La démocratie est le credo de notre société, mais celle-ci exige des voix, des oreilles et des cœurs qui écoutent. (Hartmut Rosa Pourquoi la démocratie a besoin de la religion)
La quête de l’Ubuntu, un nouvel humanisme fondé sur l’écoute, l’empathie et le dialogue des cultures.
Le dossier de cette lettre qui précède notre Université d’été est consacré à une première synthèse du beau chantier que nous avons engagé il y a deux ans « À l’écoute des jeunes ». L’occasion de revenir sur cette notion d’écoute qui est au cœur du deuxième engagement de notre Charte, peut-être le plus important : « Apprendre à connaître et respecter les autres formes d’expériences et de spiritualité que la sienne et faire de ce dialogue un support de son propre cheminement ».
L’écoute est en effet une condition du dialogue, interconvictionnel comme démocratique, car comment dialoguer si l’on ne se laisse pas interroger par le point de vue de l’autre. Cela ne veut pas dire lui donner raison, mais juste comprendre les raisons qui le poussent à penser ce qu’il pense, à prendre telle ou telle position, à agir dans tel ou tel sens. D’abord l’écouter sans le juger avant de dialoguer. C’est ce que nous avons voulu faire avec ce chantier.
De ce point de vue, comme le rappelle la citation de Hartmut Rosa en exergue, l’écoute est aussi une condition de la démocratie. Notamment de la part des responsables. C’est pourquoi il faut saluer l’initiative de la Fondation Jean Jaurès d’avoir publié le résultat de l’analyse des réponses au questionnaire du Grand débat qui a suivi la crise des Gilets jaunes et que ceux qui l’avaient lancé ont ensuite voulu enterrer ou, pire, dont ils ont détourné le sens pour conforter leur point de vue. « Lorsqu’on exerce une fonction de représentation collective, on a un devoir d’écoute » leur rappelait Laurent Berger à la fin de son mandat dans Du mépris à la colère.
L’écoute est aussi une condition de l’empathie, cette capacité à se mettre à la place de l’autre, qui est au cœur de l’humanisme. Comme le diagnostiquait en son temps Hannah Arendt « la mort de l’empathie humaine est l’un des premiers signes et le plus révélateur d’une culture sur le point de sombrer dans la barbarie ». Au contraire, l’empathie est le moteur de cet humanisme, qui nous fait reconnaître dans l’autre, quel qu’il soit, quelle qu’elle soit, un autre humain, un frère ou une sœur en humanité, et nous permet d’échapper à la barbarie.
Elle est le moteur de cet Ubuntu, ce mot bantou qu’on peut traduire par « »humanité », ou « fraternité » ou « compassion » ou encore « faire communauté » » et utilisé par Nelson Mandela comme « art de rendre la communauté meilleure » pour tourner la page de la barbarie de l’apartheid. Un mot inscrit dans la Constitution sud-africaine et repris aujourd’hui par le philosophe franco-sénégalais Souleymane Bachir Diagne, spécialiste de la philosophie islamique et africaine, dans sa quête d’un humanisme universel qui respecte la diversité des sources d’humanité, au-delà des seules références européennes et occidentales.
Diverses pistes qui illustrent que l’écoute, l’empathie qui en est la condition, sont au cœur de ce nouvel humanisme, cet Ubuntu que nous voulons contribuer à inventer pour régénérer la démocratie.
Daniel Lenoir, Président de D&S.