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L’économie de la vie – Jacques Attali

Note de lecture de Claude Alphandéry, 21 juin2020, parue dans la Lettre D&S n°173 – juillet -Août 2020 L’économie de la vie de Jacques Attali – séduisante mais en pointillé

J’ai la chance de connaître et d’échanger avec Jacques Attali depuis les années 70, celles de la montée au pouvoir de François Mitterrand. Je suis comme beaucoup d’autres séduit par son intelligence, sa vaste culture, sa réflexion stimulante, son ouverture, la clarté de sa parole, mais maintes fois agacé par son désir de tout brasser, par son omni présence dans les allées des pouvoirs.

La séduction a joué pleinement à l’écoute de ses propos vifs et réfléchis à l’émission de «  C  à vous ». Je me suis donc précipité chez le libraire, j’ai acheté et lu d’un trait son dernier livre ; «  l’économie de la vie ».

 

Séduit mais sur ma faim

Je ne m’étends pas sur le survol historique et planétaire des grandes pandémies ni sur l’analyse de la crise du coronavirus, assez conforme à celle de la plupart des scientifiques concernant le confinement et le modèle de la Corée.

Ce qui retient mon attention, c’est sa façon (chapitre 5) de « tirer le meilleur du pire ».

Le meilleur, c’est « l’économie de la vie » (chapitre 6), ce sont les activités qui, dans la santé, l’alimentation, l’habitat, par la formation et la culture, protègent nos conditions d’existence, en assurant le respect de la nature, de nos libertés, de notre dignité, de nos droits .

Dans ce bon sens, les pages 165 et 166 esquissent avec intérêt ce qu’on peut attendre d’une économie qui s’attache au mieux vivre. Mais pourquoi  celle-ci  est elle en échec? Pourquoi nous défendons nous si mal contre les pandémies, les risques climatiques, nucléaires ? Pourquoi ce recul des biens communs, ces restrictions sur les services publics, ce délabrement des quartiers ? En quoi les forces de vie sont elles défaillantes ?

Jacques Attali n’aime pas mettre les points sur les I qui font mal ; il ne s’attarde pas sur les effets malsains d’une économie engagée dans une poursuite effrénée de profits financiers démesurés ; il paraît ignorer que les entreprises  et plus généralement les états dans leur PNB ne comptabilisent leurs résultats qu’en termes monétaires sans prendre en compte les aménités, les bienfaits de la vie.

Et ne dénonçant pas cette conception dévoyée de la richesse, Jacques Attali ne semble pas reconnaître l’existence de l’économie sociale et solidaire (ESS) que d’ailleurs il ne nomme pas, de ces entreprises dont la finalité est l’utilité sociale par la satisfaction tant de leurs salariés que de leurs clients consommateurs. Il met certes en avant l’essor des associations en prônant leur rôle social, culturel, sanitaire, mais sans reconnaître leur évolution vers des modes entrepreneuriaux radicalement nouveaux de production, de consommation, d’organisation, de gouvernance qui sont précisément le propre de l’ESS

 

Le livre ne tranche pas non plus sur les modes d’organisation politique : il insiste certes très justement sur le rôle du politique face aux puissances financières, mais sans dénoncer les politiques conservatrices  engagées depuis 4 décennies.

Imprécis dans sa conception de la richesse, ignorant le rôle de l’ESS, peu porté sur une condamnation des politiques en cours, J. Attali reste flou sur les principaux aspects d’une économie alternative :  la participation des citoyens,  les relations de proximité face à la mondialisation,  la décentralisation, mais ce livre est précieux par la richesse des données, et par son option  pour une économie de la vie ;  même encore  en pointillé, elle est utile aux combats pour une économie juste et durable.

 

A propos Régis Moreira

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