civile qui portent les transformations. Cette alternative concerne aussi nos voisins européens.

Notre organisation territoriale reste aussi l’héritage d’un système redistributif vertical. La France est championne d’Europe en matière de redistribution – 1/3 du PIB ce qui contribue à réduire la pauvreté et les exclusions. Le financement des collectivités territoriales est assuré en grande partie par une redistribution des ressources nationales. Ce système lisse les fractures territoriales mais, en revanche, réduit les initiatives du champ local.

• N’y-a-t-il pas, de fait, une contradiction difficilement surmontable, entre justice fiscale et autonomie des collectivités territoriales ?

• Par ailleurs, une démocratie locale adaptée à la société et à l’économie d’aujourd’hui qui multiplient projets transversaux et en réseaux, n’appellerait-elle pas des modes de redistribution plus horizontaux ?

 

Pour Philippe Estèbe, la justice entre territoires, la solidarité horizontale est assurée en France par les entreprises de réseaux (par exemple : même coût d’électricité partout…). Ce n’est pas seulement du service mais aussi de l’entraide. Il y a ainsi solidarité entre espaces denses et moins denses, les villes sont perdantes dans ce système. Elles en prennent conscience progressivement !

La situation est très différente en Allemagne, État fédéral où les Länder disposent d’un pouvoir étendu, politique et juridique et où la redistribution se fait par péréquation.

La fiscalité locale reste archaïque en France. Aucun politique n’a pris le risque d’une réforme en profondeur et il semble que beaucoup ne l’attendent pas ! Les ressources des collectivités territoriales proviennent de moins en moins de la fiscalité locale, de plus en plus de reversements de la part de l’État. C’est vrai aussi dans les pays voisins et de fait, facteur d’égalité. Une commune avec son panier de service est un club. Ce dispositif est juste, non pas du point de vue de la justice distributive car il ne corrige pas les inégalités sociales, mais dans la mesure où il est d’une grande clarté. L’enjeu du gouvernement local n’est pas la redistribution, mais une juste allocation des ressources, en fonction des préférences des différents groupes sociaux, culturels ou professionnels.

L’expérience montre l’errance des réformes institutionnelles lourdes, du « mécano institutionnel ». Laisser s’organiser les différents périmètres des territoires réellement vécus fait naitre les consciences aux vivre ensemble. Agir sur des points-clé : élection au suffrage direct des présidents d’agglomération et de communes regroupées …  

 

Bertrand Parcollet s’interroge sur la question de l’engagement citoyen local et de ses conditions. Un jeune inspecteur des finances, David Djaïz, vient de publier un livre intitulé Slow démocratie. Ce titre incite à repenser la démocratie par rapport au temps. Ce qui paraît spécifiquement judicieux en matière de démocratie locale où la délibération devrait pouvoir plus facilement prendre son temps. Le citoyen démocrate au plan local, riche de relations de proximité avec les gens et avec les faits, peut plus facilement prendre le temps d’interroger sa conscience, de nourrir ses engagements à partir de la forme de spiritualité qui est la sienne.

En d’autres termes, l’engagement local permet-il une expérience particulièrement favorable à une fécondation réciproque entre attitude démocratique et ressources spirituelles ?

 

Philippe Estèbe analyse que l’engagement local aujourd’hui ne se fait pas au niveau politique. Sur ce point, si l’on raisonne « domicile / travail », il y aurait un espace d’engagement, un espace politique à réinvestir ou à investir : le syndicalisme. La partie territoriale de l’organisation syndicale (unions locales, départementales) est malheureusement évanescente par rapport au syndicalisme de branches professionnelles.

 

L’engagement local, dans le temps long, est une vraie question. L’exemple de Bologne en Italie mérite notre attention. Presque 400 000 habitants : une des villes les plus riches d’Italie, qui vote à gauche, a élaboré une « charte du commun » : Délibération, consultation, possibilité d’agir pour les citoyens et de coopérer directement avec les services techniques, mise à disposition des outils. Il y a là, peut-être, une tentative concrète de « slow démocratie ».

