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9L192 : Enjeux de la 16ème législature

Une éthique de l’action politique à l’épreuve de la 16elégislature
Le résultat des élections législatives de juin 2022, en ne donnant qu’une majorité relative à la coalition qui a soutenu le Président de la République élu en avril, constitue un tournant dans la vie politique française de la Ve République. Nous sommes de ceux qui saluent cette évolution. On assiste en effet à une reparlementarisation du régime qui rétablit quelque peu l’équilibre entre le Parlement et le Président jusqu’à présent infléchi en faveur de ce dernier. Ironie du sort ou sagesse des électeurs, la composition de l’Assemblée nationale ressemble beaucoup à ce qu’aurait donné un scrutin proportionnel. Ce nouvel équilibre appelle nécessairement des compromis et la recherche de majorités d’idées, texte par texte, puisqu’une coalition gouvernementale disposant de la majorité absolue à l’Assemblée nationale a été rejetée par le parti Les républicains. L’établissement de compromis, pour souhaitable qu’il soit, est-il possible ? Il est, en tous cas, clairement l’enjeu de cette 16elégislature.
Il faut bien le reconnaître, les choses n’ont pas très bien commencé : annonce d’une motion de censure déposée par la NUPES avant même le discours de politique générale de la Première ministre, il est vrai sans vote ; échec provisoire d’un compromis sur le « pass sanitaire » aux frontières.
L’art du compromis
On le sait l’art du compromis n’est pas au cœur de la Ve République qui a mis progressivement en place un exécutif fort, capable de gouverner avec un parlementarisme rationalisé (domaine de la loi limitativement énuméré, ordre du jour strict des sessions, amendement irrecevable s’il génère une dépense, texte adopté sans débat si le gouvernement engage sa responsabilité et s’il n’y a pas une majorité absolue pour le renverser…). La réforme constitutionnelle de 2008 a desserré cet étau qui demeure néanmoins contraignant. Dans ce contexte, l’opposition parlementaire reproche au pouvoir exécutif sa verticalité et a fréquemment recours à l’obstruction parlementaire en déposant des milliers d’amendements qui visent non pas à améliorer le texte mais à montrer aux électeurs sa capacité de résistance et de témoignage. Dans d’autres démocraties parlementaires comparables, la culture du compromis existe : Allemagne, Grande-Bretagne, Italie, pays de l’Europe du Nord. Au Danemark, par exemple, les gouvernements minoritaires sont fréquents. En Allemagne, le gouvernement doit être investi par le Bundestag à la majorité absolue ce qui conduit, préalablement, à rechercher des accords de coalition comme celle qui regroupe actuellement sociaux-démocrates, libéraux et verts. Ces coalitions peuvent être plus larges : l’un des gouvernements de Mme Merkel a été soutenu par 80 % des députés dans le cadre d’une « grande coalition ».
En règle générale, la recherche de compromis passe, le plus souvent, par la mise en valeur des dénominateurs communs, ce qui est évidemment difficile dans un contexte d’oppositions radicales. Il est, en tout état de cause, exclu de rechercher des compromis avec les formations politiques qui s’opposent aux valeurs constitutionnelles de notre République.
Un changement de comportement
Et pourtant, la recherche du Bien commun commande d’emprunter cette voie. Cela suppose deux types de changements. D’abord, un changement de comportement. L’attitude de certains députés lors de la déclaration de politique générale de la Première ministre a été tout sauf digne. Digne d’une

démocratie respectueuse des opinions et de l’expression de celles-ci certes, mais avec la retenue et la courtoisie qu’imposent la responsabilité liée à la représentation nationale dont sont investis les parlementaires. Si l’on souhaite reparlementariser la vie politique et rétablir le prestige de l’institution parlementaire, il faut veiller à faire de l’Assemblée nationale un lieu de débats constructifs et respectueux des personnes sur le fondement de critères éthiques, ce qui n’interdit pas l’expression forte de désaccords.
Un changement de culture
Ensuite, un changement de culture. Il prendra certainement beaucoup plus de temps pour que soit acceptée et pratiquée cette culture du compromis que nous appelons de nos vœux. Il faut pour cela créer entre les principales formations politiques aptes à jouer le jeu, des relations de respect et de responsabilité, susceptibles de déboucher sur une relation de confiance mutuelle minimale. Dans son discours de politique générale, Elisabeth Borne évoque le Conseil national de la refondation (CNR) dont le choix du nom n’est pas exempt d’arrière-pensées, dans un langage assez convenu : « Associer toutes les forces vives du pays, dans un dialogue renouvelé et en partageant les opportunités comme les contraintes ». Elle a annoncé aussi le lancement d’une commission transpartisane pour faire évoluer les institutions. Que faut-il en penser ? Des gadgets de communication ou une vraie tentative de rapprocher des points de vue différents et rechercher des compromis éclairés sur des sujets bien définis ? Créer des relations de respect et de responsabilité entre partis politiques est un chemin ardu. Même en Allemagne, ce n’est ni aisé ni évident. On s’y prend bien avant les élections en créant des cercles de discussions puis en engageant, après les élections, des négociations formelles qui peuvent mobiliser plusieurs centaines d’experts des partis, réunis en groupes de travail. Cette démarche a abouti en 2021, après plusieurs semaines de discussions, à un contrat de coalition exhaustif de 144 pages.
On est loin en France d’un tel résultat, qui encore une fois ne répond pas à notre culture politique. Pour autant, nous devons mesurer les risques de rester durablement à l’écart de cette voie. L’incapacité pour les partis de nouer des accords sur des textes alimente un dangereux antiparlementarisme et un antirépublicanisme. De plus, un blocage de l’Assemblée nationale sur les réformes est susceptible d’entraîner une dissolution de l’assemblée non dépourvue d’arrière-pensées tactiques et manœuvrières qui pourraient accentuer l’ingouvernabilité du pays et accroître la défiance des Français envers les institutions et le monde politique. La culture du compromis que nous prônons repose sur une autre conception de la démocratie selon laquelle celle-ci consiste à gérer dans les meilleures conditions possibles les dissensus entre opinions et intérêts différents par la négociation et la délibération. C’est cette conception délibérative de la démocratie que nous souhaitons voir progresser en France.
Vertu
Nous en appelons donc à la vertu – le mot n’est ni désuet ni déplacé – des parlementaires comme du gouvernement, condition indispensable pour que le nouveau pôle de débat apparu grâce au vote des Français aux élections législatives débouche, après délibération et expression de l’éthique de la responsabilité, sur des compromis entre visions différentes du bien commun dans une période où les enjeux sociaux, environnementaux et géostratégiques sont, à court et moyen termes, décisifs pour le pays, pour l’Europe, pour le monde et pour la planète. Ce sont ces enjeux, qui, avant tout, doivent prévaloir et commander la marche en avant de notre pays.

Dans cette perspective, il serait souhaitable, en particulier :
– que le recours au vote bloqué ne soit utilisé qu’en cas d’extrême nécessité ;
– que la discipline de vote au sein des groupes parlementaires laisse une marge d’expression aux attitudes individuelles ;
– que chaque organisation, chaque député défendent, en conscience, des positions qui leur paraissent à la fois essentielles et réalistes, c’est-à-dire acceptables, refusant ainsi la tentation de la posture tribunicienne ;
– que le souci de l’intérêt général et du bien commun l’emporte chez chacun sur les intérêts particuliers, dans un dialogue positif entre éthique de responsabilité et éthique de conviction.
Signataires :

Démocratie & Spiritualité – Chrétiens dans le Monde Rural – La Vie Nouvelle – Poursuivre – Le Pacte Civique

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