Accueil > Universités et colloques > Glossaire. Définitions proposées pour aborder des thèmes en débat au groupe Laïcité & Spiritualité de D&S

Glossaire. Définitions proposées pour aborder des thèmes en débat au groupe Laïcité & Spiritualité de D&S

  • Le groupe Laïcité & Spiritualité se donne pour objectif de rédiger un texte sur la relation croisée entre la laïcité et la spiritualité dans notre histoire française, contemporaine et actuelle.
  • Trois sous-groupes ont été constitués et travaillent en ce sens. Le premier présente des définitions pour aborder ces thèmes. Le deuxième se propose d’aborder la question de l’enseignement des faits religieux à l’école (bilan et perspectives). Le troisième travaille spécifiquement sur les relations entre laïcité et islam, sujet aujourd’hui au cœur des préoccupations gouvernementales et citoyennes.
  • Pour être féconds et éviter les malentendus, les échanges et débats commencés au sein du groupe Laïcité et Spiritualité s’appuient sur des définitions communes de mots-clefs liés aux cinq problématiques du glossaire ci-dessous.
  • Cet essai de définitions pourra être soumis à controverses, vu la complexité de sujets qui nécessitent des regards croisés et des approches interdisciplinaires. En revanche, il pourra être déjà utile à ceux et celles qui cherchent à clarifier leur position et à débattre en approfondissant des désaccords.
  • En lisant ce glossaire, les lecteurs de La Lettre peuvent se poser les questions suivantes :
  • Est-ce que je m’y reconnais ?
  • Des définitions me posent-elles problème ? Dans l’affirmative, quelle définition alternative en donnerai-je ?
  • Merci d’avance d’adresser vos retours au secrétariat de D&S : ds.secretariat@gmail.com, qui les transmettra aux rédacteurs.

Marcel Lepetit

 

(1) Caricature, blasphème, libertés de conscience et d’expression

 Blasphème : Parole ou discours qui est considéré comme outrageant par des croyants pour leur divinité ou par extension pour leur courant spirituel ou pour leur religion ou pour ce qui est vénéré ou considéré comme sacré.

Définition simplifiée : Parole ou discours qui sont considérés comme outrageant une « divinité » respectée ou une religion.

Caricature : Représentation souvent grotesque, en dessin, en peinture, etc., obtenue par exagération ou déformation des traits caractéristiques d’une personne, comme son visage ou les proportions du corps, par des bulles d’expression, dans une intention humoristique, satirique ou visant à ridiculiser.

Liberté de conscience : Droit individuel, qui peut aussi avoir des traductions collectives, reconnu comme la possibilité de croire, de changer de croyance ou de ne pas en avoir. Elle résulte de l’article 10 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, repris dans la déclaration universelle (article 18), et est affirmée par l’article 1er de la loi de 1905.

Liberté d’expression : Droit pour toute personne de pouvoir exprimer ses opinions par tous les moyens qu’elle juge opportuns, dans tous les domaines de la pensée, de la politique, de la philosophie, de la religion, de la morale, etc.

Commentaires :

Le blasphème a été considéré comme un crime en France jusqu’à la Révolution et a définitivement disparu du code pénal avec la loi de 1881 sur la liberté de la presse.

La liberté de conscience est un droit individuel fragile et résilient, jamais acquis et toujours à défendre. Affirmé par l’article 11 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen (et reprise dans l’article 19 de la déclaration universelle), elle n’est pas, au moins en France, sans limite et s’exerce dans le respect de la loi et de l’ordre public, en s’interdisant notamment l’incitation à la haine, à la violence ou à la discrimination raciale (infractions punies par la loi). Au niveau international, la période de consensus autour de l’universalité de cette notion est relativement courte (de l’après 2ème guerre mondiale à la fin de années 1960). Depuis les années 1970, elle est souvent considérée comme une « liberté occidentale ».

