En-tête

Lettre n°143 - Février 2016

 

 Sommaire

L’agenda 

A signaler, prochainement :

• AG de D&S le jeidi 10 mars de 18h à 21H30

• Bouddhisme et Démocratie, conviviale du Lundi 21 mars de 19 à 21h - 19 h  - 21 h  

L’éditorial

• Préparer les échéances électorales pour redonner foi à et en notre pays

Nouvelles de l'association

 

Démocratie et spiritualité

• Les chemins de la sagesse, Jean-Marie Gourvil

• Les chemins de l’humanisation entre « La Pesanteur et la Grâce », Bernard Ginisty

Echos d'ailleurs

• Jean Birnbaum, Un silence religieux. La gauche face au djihadisme, JC Sommaire

• Suis-je vraiment le gardien de mon frère ?, JC Devèze

Informations diverses 

UN NOUVEAU SITE  

PLUS ATTRACTIF ET PLUS INTERACTIF DE D&S COMME CADEAU DE NOUVELLE ANNÉE 2016.

http://www.democratieetspiritualite.org/

 

C'est là que vous trouverez désormais toutes les informations concernant nos activités et toutes nos publications et réflexions. Il est en cours de mise au point et nous comptons sur vos suggestions pour continuer à l'améliorer.

 

 

Agenda

Soirées conviviales 

250 bis Boulevard Saint-Germain (75007) (digicode extérieur : 12A16 ; intérieur dans le hall: 62401 ; salle au premier étage)

• Lundi 21 mars de 19h à 21h :Le bouddhisme, avec  Jean-Luc Castel et Vincent Pilley, pratiquants de l’enseignement de Nichiren, moine bouddhiste du XIIIe siècle, au sein du mouvement laïc Soka. Quelles contributions de cette spiritualités à la démocratie?

• Lundi 11 avril de 19h à 21h Le Mouvement Emmaüs : quelle démocratie dans une association multiculturelle ?, avec Christophe Deltombe 

• Lundi 9 mai de 19h à 21h : Présentation par PPh Cord et discussion autour du livre de Jacques Juilliard "Le choc Simone Weill"

Méditations interspirituelles les  23 mars, 27 avril, 25 mai, 22 juin, de 18h15 à 19h15, au Forum 104, 104 rue de Vaugirard (75006)

Groupe "cheminements" : le 7 mars et le 26 avril de 16h30 à 18h30 dans la salle Gandon, 21 rue des Malmaisons, Paris, 75013.

Assemblée générale de D&S le jeudi 10 mars de 18h à 21h 30     21 rue des Malmaisons, Paris, 75013 Siége D&S.

Préparation Université d’été 2016 (26, 27, 28 août à Lyon) : le jeudi 10 mars de 16 h à18h   21 rue des Malmaisons, Paris, 75013. Son thème est « Intégration et diversité, un défi culturel et civique» Détails, inscriptions sur democratieetspiritualite.org

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L'éditorial

 

Préparer les échéances électorales pour redonner foi à et en notre pays



Les éléments d'inquiétude sur les évolutions de notre pays comme de l'Europe et du monde se multiplient ; face à une crise de civilisation qui s'aggrave, la France doit retrouver un cap pour se situer et agir dans un monde qui change très vite et proposer une vision permettant de rassembler les énergies constructives.

Nous pensons donc très important que D&S se mobilise à sa manière pour non seulement participer aux débats en cours, en particulier sur des sujets qui nous occupent actuellement comme intégration et diversité, évolution du paysage religieux et mise en œuvre d'une laïcité pacifiée, mais plus largement sur la façon dont la spiritualité peut être une ressource vive pour notre démocratie.

Un autre de nos apports peut être l'amélioration de la façon de débattre et de délibérer pour discerner les voies à proposer, ce qui exige de réapprofondir l'éthique du débat ; c'est pourquoi nous comptons prochainement proposer une formation à ce sujet et nous devons, dans chacune de nos réunions, veiller à sa mise en œuvre.

Ceux de D&S qui s'investissent dans le Pacte civique travaillent déjà à préparer les messages qui nous semblent importants pour faire de la politique autrement et pour retisser du lien social ; ceci conduit à chercher comment articuler une vision de l'avenir traduite en programme politique avec des processus démocratiques reposant sur des capacités citoyennes. Par ailleurs le Pacte civique appuie des démarches comme celles du Pouvoir citoyen en marche (nouvelle dénomination des Etats généraux du Pouvoir citoyen) ; ce dernier propose déjà à des mouvements et à des initiatives préparant des programmes pour 2017 de dégager des éléments de convergence et de clarifier les désaccords entre eux.

