Vers une autorité indépendante chargée de la laïcité (sur la proposition de loi constitutionnelle de Jérôme Guedj).
Je veux saluer ici l’initiative qu’a prise mon collègue et ami Jérôme Guedj de proposer une loi constitutionnelle portant création d’un Défenseur de la laïcité et définition de ce principe lui-même reconnu par la Constitution.
Cette proposition rappelle opportunément que la Constitution du 4 octobre 1958 affirme dès son article premier que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». Précisons qu’elle ajoute qu’« elle (la République) assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion » et qu’« elle respecte toutes les croyances ». La confusion introduite par l’instrumentalisation politicienne de la laïcité, notamment à des fins de racisme antimusulman autrement dit d’islamophobie, comme l’hystérisation des débats sur ces questions nous avait conduit en avril 2021, avec Démocratie & Spiritualité, à lancer un « Appel à la création d’une autorité indépendante sur la laïcité » chargée « d’arbitrer les dilemmes du quotidien dans l’application des principes de la laïcité » et intitulé « Pour une laïcité de paix ».
C’est cette autorité indépendante, de nature constitutionnelle comme l’est aujourd’hui le Défenseur des droits, que constituerait le Défenseur de la laïcité proposé par Jérôme Guedj. Il veillerait au respect du principe de laïcité i.e., reprenant la jurisprudence du Conseil constitutionnel : « la liberté de conscience et (…) le respect de toutes les croyances, (…) la garantie du libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées par la loi dans l’intérêt de l’ordre public, sans que la République n’en reconnaisse ni n’en salarie aucun, (…) l’égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de religion et (…) la neutralité des administrations publiques et de tout organisme investi d’une mission de service public ».
Il eut été possible de confier cette nouvelle mission au Défenseur des droits considérant que la laïcité génère des droits pour chacun qui méritent d’être défendus, ou au contraire d’adopter une terminologie moins défensive que celle-ci si l’on considère que la laïcité a moins à être défendue qu’à être promue ou valorisée et parfois même interprétée dans son application, ce qui est à l’évidence l’intention de la proposition. Mais ne faisons pas la fine bouche sur la terminologie : peu importe l’étiquette pourvu qu’on ait le contenu.
Il me semble essentiel sur des sujets de cette nature que ce Défenseur de la laïcité soit entouré d’une formation collégiale, comme l’envisage la proposition en renvoyant sa constitution à une loi organique qui définirait plus précisément les attributions et les modalités d’intervention de cette nouvelle autorité indépendante. Cette loi organique prévoirait également les conditions dans lesquelles « toute personne s’estimant lésée au regard du respect du principe de laïcité par un service public ou un organisme visé au premier alinéa ».
S’il peut, selon la proposition, se saisir d’office, il faudrait aussi que cette loi organique prévoit que l’exécutif (voir les exécutifs publics) soit tenu de saisir cette autorité indépendante avant toute décision mettant en œuvre les principes de la laïcité, comme par exemple la question du port de l’abaya dans les établissements scolaires, pour éviter l’instrumentalisation à laquelle on avait assisté à l’époque.
En tout cas, j’apporte tout mon soutien à cette proposition.
Daniel Lenoir
Dijon, le 28 novembre 2025
Démocratie & Spiritualité …une instance commune de réflexion invitant à l’action.