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11L191: Le mal qui vient, Essai hâtif sur la fin des temps – Pierre-Henri Castel

Notes de lecture

 

Le mal qui vient,

Essai hâtif sur la fin des temps 

éd. du Cerf, coll. Lexio

par Pierre-Henri Castel

mai 2022 pour l’édition de poche

 

Puisque tout est perdu…

Encore un livre sur l’effondrement, propre à nous plomber le moral encore un peu plus ? Non. Car l’auteur, psychanalyste, dégaine dans cet essai à la fois « ramassé » et profondément renversant, une sorte d’uppercut.

Sur « les temps de la fin » autant que sur « la fin des temps », sur le Mal et le Bien typiques du moment en train de se nouer, il est sans tabou ni imprécation. Résultat, tout simplement éclairant et roboratif.

A propos de l’impuissance à entraîner, à grande échelle, les transitions salvatrices tout d’abord : « Je voudrais faire l’hypothèse que nous ne sommes pas forcément des aveugles ou des inconscients devant les processus d’anéantissement lents et insidieux auxquels nous sommes confrontés » pose-t-il d’entrée de jeu. Pas question donc, de nier la gravité de la situation ; pas question non plus de s’étonner du statu quo, du « déclic »  ou sursaut qui ne se produisent pas alors que l’on sait, dit-on, ce qu’il faudrait faire … L’auteur de cet essaie esquisse une voie d’interprétation qui offre un sens, enfin, à tous les « Y’a qu’à, Faut qu’on » prêchés dans le désert, avec un impact désolant.

« Comment transformer l’angoisse paralysante en impulsion collective(..) ? A mon avis ces temps aussi sont révolus (…) nous sommes cyniquement conscients qu’il est déjà trop tard » analyse le thérapeute de nos souffrances psychiques.

 

Le Bien des temps de la fin

Contrairement aux prophètes de malheur et leurs zélateurs qui sonnent l’alarme face aux périls écologiques, sans réussir à mobiliser, à la hauteur de l’enjeu (sic), Pierre-Henri Castel considère que « C’est un cliché de se lamenter sur notre insensibilité au désastre qui se profile ». Ceux qui sont en mesure d’agir savent, mais « les puissants ont intérêt à aggraver la situation ». Vu sous cet angle, le statu quo n’est plus si incompréhensible. Inutile d’en rester étonnés. Avec cette lecture, le charme de Méduse se fissure. Libérons-nous de « l’angoisse obscurantiste de la catastrophe terminale » ! En effet estime le philosophe, psychanalyste et historien des sciences,« plus la fin sera certaine, donc proche, plus la dernière jouissance qui nous restera sera la jouissance du mal (…) parmi les derniers hommes, certains transformeront ce sinistre déclin en une ivresse extatique de destruction.» Tel est « le Mal qui vient ».

Il a pour caractéristiques, outre sa violence démente, d’être « vectorisé par une apocalypse sans royaume ». C’est-à-dire, sans promesse de lendemains. Tout court.

 

Un appel à déployer une tout aussi « féroce vitalité »

Face à cette spirale anéantissante, dont les ressorts sont décrits de manière tout-à-fait crédible dans ce bref ouvrage, la vitalité antinomique capable de s’y opposer doit être d’une vigueur de la même veine : tout aussi « inintimidable » écrit-il. Son profil ? « Un Bien avec des crocs et des griffes – et un peu de sang dessus ». Désopilante Panacée !

Que les hagiographes actualisent donc leur lexique et trempent leurs plumes dans une encre adaptée. « Le Bien capable de s’opposer au Mal qui vient n’a pas trop l’air du Bien d’autrefois, des temps d’avant la certitude de la fin dans un horizon historique » croque l’auteur de ce « propos d’apocalypse » et non pas, précise-t-il, « sur l’apocalypse » .

Finalement, voilà une leçon d’optimisme vous disais-je. Au-delà du constat partagé des malheurs en cours, dans un horizon apocalyptique, l’auteur de cet essai concis et percutant entrevoit l’occasion aussi et avant tout, -pour les femmes et les hommes de bonne volonté oserai-je spécifier-, de « déployer une féroce vitalité (…) allégée de nos fardeaux inutiles ». A condition de ne pas renoncer au « droit imprescriptible, non négociable à la réflexivité critique de chacun », de travailler à « se rendre inintimidable (…) voilà le vrai travail de la culture ». Il suggère de cultiver une force bénéfique opposable, de « concevoir une vie (…) qui  (…) n’a pas besoin de lendemain, ni de rien du tout qui la dépasse ou qui la transcende pour lui donner sens ».

Pas besoin, a fortiori, de prétendus lendemains qui chantent, ni de la fable des Jours Heureux, me rappelant furieusement les homériques sirènes de l’Odyssée.

Avec audace et pédagogie, cet essai dit hâtif envisage « les temps de la fin », au lieu d’escamoter ce momentum et de porter au pinacle « la fin des temps ». Un texte alerte*.

*au sens du substantif et de l’adjectif…

A propos Régis Moreira

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