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6L210: Pour prévenir le séparatisme islamique et les conduites à risque des jeunes issus des immigrations extra-européennes par Jean Claude Sommaire

Comité interministériel des villes du 17 avril : il faut développer l’empowerment (travail social communautaire) pour prévenir le séparatisme islamique et les conduites à risque des jeunes issus des immigrations extra-européennes

Jean-Claude SOMMAIRE, ancien sous-directeur du Développement Social, de la Famille, et de l’Enfance au Ministère des affaires sociales et ancien Secrétaire Général du Haut Conseil à l’intégration

Depuis les émeutes urbaines de l’été 2023, d’une ampleur sans précédent, l’opinion publique a été saisie d’effroi par la multiplication d’évènements tragiques, survenus au cours de ces derniers mois, impliquant souvent des «  jeunes issus de l’immigration » : agressions mortelles au couteau entre jeunes mineurs, rixes sanglantes entre bandes rivales, règlements de compte accompagnés d’actes de torture dans les quartiers gangrenés par le narco trafic, etc. s’ajoutant aux menaces islamistes à l’égard  d’enseignants et à l’explosion des actes anti sémites depuis les massacres du Hamas du 7 octobre. Le temps est donc venu de sortir d’une hypocrisie française qui peine à prendre en compte la réalité d’une surdélinquance des jeunes, voire très jeunes, originaires de nos immigrations extra-européennes. Les départements, en charge de la Protection de l’enfance, et l’Etat, en charge de la Politique de la Ville et de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, doivent concevoir et mettre en œuvre, avec leurs familles, des mesures sociales spécifiques pour prévenir le séparatisme islamique et les conduites à risque de ces jeunes en rupture.

Prendre en compte les métamorphoses françaises

Dans son ouvrage « Les métamorphoses françaises, Etat de la France en infographies et en images » (1), le sondeur et analyste politique, Jérôme Fourquet, vient de publier une remarquable synthèse de ses derniers ouvrages dans lesquels il a analysé l’ampleur des transformations vécues par notre pays, au cours des dernières décennies. Celles-ci se caractérisent par la simultanéité et la profondeur d’un ensemble de basculements, qui se sont déroulés sur un temps beaucoup plus court que tous ceux qui sont intervenus précédemment, au cours de notre longue histoire.

L’archipélisation de la société française, qui en a résulté, s’explique par de nombreux facteurs endogènes, associés au phénomène majeur de la période qui a été celui d’une immigration soutenue, devenue majoritairement d’origine extra-européenne.

La société française d’aujourd’hui s’est ainsi métamorphosée en une société multiculturelle qui ne connaîtra plus jamais la situation d’homogénéité ethnoculturelle qui avait dominé jusqu’à la fin des années 70.

Bien entendu ce processus n’a pas eu la même ampleur et ne se déploie pas au même rythme dans toutes les régions mais, globalement, il constitue un bouleversement sans précédent. Dans ce paysage social reconfiguré, des tensions et des conflits de type nouveau se sont développés. C’est notamment le cas des violences urbaines, apparues dans les années 80, qui ont pris maintenant un caractère endémique dans beaucoup de quartiers sensibles.  De plus, elles se déroulent désormais avec, en arrière-plan, un narco trafic meurtrier devenu un redoutable facteur d’enfermement territorial et social.

La loi du 26 janvier 2024, pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration, conjuguée au volontarisme de l’actuel Ministre de l’intérieur, contribueront peut-être, à terme, à une meilleure maitrise des flux. Toutefois cela ne résoudra pas, pour autant, les problèmes de cohésion sociale auxquels nous sommes présentement confrontés. En effet, si notre pays est dans la moyenne européenne en matière d’accueil de nouveaux migrants, il se caractérise aussi par une présence beaucoup plus forte de descendants d’immigrés que ses voisins.

Les débats actuels, qui se focalisent sur les flux migratoires, ne doivent pas masquer l’échec de « l’intégration à la française » pour une partie minoritaire, mais significative, des générations issues des vagues passées. Il est donc indispensable de repenser notre politique d’intégration au regard des réalités multiculturelles contemporaines. Cela est d’autant plus nécessaire que, comme dans tous les pays développés, notre immigration, dans les prochaines années, se maintiendra vraisemblablement à un niveau élevé. En effet elle est devenue indispensable dans plusieurs secteurs de notre économie : BTP, Nettoyage industriel, Hôtellerie restauration, Etablissements de santé, Services d’aide à la personne, etc. De plus, en raison de notre géographie et de notre histoire, elle demeurera probablement à dominante extra européenne et musulmane, avec une forte composante issue de notre ancien empire colonial.

