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13L201: Poèmes

A l’heure où les populations civiles, en Israël comme à Gaza, sont frappées par une tragédie sans précédent dans l’histoire du conflit israélo-palestinien, voici deux courts extraits de poèmes qui symbolisent l’intime et l’universel à la fois, l’un de Yehuda Amichaï, poète israélien de l’amour et de la paix, l’autre de Mahmoud Darwich, poète palestinien devenu le porte-parole de tout un peuple. Ils résonnent de manière particulièrement simple et juste, en solidarité avec toutes les victimes du conflit.

 

Sur un toit de la vieille ville,
Le linge est éclairé par les derniers rayons du jour :
Un drap blanc d’une ennemie,
Une serviette d’un autre
Afin d’essuyer la sueur de son front.

Et dans le ciel de la vieille ville

Un cerf-volant

Et au bout du fil ;

Un enfant,

Que je ne peux pas voir

A cause de la muraille.

Nous avons hissé beaucoup de drapeaux

Ils ont hissé beaucoup de drapeaux,

Pour nous faire croire qu’ils sont heureux

Pour leur faire croire que nous sommes heureux.

Yehuda Amihaï (1924- 2000) Jérusalem, dans Poèmes, Actes Sud,1992

 

Né en Allemagne en 1924, issu d’une famille juive, Yehuda Amichaï émigre en Palestine en 1936.

Pendant la seconde guerre mondiale, il combat les Allemands aux côtés des Anglais, puis participe à la guerre d’indépendance contre la présence britannique en Palestine. Ce petit texte sur Jérusalem date de l’époque où elle était encore divisée entre Israël et la Jordanie.  Si une muraille existait alors, le poème fait allusion à l’autre mur, celui des Lamentations, contrôlé par l’Etat d’Israël à l’issue de la guerre des Six Jours en 1967, qui limite les quartiers des différentes communautés religieuses.   

Yehuda Amichaï est sans doute le poète de langue hébraïque le plus traduit dans le monde. Devenu un avocat du dialogue et de la réconciliation dans la région, il était un des fondateurs du Mouvement La Paix maintenant qui refuse la poursuite de l’occupation israélienne et la domination du peuple palestinien et prône la création de deux Etats.

 

La guerre finira et les dirigeants se serreront la main

Mais il restera cette mère épuisée qui désire voir son fils,

Et cette femme qui attend son mari bien-aimé,

Et ces enfants qui cherchent leur père héros.

Je ne sais pas qui a vendu la patrie mais je sais qui en a payé le prix.

La Palestine est belle – oui la Palestine est belle
Variée riche – riche en histoire
C’est une terre de mythes
de pluralismes
et elle est fertile malgré le manque d’eau
elle est modeste aussi
la nature y est modeste
c’est un pays simple
Voici la terre de mon poème
et dans ces terres je me sens un peu étranger
il est vrai que l’on peut se sentir étranger
même dans son propre miroir
il y a quelque chose qui me manque
et ça me fait mal
je me sens comme un touriste
sans les libertés du touriste.
Être en visite me mine,
quoi de plus éprouvant que se rendre visite à soi-même…

 

Mahmoud Darwich, La Terre nous est étroite et autres poèmes, Poésie Gallimard (2000)

Mahmoud Darwich (1941-2008) est né près de Saint-Jean-D’acre en Galilée, en Palestine alors sous mandat britannique.

Lors de la création de l’Etat d’Israël en 1948, sa famille, chassée de son village, est contrainte à l’exode avant de rentrer clandestinement un an plus tard. Entre 1961 et 1967, opposant au régime israélien, Mahmoud Darwich est plusieurs fois arrêté et emprisonné pour ses engagements et ses écrits. En 1964, le poème Identité (Inscris : Je suis arabe), le plus célèbre du recueil Rameaux d’olivier, devient une sorte d’hymne national pour les Palestiniens.  En 1970, Mahmoud Darwich  est assigné à résidence à Haïfa avant de s’exiler à Moscou puis au Caire, et à Beyrouth en 1973, où il rejoint l’OLP en 1987. Auteur de discours pour Yasser Arafat, il démissionne au moment des accords d’Oslo.

Après plus de trente ans de vie en exil, il rentre sous conditions en Palestine et s’installe à Ramallah en Cisjordanie, à environ 15 km au nord de Jérusalem. Ses funérailles en 2008 rassemblent une foule immense et font l’objet d‘un deuil de 3 jours. Voix de l’exil, de la résistance et de la paix, Il a popularisé la poésie arabe, toujours au plus près des êtres et des choses simples, dans une ode à la vie. Il fut le plus grand poète contemporain de langue arabe, traduit dans plus de vingt langues.

A propos Régis Moreira

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