Toute la difficulté va être d'articuler des propositions opérationnelles qui permettent de créer du lien et de la fraternité sur le terrain avec des programmes politiques qui trouvent leur cohérence et leur crédibilité dans un projet porteur d'une vision qui redonne foi en la politique et en notre pays.

Le débat  pédagogique et ouvert que DS organise avec le Pacte civique le 8 mars au soir au Forum 104 sur la laïcité (voir ci-après Informations diverses) sera aussi pour nous un moyen d’affiner notre position sur un sujet difficile qui fait partie de notre réflexion sur le nouveau paysage religieux. Venez-y nombreux.  

                                                                                                        Le Bureau

Nouvelles de l'association

 

 Rappel : Université d'été de D&S à Lyon au centre Jean Bosco (Fourvière) les 26, 27 et 28 août

 

Soirée conviviale du 8 février avec Rachid Koraichi

 

Lors de la conviviale du 8 févier 2016, Rachid Koraichi, nous a visités. Soufi de la confrérie Tidjane, algérien,ses racines familiales remontent aux fondateurs de Médine. Né en 1947, il a vécu la violence de la guerre d’Algérie. Il ne nous a pas dit ce qu’était le soufisme, mais ce qu’était un Soufi. "Peut être, après ma mort, ils diront, il a suivi la Voie ".

Il produit des œuvres, généralement monumentales qui sont présentées dans tous les grands lieux d’exposition internationaux. Ses œuvres sont enracinées dans la mystique Soufi, nous pourrions dire, elles sont « signe et souffle de la mystique Soufi » ; «chaque homme renferme une parcelle de l’Esprit de Dieu » dit Tierno Bokar, un Soufi africain du 20ème siècle.

Il marche, et ne s’arrête que dans des lieux où faire. Ayant fait, il reprend sa marche. Il dit « Le temps a inventé ce que je suis », «Mon atelier est le monde, je travaille avec celui qui, depuis des générations, connaît, et ainsi je m’enrichis de cette connaissance. » De ce fait, ses Installations conjuguent des talents venus d’Europe et du Moyen Orient …. Beaucoup de ses œuvres sont des "Installations Éphémères " : « J’avais besoin d’imaginer de vraies configurations et installations où les éléments seraient liés les uns aux autres, comme les grains d’un chapelet et donneraient à voir, à sentir et à écouter ».

 

 Le Jardin d’ Orient, au Château Royal d’Amboise, a été conçu en hommage à l’Emir Abdelkader par Rachid Korachi ; il est composé de 25 stèles, taillées dans des blocs de pierres importés d’Alep (Syrie) et gravées d'hymnes à la paix et à la tolérance. Chaque stèle est surmontée d’une sculpture en bronze, l’ombre du soleil balaye la pierre. 

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Rachid Koraichi, Conviviale D&S, lire le compte rendu complet 

rédigé par : Paul Philippe CORD

Lire la suite.

 

 

 

Résonances spirituelles

 

La paix 

 

La seule façon d'apporter la paix au monde est d'apprendre soi-même à vivre en paix. 

Boudha 

 

Notre unique obligation morale, c'est de défricher en nous-mêmes de vastes clairières de paix 

Et les étendre de proche en proche jusqu'à que cette paix irradie les autres 

Etty Hillesum 

 

La miséricorde et la vérité se sont rencontrées; 

La justice et la paix se sont embrassées. 

La vérité jaillira de la terre et la justice brillera du haut des cieux. 

Psaume 85,11 

 

 

Démocratie et spiritualité



Les chemins de la sagesse

Jean-Marie Gourvil

 

Toutes les Religions comme toutes les Républiques souhaiteraient imposer à leurs ressortissants la « commune vertu » dont rêvaient Bossuet et le grand janséniste Pierre Nicole pour la France de Colbert.

