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Convergence des sciences et avenir de l’humanité

Conférence donnée le 29 Octobre 2013 à l’ODAS

Depuis la Haute Antiquité, les hommes cherchent à comprendre ce qu’ils sont réellement au sein d’un Monde exploré par leurs sens.
« Connais- toi toi-même » est la base de la réflexion philosophique.
Place de l’Homme dans l’Univers, compréhension du vivant, émergence de la conscience, capacités cognitives et pouvoir de création sont les principaux chapitres de l’aventure de cette techno-science dans un processus évolutif toujours plus accéléré.
Mais qu’allons -nous faire de ces nouveaux pouvoirs ?
Prolonger indéfiniment notre existence individuelle ?
Fabriquer un Homme Nouveau ? Avec quelles caractéristiques ? Sera-t-il doté de spiritualité ?

Place de l’homme dans l’univers

Cette question taraude les humains depuis l’émergence des grandes civilisations, sinon avant.
La contemplation du ciel persuade l’homme qu’il est au centre des mondes.
Si le monde sublunaire était souvent le siège de phénomènes aléatoires (à commencer par les dérèglements des passions humaines), le monde supra-lunaire subjuguait par sa régularité
Le terme de cosmos désigne en grec à la fois l’ordre et le monde. De là à conférer aux astres des attributs divins et de déduire des comportements éthiques de maîtrise de soi et de sérénité à l’image de ce cosmos. Astronomie et philosophie étaient une même discipline.
Dans les siècles suivants , l’influence des religions révélées a chassé le divin des astres pour en faire cependant, par leur contemplation, une approche de la perfection du Dieu Créateur.
Dès la Renaissance, Galilée et Copernic ont chassé l’Homme de sa place centrale. Darwin relativise sa singularité, mais le place cependant à la pointe de l’évolution.
A l’aube du XX siècle, Einstein conjugue espace et temps, matière et énergie, alors que la théorie Quantique introduit des principes d’incertitude et, surtout, une autre vision de la réalité et du principe de causalité.

La période contemporaine est caractérisée par une convergence des sciences de la matière et de l’astronomie grâce à des outils d’expérimentation et d’observations de plus en plus performants inventés par des techniciens : accélérateurs de particules, satellites d’observation, capacités de calcul de milliards de données, etc.
L’accroissement de nos connaissances est vertigineux : Notre univers connu a 100 M d’années- lumière de diamètre, il a 13,8 M d’années et compte 10.000 M de M d’étoiles (le soleil est une étoile moyenne de 3 éme génération de 4,55 M d’années).
Cet univers est en expansion accélérée, mais on parle d’autres univers possibles (les multivers) et d’autres mondes dotés d’autres dimensions que celles de l’espace-temps.

Les étoiles et le corps humain sont formés de la même matière : 3 familles de 4 fermions + 12 bosons de jauge ; mais, cette matière visible ne représente que 4,8 % de l’univers contre 25,8 % de matière noire et 69,4 % d’énergie sombre de nature encore indéterminée.

PanoramiqueRéduit à une poussière minuscule dans cette immensité, que vient faire l’Homme ?
Refusant un matérialisme réducteur et loin d’êtres accablés par une angoisse métaphysique, nombre de scientifiques sont enthousiasmés par cette explosion des connaissances, et certains explorant les notions d’infini et de temps redeviennent sensibles aux interrogations métaphysiques (« La méditation du temps est la tache préliminaire à toute métaphysique »  G.Bachelard ). Ce qui fait dire ce mois ci à Michel Spiro, ex Président du Conseil du CERN : « Nous sommes armés pour aller bien au-delà de ce qui nous a sélectionné, au-delà du « à quoi ça sert ? » C’est une caractéristique de l’être humain à laquelle je suis très attaché : explorer jusqu’où nous avons la capacité d’appréhender le monde ».

Nota : La science physique actuelle, malgré ses immenses progrès, est toujours confrontée à la synthèse de ses 2 principales théories validées par de nombreuses expériences :

  • L’infiniment grand est régis par la Relativité Générale et sa théorie de la Gravitation
  • L’infiniment petit répond mieux à la théorie des Quantas qui n’intègre pas encore la gravitation.

L’homme est placé au centre de ces 2 infinis. Mais, une autre forme de connaissance me fait dire ( à titre tout à fait personnel) : « L’homme n’est pas forcément grave quand il chante un cantique ».