La façon d’aborder la liberté de conscience et d’expression est liée aux contextes culturels, religieux, politiques qui sont très divers dans le monde (la législation de 84 pays condamne par exemple le blasphème). La liberté d’expression doit s’exercer dans le respect d’autrui comme de la loi ; sa pratique est aussi à examiner par apport à la profession exercée (liberté pédagogique du professeur, liberté médiatique du journaliste, obligation de réserve des fonctionnaires, …), ce qui renvoie à la responsabilité et à la déontologie/éthique de chaque profession.

 

(2) Islam, islamisme, islamisation

Islam : Religion des musulmans, de ceux qui adhèrent au message de Muhammad, avec un « i » minuscule pour la distinguer de l’Islam qui est la civilisation qui caractérise le monde musulman.

Islamisme : Mot utilisé autrefois par certains pour désigner la religion musulmane, donc l’islam, par assimilation au christianisme ou au judaïsme. Le mot désigne aujourd’hui les courants de pensée musulmans, apparus au XXe siècle, qui veulent traduisent le message religieux en message politique (comme le faisait la chrétienté après l’empereur Constantin). L’islamisme regroupe diverses approches complémentaires ou concurrentes, celle faisant de la charia la source unique du droit et du fonctionnement de la société, celle d’instaurer un État musulman, celle d’une religion fondamentaliste, celle de conversion ou d’élimination des « impies ». L’islamisme, dans son sens de théorie politique, génère des islamistes qui peuvent utiliser des moyens d’action divers, du prosélytisme à la violence terroriste, pour convertir à leurs vues ceux qu’ils peuvent influencer en développant des phénomènes communautaires excluants, voire séparatistes.

Islam politique : « Il désigne les courants politiques et/ou idéologiques appelés communément salafisme (wahhabisme), le Tabligh ainsi que ceux liés à la pensée des Frères musulmans et des courants nationalistes qui s’y rattachent » [1].

Islamisation : Processus menés par des islamistes pour islamiser une culture, une population, un régime politique, etc. L’expression est particulièrement utilisée pour les quartiers qui ont été parfois qualifiés de « territoires perdus de la République ».

Djihadisme : Terme issu de djihad, guerre sainte (expression qui peut selon certaines interprétations de l’islam viser une démarche spirituelle : djihad intérieur). Ce mot s’applique aux terroristes qui veulent imposer l’islam par la violence et la guerre, appelés djihadistes.

Islamophobie : terme qui vise une forme de dénigrement, de racisme et de discrimination à l’égard des musulmans ou des personnes issues de pays de culture musulmane (Maghreb notamment en France), mais qui a été instrumentalisé par les islamistes pour viser toute critique de l’islam.

Commentaires : Le rôle et la place de l’islam et des musulmans peut être abordé sous de nombreux angles comme les suivants : sur le plan religieux, l’évolution des islams et les problèmes posés par leurs différences et leurs crises ; sur le plan culturel, l’imposition de comportements et de règles qui seraient dictés par la religion ;  sur le plan politique, les diverses articulations avec les religions,  les manœuvres géopolitiques des États « musulmans », les dérives terroristes et djihadistes, etc. ; sur le plan social, les relations et interactions entre musulmans et non musulmans (voir les problèmes posés par la crainte de l’islam, des migrations, du communautarisme, etc.) ; sur le plan éducatif, les modes d’enseignement de leur religion aux musulmans et la (mé-)connaissance de l’islam par les non musulmans.

L’usage du mot islamisme, qui évolue beaucoup, reste contesté par ceux qui assimilent le mot islamisme à christianisme. Pour certains, l’islamisme désigne seulement ce que le CFCM l’islam politique. Pour promouvoir celui-ci, depuis les années 1920 en Égypte, le mouvement des Frères musulmans a cherché à jouer d’une approche théocratique pour idéologiser l’islam[2] ; il a été rejoint par d’autres mouvements qui ont aussi joué des registres scripturaires, juridiques, historiques, philosophiques, culturels pour chercher à imposer leur approche.