La séparation de la Religion et de l’État ne corrige pas les volontés de puissance des Religions et des États, mais évite l'effroyable domination qu'engendre la collusion de la force légitime et de la pensée obligatoire. Les tentatives constantes de symbiose entre la Religion et l’État provoquent l'esprit de croisade interne ou externe, certains utilisent des autocars pour faire converger sur la capitale des masses de manifestants luttant pour ou contre des « lois pour tous », d'autres, plus guerriers et combien encore plus dangereux, montent leur artillerie sur des « pick-up » et partent à la conquête d'un territoire en imposant leurs lois à tous.

Cependant, en prenant distance avec les logiques césaro-papistes et utilitaristes des appareils des États et des religions, nous pourrions puiser dans les cavernes de sagesse de nos cultures et de nos religions les ressources pour mener le cheminement de nos vies, pour accoucher du sujet qui advient, pour fonder le vivre ensemble sur la reconnaissance de la variété des trésors de sagesses dont l'histoire nous fait les héritiers créatifs.

Parmi les trésors enfouis ou méconnus, attardons-nous ici, sur la conception traditionnelle de la vie philosophique comme ascension en trois étapes. De nombreuses traditions spirituelles1 évoquent trois étapes, elles les réduisent quelques fois à deux en les regroupant ou les divisent en une multitude de sous étapes. Chacune de ces traditions a recours à des images, des mythes, des symboles, une expression artistique spécifique et nous engage dans le chemin de notre accouchement comme sujet. Libre chemin qu'aucune institution ne peut programmer. Dès les premiers siècles de l'Antiquité tardive et jusqu'à l'orée de l'époque moderne se répand un vocabulaire présentant la vie comme chemin ou ascension; images et récits symboliques illustrent cet enseignement et rompent avec toute « commune vertu ».

Après l'enfance et la folle jeunesse, la première étape est présentée comme celle de l'ascèse, de la purification, de la pratique ; elle favorise une première paix intérieure. La seconde étape est celle de la lutte contre les ennemis visibles ou invisibles, intérieurs et extérieurs ; elle aboutit à la créativité, la gnose, la connaissance, l'illumination. La troisième étape, après la "ténèbre" conduisant au dépassement de la connaissance affective et intellectuelle, est celle de nouveaux détachements, du lâcher-prise, de la quiétude et du repos ; elle est celle de l'union à l'Un, de l'accouchement de soi, de la fin du moi et de l'accès à l'Universel.

Les commentaires bibliques tant juifs que chrétiens, les gloses des Pères de l’Église, les commentaires des textes d'Homère analysent avec une infinie patience toutes les subtilités de ces étapes, de ces combats existentiels et des réconciliations profondes. Les soufis reprendront les mêmes analyses en puisant dans leur symbolique propre. La conférence des oiseaux d'Al Attar rejoint les commentaires de Grégoire de Nysse dans La vie de Moïse.

Tous ces récits, ces commentaires et ces gloses ne sont pas identiques ; ils s'appuient sur la variété des cultures et des théologies qui les produisent. Tous cependant présentent la vie comme un chemin d'épreuves et de joies profondes, comme un chemin personnel, existentiel qui fonde la relation à l'autre parce que lui aussi mène le même chemin en puisant dans son langage propre. Dans cette sagesse, même le plus démuni, le plus misérable est, devant les épreuves qui l'assaillent, l'objet d'une compassion fraternelle. Grégoire de Nysse écrit en comparant nos vies à un voyage en mer: « Chacun de nous voyage sur une mer souvent déchaînée et tant qu'il n'est pas arrivé au port de la vie nul ne peut dire ''moi, je ne sombrerai pas! ''»

Les chemins de la sagesse ont toujours posé problème aux appareils de normalisation (la Cité, l' Église, l’État). Ils sont l'objet des discours des philosophes, des prophètes, jamais ceux des rois, les prêtres restant dans l'hésitation.

Il serait coupable de renvoyer cet héritage, cette sagesse si diversifiée et si humaine dans la sphère de l'intime, de penser qu'il conviendrait de ne pas la partager, d'en préserver nos enfants qui doivent rester en dehors de toute influence pernicieuse et qu'il faudrait absolument éviter de la mettre sur la place publique. Les rois et les prêtres auraient gagné, les poètes, les philosophes et les prophètes auraient été vaincus.

1 Alexandrie fut sans doute la ville où s'est forgée une grande partie de la sagesse dont nous sommes en Occident, les héritiers. S'y croisèrent les héritages grec, juif, romain, chrétien, peut-être même indien. Le monde arabe et musulman n'ignorait pas la sagesse d'Alexandrie.