 

Gérard Moreau souhaite souligner, au-delà de l’intérêt remarquable de l’analyse qu’il vient d’entendre, les limites qui ont été fixées par l’intervenant lui-même de son champ, compte tenu de l’ampleur du sujet. En premier lieu, le découpage politique et territorial de la France a la profondeur de l’histoire même du pays depuis sa constitution progressive, du régime féodal à la monarchie de droit divin avant que le provincialisme des Parlements et surtout la Révolution de 1789 à la fois le bouleversent (le découpage des départements et le pouvoir central incarné localement par les préfets) tout en respectant un très grand nombre de « frontières » traditionnelles. De même, si l’exposé s’est centré à bon droit sur la question communale et intercommunale, on ne peut oublier que ce qu’on appelle parfois complaisamment le millefeuille est aussi une structuration démocratique : les conseils départementaux, les conseils régionaux, sans même évoquer la persistance des scrutins nationaux par circonscription locale, sont autant de voies d’expression démocratique. A rebours, les politiques d’aménagement local essaient des regroupements thématiques souvent plus fins, en bassins d’emploi, en « pays », en bassins pour la distribution de l’eau, etc… Il y a donc bien une dialectique complexe entre le quadrillage territorial du pouvoir de l’État (les arrondissements des sous-préfets interlocuteurs des maires ou des intercommunalités) et les différents élus locaux. Chacun tend évidemment à combiner les intérêts propres de son territoire et les exigences d’une solidarité collective, notamment au niveau national. Il en résulte une très forte tension entre le désir décentralisateur local et la tentation, au moins pour les plus petits, de se réfugier dans un pouvoir central. Autant de questions qui ne peuvent se régler par des modèles simples et linéaires ou des synthèses abruptes.

 

Monika Sander, Bertrand Parcollet, Laurence Vernant-Fabert, nouvelle adhérente D & S

 

 

Pour prolonger la réflexion :

Les ouvrages de Philippe Estébe

-          L’égalité des territoires, une passion française. (Puf, 2015)

-          Gouverner la ville mobile : intercommunalité et démocratie locale (Puf, 2008)

Ainsi que :

-          Pierre Veltz. La France des territoires, défis et promesses. (Editions de l’Aube, 2019)

-          Laurent Davezies. Le nouvel égoïsme territorial, le grand malaise des nations. (Le Seuil, 2015)

-          Laurent Davezies. La crise qui vient. La nouvelle fracture territoriale. (Le Seuil, 2012)

Par ailleurs, le Pacte civique propose un document intéressant concernant les élections municipales. Vous le trouverez sur leur site : https://pactecivique.wordpress.com/

 

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La dimension européenne oubliée des élections municipales avec l’Association « Sauvons l’Europe »

Créé en juin 2005 à la suite du rejet du traité constitutionnel européen en France et aux Pays-Bas, Sauvons l’Europe souhaite démontrer qu’une Europe démocratique et solidaire est une nécessité. Elle s’enracine dans un appel de Joël Roman et de Jean-Pierre Mignard publié en juillet 2005 dans le Nouvel Observateur. Cet appel a recueilli 5 000 signatures individuelles.

Parmi les premiers signataires, on trouve principalement des responsable politiques, syndicaux, associatifs, intellectuels de la gauche pro-européenne.

« Les 15 et 22 mars 2020, 48 millions d’électeurs dont 330 000 ressortissants d‘autres pays de l’UE, seront appelés aux urnes pour choisir celles et ceux qui géreront pendant six ans leur commune. Les élus municipaux sont les derniers élus à qui les Français accordent encore un peu de confiance. Probablement parce qu’ils s’occupent concrètement de la vie quotidienne de leurs administrés tout en restant proches et accessibles.

Dans le même temps, le projet européen, ses valeurs, ses atouts, n’ont jamais semblé aussi éloignés de nos concitoyens, si l’on en juge par le sondage Odoxa du 28 février 2020 : trois Français sur quatre n’espèrent rien de l’Europe ! Or, une partie importante des enjeux auxquels nous sommes d’ores-et-déjà confrontés au niveau local – enjeux climatiques, économiques, sanitaires, sécuritaires – ne pourront pas trouver de solutions sans des réponses européennes.

Il est donc impératif de redonner le « goût d’Europe » à nos concitoyens en démontrant la réalité quotidienne de la construction européenne et l’importance des enjeux qui se jouent à cet échelon.