Compréhension du vivant

Le vivant est caractérisé, en particulier, par sa capacité d’auto-organisation, mais aussi par ses facultés d’innovation.
Apparu sur la Terre il y a environ 2 Milliards d’années, une longue évolution l’a conduit aux organismes actuels toujours plus complexes. A titre d’exemple, l’Homo Sapiens traverse le temps par un renouvellement constant de la majorité de ses cellules (plusieurs dizaines de M chaque jours combinant morts programmées et nouvelles naissances).
De même, notre corps renferme 100.000 milliards de bactéries autonomes qui agissent en symbiose avec notre organisme.
Étonnant ! Ce renouvellement préserve notre identité : la composition de notre ADN, véritable signature, est riche de 2 milliards de paires de base. Elle n’est connue par séquençage qu’au prix du traitement de 10.000 milliards d’informations.
Mais ces gènes, acquis dés notre conception, ne sont pas seuls à diriger l’évolution de notre personne. L’épigénétique montre que nous continuons d’évoluer en fonction de notre environnement physique et culturel.
Si la biologie cellulaire a été la discipline reine jusqu’à la fin des années 90, la prépondérance est assurée maintenant par les neurosciences. Une centaine de milliers de chercheurs dans le monde rattachent directement leurs travaux au système nerveux et en particulier au cerveau. Nul doute que dans dix ou vingt ans, ce domaine de nos connaissances sera largement enrichi.
Notre espèce colonise maintenant la Planète à grande vitesse : nous étions 5,5 milliards en 1992, nous sommes désormais 8 milliards en 2013. Si l’Europe, l’Amérique du Nord et la Chine maîtrisent leur expansion démographique, nous serons cependant 10 milliards en 2050, en particulier grâce à l’Afrique qui passera de 1,1 M à 2,4 M

Parmi les acquis de la convergence des sciences, il apparaît que les lois de la « Nature » sont éternelles. Aussi loin que l’on observe dans l’espace, aussi tôt que l’on recule dans le temps, les mêmes lois s’imposent aux atomes, aux cellules vivantes, aux étoiles et aux galaxies. En 1970, Jacques Monod publiait son ouvrage : « Le Hasard et la Nécessité » (citation de Démocrite) et il affirmait : « La matière n’est pas grosse de la vie, la vie n’est pas grosse de l’homme. » Cette affirmation est fortement remise en cause par la connaissance toujours plus précise des lois de la « Nature ». Si ces lois avaient été un tant soit peu différentes, la vie ne serait jamais apparue sur Terre.

Citons de façon non exhaustive :

  • la création des éléments lourds, dont le Carbone, dans la phase de création des galaxies ;
  • l’égalité de température, de 4 à 100 degrés, pour l’existence de l’eau liquide. Donc une planète située sur une orbite quasi circulaire à bonne distance d’un astre dispensateur d’énergie et mu par un moteur nucléaire constant
  • l’attraction terrestre parfaitement ajustée pour conserver une atmosphère gazeuse et une couche d’ozone, indispensable pour la protection des rayonnements ;
  • l’équilibre thermique entre les forces de convection internes du noyau liquide de la Terre.

Pour cette raison, ces lois de la « Nature » sont dites : « lois fertiles » et leur concordance : « ajustement fin ».

Ces constatations admises par la quasi-totalité des scientifiques donne lieu à des interprétations variées que l’on peut essayer de classer en 3 catégories :

  • l’indifférence pour ce qui remettrait en cause un matérialisme intégral
  • un anthropomorphisme dit « faible ». Certains, comme Hubert Reeves, ne voulant pas s’engager sur le terrain de la transcendance, nous dit : « Cette concordance me plonge dans des abîmes de réflexions et me laisse sans voix. » D’autres, prenant acte du « Phénomène Humain », évoquent une Instance Supérieure inconnue qui a déterminé ces lois, mais qui ne se mêle plus du résultat.
  • un anthropomorphisme dit « fort » qui n’hésite pas à évoquer le Créateur d’un « Dessein Intelligent ». Pour nombre de croyants des Religions révélées, la Création n’est pas achevée, elle est « continuée », soit par intervention directe du Créateur, soit par l’intermédiaire de l’Homme, fruit de son Amour.

De la connaissance à la capacité d’action

La pointe extrême de l’évolution physiologique aboutit au cerveau humain qui est l’objet « naturel » le plus complexe que nous connaissons : 100 milliards de neurones connectés par 1 million de milliards de synapses.

La convergence NBIC

Dans cette connaissance de notre cerveau, cognition et pouvoir d’action résultent en grande partie de ce qui est appelée Convergence NBIC qui allie 2 sciences et 2 techniques :

Nanotechnologies

Le nanométre est le milliardième du mètre ; ces techniques aident à comprendre la structure des organismes au delà de leur composition chimique. Elles permettent d’agir au niveau de la molécule, pratiquement atome par atome.