 

Les chemins de l’humanisation entre « La Pesanteur et la Grâce ».

Chronique de Bernard Ginisty du 11 février 2016

 

Depuis quelques semaines, la presse se fait l’écho de querelles d’intellectuels en essayant, comme à son habitude, d’enrégimenter tel ou tel dans des catégories de « gauche ou de droite », « de fasciste ou de libéral ». Le rapport des intellectuels avec l’action sociale et politique est une constante de l’histoire de notre République pour le meilleur et pour le pire.

Le petit livre de Jacques Julliard sur Simone Weil, militante, philosophe, mystique, insoumise absolue, guerrière sans concession de la liberté de l’esprit, effrayante par son exigence de radicalité qui la conduira au plus grand dénuement et à une mort précoce, en 1943, à 34 ans me paraît donner de la hauteur à ce débat. Il ne s’agit pas de proposer un modèle accompli d’intellectuel. Pour Julliard, « Ce qui fait de Simone Weil une intellectuelle d’exception, et dans un siècle où ils pullulent, l’une des rares à se montrer digne de ce nom, c’est la combinaison à chacun des moments de son existence du travail professionnel – au lycée ou à l’usine – de l’activité militante et politique, du travail intellectuel proprement dit, qui est gigantesque, et de l’expérience mystique » (1). 

Simone Weil s’est toujours dressée de toutes ses forces contre le mensonge de tant d’intellectuels politiques qui prétendaient créer une classe ouvrière libre, mais « n’avaient sans doute jamais mis le pied dans une usine et par suite n’avait la plus faible idée des conditions réelles qui déterminent la servitude ». Dès lors, cette agrégée de philosophie, au nom de sa conception de la vérité, voudra s’exposer aussi bien dans la vie de manœuvre en usine, que plus tard en s’engageant aux côtés des républicains espagnols pendant la guerre civile et dans les combats de la France libre.

Albert Camus, qui publia en 1949 un de ses ouvrages, L’Enracinement dans une collection qu’il dirigeait chez Gallimard, parlait d’elle comme du « seul grand esprit de notre temps ». Lorsque paraît La Condition ouvrière inspirée par son expérience de travail en usine, il écrit « Le plus grand, le plus noble livre qui ait paru depuis la Libération s’appelle la Condition Ouvrière de Simone Weil » (2).

Dans son combat contre l’oppression, Simone Veil dénonce l’argent et la force, mais aussi ce qu’elle appelle « la fonction » qui conduit au phénomène bureaucratique et ne cesse d’affecter l’État, les syndicats, les partis et l’organisation du travail. C’est aussi l’héritage bureaucratique romain repris par l’Église Catholique qui la conduit à rester au seuil de cette Église : « Il y a un obstacle absolument infranchissable à l’incarnation du christianisme. C’est l’usage des deux petits mots anathema sit (…) Le ressort du totalitarisme, c’est l’usage de ces deux petits mots : anathema sit » (3).

A la fin de son ouvrage, Jacques Julliard écrit : « Simone Weil n’est pas quelqu’un qui puisse servir de modèle, sous peine d’échec, voire de ridicule. Il y a purement et uniquement Simone Weil, sa personne, sa vie son œuvre. Il ne saurait y a avoir de « weilisme »(4). Son message fondamental consiste à nous aider à utiliser nos facultés dans notre chemin spirituel pour qu’elles ne fassent pas obstacle à la radicalité de la grâce : « L’intelligence n’a rien à trouver, elle a à déblayer (…) L’imagination travaille continuellement à boucher toutes les fissures par où passerait la grâce » (5). On ne saurait trop insister sur cette ascèse de l’intelligence qui nous rende disponible et ne se laisse pas, par peur du vide, endormir par des consolations imaginaires.


1 Jacques JULLIARD : Le choc Simone Weil, éditions Flammarion, collection Café Voltaire, 2014, pages 31-32

2 Albert CAMUS : Chronique dans L’Express du 13 décembre 1955

3 Simone WEIL : Lettre IV : autobiographie spirituelle in Attente de Dieu, Le livre de poche, 1963, pages 55 et 61. L’expression anathema sit (qu’il soit anathème) est utilisée par les églises chrétiennes pour condamner, exclure et persécuter ceux qu’elles jugent hérétiques.

