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Confession d’un catholique zombie – Bertrand Cadiot

Note de lecture de Marie-Odile Terrenoire parue dans la Lettre D&S n°178 Janvier  2021 à propos du livre de Bertrand Cadiot : Confession d’un catholique zombie .

Le livre autobiographique de Bertrand Cadiot est sans prétention : pas de philosophie à proprement parler, pas de théologie, ni de métaphysique, pas de théorie sur la démocratie, ni même d’idéologie, ou si peu. C’est le récit, somme toute, terre à terre – quoique nourri d’érudition – d’un cheminement vers l’athéisme et d’une conviction qui se présente comme matérialiste. Un cheminement banal pour nous, enfants de la Libération, pour nous, les soixante-huitards.

C’est à une remarque d’Emmanuel Todd après la manifestation du 11 janvier 2015 que l’on doit le titre du livre, et même l’écriture du livre. Pour Monsieur Todd, les millions de personnes qui ont battu le pavé après les attentats de Charlie sont des catholiques « zombie », des catholiques qui se seraient débarrassés de leur croyance mais qui en auraient gardé quelque chose quand même. Bertrand Cadiot, mon cousin germain, s’est senti visé.

Bertrand a été biberonné à un catholicisme généreux. Il a été imprégné du Sermon sur la montagne et s’en est fait une ligne de conduite pendant toute son enfance et son adolescence. Compréhension de l’autre, charité, volonté de faire passer autrui avant soi-même, tendre la joue gauche avant même que la droite soit touchée. Il connaît la Bible et, pour écrire le livre, il s’est mis à la lecture du Coran. L’idée de Dieu était inscrite en lui. S’en libérer fut un long « chemin de croix ».

Bertrand décrit l’omniprésence du catholicisme dans son éducation à l’ombre de Saint Sulpice où notre grand-père, Francisque Gay, avait sa maison d’édition. Sa mère Odile était une passionnée. Elle ne s’intéressait pas aux miracles, ni aux sacrements, ni aux rites. Elle préférait les prêtres ouvriers à ceux qui portaient la soutane. Elle professait une religion où tout péché pouvait être pardonné. Elle priait et (! !) compatissait plus pour les criminels que pour les victimes. C’était une éducation pleine de bons sentiments en actes mais ne se départant pas d’habitudes de la bonne bourgeoisie de la rive gauche. Les enfants vont à l’Ecole alsacienne et il y a une domestique à la maison.

Bertrand Cadiot sait nous décrire le regard de l’enfant vis-à-vis du catholicisme auréolé de mystères et de magie avant le Concile Vatican II[2]. C’est un enfant parfait. Il a reçu l’appel, il a la vocation sacerdotale, il s’y prépare. C’est avec ironie qu’il raconte les exigences qu’il se donnait dans la vie quotidienne. La B.A. Ce n’est pas si facile de trouver un aveugle à qui faire traverser la rue chaque jour. Il fallait inventer des occasions de bien faire.

Mais en grandissant, l’enfant manifeste un désir d’ouverture. Il se sent coupable de douter de sa mère. L’entrée au lycée Montaigne, les discussions entre amis, l’ouverture aux autres religions, la modification des rituels après le concile influent sur ses convictions. « Le sacré peut évoluer /…/. L’Eglise n’a pas toujours raison. » Avec le recul, il se rend compte que « cette irruption de l’historicisation dans la réflexion ecclésiale atteignait le fondement même de la croyance en Dieu ».

C’est dans la lecture de Marx qu’il trouve un support idéologique à la perte de foi qu’il ressent. « Si l’on quitte une maison, il faut bien en trouver une autre… ». Inspiré par Georges Politzer, il souscrit à l’idée que « la matière préexiste à l’esprit. Dieu n’existe pas, ce sont les hommes qui l’ont inventé. » La pente est tracée. En 1966, alors que les crimes bolchéviques sont dénoncés, c’est la révolution culturelle chinoise qui attire le jeune homme…

Près de 60 ans plus tard, Bertrand Cadiot termine son livre de souvenirs par une lecture profane des textes sacrés, un regard athée. Les récits de la Bible renvoient, selon lui, à une expérience très ancienne que l’on peut accrocher à nos connaissances scientifiques : le paradis terrestre, le déluge… Les débuts de l’humanité sur terre ont été disons « romancés » par la tradition orale jusqu’au récit biblique.

Croire et savoir[3]. Daniel Lenoir revient à cette distinction ancienne entre les deux ordres dans l’éditorial de la lettre D&S de décembre 2020. C’est d’ailleurs parce qu’il dit qu’il faut y revenir que j’ai décidé d’écrire cette recension. « La séparation entre ces ordres n’est pas absolue », écrit Daniel. On peut concilier les connaissances scientifiques et la foi religieuse. Il ne faut pas confondre la foi avec une interprétation littérale des textes sacrés sans tomber dans une forme de scientisme. La vision de Bertrand est autre. Est-ce pour autant une pensée scientiste ? Une croyance que la science est la fin ultime de nos connaissances ? Une forme de foi ?

Bertrand Cadiot n’en reste pas là. Convaincu, avec Rabelais, que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme », il présente les Droits de l’Homme comme le garde-fou aux débordements d’une science sans filet. Ah ? Mais Bertrand, les Droits de l’Homme n’ont-ils pas été le prétexte à des guerres dévastatrices comme autrefois l’étaient les croisades ?

Marie-Odile Terrenoire

A propos Régis Moreira

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