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Effondrement ou révolution – William Clapier

Note de lecture de Patrice Sauvage à propos du livre de William Clapier, Effondrement ou révolution ? Etat d’urgence spirituelle pour un monde durable et désirable, Le Passeur 2020 – parue dans la lettre D&S n°175 – octobre 2020

Ancien Carme ayant écrit plusieurs livres notamment sur Thérèse de Lisieux, William Clapier s’était signalé à notre attention en 2018 en publiant  un ouvrage remarquable sur la quête spirituelle qui allait bien au-delà de la tradition chrétienne, dans laquelle il reste cependant bien enraciné : Quelle spiritualité pour le XXIe siècle ?[1].  Et voilà qu’il a sorti cette année un nouveau livre où il dévoile davantage sa dimension militante face à la crise de notre modèle de développement qu’illustre l’alarme écologique. Cet ouvrage sorti au moment du confinement est malheureusement presque passé inaperçu pour beaucoup d’entre nous, alors qu’il rejoint les intuitions de notre association en articulant étroitement la spiritualité et l’engagement socio-politique.

Comme il le remarque lui-même, de nombreux auteurs qui nous alertent sur l’urgence écologique et sur la perspective d’un effondrement de notre civilisation, comme Pablo Servigne, Dominique Bourg ou encore Bruno Latour, évoquent à demi-mots la nécessité d’une pratique spirituelle pour avancer vers la conversion écologique, mais de manière générale et abstaite. Ici par contre, William Clapier avance à visage découvert sur ce terrain en soulignant combien la vie spirituelle doit être au cœur de cette révolution.

Néanmoins, notre auteur n’en fait pas moins, dans une première partie, une analyse extrêmement documentée de la situation actuelle et de ses impasses aussi bien au plan écologique qu’au plan social et même psychologique, en soulignant par exemple « l’anémie du lien interpersonnel » (p. 63). Puis il repère les obstacles au changement qui sont surtout d’ordre culturel : nous restons « enlisés dans les conditionnements de l’opulence matérielle » (p. 106), alors que celle-ci n’est rationnellement plus viable. Le drame écologique signe en définitive la « faillite du comportement humain et celle du mode de vie collectif actuel » (p. 129).

Alors, comment avancer pour éviter l’effondrement – ou du moins « gérer l’inévitable pour éviter l’ingérable » (p. 278) ? « Seule la radicalité peut frayer une issue » (p. 150), estime W. Clapier : il faut attaquer le mal à sa racine, qui est d’abord spirituelle. D’où le premier axe de cette révolution : « contempler » (pp. 153-219), mais pas n’importe comment ! Loin de promouvoir une spiritualité de la seule intériorité, notre auteur s’inscrit dans le chemin tracé par le pape François avec son encyclique Laudato Si’ : il nous faut absolument « apprendre à ré-écouter la nature qui ne cesse de nous parler » (P. 157). Me mettant moi-même « à la recherche de ce lien perdu » (p. 158), j’ai personnellement beaucoup apprécié la page 159 du livre qui présente de manière poétique différents exemples très concrets de ce « pacte d’amour avec le Vivant » (p. 278), dont on ne peut plus faire l’impasse de nos jours dans tout cheminement spirituel.

Le deuxième axe de cette révolution va être bien sûr l’engagement, car « une écologie intérieure, dépourvue d’une conscience citoyenne et d’un engagement collectif, n’est tout simplement pas crédible » (p. 277). La mutation socio-écologique nécessaire « doit être à la fois personnelle, collective et institutionnelle » (p. 256) : il nous faut donc être des « méditants-militants » (p. 256), ce que René Macaire appelait des « mutants »[2], qui mettent en œuvre eux-mêmes les changements de mode de vie indispensables, mais sans renoncer au combat politique. On retrouve bien ainsi la perspective de Démocratie et Spiritualité, ou encore des Réseaux Espérance, perspective qui jusqu’à présent n’avait guère abouti à mon avis, mais peut-être le contexte actuel, avec l’urgence climatique et la pandémie, va-t-il lui donner quelque chance de succès…

Personnellement, à l’issue de l’ouvrage collectif Ailes et Racines[3], j’avais distingué l’action prophétique du combat politique proprement-dit, qu’il est à mon sens bien difficile de concilier avec une démarche spirituelle profonde. Marqué par une grande radicalité, y compris au plan socio-politique, l’ouvrage de William Clapier s’inscrit précisément, selon moi, dans ce registre prophétique qui méritait d’être actualisé et dont nous avions grand besoin pour trouver un sens dans le contexte si dramatique qui caractérise notre époque.

[1] Aux Presses de la Renaissance

[2] Cf. R. Macaire, La mutance, clef pour un avenir humain, L’Harmattan 1989

[3] T. Verhelst  et P. Sauvage (dir.), Ailes et Racines, Siloë 2011

A propos Régis Moreira

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