4 Jacques JULLIARD : op.cit. page 125. Simone Weil reste un signe de contradiction pour les intellectuels. A ce sujet, Julliard publie dans son texte un échange intéressant de correspondance (pages 87-90) avec son ami, l’écrivain Jean Bastaire disparu en 2013.

5 Simone WEIL : La pesanteur et la grâce, éditions Plon, 1988, pages 21 et 25 

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Échos d'ailleurs

Cette rubrique se propose de se faire l’écho d’articles de presse, de livres ou d’autres formes d’expression (cinéma, théâtre, conférence) qui évoquent les liens et les tensions entre démocratie, spiritualité, culture, religion, politique. Nous vous invitons à l’alimenter de vos propres découvertes.

 

 

Jean Birnbaum, Un silence religieux. La gauche face au djihadisme

Jean-Claude Sommaire

 

Ce livre, qui devrait particulièrement intéresser les membres et les sympathisants de Démocratie et Spiritualité, part, selon l’auteur, du déni dramatique dont la gauche française ferait preuve vis-à-vis de l’intégrisme islamiste en refusant d’en voir la dimension religieuse. A l’appui de son raisonnement, il cite les réactions du Président de la République et de beaucoup de commentateurs progressistes, s’évertuant à affirmer, après les attentats de Janvier 2015, puis après ceux du 13 novembre, que ces actes horribles n’avaient rien à voir avec l’Islam.

« Les djihadistes avaient beau se réclamer du djihad, leurs actions ne devaient en aucun cas être reliées à quelque passion religieuse que ce fut » écrit Jean Birnbaum qui rappelle les qualificatifs qui ont été utilisés pour écarter la moindre référence à la foi : barbares, monstres sanguinaires, personnalités fragiles, gamins des cités qui ont mal tourné, panne de notre modèle d’intégration, enfants d’internet et des jeux vidéo, etc. Toutes les explications, toutes les causalités possibles, ont été envisagées sauf une : la religion.

« Il ne s’agit bien évidemment pas de nier que le djihadisme ait des causes géopolitiques ou socio-économiques » observe Jean Birnbaum mais, à ignorer sans cesse sa dimension proprement religieuse, on passe à côté de sa singularité. Pour lui, une violence qui s’exerce au nom de Dieu n’est pas n’importe quelle violence. Au regard de l’histoire récente, il ajoute : « Qu’elle ait fustigé la religion, qu’elle ait été tentée de l’instrumentaliser ou qu’elle ait fait comme si de rien n’était, la gauche a, le plus souvent, refusé de prendre le fait spirituel au sérieux ».

Ne se limitant pas à fustiger les ravages que ce déni produit actuellement, il en explore les racines et les prémisses à travers plusieurs chapitres de son livre. Celui qu’il consacre à la guerre d’Algérie est, sans aucun doute, le plus captivant, notamment pour ceux qui ont milité, à l’époque, en faveur de l’indépendance algérienne. La dimension musulmane, largement occultée du côté français dans l’histoire de cette guerre, a été le « point aveugle de l’engagement anticolonialiste ». A ce sujet il rappelle des propos sans ambiguïté de Ben Bella concernant les desseins que le FLN poursuivait dans ce domaine.

Ce « rien-à-voirisme » a aussi pour effet d’occulter la guerre qui ravage l’islam de l’intérieur et de prendre à revers ceux des musulmans qui se battent courageusement pour un islam des lumières. En effet, ces nouveaux penseurs de l’islam, comme Rachid Benzine qui va participer à notre prochaine université d’été, sont bien conscients, eux, que les attaques menées au nom de l’islam aux quatre coins du monde ont quelque chose à voir avec le devenir de leur religion. Pour eux, Daech fait partie de la famille même s’il en est un élément dévoyé.

L’auteur consacre aussi des chapitres à l’Iran et à l’expérience de Michel Foucault, au traitement par Karl Marx de la question religieuse ou encore aux dérives de l’extrême gauche avec le fameux épisode de la candidate voilée du NPA aux régionales de 2010. Il raconte notamment comment les militants du NPA ont vu, quelques années après, certains de leurs anciens « camarades » investis dans la lutte contre la théorie du genre et le mariage homosexuel.