Dans cette perspective, il faut, bien entendu déjà que l’Europe soit présente dans les médias pour qu’elle soit connue. C’était le sens de la campagne lancée par Sauvons l’Europe et d’autres acteurs de la société civile en 2014 « Plus d’Europe à la télé, c’est moins de populisme dans les urnes », relayée récemment par une tribune signée par de nombreux députés et des associations de soutien au projet européen.

Mais, en réalité, tout cela ne sera pas suffisant si les élus locaux ne portent pas quotidiennement les valeurs européennes. C’est cette conviction que porte la campagne pour une « Union européenne des territoires », qui a été lancée en 2018 par Sauvons l’Europe, et que soutiennent désormais près de 100 listes de tout l’arc euro progressiste et de l’ensemble de nos territoires (Paris, métropoles, villes moyennes, territoires ruraux). Ces listes ont souscrit à 7 engagements simples et concrets pour une « Union européenne des territoires » :

-nommer un élu en charge de partenariats européens

- favoriser l’intégration des citoyens européens sur leur territoire par la création d’un conseil des résidents européens

- donner une dimension européenne au quotidien des nouvelles générations par le soutien aux différents programmes d’échange

- créer ou aider une Maison de l’Europe

- assurer un partage d’expérience et d’information les apports concrets de l’Union européenne au sein de la commune, notamment en publiant un bilan annuel des projets cofinancés par l’Europe

 

- organiser des débats sur le futur de l’Union européenne, en particulier le 9 mai, lors de la Journée de l’Europe

 

- soutenir celles et ceux qui luttent,en Europe et au-delà, pour la démocratie, les droits de l’homme, le progrès social et la transition écologique.

 

Les 15 et 22 mars 2020, Sauvons l’Europe appelle les électrices et les électeurs à voter pour des listes qui s’engagent à faire de l’Europe une réalité concrète au niveau local. « 

 

Résonances spirituelles face aux défis contemporains

 

[1] Gouverner la ville mobile, intercommunalité et démocratie locale : PUF 2008.

[2] L’égalité des territoires, une passion française ; PUF 2015

[3] Philippe Estèbe : L’égalité des territoires, une passion française ; PUF 2015

 

 

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Résonances spirituelles face aux défis contemporains :


Les ressources spirituelles dans l’exercice des responsabilités

Notre engagement à D&S témoigne de l'hypothèse que démocratie et spiritualité ont partie liée. Spiritualité et démocratie sont dans une période de doutes et de bouleversements. Ce peut être une opportunité supplémentaire de les mettre en résonance en les invitant à se redéfinir. 

Dans cette perspective, l’un des groupes thématiques mis en place cette année s’intéresse à l’interface entre l’exercice de responsabilités et l’expérience d’une spiritualité. L'expérience du pouvoir peut-elle ou doit-elle faire référence à une expérience spirituelle ? Sur quelles ressources cette référence peut-elle se fonder, et sur quel entourage peut-elle s’étayer ? Peut-elle être appréhendée comme un facteur ou un garant de démocratie ?

Sans prétendre à une démarche scientifique dont nous n’avons pas les moyens, nous avons opté pour le principe de soumettre un questionnaire à des personnes ayant exercé un pouvoir ou une responsabilité dans des domaines divers (politique, administratif, économique, associatif…). Cette enquête pourrait être prolongée par une campagne d’entretiens. En fonction de la « moisson » qui pourra en résulter, nous disposerons d’une riche matière à réflexion.

Dans un premier temps nous avons choisi de « tester » ce questionnaire auprès des membres et sympathisants de D&S, lecteurs de le Lettre.

Vous êtes donc vivement invités à vous approprier ce questionnaire et à renvoyer vos réponses à Bertrand Parcollet (parcobert@gmail.com)

 1/ En quoi votre responsabilité représente-t-elle (a-t-elle représenté) une certaine forme de pouvoir ?

2/ Comment définiriez-vous ce pouvoir ?

3/ L'avez-vous souhaité, recherché ?

• Si oui, ce pouvoir correspond-il (a t’il correspondu) à la représentation que vous en aviez ? (En mieux ? / En moins bien ?)