Mettre fin au déni des cultures

Déjà, en 2010, le sociologue Hugues Lagrange avait réalisé une très intéressante enquête auprès de 4500 adolescents (2) faisant apparaître, qu’à conditions économiques et sociales comparables, les jeunes originaires d’Afrique sahélienne étaient quatre fois plus impliqués dans la délinquance que ceux qui avaient été éduqués dans des familles autochtones, ceux d’origine maghrébine l’étant deux fois plus.

Pour ce chercheur, dans un monde dans lequel la pluralité des cultures s’était fortement accrue du fait du développement des immigrations extra européennes, la délinquance ne devait plus être appréhendée du seul point de vue socio-économique. Du fait du déracinement provoqué par leur installation en terre étrangère, les systèmes familiaux traditionnels de ces migrants sont violemment bousculés par notre modernité occidentale. Il en résulte souvent une perte d’autorité des parents sur leurs enfants, principalement sur les garçons.

A l’époque, Hugues Lagrange avait appelé de ses vœux une autre politique d’intégration, plus efficace, prenant pleinement en compte les spécificités culturelles de ces migrants.

Toutefois, au plan politique, malgré un bref engouement médiatique, ses propositions ont été rapidement oubliées, tant par une droite, privilégiant alors des approches sécuritaires, que par une gauche, hantée par le remord post colonial, refusant de stigmatiser les immigrés.

 Ne plus ignorer le fait communautaire

Fin 2023, l’essayiste et entrepreneur social Hakim El Karaoui, ancienne plume du Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin à Matignon, a publié une étude extrêmement intéressante intitulée « Intégration des enfants d’immigrés : échecs criants, succès silencieux » (3) proposant une série de mesures pour une nouvelle politique d’intégration des jeunes issus des diverses immigrations.

Loin des polémiques, ce rapport présente un précieux état des lieux de l’intégration des immigrés, et surtout de leurs enfants, s’appuyant sur des faits et des chiffres. A partir de données quantitatives, croisées avec une soixantaine d’entretiens approfondis réalisés auprès d’enfants d’immigrés de diverses origines, Hakim El Karaoui a identifié tous les facteurs qui peuvent contribuer à une intégration réussie. Entendant l’intégration comme la capacité d’un individu ou d’un groupe à trouver sa place au sein de la société française, tout autant que la capacité de cette dernière à leur faciliter l’accès à cette place, il a aussi cherché à comprendre comment les nombreux obstacles rencontrés ont pu être surmontés.

Notre tradition assimilationniste, héritée de notre histoire coloniale, nous conduit généralement à souhaiter que les immigrés abandonnent leur culture d’origine pour pouvoir accéder pleinement au mode de vie de la société française. Or, des nombreux entretiens réalisés, il ressort que l’appartenance communautaire constitue une ressource essentielle pour tous les immigrés et leurs enfants. Ainsi, sous réserve que leur communauté soit suffisamment ouverte sur la société d’accueil, ce sont ceux qui conservent un lien fort avec leur culture d’origine qui vivent le processus d’intégration le moins heurté. A l’aise dans les deux cultures, ils additionnent alors les ressources de l’une et de l’autre.

Par contre, si pour des raisons identitaires ou religieuses, la communauté d’origine est fermée à toute influence extérieure, elle va rendre beaucoup plus difficile l’intégration des individus dans la société d’accueil.

Pour être plus efficace, notre politique d’intégration doit donc prendre pleinement en compte le fait communautaire, qu’il soit un facilitateur ou un obstacle à l’intégration

Promouvoir l’empowerment (travail social communautaire)

Pratiqué dans le monde anglo-saxon et dans les pays émergents « l’empowerment » (travail social communautaire) est largement ignoré dans notre pays, voire même soupçonné de promouvoir le communautarisme. A l’opposé des démarches d’assistanat, il cherche à revitaliser et à amplifier les solidarités de proximité qui existent naturellement au sein des communautés socialement défavorisées, qu’elles soient territoriales, ethniques, religieuses, culturelles, etc.

Dans une logique d’émancipation, l’empowerment cherche à développer le « pouvoir d’agir », auprès des institutions, des populations marginalisées. Il se positionne au-delà d’une simple démarche participative, en mettant en œuvre des pratiques de co-construction qui impliquent une coopération féconde entre les accompagnants et les accompagnés.

