Démocratie & Spiritualité …une instance commune de réflexion invitant à l’action.
Le gang du biberon
Philippe SÉGUR
Editions Buchet-Chastel (2022)
Cela fait bientôt quatre ans que je consacre une part importante de mon temps dit libre au bénévolat pour le compte de la bibliothèque associative de ma commune.
Plus de 12 000 ouvrages sont mis à disposition des lecteurs et lectrices et m’offrent un extraordinaire terrain d’exploration qui m’a permis de découvrir un genre littéraire que j’affectionnais peu jusqu’alors, le roman.
Enfant, je n’ai pas souvenir que l’on me racontait des histoires, celles qui font rêver ou qui font peur, qui participent à forger l’homme – ou plutôt la femme – que l’on deviendra, celui ou celle qui se rendra vite compte que, pour le coup, des histoires on lui en racontera et qu’il ou elle s’en racontera et en racontera aux autres !
J’ai donc commencé mon exploration de ce terrain quelque peu méconnu. J’ai découvert que le roman a cette capacité à explorer la vie, celle que nous vivons ou fantasmée, et ainsi nous permet de comprendre l’état du monde en écrivant ou en ré-écrivant son histoire et en la projetant dans une réalité crue ou parée de mots protecteurs.
Le gang du biberon nous projette dans les deux. Mots protecteurs (drôles, burlesques, absurdes) et fous rires assurés pour nous dépeindre un quotidien que beaucoup d’entre nous ont pu vivre ou vivent encore, réalité crue car il se situe en 2020 à la veille de l’explosion du Covid et de ce qu’il va provoquer de tragédie pour ce “gang” et tant d’autres.
Ce gang c’est une famille composée des parents – le mâle qui se sent émasculé et sa femme la féministe – et leurs trois enfants – la surdouée, la peste et le bébé – tous les cinq partis à l’aventure sur les routes d’Espagne – car l’Inde c’est trop moin – sans téléphone, ni carte ni GPS.
Cette aventure va se révéler une étude grinçante des rapports hommes-femmes et de la difficulté à trouver sa place dans le monde d’aujourd’hui.
Le père de famille ne sait plus vraiment qui il est, quelle est sa place et sa contribution dans le couple, dans la famille, dans son travail. Il en assez du bureau, des réunions, de la paperasse, toutes « ces absurdités que les êtres humains avaient inventées pour se donner l’impression d’exister ».
Elle, est militante dans un mouvement féministe radical “le Fuck” qui la conduit à systématiquement questionner chaque acte du quotidien en termes de rapport – et confrontation – égalité hommes-femmes. Ce dont son mari va d’ailleurs jouer avec beaucoup de roublardise tant les réactions de sa femme sont prévisibles …
Les voilà donc partis, confinés tantôt dans leur voiture tantôt dans des chambres d’hôtel qui les contraignent à cohabiter difficilement, aiguillonnés par le niveau sonore de la peste malicieuse, le rythme des biberons du petit dernier ou encore par les tentatives du père pour renouer charnellement avec sa femme tout en ayant auparavant tenté de neutraliser, en vain, ses enfants !
C’est ainsi qu’au terme de ce périple mouvementé, nous arrivons avec cette famille à bout de souffle jusqu’au sud de l’Espagne. Non sans avoir traversé bien des fous rires, confrontés à l’absurdité des situations décrites qui nous en rappellent certaines que nous aurions vécues nous-mêmes…
Mais dans nos vies, au royaume de l’absurdie, le COVID s’est invité sans crier gare. Tout comme il s’invite brutalement dans ce huis-clos familial. Le confinement – d’une autre nature que celui qui s’est imposé à nos protagonistes – est annoncé et la famille doit rentrer avant la fermeture de la frontière. Les événements qui s’ensuivront ne laisseront personne indemne. L’épopée familiale savoureuse laissera la place à une réalité sombre dont nous ne mesurons pas tous les effets dévastateurs aujourd’hui encore.
