En-tête

Lettre n°148- Septembre 2016

 

 Sommaire

L’agenda 

 

L’éditorial

   La France et l’Europe face à une crise existentielle

Nouvelles de l'association

   Université d’été

   Un atelier « votre boussole » à " dialogues en humanité"

   Conseils de lecture

Résonances spirituelles

   La religion de l’amour

   Vouloir aimer, c’est aimer

Démocratie et spiritualité

   En conclusion de notre Université d’été 2016 sur « diversité et intégration »

Échos d'ailleurs

   Chrétien et moderne, un livre de Philippe d'Iribarne (2016, Gallimard)

   Soigner l’esprit, guérir la terre Introduction à l’écopsychologie, un livre de Michel Maxime Egger (2015, Labor et Fides)

   Ecopsychologie pratique et rituels pour la terre, retrouver un lien vivant avec la nature . Joanna Macy et Molly Young Brown (2008, Le soufflé d’or)

Témoignages

   L’accueil des Marqus, réfugiés irakiens

 

Informations diverses 

NOTRE SITE  

http://www.democratieetspiritualite.org/

C'est là que vous trouverez désormais toutes les informations concernant nos activités et toutes nos publications et réflexions. Nous comptons sur vos suggestions pour continuer à l'améliorer. 

Agenda

 

Les soirées conviviales au 250 bis Boulevard Saint-Germain (75007) (digicode extérieur : 25B01 ; intérieur dans le hall: 62401 ; salle au premier étage)

• Le mardi 18 octobre, de 19H à 21H : une réunion conviviale sur un sujet d’actualité

• Le lundi 7 novembre,  de 19H à 21H : une réunion conviviale en mémoire de Christian Saint-Sernin. Beaucoup d’entre nous ont connu et aimé Christian, membre actif de Démocratie et Spiritualité. Cette soirée, suivie d’un pot à 21h nous permettra de partager autour de son livre « J’existe nom de Dieu » paru récemment. Elle rassemblera des membres de sa famille, des amis de D&S, de Vie Nouvelle, de l’ACO (Action Catholique Ouvrière), d’ATD Quart Monde, des Éditions de l’Atelier, de l’Université, de l’EHESS et d’anciens collègues. 

Méditations interspirituelles les mercredi 28 septembre, 26 octobre, 30 novembre, 25 janvier de 18h15 à 19h15, auForum 104, 104 rue de Vaugirard (75006)

Conseil d'administration de D&S le mercredi 5 octobre à 17H dans les locaux du Pacte civique, au 250 bis Boulevard Saint-Germain (75007) (digicode extérieur : 25B01 ; intérieur dans le hall: 62401 ; salle au premier étage)

Groupe "cheminements" le mardi 8 novembre à 16h30, salle Gandon au 21 rue des Malmaisons (75013)

Formation 2016 : le samedi 3 décembre 2016, une journée consacrée à L'éthique du débat dans les locaux du Pacte civique, au 250 bis Boulevard Saint-Germain (75007) (digicode extérieur : 25B01 ; intérieur dans le hall: 62401 ; salle au premier étage) 

Groupe "D&S de Grenoble" mercredi 9 novembre à 18h à la maison des associations (6 rue Berthe de Boissieux à Grenoble) : partage spirituel laïque autour de thème: "Parmi mes boussoles, quelle est celle qui m'aide à promouvoir la démocratie".

L’éditorial

 

La France et l’Europe face à une crise existentielle

Jean-Claude Junker a rappelé le 15 septembre au parlement européen à Strasbourg que « notre union traverse une crise existentielle ». Le début de nos campagnes électorales en France pour 2017 peut conduire à un constat analogue : on manque de perspectives partagées pour rassembler les énergies d’une France qui aimerait continuer à affirmer son génie propre dans nos territoires, en Europe et dans le monde.

Nos responsables politiques au pouvoir en France et en Europe semblent plus préoccupés de garder leur pouvoir en veillant à stabiliser la situation et à assurer notre sécurité qu’à prendre les risques d’inventer le monde de demain avec les citoyens. La montée des populismes et du terrorisme comme la perte de confiance dans le politique, en lien avec le délitement démocratique, vont nous obliger à affronter notre crise existentielle.