A la différence du travailleur social classique, qui intervient à travers des prises en charge individuelles, le travailleur social communautaire va constituer des groupes dont les membres sont confrontés aux mêmes difficultés. Avec ces derniers, il va concevoir et mettre en œuvre des actions collectives de prévention (éducation à la santé, accompagnement à la parentalité, prévention du décrochage scolaire et de la délinquance, etc.) ou de réinsertion après des accidents de la vie (chômage, maladie, toxicomanie, incarcération, etc.).  Il poursuit un objectif de conscientisation pour aider ces populations à accéder plus facilement à l’éducation, au logement, à l’emploi et, plus globalement, à une qualité de vie meilleure.

Ainsi, dans beaucoup de pays d’immigration, quand on constate que certaines populations immigrées courent plus de risques que la majorité autochtone, de voir leurs enfants tomber dans la délinquance, on conçoit et on met en œuvre avec elles, des actions de prévention précoce adaptées aux spécificités de leur communauté.

Une telle démarche n’aurait-elle pas été utile, dans le 14ème arrondissement de Paris où, le 24 janvier dernier, le jeune Elias, âgé de 14 ans, a été tué d’un coup de machette, par un jeune antillais, âgé de 16 ans, accompagné d’un jeune africain, âgé de 17 ans, muni d’une hachette ? Un meurtre odieux pour lui voler son téléphone portable alors qu’il revenait tranquillement, en fin d’après-midi, d’un entrainement de football. D’après la presse, les 2 racketteurs enchaînaient les extorsions, dans le quartier, un peu comme le font, en Afrique, les « coupeurs de route », dans les zones de guerre.

Le Comité interministériel des villes (CIV) devrait « booster » la promotion du travail social communautaire auprès des acteurs de la politique de la ville

Juliette Meadel, Ministre déléguée, chargée de la ville, va réunir, le 17 avril prochain, le Comité interministériel des villes (CIV) qui procédera, notamment, à l’examen du rapport de la mission « Réussite républicaine » (4) qui a été pilotée par Vincent Léna, Conseiller maître à la cour des comptes, ancien coordinateur du programme interministériel des Cités éducatives.

Réalisé à partir d’échanges, menés avec l’ensemble des acteur impliqués dans la politique de la ville, ce très intéressant rapport rappelle que les « quartiers populaires » rencontrent des difficultés multiples, liées à la concentration de populations, plus jeunes et plus pauvres qu’ailleurs, qui sont souvent issues de l’immigration. Dans ces quartiers, pour contrer les discours séparatistes et la délinquance qui s’y sont développés, les pouvoirs publics, au-delà de promesses de principes, doivent répondre concrètement au profond sentiment d’abandon des habitants qui y vivent.

A cet effet, la mission « Réussite républicaine », propose, avec pragmatisme, la multiplication de toutes les actions, en faveur des familles, qui auront été reconnues localement comme des réussites. Elle présente aussi « dix règles d’or », issues du terrain, pour « booster » la « réussite républicaine des familles pauvres », en ciblant plus particulièrement les parents, spécialement les femmes, ainsi que les enfants et les adolescents.

Nombre d’initiatives, tout à fait innovantes, qui sont présentées dans ce rapport, même si elles n’y font pas explicitement référence, relèvent, de fait, d’une approche de type communautaire. Peut-être serait-il donc temps de faire un pas de côté, pour dédiaboliser le travail social communautaire, comme l’avait souhaité le Conseil supérieur du travail social lors de son assemblée générale du 1er octobre 2015 ? (5). Il y a urgence si nous ne voulons pas passer d’une société dans laquelle on vit, actuellement, côte à côte, à une société dans laquelle on vivrait, demain, face à face, comme le craignait Gérard Collomb, ancien ministre de l’intérieur. Le Comité interministériel des villes ne devrait-il pas « booster » le travail social communautaire pour prévenir le séparatisme islamique et les conduites à risque des jeunes issus des immigrations extra-européennes ?

En 2011, le Centre d’analyse stratégique (ex Commissariat Général du Plan), avait organisé, sur plusieurs mois, un séminaire sur « les politiques de cohésion sociales, acteurs et instruments ». Lui aussi avait tenu à consacrer, l’une de ses séances, aux actions collectives et aux approches communautaires (6)

 

  1. Les métamorphoses françaises, Etat de la France en infographies et en images, Seuil octobre 2024
  2. Le déni des cultures, Seuil septembre 2010
  3. Voir son site https://www.desideespour2027.fr/
  4. https://www.ecologie.gouv.fr/presse/remise-du-rapport-mission-reussite-republicaine-vincent-lena-juliette-meadel-ministre
  5. https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/2015_avis_csts_1er_octobre.pdf

Voir le chapitre 4 : https://strategie.archives-spm.fr/cas/system/files/24_cohesion_sociale_13022013_0.pdf

A propos Régis Moreira

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