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Recension de Jean-Claude Devèze (21 08 21) Le XXIe siècle du christianisme Sous la direction de Dominique Reynié (Cerf, 2021)

Pour répondre à la question de savoir si on peut penser le XXIe siècle hors du christianisme, Dominique Reynié, directeur de la Fondation pour l’innovation politique, a mobilisé autour de lui Aurélien Acquier, Jean-François Colosimo, Jean-Dominique Durand, Jean-Pascal Gons, Jacques Igalens, Henri Madelin, Émile Perreau-Saussine, Philippe Portier, Thierry Rambaud, Jean-Paul Willaime.

Dans sa contribution initiale qu’il a intitulée « La séparation du politique et du religieux, un enjeu pour le XXIe siècle », il récuse l’idée de beaucoup d’européens croyant à la disparition progressive des religions ; en effet, selon une étude du think tank américain Pew Research Center, 84 % de la population mondiale revendiquait une affiliation religieuse en 2017, celle-ci jouant un rôle politique important dans de nombreux pays allant de la Pologne à la Turquie ou l’Inde. Cela le conduit à s’interroger sur le thélogicoplitique qui peut générer des rapports constructifs si religion et politique ont des rapports respectueux de leur domaine respectif et destructeurs si la religion est instrumentalisée par le pouvoir politique. Son inquiétude porte sur la dégradation de la qualité du débat public qui nuit à l’autonomie du religieux, avec pour conséquence une dégradation d’une démocratie incapable de prendre en compte la diversité des convictions. La société se trouve alors grandement fragilisée face à l’émergence d’« une pluralité d’enjeux cruciaux qui sollicitent non pas exclusivement mais particulièrement les valeurs du monde chrétien et celles du monde démocratique».

La seconde contribution, celle de Philippe Portier et Jean-Paul Willaime, est intitulée « Le christianisme et la modernité européenne ». Il y est défendu l’idée qu’on est sorti du monde chrétien pour entrer dans le monde moderne en bénéficiant d’apports du christianisme ; ce dernier est devenu critique de l’ultramodernité d’une société libérale où « la question du sens de la vie est renvoyé à la sphère privée, à l’intimité de chacun ». Se centrant sur l’Europe occidentale, les auteurs lui reconnaissent son héritage chrétien ; celui-ci n’a pas été inscrit dans le préambule de la charte des droits fondamentaux de l’UE, la formule adoptée étant qu’elle est « consciente de son patrimoine spirituel et moral ». La promesse d’autonomie réciproque du royaume de Dieu et de celui des hommes ayant créé entre le christianisme et la modernité des Lumières des affinités, ils préconisent une laïcité de la reconnaissance, du dialogue et de la confrontation alors que « l’État peine à réguler une pluralité accentuée de conceptions de l’homme et du monde et d’options éthiques » et que les promesses séculières sont désenchantées.

Les autres contributions, plus ciblées, portent sur les églises chrétiennes (protestantisme, chrétiens d’orient, orthodoxie) et des thématiques comme le christianisme et la liberté religieuse, les apports du christianisme à l’Europe, la politique de l’Eglise catholique, la religion dans les affaires.

Cet ouvrage interpelle à la fois les chrétiens et ceux qui ne le sont pas, les invitant à dialoguer en acceptant le pluralisme inhérent à la démocratie ; alors que, tout au long des deux derniers siècles, l’affrontement de l’Église et de l’État a durablement marqué les mentalités françaises, il s’agit d’éviter d’opposer christianisme et république laïque, ce qui risquerait, à terme de menacer nos régimes politiques. Il nous invite aussi à réfléchir au paradoxe suivant : plus le fait religieux perdure, plus le christianisme est ébranlé en tant que religion de la séparation – ce qui se traduit, pour une partie de ses fidèles, par le réveil d’une tentation d’instrumentalisation réciproque entre le religieux et le politique analogue à celle qui traverse l’islam ou l’hindouisme.

A propos Régis Moreira

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