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4L204: La Fraternité au risque de la rue par Monika Sander

La Fraternité au risque de la rue

 

La fraternité est, au niveau collectif comme individuel, le processus dans lequel se trouve l’être humain quand il noue le triple lien de coopération avec lui-même, les autres et la nature, lien qui lui est consubstantiel.(1)

Pourquoi parler de la fraternité aujourd’hui ? Elle fait partie de la devise de la République, si Liberté et Égalité sont concrètes, elles existent même juridiquement, la fraternité, elle, est relativement abstraite, il faut l’incarner sinon on risque de rester au niveau des bons sentiments. Et cela ne peut se faire seul, la fraternité doit être une construction collective pour créer des liens, partager, apaiser, prendre soin, conduire avec bienveillance à des activités opérationnelles. Certains la pensent comme un fait social total –  l’expression est de Marcel Mauss – c’est-à-dire politique, culturel, économique. Cela devrait inciter les services publics à agir selon la formule : pas de prestation sans relation comme le suggère Jean-Baptiste de Foucauld. Car « il y a une capacité en tout homme de pouvoir aimer et être aimé, d’entrer en lien avec le monde, avec les autres et avec soi «.(2)

Dans une démocratie active on peut et doit se battre et agir pour une société qui se cherche, lui donner sens au lieu de faire des commentaires. L’humain au service de l’humanité. Et c’est ici que la fraternité entre en jeu ; elle met en évidence des éléments de la vie humaine permettant des expériences de lien, d’empathie, de reconnaissance et favorisant également un meilleur lien entre soi et soi.

La spiritualité peut être une aide importante, même si l’aspiration spirituelle n’est généralement pas la première idée qui vient aux personnes en difficulté, elles qui cherchent un chemin dans notre monde mouvant. Grâce à la valorisation de la fraternité comme chemin spirituel, le désir, enseveli sous les soucis, le stress, peut émerger. La fraternité favorise le sortir de soi et « pour sortir de soi il faut l’autre, beaucoup d’autres, et un autre vraiment différent » (3). Après des moments de silence, de ressourcement, elle fait sortir dans la rue pour aller à la rencontre, éveiller l’amour qui se nourrit de cette nouvelle connaissance intérieure. Cela demande de l’humilité mais redonne vie à ce qui dans l’homme restait assoupi. Il peut alors déchiffrer cette loi intérieure d’amour et de spiritualité et trouver ou retrouver sa place dans le monde présent.

 

Au risque de la rue ?

A nous de quitter nos zones de confort, partir avec des chaussures légères, marcher pacifiquement et aller à la rencontre d’êtres humains respectables et fragiles, les reconnaître comme frères. L’espace urbain fait découvrir à chacun son propre espace intérieur, le dépouillera et l’élargira(4). Nous pouvons considérer la ville comme école de vie, de sagesse et de foi, un lieu spirituel. Ceci dit, une chose n’est pas matérielle ou spirituelle en soi, mais le devient selon la relation entretenue avec elle, par le regard porté sur elle (5).   Pourtant, c’est dans la rue que nous apprenons à voir et à irriguer la société par notre présence renouvelée. Devenir contemplatif dans la rue pour y rejoindre l’autre vraiment, pas seulement en esprit, vivre dans l’instant, dans une attention inhabituelle au présent. Vivre la rue comme un livre ouvert à la recherche de la liberté et l’unification intérieures, c’est un appel à plus de vie. Et on constate que l’autre vient à nous quand il trouve chez nous une porte ouverte. Voir et se laisser voir, se rendre attentif au travail de l’Esprit à l’œuvre en tout lieu et en toute personne, s’engager contre les injustices, lutter pour les opprimés, accueillir l’étranger, visiter le malade et le prisonnier.

Nous pouvons vivre la rue comme un lieu de cheminement, de passage comme le sont nos vies. Être pèlerin, entrer dans la liberté de la rencontre, vivre une solidarité prioritaire, attentif à tout ce qui peut venir à soi : une rencontre, un objet, un phénomène naturel. C’est renoncer à ses représentations intérieures et s’ouvrir au mystère.

La fraternité et la spiritualité peuvent nous aider à regarder la réalité sous un angle neuf sans retomber dans la routine, sans prosélytisme ni curiosité mais avec humilité et ouverture. Lui donner ainsi une visibilité peut faire émerger une société plus solidaire et plus juste avec l’être humain au centre (6) et donner sens à ce monde que nous habitons, le vivre comme une promesse.

La fraternité peut consolider le théologico-politique dont les sociétés, même sécularisées, ont besoin, dit Jean-Baptiste de Foucauld. La fraternité, avec sa dimension horizontale et verticale, immanente et transcendante, peut constituer ce liant qui nous manque tant aujourd’hui. Encore faut-il y croire et s’en donner la peine.

Monika Sander, Démocratie & Spiritualité

1/ Claude Henry

2/ Fabrice Midal

3/ Albert Rouet

4/idem

5/ Jean-Baptiste de Foucauld

6/Antoine Anderson

A propos Régis Moreira

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