Une première option est celle des « faiseux » qui, suivant l’exemple d’Alexandre Jardin, croient qu’il suffit de rassembler les bonnes volontés sur le terrain pour changer la donne. On retrouve la même intuition dans des mouvements citoyens qui croient à l’appropriation et à l’implication citoyenne dans nos collectivités locales, mais aussi au niveau de la Commission Européenne qui veut endiguer la fragmentation de notre continent en relançant des projets concrets.

Partout dans le monde émergent des mouvements citoyens qui remettent en cause les pouvoirs en place comme les impérialismes financiers et économiques. Actuellement ils restent très divers, certains plus locaux et d’autres plus altermondialistes, certains réformistes et d’autres révolutionnaires, certains ouverts et d’autres sectaires, etc. Il n’en reste pas moins que les mouvements citoyens innovants, s’appuyant sur des réseaux interactifs constituent un socle indispensable pour réussir la mutation démocratique que les responsables politiques en place sont incapables de promouvoir. Leur approche de la démocratie prend-elle suffisamment en compte les institutions ? Comment concilient-t-ils aspirations multiples et rassemblement autour d’un projet commun ? Quelle conception de la spiritualité veulent-ils intégrer dans leur action afin de dépasser les querelles d’egos ? Voilà trois questions qui leur sont posées.

La seconde option est la suivante : notre crise existentielle ne pourra être surmontée que si nous affrontons les mutations en cours en conduisant à la fois transformations personnelles, collectives et politiques pour édifier une société plus civique. C’est l’objet de la démarche du Pacte civique qui prépare un livre sur notre « Mutation démocratique » et lance des « petits déjeuners de la fraternité en actes » pour concrétiser son action et favoriser la reliance. Au sein de nos sociétés, toutes les énergies sont requises pour réussir notre mutation démocratique, et en premier lieu celles des citoyens qui partout se mettent au service de la construction d’un monde à visage humain. En France, il s’agit de dépasser les querelles entre tribus gauloises pour réunir nos pouvoirs d’agir. Au sein de l’Europe, l’enjeu est d’aider les Etats membres de l’Union à être souverains ensemble pour promouvoir le bien commun en bâtissant de nouveaux compromis (plus de sécurité assurée aux pays de l’Est contre plus de solidarité vis-à-vis des pays du sud ?).

Heureusement, face à ces défis, des prises de conscience se multiplient, des bonnes volontés agissent, des mouvements citoyens se relient, etc. Notre Université d’été à Lyon fin août sur «Diversité et intégration, un défi culturel et civique », sujet d’actualité s’il en est, nous a permis, avec nos amis lyonnais, de mieux mesurer l’ampleur du défi sur le terrain et d’approfondir nos réflexions pour penser, agir, vivre autrement en société et en démocratie.

 Nous avons plus que jamais besoin de toutes nos forces spirituelles pour trouver l'énergie créatrice nécessaire. Ainsi nous prendrons le risque d'affirmer nos convictions, nous reconnaîtrons mieux l'autre dans sa  différence, nous innoverons en équipe et nous réussirons à nous rassembler autour de nos visions partagées.

Le bureau

 

Nouvelles de l'association

Université d’été

L'Université d’été 2016 de D&S a rassemblé près de cinquante personnes les 26, 27, 28 août à Lyon. Le thème retenu Diversité et intégration a été jugé très bien choisi compte tenu à la fois de l’actualité et de son importance pour agir mieux dans la durée. Il donnera lieu à la diffusion d’un compte rendu de nos travaux en fin d’année 2016.

Un atelier « votre boussole » à " dialogues en humanité"

Annie Gourdel et Régis Moreira ont animé un atelier "votre boussole" le samedi 2 juillet 2016 à 14h au cours des " dialogues en humanité" au parc de la tête d'or à Lyon,. D&S était présent parmi les 50 "ateliers du sensible et de formation du discernement" ; notre espace se situait entre " les chants de guérison chamaniques" et "le yoga du rire". Raymonde, Sophie, Elisabeth, Frédérique ont accepté d'y participer et de dessiner leur boussole avec leurs points cardinaux, ces personnes ont livré un peu d'elle-même, en confiance, dans une très bonne écoute. Cet exercice a révélé de profondes souffrances. Une personne a exprimé : "la spiritualité aide à mourir, afin de mourir vivante". Toutes aspirent à la paix et à une relation à autrui dans l'écoute réciproque.