 Le livre de Jean Birnbaum peut susciter de sérieuses interrogations quand il tend à comparer les jeunes djihadistes occidentaux, rejoignant aujourd’hui  la Syrie, aux volontaires venus défendre l’Espagne républicaine peu avant la seconde guerre mondiale, mais il constitue sans aucun doute une interpellation salutaire. Comment comprendre, en effet, que le djihadisme soit aujourd’hui la seule cause pour laquelle un grand nombre de jeunes Européens sont prêts à aller mourir loin de chez eux ? Et comment admettre aussi qu’une partie significative d’entre eux soient des convertis n’appartenant pas à des milieux défavorisés ?

NB Je recommande aussi de voir, sur le site des Bernardins, la vidéo retransmettant le débat du 26 janvier de Jean Birnbaum avec Marcel Gauchet, Fehti Ben Slama et le père Mathieu Rougé (coût de 6 E pour voir vidéo).

Suis-je vraiment le gardien de mon frère ?

Note de lecture de JC Devèze de l’article Jean-Philippe Pierron publié dans Etudes (février 2016)

Au moment où nous sommes nombreux à vibrer ensemble à la suite des attentats de 2015, nous sentant frères et sœurs, Jean-Philippe Pierron se demande pourquoi il y a une fraternité qui ouvre aux autres et une fraternité qui se construit dans l’appartenance à un clan qui rejette ceux qui n’en font pas partie. Comment passer d’une fraternité qui ligue à une fraternité qui lie ?

La fraternité est hantée par la figure du fratricide, par l’ombre du soupçon que chacun est le Caïn de son frère. « En famille, l’insociable socialité se manifeste terriblement, qu’elle se fasse infanticide, matricide, parricide, fratricide, ne cessant de refuser des liens qui aliènent, exigeant des liens qui libèrent ». La fraternité s’épanouit dans des processus temporels rendant la différence  compatible avec la similitude.

Compte tenu des va-et-vient entre religions et politique, l’auteur, s’interrogeant sur le rôle de la fraternité dans une communauté, appelle à la bienveillance pour ne pas tomber dans la surveillance ; il prône la reconnaissance mutuelle qui revisite le sens d’un lien fraternel ouvert au grand air, non réductible au lien de l’amitié comme au lien politique abstrait. Pour lui, « la fraternité est une expérience festive de la coopération sociale » qui a été attaquée le 13 novembre 2015. Il explicite ainsi sa conception politique : « Une société suppose certes l’explicitation d’un contrat social, mais également le partage éprouvé d’un pacte fraternel (…). La sécurité sociale, les solidarités technoscientifiques des services des eaux, les mutuelles, les services dits services sociaux, etc., tous, dans leur langue même, traduisent une forme de fraternité». Cette fraternité est indispensable pour affronter « les périls de la dilution sociale dans les excès de l’individualisme et de l’atomisation consumériste, leur opposant une pensée de la société non en terme d’échanges, mais de don : la coopération sociale. »

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Informations diverses

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Le 8 mars, au Forum 104 (104 rue de Vaugirard, 75006), de 19H30 à 21H30, le Pacte civique vous invite à une soirée sur « Les nouveaux défis de la laïcité » , avec : 

 Radia Bakkouch, présidente de l'association Coexister

Jean-Baptiste de Foucauld, coordinateur du Pacte civique

Philippe d’Iribarne, directeur de recherche au CNRS

Didier Leschi, ancien chef du bureau des cultes au ministère de l'intérieur, coauteur avec Régis Debray de « La laïcité au quotidien » 

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Les 18 et 19 mars, au Palais de la Femme( 96 rue de Charonne, 75011 Paris) auront lieu les rencontres du séminaire pour la promotion de l’intervention sociale communautaire. 

Cette année les rencontres ont pour titre : « Communautés, territoires : construire des dynamiques citoyennes. » Lors de ces deux journées, 9 sites et 9 démarches pour développer du commun seront présentés et mis en débat. Et si la capacité de s’organiser des femmes et des hommes, là où ils vivent, était la réponse?

BULLETIN D’INSCRIPTION à renvoyer
PLAQUETTE-PROGRAMME

 

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En liaison avec La Traversée, D&S co-organise deux rencontres-débats au Forum 104:

- Le 18 mai en fin d’après-midi, sur le thème « Violence, spiritualité et religion », avec Élisabeth Leblanc, Jean-Marie Gourvil et Jean-Baptiste de Foucauld  ;

- Le 8 juin en fin d’après-midi au Forum 104, sur le thème « La bonté humaine », avec Jacques Lecomte.