• Si non, l'exercice de ce pouvoir est-il (a t’il été) éprouvant ? Stimulant ? (En quoi ?)

4/ Qu'est-ce que l'exercice de ce pouvoir vous apprend (vous a appris) sur vous-mêmes, et sur les autres ?

5 / En quoi votre représentation de la démocratie a-t-elle été modifiée par cet engagement ? En quoi a-t-elle évolué grâce ou à cause de cette expérience ?

6/ Si je vous dis : "spiritualité"...

• Que vous inspire ce terme ?

• Associez-vous plutôt la spiritualité à l’individuel ? Au collectif ? Aux deux ?

7/ Si je vous invite à considérer votre engagement du point de vue de la spiritualité, trouvez-vous cela :

• Pertinent 

• Indiscret 

• Déplacé

Pourquoi ?

• Si c'est pertinent :  à votre avis, la spiritualité est-elle une force ou une limite (ou les deux) dans votre engagement ? En quoi ?

8/ Pensez-vous que le principe de laïcité empêche de se référer à ses valeurs ? 

• Si oui, de quelle façon et à quoi le ressentez-vous ? (A partir d'une situation concrète récente)

• Si non, comment vous y prenez-vous ?

9/ Dans votre domaine d'expérience, existe-t-il (a t-il existé) des situations où les valeurs démocratiques et les valeurs spirituelles qui font référence pour vous, pourraient (pouvaient) entrer en conflit ? (Exemples)

10/ Dans votre domaine d'expérience, existe-t-il des situations où les valeurs démocratiques et les valeurs spirituelles qui font référence pour vous, pourraient entrer davantage en synergie ?

 

 

Invitation à « rester à la maison ».

 

Chronique de Bernard Ginisty du 20 mars 2020

Lundi dernier, dans une allocution solennelle adressée à la Nation, le Président de la République nous a informés que nous étions en guerre contre un virus en train de déstabiliser l’économie de la planète et de provoquer de plus en plus la mort de nos concitoyens. Qui aurait pensé, il y a seulement quelques années, à l’heure de la mondialisation triomphante abandonnée à l’intégrisme des marchés financiers, qu’un chef d’État inviterait ses concitoyens à oublier réunions futiles et consommations superflues au nom de ce qu’il appelait « l’essentiel » tandis que l’ensemble des partis politiques se retrouvaient dans une « union sacrée » pour nous supplier de « rester à la maison » afin d’éviter de contribuer à la prolifération de la pandémie ! A l’heure où j’écris ces lignes, je reçois sur mon téléphone portable ce message du « gouvernement français » : « Le président de la République a annoncé des règles strictes que vous devez impérativement respecter pour lutter contre la propagation du virus et sauver des vies. Les sorties sont autorisées avec attestation et uniquement pour votre travail, votre santé ou vos courses essentielles ». Faut-il que la situation soit grave pour qu’un chef d’État impose à son pays un règlement d’internat, de caserne, d’hôpital ou de couvent ne permettant de « sortir » que sur autorisation !

Comment ne pas penser au célèbre propos de Blaise Pascal sur le « divertissement » : « Quand je m’y suis mis quelquefois à considérer les diverses agitations des hommes et les périls et les peines où ils s’exposent dans la Cour, dans la guerre, d’où naissent tant de querelles, de passions, d’entreprises hardies et souvent mauvaises, etc., j’ai dit souvent que tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre. Un homme qui a assez de bien pour vivre, s’il savait demeurer chez soi avec plaisir, n’en sortirait pas pour aller sur la mer ou au siège d’une place. On n’achète une charge à l’armée si cher, que parce qu’on trouverait insupportable de ne bouger de la ville. Et on ne recherche les conversations et les divertissements des jeux que parce qu’on ne peut demeurer chez soi avec plaisir » (1).

Le spectacle des avenues désertes des grandes villes, des terrasses de café fermées, des visages masqués, de la fuite de tout contact corporel avec autrui est le fruit de cette « guerre » que nous impose un virus. Il ne s’agit pas d’une crise passagère, mais bien de quelque chose qui atteint nos modes de penser et de vivre avec lequel il nous faudra désormais compter. L’invitation à « rester à la maison » ne doit pas conduire à un repli apeuré mais à inventer une nouvelle façon d’habiter le monde.