 

Conseils de lecture

Chaque année, D&S propose deux lectures communes à nos membres, ce qui conduit la plupart du temps à une réunion d'échanges autour des livres choisis (la dernière fut sur le livre de J Julliard « Le choc Simone Weil »). Notre dernier conseil d'administration a proposé des lectures d'été qui devraient nous permettre de sélectionner deux nouveaux livres :

DIEU PAR LA FACE NORD, Hervé CLERC. Albin Michel, 2016

SOUVENIRS. Alexis de Tocqueville, Folio, 1999

AU NOM DU PÈRE ET DES FILS, Tania Heidsieck. Guershon, 2016

DIEU EN QUETE DE L'HOMME, Abraham Joshua Heschel. Seuil

UN SILENCE RELIGIEUX. LA GAUCHE FACE AU DJIHADISME, Jean Birnbaum, Seuil, 2016

LE MARIAGE INTERIEUR : EN ORIENT ET EN OCCIDENT, Dr Jacques Vigne, Albin Michel

TRAITES ET SERMONS, Maître Eckhart. Flammarion. 1999

CHRETIEN ET MODERNE, Philippe d’Iribarne. Gallimard, 2016 (voir ci-après note de lecture)

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Résonances spirituelles

 

La religion de l’amour

Texte lu par Marie- Josée Jauze le 27 aout après midi à l’Université d’été de D&S

« Mon cœur est devenu capable de toutes les formes,

Prairie pour les gazelles,

Couvent pour les moines chrétiens,

Temple pour les idoles,

Et Kaaba du pèlerin,

Tables de la Thora

Et Livre du Coran.

Je professe la religion de l’Amour

Et quelque direction que prenne sa monture

L’Amour est ma religion et ma foi. »

 

                                                         Muhyi ud-Din Ibn ul-‘Arabi

 

 

Vouloir aimer, c’est aimer

Méditation proposée le dimanche matin 28 août à l’Université d’été de D&S

« Quand on peut souffrir et aimer, on peut beaucoup, on peut le plus qu’on puisse dans le monde : on sent qu’on souffre, on ne sent pas toujours qu’on aime, et c’est une grande souffrance de plus ! Mais on sait qu’on voudrait aimer, et vouloir aimer, c’est déjà aimer. »Charles de Foucauld

  Démocratie et spiritualité

En conclusion de notre Université d’été 2016 sur « diversité et intégration »

Jean-Baptiste de Foucauld

Dans une première partie de son exposé, JBF a rappelé la façon dont nous avons posé le problème durant l’université d’été : l’intégration de la diversité ne va pas de soi, car la diversité s’intensifie et va s’intensifier encore ; la diversité s’amplifie compte tenu de l’ampleur des migrations qui affectent le monde, l’Europe et la France ; au niveau national, on n’a ni pris à bras le corps la lutte contre le chômage et l’exclusion qui ont à long terme des effets pervers considérables, ni joué le jeu de la mixité sociale et intergénérationnelle, ni surmonté les tiraillements croissants d’une mise en œuvre d’une laïcité trop souvent instrumentalisée par des idéologues ou des manipulateurs dans des logiques de conquête de pouvoir.

 Face à une telle situation, que peut apporter D&S ?

 1-Une vision de la démocratie

Il s’agit de traiter les problèmes liés à l’intégration en apprenant à se faire confiance et en luttant contre la pollution des faux débats. Les conflits d’objets à traiter ne doivent pas devenir des conflits de personnes ; l’exigence de parler vrai et juste doit d’abord conduire à rechercher l’emploi des bons mots et des justes dénominations ; la lutte contre les idées reçues exige de s’informer et de comprendre avant de juger. D’où l’importance de remettre en question nos identités convictionnelles, de respecter l’éthique de la discussion, de construire des désaccords féconds, etc.

Par ailleurs il s’agit de veiller à donner la parole aux personnes concernées, par exemple aux jeunes non  étudiants qui sont très peu représentés aujourd’hui. Cette écoute de l’autre différent est à l’essence de la démocratie conçue comme une valeur spirituelle.

