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11L206: La franc-maçonnerie comme métasociété par Yvon Rastetter

La franc-maçonnerie comme métasociété

 

Le préfixe ‘méta’ est à la mode actuellement, en particulier chez un des fabricants des réseaux sociaux. Il concerne tout d’abord la mise de côté, mais aussi évoque une point de vue surplombant.

Il  est pertinent en ce sens de concevoir les constitutions d’Anderson comme l’expression d’une méta religion qui s’abstrait de toutes les religions en conflit pour fonder une organisation en surplomb sous la transcendance du Grand Architecte De L’Univers (GADLU). C’est cette ‘gadluterie’ qui lui confère un caractère religieux tout en prenant du recul.

Le passage, on peut dire ironiquement, la conversion à l’adogmatisme, fait changer de nature la franc-maçonnerie qui ne se définit plus par rapport à une religion mais par rapport aux sociétés humaines.

Elle n’est pas la seule organisation humaine à prendre du recul par rapport aux activités courantes de la vie économique et sociale, mais elle est la seule dans son souci de perfectionnement de l’humain individuellement et collectivement de ne pas prétendre à avoir une activité directe, donc politique, mais indirecte, spéculative et à se vouloir une société idéale prétendant éclairer la société.

Il est alors logique de lui accoler le préfixe de méta, de façon plus appropriée que les avatars modernes de méta univers et autres métavers qui ont souvent un caractère éphémère et utopique au mauvais sens du terme, comme l’avatar de société martienne agité par le mégalomane et plus riche du monde, pour l’instant.

La laïcité est également dans une position ‘méta’ par rapport aux religions, en ce sens qu’elle est à la fois à côté mais au dehors, en congruence avec la maçonnerie adogmatique.

Une des raisons de la difficulté du monde anglo-saxon de penser la laïcité réside dans la persistence du déisme comme fondement métaphysique, comme on le constate en Grande-Bretagne mais surtout aux États-Unis où la tolérance religieuse est au fondement de cette société, mais où il ‘faut’ croire à quelque chose, sous peine d’être un athée ‘stupide’, c’est-à-dire dérangé ; c’est ainsi que je conçois ce que disait Anderson dans sa constitution de la franc-maçonnerie au début du 18 ème siècle.

La maçonnerie étatsunienne est toujours dans le contexte de ce paradigme ‘métareligieux’.

Si elle a été l’un des facteurs de création de la citoyenneté étatsunienne, en pacifiant la cohabitation entre les croyances religieuses, il est possible qu’une des raisons de son déclin soit que la société n’est plus menacée par un conflit de nature religieuse, mais vive pacifiquement une sorte de compétition spirituelle entre croyances et qu’elle n’ait plus besoin de la ‘croyance maçonnique’.

Elle est traversée actuellement par d’autres conflits, mais c’est un autre sujet.

Une autre raison de son déclin est son refus d’intégrer les femmes alors que la problématique de l’égalité femmes/hommes est un des éléments de l’évolution que la franc-maçonnerie se refuse à prendre en compte en se figeant dans sa tradition au sens réactionnaire du terme.

Le déclin est aussi semblable en Grande-Bretagne , quoique plus modéré ; mais c’est aussi un autre sujet par rapport à la conception de la franc-maçonnerie comme méta société.

L’un des moteurs jusqu’ici occulté de l’émergence de la franc-maçonnerie porte sur le refus de la mathématisation de la société que l’on associe traditionnellement en France à Descartes.

Elle se manifeste actuellement par une prise de distance avec la numérisation accélérée de toutes les activités du monde profane. Lors de l’émergence d’Internet, elle a significativement refusé toute virtualisation de l’activité en loge ; elle ne peut se pratiquer qu’en présentiel que l’on soit au sein d’une maçonnerie adogmatique ou déiste.

La nostalgie préromantique puis romantique du temps des cathédrales a participé à son développement. Elle présente certaines caractéristiques du monachisme, par une forme de retrait spirituel de la société que l’on pourrait assimiler à un retrait à temps partiel,  où ce qui dans le monde religieux est considéré comme une retraite spirituelle pour les laïcs hors de tracas du monde.

Cette mise en retrait est parfaitement compatible avec la laïcisation propre à la maçonnerie adogmatique qui poursuit son expansion en France alors que  la maçonnerie déiste poursuit son déclin partout ailleurs.

La franc-maçonnerie adogmatique en France a parfaitement réalisé sa ‘conversion‘ en méta société hors de tout contexte religieux. Par contraste s’est créé en 1913 une Grande loge nationale française qui a refusé le tournant adogmatique pour renouer avec la volonté hégémonique de la maçonnerie anglo-saxonne.

Force est de constater que cette compétition entre maçonnerie crée une émulation qui semble bénéfique en ce qui concerne le recrutement, avec la diversité complémentaire apportée par la Grande loge de France.  Une des hypothèses à envisager est que cette pluralité est une réponse à la volonté hégémonique de l’Église catholique, qui a conduit à cette séparation mouvementée en 1905, par la diversité du paysage maçonnique.

À noter que la conférence des évêques de France a refusé la demande de dialogue de la Grande loge nationale française et que l’Église catholique interdit toujours l’appartenance à la franc-maçonnerie ; même pour une obédience ‘déiste’ !

En conclusion,  on peut raisonnablement prédire que la maçonnerie adogmatique va continuer son essor comme méta société, maintenant sa distance avec les évolutions de la société profane, tout en ayant accepté les évolutions nécessaires, comme le refus du maintien de la ségrégation sexuelle ; mais cela doit faire l’objet d’une autre planche.

A propos Régis Moreira

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