UE 6.1 L213 : Penser, agir, vivre pour relever les défis culturels, spirituels et politiques par Jean Claude Devèze

JC Devèze le 10/09/25, corrigé le 13/09/25

 

Penser, agir, vivre pour relever les défis culturels, spirituels et politiques

Ce que j’ai retenu de l’UE de DS 2025

 

Notre Université d’été portait sur un thème ambitieux et complexe : « Un renouveau humaniste pour régénérer la démocratie ». Ce qui suit ne vise qu’à partager ce que j’ai retenu compte tenu de mon parcours militant et de mon propre référentiel (1). Militant pour une alliance humaniste des forces de vie valorisant les interactions constructives entre culture, spiritualité et politique, j’aborde ci-après la façon de relever les défis culturels, spirituels et politiques pour prendre en compte le changement d’époque en cours. Le titre que j’ai choisi, « Penser, agir, vivre pour relever les défis culturels, spirituels et politiques », rejoint le projet du Pacte civique appelant à « Penser, agir, vivre autrement en démocratie».

 

Relever le défi culturel

« La vraie culture vient du bas ; elle est instituante. » Michel Maffesoli

 

Dans mon exposé « Cultures en travail et ambitions démocratiques », j’ai souligné l’importance des interactions entre cultures personnelles et cultures collectives pour construire des identités personnelles et collectives solides nous aidant à affronter nos problèmes complexes et relever les défis actuels. Je vous propose de compléter et enrichir cette conviction par de nombreux points énoncés au cours de nos travaux :

• nos personnes ont du mal à se construire et à édifier des personnalités solides et ouvertes pour de nombreuses raisons : tendance à rester dans le cercle des « mêmes », montée des conduites addictives, spirales d’enfermement dans des réseaux, peurs générant de la méfiance et parfois de la violence, problèmes d’éducation dans les familles et à l’école,… ;
• nos organisations et communautés en travail ne disposent souvent pas de socles assez solides et de personnes assez empathiques pour aider d’une part les individus à acquérir des repères, à forger leur personnalité, à découvrir leur identité, à trouver leur vocation et à cheminer fraternellement, d’autre part à remplir leurs objectifs dans la durée en mobilisant toutes les capacités de leurs membres.

Parmi les voies à travailler, il a été évoqué :

• face à l’insécurité culturelle et à l’érosion du lien social, promouvoir une culture de la rencontre et du dialogue et non du soupçon et du ressentiment ;
• favoriser les cheminements personnels dans des communautés empathiques et fraternelles aidant à trouver des repères et à favoriser des ouvertures sur l’autre différent ;
• penser pour « Refaire renaissance », comme c’était le projet de la revue Esprit en 1932, et promouvoir un renouveau humaniste (une alliance humaniste des forces de vie ?) ;
• résister aux dérives numériques inhumaines en maîtrisant mieux l’usage d’internet et de l’IA.

 

Relever le défi spirituel

« Ma tâche est d’aller le chemin prescrit par ma vocation. » Paul-Louis Landsberg

« Le travail spirituel est le travail de vivre, tout simplement. » Christian Bobin

 

La dimension spirituelle n’a pas été très présente durant cette UE. Elle a été abordée à la marge, par exemple en traitant de :

• l’importance dans nos dialogues et nos écrits de veiller à l’usage des mots en prenant le soin de les définir et d’approfondir cette définition pour leur donner du sens et du poids ;
• l’exégèse des textes spirituels et religieux qui se fait dans un dialogue autour des mots et en cherchant des réponses à des aspirations quotidiennes comme universelles;
• la nécessité, pour atteindre plus de sagesse, d’une parole porteuse de raison (logos) et riche de récits et symboles (mythos) lui évitant de tomber dans les excès (dionysos) ;
• l’imbrication créative de l’immanence et la transcendance ;
• l’exigence d’approfondir nos vocations pour cheminer en cohérence avec nos convictions et nos aspirations.