Biologie

Elle englobe toutes les sciences du vivant dans toutes ses composantes. On peut lui adjoindre le génie génétique capable de réaliser de nouveaux organismes.

Informatique

Outil de traitement de milliards de données ; permet de construire des modèles simulant les conséquences d’un changement de paramètre.

Sciences cognitives

S’appuyant sur la compréhension du fonctionnement du cerveau, mais intégrant aussi des données psychologiques voire des hypothèses philosophiques

Le transhumanisme ou la prolongation indéfinie de l’existence personnelle

Si la préservation de l’espèce est un phénomène qui touche plantes et animaux, le rêve de bien des hommes au cours des siècles est d’atteindre l’immortalité.
Prolonger l’existence est la vocation première de la médecine. Ce n’est pas encore « la mort de la mort » comme dit Laurent Alexandre, mais les progrès réalisés dans de nombreux domaines donnent au Français de 2013 une espérance de vie en pleine santé de 62,7 ans.
Les capacités de stopper les épidémies, de réparer les défaillances des organes par des transplantations ou des artefacts, de corriger des gènes néfastes , sont de plus en plus efficaces.
Informatique et nanotechnologies nous font entrevoir une médecine individualisée dispensant des traitements adaptés à chaque personne.
Tout un domaine de la biologie s’attache à combattre le vieillissement par une compréhension toujours plus fine de ce phénomène et par réparation des organes par cellules souches pluripotentes.
La convergence avec les sciences cognitives aboutit à l’expérimentation de la commande d’un membre artificiel par le seul jeu de la pensée détectée par capteurs.

Premiers problèmes éthiques : ces nouvelles pratiques médicales sont encore très onéreuses. Tout le monde ne pourra se les offrir.

Quelle sera l’attitude de nos démocratie devant des inégalités plus vitales que celle des revenus ? La prolongation indéfinie de la vie va poser des problèmes de cohabitation des générations, de partage des espaces et des ressources. Certains esprits pensent qu’un milliard d’individus seraient bien suffisants pour peupler la Planète ; on réglerait une bonne partie des problèmes écologiques, surtout si une armée de robots se chargeaient des basses besognes.

Le post-humanisme : La maîtrise de l’Évolution et l’Homme Nouveau

L’Évolution de Darwin reposait principalement sur la capacité du vivant de créer par hasard de nouvelles configurations soumises ensuite à la sélection par la confrontation avec les contraintes de l’environnement.
L’homme du XXI ème siècle, devenu adulte, veut être responsable de son destin et surmonter les aléas du hasard. De là à imaginer et construire un Homme Nouveau.
Plusieurs voies sont menées en parallèle dans diverses parties de la Planète :

  • Par génie génétique, sélectionner lors de la conception «(pourquoi pas in vitro) la meilleure configuration espérée : eugénisme
  • Dans un premier temps, reproduire artificiellement l’une des caractéristiques principales de l’Homme :son cerveau. Le programme européen HBP, visant à obtenir un appareil de 100 milliards de neurones virtuels, s’est vu attribuer un crédit de 1 milliard d’ € en 2013.
  • Dans un 2ème temps, développer certaines caractéristiques cognitives : mémoire, combinatoire mathématique, modélisation prévisionnelle, etc . Un tel homme « reconstruit » est prévu pour 2100.
  • Autre voie explorée : la connexion de milliards de cerveaux pour aboutir à une » sphère pensante ( la noosphère de Teilhard de Chardin), capable d’innovations encore inédites. En 2012, on compte déjà 2,5 milliards d’internautes et donc il n’est pas étonnant que Google soit l’un des principaux financeur du transhumanisme et de la convergence NBIC, en attendant plus .

Mais, dans ce foisonnement technico-scientifique, est il question de spiritualité ?
Quelles valeurs vont guider la construction de notre Homme Nouveau ?
Ne va-t-il être que le produit des algorithmes que l’homme actuel lui dictera en restant limité par le théorème d’incomplétude de Kurt Gödel ?
Plutôt que de laisser agir sans contrôle des groupes aux motivations assez floues, ne devons nous pas piloter le futur par un « Carrefour des Sagesses » ?
Quel rôle doivent jouer les spiritualités dans un tel Carrefour ?
Ce sont les questions sur lesquelles je vous propose que nous échangions.

Nb : Une bibliographie (150 ouvrages environ) est disponible sur simple demande auprès de l’auteur.

A propos Bernard Templier

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