 2-Une vision de la spiritualité

Un équilibre entre l’intériorité (la foi) et l’extériorité (les pratiques) est nécessaire. Quand notre comportement extérieur est devenu un but en soi et que notre vie intérieure n’est pas en correspondance avec nos comportements, cela ne marche pas ! La spiritualité est d’abord un problème intérieur, ce qui compte étant le cœur, la voie intérieure. Il est donc important donc de réfléchir à nos pratiques quotidiennes où nous réunissons unité et diversité ; c’est le cas du culte où le riche côtoie le pauvre (cf intervention de Jean-Marie Petitclerc) et où, normalement, l’extériorité (la liturgie) intensifie l’intériorité, et ou l’intériorité (la ferveur) densifie l’extériorité.

Cette dialectique intériorité-extériorité est un moyen pour lutter contre le radicalisme fermé. Elle doit conduire à l’ouverture aux autres spiritualités comme le propose l’association Coexister en permettant la confrontation constructive entre diverses spiritualités juxtaposées. Ceci doit aussi permettre d’approfondir la notion de radicalité elle-même: ce n’est pas toujours un mal, comme le montre l’exemple de la sainteté,  qui est d’abord exigence par rapport à soi-même ; la radicalité de Simone Weil est tolérante et compréhensive.

Il faut faire passer l’idée que les démocraties ont besoin de forces morales et spirituelles

 3-Une vision de la liaison entre démocratie et spiritualité qui peut enrichir la pratique de la laïcité 

Entre démocratie et spiritualité, il s’agit bien d’unir sans confondre, de bien distinguer sans séparer. Sachant que Politique et Religion forment une sorte de couple infernal, qui ne peut ni se séparer complétement, ni fusionner. Et qui est en risque d’instrumentalisation permanente, tantôt quand une religion utilise le pouvoir politique à ses seules propres fins, négligeant celles et ceux qui ne pensent pas comme elle (l’interdiction de l’alcool en Iran par exemple ne rend pas les gens plus sobres), tantôt quand le politique récupère le religieux pour asseoir sa domination et son pouvoir. Chaque religion devrait admettre ce que la démocratie lui a apporté.

Ceci doit nous conduire à approfondir nos travaux sur la place des spiritualités et religions dans la sphère publique et à travailler sur les manières de vivre la laïcité (voir par exemple le livre « Les 7 laïcités françaises » de Jean Bauberot). Au Pacte civique, nous avons exploré trois scénarios pour notre pays :

• une laïcité renforcée, là où elle donne plutôt l’avantage aux religions installées, notamment le catholicisme depuis longtemps par rapport à l’islam ;

• une laïcité qui continue à être gérée de manière empirique grâce à la jurisprudence du conseil d’Etat et du Conseil constitutionnel, le recours à une nouvelle loi étant  actionnée seulement si cela apparaît indispensable ;

• un pacte avec l’islam pour résoudre les problèmes. Il s’agirait de conclure avec l’islam une sorte édit de Nantes pour préciser dire ce qui est permis et ce qui ne l’est pas ; cela permettrait de sortir du ressentiment de nombreux musulmans qui se sentent harcelés et surtout de mieux s’organiser pour travailler ensemble dans la durée à trouver la juste place de l’Islam. Ce pacte pourrait reposer sur trois piliers: 1) Demander aux musulmans, sur une base volontaire de ne pas afficher des signes extérieurs « excessifs » (le ramadan n’a jamais posé de problème), de promouvoir des formes plus intérieures d’expression, et ainsi de faire un effort en faveur de la promotion de la paix civile. 2) En contrepartie, il serait normal d’étudier la façon de financer les lieux de culte pour que le droit au culte soit respecté, sans intervention extérieure, avec, pourquoi pas, un agrément des imams par l’Etat (comme c’est le cas pour les évêques). 3)  Par contre, deux points ne sont pas négociables : l’égalité hommes-femmes et la liberté de conscience (possibilité d’apostasie). Cela suppose de disposer de moyens juridiques  pour lutter contre toute pression communautaire visant à obliger des personnes majeures à faire état de signes religieux extérieurs contre leur volonté, et, par exemple d’examiner si la loi sur le harcèlement moral en entreprise peut être appliquée dans le domaine de la religion. Ce type d’approche, basée sur une liberté de choix juridiquement préservée, paraît préférable à une nouvelle législation sur les signes extérieurs, à la fois complexe, mal vécue et source d’effets pervers importants.

 Comment D&S pourrait aborder la campagne électorale pour la présidentielle de 2017 ?

 Une première proposition porte sur une contribution à récit fondateur renouvelé prenant en compte la diversité des apports culturels ; De Gaulle était l’expression d’un récit fondateur, à la fois ancré dans le passé et tourné vers l’avenir. Nous pourrions poursuivre avec Christian Delorme cette réflexion à laquelle il nous a invitée.