Enfants, lorsque nous jouions aux gendarmes et aux voleurs, nous menacions nos camarades du fameux “La bourse ou la vie”, qui devait amener rapidement l’adversaire à choisir la vie, et donc à nous laisser sa bourse. C’est à la stratégie exactement inverse que nous ont invité depuis des lustres les grands prêtres de la finance mondialisée. Entre la bourse et la vie, ils ont choisi sans hésiter la bourse et l’incitation à la surconsommation et au gaspillage pour l’alimenter. Derrière le jargon scientifique économiste, il s’agit bien d’une question de choix entre les forces de vie et les dérives mortifères d'une société.

 

(1) Blaise PASCAL (1623-1662) : Pensée, B139, Divertissement

 

 

Aucun homme n’est une île, un tout, complet en soi ; tout homme est un fragment du continent, une partie de l’ensemble ; si la mer emporte une motte de terre, l’Europe en est amoindrie, comme si les flots avaient emporté un promontoire, le manoir de tes amis ou le tien ; la mort de tout homme me diminue, parce que j’appartiens au genre humain ; aussi n’envoie jamais demander pour qui sonne le glas : c’est pour toi qu’il sonne.

John Donne (1572-1631)

MEDITATION XVII- Devotions upon Emergent Occasions (1624).

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Que font nos partenaires ?

Les prochains « Dialogues en Humanité » auront lieu les 3, 4 et 5 juillet 2020 à Lyon, au Parc de la Tête d’Or.

Le 21/1/2020 réunion à Paris ; elle rassemblait les organisateurs, dont Geneviève Ancel (Co-fondatrice des Dialogues en Humanités à Lyon, qui se sont étendus à 15 villes dans le monde
chargée de mission sur l'accompagnement au changement au Grand Lyon, et membre de D&S) et Patrick Viveret (philosophe et écrivain), ainsi qu’une douzaine de représentants d’organisations partenaires, dont Élisabeth Javelaud, animatrice de l’atelier Sobriété du Pacte Civique.

Les trois « parcours » choisis pour 2020 sont intitulés :

• Pourquoi tisser une alliance pour le vivant ? Et élargir notre pouvoir citoyen.

• Comment construire notre sécurité affective ?

• Qu’en est-il de nos croyances ? De nos perceptions ?

Une idée innovante très intéressante est par ailleurs présentée par Patrick Viveret et discutée : les participants aux Dialogues en humanité, qui arriveraient avec un véritable « projet » en tête seraient aidés pour rencontrer d’autres organisations, avec lesquelles ils pourraient développer des complémentarités concrètes autour de leur projet. Cette idée est reprise du livre « Archipel » d’Édouard Glissant, philosophe antillais et poète qui a travaillé sur la complexité, et la mise en relation des acteurs.

Chaque organisation partenaire est invitée à faire part des ateliers qu’elle est prête à animer pendant ces trois jours. Régis Moreira a animé les années précédentes, au nom de Démocratie et Spiritualité, des ateliers sur la méthode de la « Boussole ». Les réponses sont à envoyer à Dialogues en Humanité en avril.

Michel Ray

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ECHOS

 Un nouveau groupe de D&S s’est créé à Nantes, sous l’impulsion de Marcel Lepetit, installé dans cette ville. Il travaille en liaison étroite avec le collectif local du Pacte civique, ce qui est original et permet de reconstituer sur le terrain un partenariat qui s’est quelque peu dilué au plan national, et que l’on essaie par ailleurs de remettre sur les rails.

Ce groupe de « paroles démocratiques et spirituelles » s’est créé à l’automne 2019 avec pour noyau le comité d’animation du Pacte civique 44. Auquel se sont jointes 4 autres personnes, non impliquées dans le Pacte, dont deux font plus de 30 à 50 km pour participer.  

Ce désir de participer à un groupe de paroles authentiques qui partent de soi et de son expérience de la vie dans le monde d’aujourd’hui, sur des thèmes choisis par consensus, répond à un besoin montant de partage de sens dans toutes les couches de la société. Nous avons voulu proposer ce lieu provisoire, éphémère, fragile, dans une France sécularisée, traversée par tant de préjugés, de violence et d’interdits de penser et de croire. Il a été décidé de se réunir une fois par trimestre. 

