Note de lecture d‘Yvon Rastetter parue dans la lettre n°174 – Septembre 2020 à propos du livre de Jean-Claude Devèze, préfacé par Patrick Viveret : Vers une civilisation-monde alliant culture, spiritualité et politique
L’auteur, visant à dégager une vision d’un avenir à partager, propose de penser et d’agir pour aller vers ce qu’il appelle une mondialité à visage humain. Par mondialité, il entend le pari d’un monde à construire ensemble en étroite relation avec l’humanité́ et la Terre, à l’opposé d’une mondialisation diffusant dans le monde entier l’action de forces économiques et d’influences véhiculée par le numérique hors de contrôle des acteurs de base.
Il définit cette vision comme une utopie pour éviter la catastrophe d’un monde invivable ; « elle repose sur un triple pari : des cultures « en travail » s’ouvrant à l’altérité pour construire de l’unité dans la diversité ; des vies spirituelles incarnées et reliées donnant sens, cohérence et authenticité à nos pensées et à nos actes ; des politiques portées par une révolution culturelle et spirituelle privilégiant la promotion du bien commun et de la qualité démocratique. »
Il insiste sur l’importance des repères symboliques et religieux qui donnent sens à la vie individuelle et collective. Il dénonce une vision autocentrée de la civilisation occidentale pour appeler à une prise en compte de la riche diversité des cultures et des civilisations du monde.
L’auteur aborde ensuite les problèmes posés par les évolutions de diverses cultures qu’il estime actuellement confrontées à des tensions entre facteurs de délitement et amorces de régénération. Il traite ainsi de cultures personnelles, collectives (familiale, entrepreneuriale, économique, écologique, sociale, technique, démocratique, spirituelle…) et territoriales (locale, française, européenne, mondiale).
Ceci le conduit à mettre en évidence une insécurité culturelle croissante qui est porteuse de totalitarismes, fondamentalismes et intégrismes. IL estime qu’un facteur important est l’omniprésence d’Internet et de l’informatique, ce qui pose la question des répercussions de cette nouvelle culture numérique dans la société, avec le paradoxe d’une possible ouverture potentielle universelle confrontée à la pesanteur de l’enfermement dans des réseaux générant de la défiance vis à vis d’un monde qui leur reste extérieur. Un but à rechercher est l’établissement d’une mémoire monde et d’une bibliothèque monde, comme l’initie Wikipédia, pour favoriser une conscience universelle.
L’auteur défend sa vision d’un projet civilisationnel alliant culture, spiritualité et politique. Il croit à une révolution culturelle progressive reposant sur des spiritualités personnelles et collectives cherchant à unifier corps, âme et esprit, et des avances politiques reposant sur la recherche du bien commun.
Le projet de régénération et de réinvention de l’esprit civiques doit animer en permanence les cultures démocratiques. Une forme d’auto-transcendance en un sens laïc y contribue.
Pour faire renaitre une espérance lucide en un avenir commun coconstruit, l’auteur plaide pour un humanisme intégral et une écologie intégrale qui inspire de nombreux auteurs et acteurs, religieux ou non ; une approche intégrale, à la fois environnementale, économique, sociale et culturelle, s’incarne dans la vie quotidienne, s’appuie sur la recherche du bien commun et prône la justice entre générations.
On peut résumer cet ouvrage en disant qu’il décrit une voie tierce entre une approche christique teilhardienne d’un monde spirituel convergeant vers le point Omega et celle d’une sécularisation apaisée d’un monde démocratique qui résoudrait ses conflits par le dialogue et le service d’autrui. Cette voie est en conformité avec la tonalité spirituelle globale de D&S.