Parmi les voies à travailler, il a été évoqué :

• faire de la spiritualité un bien commun ;
• se confronter aux mystères des religions et aux incomplétudes des croyants ;
• savoir se ménager des temps de silence et de méditation ;
• être patient et persévérant afin de pouvoir espérer au-delà des épreuves et du mal.

 

Relever le défi politique

« L’évènement est notre maître intérieur. » Emmanuel Mounier

 

Dans son intervention dimanche matin, Anne-Lorraine Bujon, directrice de la revue Esprit, nous citait Paul-Louis Landsberg qui, dans ses Réflexions sur l’engagement personnel, nous rappelait que,  dans un monde plein de contradictions et de tensions, l’engagement n’est pas pur, mais mis au service de causes imparfaites. Relever le défi politique requiert donc de s’engager en étant conscient des difficultés de trouver le juste positionnement entre une radicalité qui risque de dégénérer en violence et une recherche du compromis à tout prix qui risque de nous faire tomber dans l’insignifiance.  Pour régénérer notre démocratie, il faut des citoyens engagés s’impliquant en connaissance de cause au sein d’organisations solides. Je vous propose de compléter et enrichir cette conviction par des points énoncés au cours de nos travaux :

• des jeunes rencontrés à l’UE DS nous ont rappelé leur demande d’être écouté et leur aspiration à un monde en harmonie avec la nature et promouvant la justice sociale ;
• le choix est entre démocratie de qualité et barbarie ;
• les révoltes légitimes et organisées sont supérieures aux révolutions chaotiques.

Parmi les voies à travailler, il a été évoqué :

• face à la crise de nos démocraties, promouvoir le débat et la délibération en respectant l’éthique de la discussion et organiser des processus contribuant à lutter contre nos peurs, à dépasser nos idées fixes et à répondre à nos attentes ;
• chercher à co construire des visions partagées entre  générations, peuples, religions…;
• faire face à la crise des droits de l’homme et du droit international ;
• rechercher plus d’unité en prenant en compte nos interdépendances et plus de compromis constructifs pour dépasser les conflits inutiles ;
• contribuer à promouvoir la laïcité (2) ;
• appuyer engagements et implications responsables dans la durée.

 

En conclusion :

• nos  personnes et nos organisations ou communautés doivent travailler à rechercher des nouveaux équilibres personnels et collectifs porteurs de sens, ce qui ne peut se faire sans des cheminements exemplaires alliant le culturel, le spirituel et le politique (3) ;
• la promotion de dialogues interculturels, inter spirituels, interreligieux, transpolitiques sont primordiaux pour se comprendre et pouvoir agir ensemble ;
• pour un renouveau humaniste, il est important d’une part d’approfondir ses diverses dimensions (communicationnelle, sociale, personnaliste, spirituelle, porteuse de communion avec la nature, etc.), d’autre part de les rendre cohérentes et de les faire converger.

PS : Notre université d’été a été réussie, car il a été largement répondu aux attentes suivantes exprimées dans le 6*6 de départ : souhait d’un moment privilégié partagé, se ressourcer, être entre personnes authentiques, identifier des leviers d’action.

 

1/ Voir mes ouvrages individuels ou collectifs parus chez Chronique sociale dont les suivants : Penser, agir, vivre autrement en démocratie ; Relever le défi démocratique ; Pratiquer l’éthique du débat ; Vers une civilisation-monde alliant culture, politique et spiritualité ; Co consrtuire un devenir commun ; Se rencontrer, dialoguer, débattre, délibérer… (à paraître).

2/ Définition de la laïcité proposée par Éric Vinson : régulation démocratique des faits religieux et convictions qui passe en France par la séparation des religions et de l’Etat et par sa neutralité.

3/ D’où ma proposition de créer un groupe de travail sur « Richesse et complémentarité des dimensions culturelle, spirituelle, politique »