Une seconde proposition porte sur notre association au Pacte civique pour proposer aux candidats de lancer un débat sur la fraternité. La fraternité est le point de départ de notre socle commun. Il faut l’appliquer à l’immigration et au droit d’asile. Comment la fraternité est-elle née chez nous ? En quoi est-elle un droit ? Un devoir ? Comme dit Régis Debray, la fraternité, « c’est la vieille cousine fondue dans le décor et que personne n’invite à danser ».

Une troisième proposition : valoriser les bonnes volontés pour l’accueil des migrants, ce que le gouvernement ne met pas assez en avant.

L’important sera aussi de trouver des synergies avec le Pacte civique qui publiera chez Chronique sociale en décembre son livre pour les élections : « Réussir notre  mutation démocratique ».

Échos d'ailleurs

 Cette rubrique se propose de se faire l’écho d’articles de presse, de livres ou d’autres formes d’expression (cinéma, théâtre, conférence) qui évoquent les liens et les tensions entre démocratie, spiritualité, culture, religion, politique. Nous vous invitons à l’alimenter de vos propres découvertes.

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Chrétien et moderne, un livre de Philippe d'Iribarne (2016, Gallimard)

Jean-Claude Devèze

 Philippe d'Iribarne pose la question de la place et du rôle du christianisme dans notre société (post)moderne où prédomine une approche reposant sur une émancipation individuelle qui permettrait d'agir en toute liberté au-delà des frontières des cultures et des religions.

Se posant donc la question de la possibilité pour la modernité de dépasser nos cultures et nos religions, il nous invite à un double travail de discernement sur les failles d’une part d’un projet moderne qui, habité de fantasmes de toute puissance, n'a pas débouché sur un monde meilleur, d’autre part sur les infidélités des chrétiens à l'essentiel de leur foi.

Par rapport au projet moderne, l’auteur s’en prend surtout à ceux qui se veulent les penseurs d’une modernité toute puissante, jetant l’anathème sur tout ce qui ne leur semble pas politiquement correct et respectueux des dogmes et des tabous de leurs croyances républicaines. Il leur reproche de ne pas se demander pourquoi « les idéaux modernes ont tant de mal à prendre corps dans une bonne partie du monde » ; sa réponse à cette question est que ces penseurs en restent à l’idéal d’une société nouvelle dont la « mise en œuvre ne présuppose aucun prérequis concernant la culture ou la religion de ceux qu’il s’agit de faire vivre ensemble », car ils privilégient une conception abstraite de l’homme.

Quant aux chrétiens, ils ont un travail critique à faire sur eux-mêmes et sur les « enseignements du magistère, des dogmes, en faisant là aussi la part de ce en quoi ils ouvrent au message du Christ et ce en quoi, constructions humaines marquées par une époque, une culture, un désir de certitude, ils sont plutôt un obstacle à l'accès de ce message. »

Étudiant la rencontre entre le christianisme et les libertés démocratiques, l’auteur se félicite des possibilités offertes par la foi pour penser librement et participer à « construire un ordre plus humain. » sans que la société se déchire et sans que les pauvres soient oubliés, voire stigmatisés par le reproche de ne pas accomplir l’idéal d’un homme radicalement autonome. Les chrétiens peuvent venir au secours de la modernité en manifestant par leur manière de vivre qu’il n’y a pas de corps politique sans corps social et donc sans incarnation d’une fraternité vécue à travers des rencontres réelles avec des personnes concrètes.

L’auteur préconise d’évoquer les sujets qui fâchent avec les autres religions : « Une démarche de vérité intégrant une critique fraternelle réciproque fournirait une forme de dialogue plus féconde qu’une lâche complaisance. » En conclusion, les héritiers des Lumières comme les chrétiens sont invités à s’interpeller et à s’épauler pour la promotion du bien commun.

