Démocratie & Spiritualité …une instance commune de réflexion invitant à l’action.
Crise démocratique & crise spirituelle dans le même bateau.
(…) leurs œuvres ressemblent aux cendres dont s’empare le vent dans un jour de tempête. Ils seront sans pouvoir sur ce qu’ils ont accompli.(1)
Les événements des dernières semaines ont mis en évidence la profonde crise démocratique que traverse notre pays : certes, comme le rappelle le rapport d’orientation adopté lors de l’assemblée générale, cette crise affecte de façon générale toutes les démocraties libérales ; certes elle n’a pas commencé avec la réforme des retraites. Mais celle-ci en a non seulement révélé la profondeur, mais elle a élargi le fossé entre nos institutions républicaines et la société civile. A tel point que Pierre Rosanvallon, qu’on ne peut pourtant pas considérer comme un agitateur, l’a qualifiée de « crise démocratique la plus grave depuis la fin du conflit algérien ».
Lors de cette même assemblée générale, notre ami Patrick Viveret, qui fut complice du bon professeur dans les années soixante-dix, a attiré notre attention sur une autre crise : la crise spirituelle ; quand les religions instrumentalisent la spiritualité au profit de projets anti humanistes ; quand, pourrait-on dire, l’esperluette ne fonctionne pas et que les instances chargées de les représenter ne se laissent plus (pas) réguler par la démocratie.
Ces dernières années, nous avons essayé d’apporter des réponses à cette crise de la spiritualité, notamment en cultivant ce deuxième engagement de D&S qu’est l’interconvictionnalité. Sous le titre « Des raisons d’espérer », ce sera l’objet du premier ouvrage de la collection « Démocratie & Spiritualité » que nous créons avec notre partenaire des Editions de l’Atelier. C’est aussi un projet que nous portons désormais avec le Forum 104. Une interconvictionnalité qui va au-delà du dialogue entre les convictions pour essayer d’atteindre ce commun de l’humanité qu’est la spiritualité.
Ces ressources spirituelles que nous essayons de dégager de nos échanges, il nous faut aussi les investir dans l’invention démocratique, pour inspirer de nouvelles formes de démocratie qui viennent compléter celles dont nous sommes les héritiers, et dont on voit bien qu’elles ne fonctionnent plus très bien, mais qu’il ne faudrait pas non plus jeter avec l’eau du bain dans lequel elles sont nées.
La question centrale des communs nous oblige à réinventer la République : une République qui soit à la fois universelle (et donc écologique), tout en restant « laïque, démocratique et sociale » (2) ; une République qui soit donc plus démocratique, car la gestion des communs ne peut pas plus relever du marché que d’une autorité centrale omnisciente ; sinon ils vont à leur perte. Et elle nécessite que les passions et les intérêts, qu’ils soient individuels ou collectifs, ne sombrent pas dans la démesure, dans l’hubris ; qu’un idéal leur fixe des limites. C’est cette réflexion à laquelle nous invitent tout autant les événements que les orientations que nous avons votées lors de l’AG des trente ans.
Pour traverser les tempêtes actuelles, -et elles n’ont jamais été aussi fortes depuis trente ans-, pour éviter tout autant charybde -le naufrage spirituel-, que scylla -le naufrage démocratique- restons fidèles à notre vocation : fixer un cap -l’idéal-, mais aussi se frayer un chemin – le discernement – entre les écueils, et ce en conjuguant l’esperluette, sur les terrains de la spiritualité bien sûr, mais aussi sur ceux de la démocratie.
Daniel Lenoir, président de D&S
1/ Le Coran, sourate 2 (La vache).
2/ Constitution du 4 octobre 1958, article 1er.