Le rituel de chaque groupe de paroles démocratiques et spirituelles (2h à 3h maximum) se déroule comme suit - 30’ : « Quoi de neuf dans notre vie démocratique et/ou spirituelle ? » / 1h à 1h30 : Tour de table sur le thème choisi / 30 à 45’ : Quelles suites ? Quand ? Sur quel thème ?

L’esprit de la rencontre est : Parole, Écoute et Silence. Il se fonde sur la distinction entre « discours » et « parole ». « Les discours proclament un savoir, la parole raconte un désir. Les discours affirment ce qu’ils ont trouvé, la parole dit ce qu’elle cherche – quand bien même elle ne saurait nommer l’objet de sa quête ». Marion Muller-Colard : L’autre Dieu (2014).

Les thèmes retenus ont été les suivants : 

-Septembre 2019 : « Qu’évoque pour nous le mot ‘Spiritualité’ ? » ;

 Janvier 2020 : « L’entraide », en écho au livre de Pablo Servigne et Gauthier Chapelle :   L’entraide, l’autre loi de la jungle (2017), qui faisait suite au livre de Pablo Servigne et Raphaël Stevens : Comment tout peut s’effondrer : petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes (2015) ;

-Mars 2020 : « Comment passer de l’entraide à la fraternité / versus la sororité laïque ?», où il sera fait écho à la soirée du Pacte civique sur la Fraternité avec l’intervention de Jean-Marc Sauvé.

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Notes de lecture

 

Thomas C. Durand : L’évolution, ça marche ! Petit manuel d’autodéfense darwinienne, éditions du Seuil, coll Science ouverte (2019)

David Djaïz : Slow démocratie, Allary édition (2019)

 

Jo Spiegel : Et si on prenait enfin les électeurs au sérieux, Temps Présent (2017)

 

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AGENDA

 

Conviviales

 La Conviviale du mardi 17 mars, animée par Etienne Godinot - La résolution non violente des conflits, s’est tenue par téléphone.

 

Une conviviale téléphonique sur la crise du coronavirus (vos réactions, préoccupations) vous est proposée jeudi 2 avril à 18h avec la possibilité ensuite de rejoindre un groupe de travail animé par Jean-Claude Devèze sur la préparation du monde que nous voulons après la crise.

Conviviale sur inscription : http://www.democratieetspiritualite.org/contactez-nous/

 

La Conviviale du mardi 21 avril, consacrée à la préparation de l’université d’été, se tiendra probablement par téléphone également.  

 

Celle du mardi 19 mai sera consacrée au thème des ressources spirituelles dans l’exercice des diverses responsabilités, à partir notamment du questionnaire présenté ci-dessus : rubrique Résonances spirituelles face aux défis contemporains. Elle sera animée par Bertrand Parcollet et Jean-Baptiste de Foucauld.

 

L'Assemblée Générale aura lieu en principe mardi 28 avril 2020 de 18h à 20h30 
dans les locaux de l’ODAS, 250 bis, Bd Saint Germain, métro Solferino ou selon une forme à déterminer. Merci de le noter dès à présent.

 

Université d'été du jeudi 27 août au 29 août 2020 matin au centre Jean Bosco à Lyon

le & de D&S, l’alliance de la démocratie et de la spiritualité face aux défis actuels.

Merci de noter cette date, le programme vous sera envoyé prochainement

 

Pour mémoire

Prochain bureau : vendredi 24 Avril 2020 à 18 h, au siège, 87 rue de l’Église, ou par conférence téléphonique

Prochain CA : mardi 9 juin 2020 à 18 h au siège, 87 rue de l’Église, 75015 Paris, si possible, ou par conférence téléphonique.

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L'Ours

Lettre D&S N° 169 Mars 2020

ISSN 2557-6364

Directeur de publication : Jean-Baptiste de Foucauld
Rédacteur en chef : Monika Sander
Comité de rédaction : Jean-Baptiste de Foucauld, Sébastien Doutreligne, Eliane Fremann, Daniel Lenoir, Régis Moreira
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