A l’issue d’une lecture stimulante, mais pas toujours aisée, un regret : celui que l’auteur n’ait pas plus clarifié l’articulation entre la dimension personnelle et la dimension collective de nos idées, de nos convictions et de nos spiritualités. Il aborde ce sujet quand il rappelle que le défi à relever est de vivre fraternellement avec des êtres de chair et de sang, culturellement et socialement situés, en plongeant «dans la complexité des rapports entre le fonctionnement social et l'être intérieur des membres de la société. »

 

Soigner l’esprit, guérir la terre Introduction à l’écopsychologie, un livre de Michel Maxime Egger (2015, Labor et Fides)

Marie-José Jauze

 L’écopsychologie, mouvement qui s’est développé dans le monde anglo-saxon et qui a des racines dans le siècle dernier, s’est cristallisé principalement dans les années 90 aux USA. Transdisciplinaire, inspiré par les traditions premières, ce mouvement cherche à répondre à la crise écologique, sociétale, globale qui est aussi une crise de la pensée.

A travers le questionnement de nombreux penseurs anglophones, l’auteur étudie les attitudes adoptées jusque-là : déni de la réalité de nos atteintes à notre écosystème dans la mesure où le monde occidental s’est coupé de son substrat naturel. Ainsi son mode de vie hors sol s’est répandu dans toutes les grandes villes de la planète, ce qui crée une dissociation intérieure au niveau des personnes, un clivage généralisé entre intellect et cœur, raison et émotions. Il s’agit de se protéger de notre peur quant à l’avenir de la terre et de ses habitants, de notre culpabilité et notre impuissance par rapport à l’ampleur des problèmes. L’auteur questionne le fonctionnement de notre société, globalement pathologique du fait de cette déconnection par rapport à la nature, dans le toujours plus et le toujours plus vite.

Un chapitre est consacré à « l’écopsychopathologie ». Dans sa quête héroïque et linéaire de progrès et de croissance la civilisation industrielle a agi comme si nous pouvions nous couper de la toile de la vie et ignorer la nature cyclique des systèmes de la terre. D’où autisme et amnésie. Nos sociétés qui valorisent les comportements égocentrés ont tendance à fabriquer des adultes immatures et narcissiques dépourvus des qualités de réciprocité, d’humilité et de service d’autrui requises pour une manière authentique d’habiter la terre.

Un autre chapitre est dédié aux origines de la dissociation et à ses conséquences : nature désenchantée, oppression de la femme et du féminin, dualisme, rationalisme, scission conscient-inconscient, addiction à la consommation et à la technologie entraînant un impact écologique majeur, besoins limités, mais désirs illimités, donc frustrations… Il nous faut donc changer de paradigme.

L’écopsychologie perçoit la terre comme un organisme vivant. Parmi les divers courants en son sein, l’ouverture au sacré est plus ou moins présente, mais, pour tous, il s’agit de retrouver la juste place de l’humain dans le cosmos dans une vision longue du temps. Bien sûr, il y a des liens profonds entre cette vision du monde et les traditions, les sagesses, les poètes. L’auteur étudie les différents courants et les nouvelles approches écothérapeutiques et l’importance du chamanisme. Il propose des pistes de changements en matière éducative, médicale, sociale et politique y compris internationale.

Ouvrage très complet d’un auteur qui s’est formé lui-même à cette nouvelle discipline et propose des stages de sensibilisation très intéressants.

Ecopsychologie pratique et rituels pour la terre, retrouver un lien vivant avec la nature . Joanna Macy et Molly Young Brown (2008, Le soufflé d’or)

Marie-José Jauze

 L’objectif des auteures est de nous offrir leurs réflexions et propositions pour changer de cap afin que notre société choisisse la vie et donc un monde qui soutient la vie : construire une société soutenable qui satisfait à ses besoins sans compromettre les perspectives des générations futures.

Elles s’appuient à la fois sur la théorie des systèmes, l’approche Gaïa, les spiritualités, la théologie de la libération, le bouddhisme « engagé », les traditions chamaniques, l’écoféminisme, les mouvements décroissants.  Elles proposent « le travail qui relie ».

Joanna Macy, pionnière en écopsychologie, fait des conférences et organisent des stages de sensibilisation depuis plus de 20 ans dans le monde entier. Ses stages fournissent aux participants l’occasion de vivre leurs réactions les plus intimes en l’état actuel de notre monde et de les partager avec d’autres ; cela leur permet de recadrer leur douleur pour le monde comme une preuve de leur interdépendance dans la toile de la vie et donc de leur pouvoir à participer à sa guérison.

Les stages apportent d’une part des concepts –issus de la systémique, de l‘écologie profonde ou des traditions spirituelles – qui éclairent ce pouvoir d’autoguérison, d’autre part des exercices qui révèlent son fonctionnement dans leur propre vie, enfin des méthodes qui permettent de faire l’expérience de leur interdépendance et de leur responsabilité à l’égard des générations passées et futures et des autres formes de vie et de l’inspiration qu’ils peuvent en retirer. Il s’agit pour les participants d’adopter ce changement de cap comme un défi qu’ils sont tout à fait capables de relever de diverses façons et comme un privilège qui peut leur apporter de la joie. Ceci doit les conduire à se soutenir mutuellement afin de clarifier leurs intentions et d’affirmer leur engagement dans la guérison de la planète.

Ouvrage riche de pensée et d’expériences proposées.  

PS Notre ami Bernard Templier poursuit ses lectures et ses « études » pour approfondir les liens entre sciences et spiritualité ; Après Albert Einstein et Michel Morange, il a étudié Teilhard de Chardin et l’astrobiologie, s’appuyant sur les auteurs des Cercles Teilhardiens et sur le livre de François  Euvé, « Pour une spiritualité du cosmos, Teilhard  de Chardin (2015,  Salvator). Pour Teilhard, le salut concerne l’ensemble des créatures et non pas la seule humanité.

Témoignage

L’accueil des Marqus, réfugiés irakiens

Jeanne et Pierre Barthe

Plus nous suivions l’actualité au Moyen Orient, plus nous ressentions notre impuissance, et plus nous envisagions de faire quelque chose pour apporter une note de solidarité et d’espérance dans le chaos des guerres et des indifférences. Nous avons eu alors l’idée de proposer à des réfugiés le petit appartement que nous réservons habituellement à nos enfants, nos petits-enfants et nos amis, en trouvant une famille dont la taille correspondrait à celle de notre appartement, soit deux adultes et deux enfants. C’est le cas d’Ashour et Aleena Marqus qui ont un fils de trois ans et attendent le second. Ils ont dû fuir une ville proche de Mossoul car on leur donnait le choix entre la conversion à l’Islam et la mort.

Comment cet accueil s’est-il passé ? Les préliminaires ont été essentiels : ne pas agir seuls et d’abord contacter Habitat et Humanisme Provence (HHP), dont Pierre est bénévole, avec qui une convention a été signée. Nous louons l’appartement, meublé, à un très faible loyer à Habitat et Humanisme Provence qui le sous-loue à la famille Marqus. Ce loyer est encaissé en tant que don à HHP. Les ressources des Marqus sont les suivantes : le RSA (Revenu de Solidarité Active), l’APL (Aide Personnalisée au Logement) et les Allocations familiales, soit, environ 1100 € par mois.

De son côté, HHP était en relation avec l’Eglise Assyro-chaldéenne Notre Dame de Chaldée de Marseille qui avait accueilli 70 familles de réfugiés envoyés par son homologue d’Erbil. L’Eglise chaldéenne, à la suite de l’accord signé en 1994 par le Pape Jean Paul 2 et le Patriarche Assyrien est reconnue par le Vatican et membre du Conseil des Eglises du Moyen Orient. C’est dans ce cadre que nous avons rencontré, en compagnie d’une assistante sociale bénévole, la famille que nous accueillons.

Les Marqus sont arrivés en France depuis huit mois et ont d’abord été logés, très nombreux, dans un appartement loué par des membres de leur famille déjà installés à Marseille. Ils ont commencé à apprendre le français avec l’OFII (Office Français de l’Immigration et de l’Intégration) et ont un diplôme du premier niveau. Depuis leur arrivée chez nous, le 1er avril,  nous leur donnons des cours de français à raison de deux fois deux heures par semaine. Ils commencent à se débrouiller pour des démarches élémentaires, mais nous les accompagnons pour l’inscription à l’école de Linard, leur fils de trois ans, le renouvellement de leur contrat RSA, les abonnements à l’électricité, à l’eau, la prise en charge pour l’accouchement d’Aleena et diverses formalités administratives et tâchons de susciter des conversations avec nos relations francophones. Une très bonne pratique du français est un objectif prioritaire pour qu’Ashour trouve du travail dans sa spécialité. En Irak, il enseignait les mathématiques en collège.

Ashour, très souriant, expansif, joue beaucoup avec son fils et travaille assidûment le français. Aleena, plus réservée, comprend mieux le français qu’elle ne le parle. Tous les deux sont très sympathiques.

Durant le premier mois, nous avons fait appel à des traducteurs : un de leurs cousins habitant Marseille depuis longtemps, une irakienne du collectif du Pacte Civique à Marseille, et nous nous sommes débrouillés avec l’anglais qu’ils connaissent un peu. Leur gentillesse et leurs qualités personnelles contribuent grandement à la qualité de notre relation qui n’est pas dépourvue de rires complices.

En septembre, quand ils auront acquis plus d’aisance en français nous demanderons à nos amis de les rencontrer pour diversifier et enrichir leur pratique du français et leur intégration.

Cet accueil, qui demande du temps et de la disponibilité, nous apporte de la  richesse humaine et des connaissances sur les fêtes traditionnelles chaldéennes et les caractéristiques de leur langue, l’araméen, et de l’arabeCliquez ici pour ajouter un titre ou du texte.

Informations diverses

 

 

 

•  Présentation le jeudi 29 septembre à 20H au Forum 104 (rue de Vaugirard, 75006) par Abdenour Bidar de son livre « Les tisserands » (2016, Les liens qui libèrent)

• Les petits déjeuners de la Fraternité en Actes : le Pacte civique organise des présentations d’initiatives concrètes portées par des membres du Pacte civique afin d’aider à diffuser les idées, les méthodes et le savoir-faire de ses associations adhérentes dans un esprit d’entraide, d’échange de partenariat et de fraternité. Le premier petit déjeuner se tiendra le 7 octobre, autour d’Unis-Cité : « comment développer le service civique dans davantage d’associations».

• La Traversée, avec l’appui de D&S et du Pacte civique, organise une table ronde avec Elizabeth Leblanc, Jean-Baptiste de Foucauld, Jean-Marie Gourvil sur le thème :

La fraternité confrontée à la violence : un appel à l’intériorité et à la spiritualité 

Mercredi 12 octobre 2016 à 19h30 à la Communauté de St Leu au 92 rue Saint-Denis (75001) 

• Voici le lien vers le numéro de la revue Sources comprenant un dossier de 15 pages sur « le monde de l'après croissance », numéro contenant un entretien avec JB de Foucauld « Renforcer l’homme intérieur en régulant mieux le temps » et un autre avec P Viveret « Faites de la fraternité ».  http://www.sources-vivre-relie.org/revue-sources-actuellement-en-kiosque.aspx

• Reprise des émissions de notre amie Elizabeth Lamour « Tout en nuances » sur RCF Isère (103.7, chaque lundi à 8 h 35 et 11 h 10). Pour l’année 2016/2017, et après trois années passées avec la couleur bleue, un an et demi avec le rouge et quelques mois avec le rose. Elle propose de découvrir une nouvelle couleur : ce sera le vert. L’ensemble des émissions est présenté sur ce site à la rubrique autour de l’icône/émissions de radio.

https://iconeslamour.wordpress.com/2016/08/27/bleuintensementlemissiondu29aout/

• Notre ami Farid Righi est coauteur, avec Abdellatif Chaouite et Bahija Ferhat, du livre « Expérience interculturelle dans l’intervention sociale. Essai sur l’invisible des minorités visibles. » (2016, L’Harmattan).

• A noter aussi le projet I Love Therefore I Am  de deux amies d’Olivier Maurel, Marine et Leslie : 4 documentaires sur l’amour, ses différentes dimensions, dans les divers continents. Leur campagne : https://www.indiegogo.com/projects/i-love-therefore-i-am-series#/. Si vous avez des idées/contacts à partager avec elles: ilovethereforeiam.world@gmail.com

• Le CEDEC (Chrétiens pour une Eglise Dégagée de l'Ecole Confessionnelle), depuis longtemps investi dans la défense de la laïcité, est heureux de vous faire connaître la publication dans la collection "Débats laïques" (Editions de l'Harmattan) de "Citoyens d'abord, croyants peut-être, laïques toujours". L'ouvrage regroupe les Actes d'un colloque tenu sur ce thème quelques heures après les attentats du 13 novembe 2015 et divers textes pour défendre la laïcité lors d'événements récents.

• ATD quart monde invite le 17 octobre à agir tous dans la dignité et refuser la misère. Cette année, le thème retenu est « cultivons nos liens, partageons nos cultures ».

http://refuserlamisere.org/oct17/2016/fr