 

(3) Laïcité, neutralité, respect

Laïcité : « La laïcité garantit la liberté de conscience. De celle-ci découle la liberté de manifester ses croyances ou convictions dans les limites du respect de l’ordre public. La laïcité implique la neutralité de l’État et impose l’égalité de tous devant la loi sans distinction de religion ou conviction »[3].

Définition simplifiée : Protection et organisation de la liberté de conscience et de culte dans le cadre de la loi d’un État non confessionnel[4].

Neutralité : Position de quelqu’un, d’un groupe, d’un État qui ne se prononce pour aucun parti pris, cherchant à adopter une position de surplomb, notamment quand il s’agit de gérer les conflits en respectant toutes les parties concernées. Le principe de laïcité entraine la neutralité, – qui en est le corolaire, mais avec laquelle on la confond souvent -, de la République et des institutions qui l’incarnent (État, collectivités territoriales et services publics) sur la question religieuse et, par voie de conséquence l’interdiction pour les agents concernés de manifester leurs convictions par leurs propos et par des signes visibles dans l’exercice de leurs fonctions.

Respect : Attitude de considération, d’égard que l’on peut avoir envers une personne ou un groupe ou quelque chose qui peut être considéré comme sacré. Respecter quelqu’un, c’est faire attention à ce qu’il peut ressentir, avoir de la considération pour lui, accepter ses différences, même si on n’est pas d’accord avec lui ou avec ses idées. Le « respect des croyances » est visé par l’article 1er de la Constitution.

Radicalisation : Fait, pour un individu ou un collectif, d’adopter un comportement extrême, dur, sévère, intransigeant par rapport aux normes auxquelles il considère devoir se soumettre. Il s’agit d’un processus dynamique, progressif ou brutal de glissement qui place l’individu ou le collectif à l’écart par rapport à un ensemble de normes (personnelles et sociales).

Commentaires : La laïcité se manifeste sous diverses formes dans toutes les régions du monde – même si le mot peut être inconnu ou sa traduction poser problème -, la France étant spécifique par sa volonté de séparer l’État et la religion en veillant à la neutralité des services publics. Elle permet de protéger et d’encadrer la liberté de conscience et de culte dans le cadre de la loi d’un État non confessionnel. Cette notion est mal comprise par les États confessionnels, mais aussi par ceux où Dieu est considéré comme une référence transcendante. La mise en œuvre de la laïcité nécessite le respect de chaque personne et de leurs communautés, ce qui est plus exigeant que la simple tolérance. D’un point de vue historique, comme aujourd’hui dans la société française, il a existé/existe différentes représentations de la laïcité portées par les acteurs sociaux. Ces représentations articulent différents éléments comme la liberté de conscience (et ses rapports avec la liberté religieuse), l’égalité des droits (en dehors de conditions religieuses), la séparation des Églises et de l’État, la neutralité.

Le mot radicalisation, utilisé souvent d’abord pour caractériser une dérive individuelle, recouvre aussi une dimension collective en divers domaines (social, politique, économique, religieux, culturel, écologique, économique).

 

(4)  Religion, faits religieux, foi, culte, rite, sacré

Religion : Ensemble de croyances, de symboles, de rites et de dogmes définissant le rapport de l’homme avec un Dieu ou le sacré dans son environnement.

Faits religieux : en France, manière de qualifier les approches scientifiques et pédagogiques des phénomènes religieux, en les considérant comme des faits historiques et comme des faits sociaux.

Foi : Adhésion de l’homme à un idéal qui le dépasse, à une croyance d’ordre religieux, spirituel, altruiste.

Culte : Hommage, honneur rendu, lords de cérémonies ou rencontres, à des êtres divins ou jugés tels ou à certains êtres (anges, saints, prophètes, etc.) qui sont considérés comme proches de Dieu ou de la divinité.

Rite : Action accomplie conformément à des règles et faisant partie d’un cérémonial ou d’une liturgie.

Sacré : Ce qui appartient au domaine séparé, intangible et inviolable du religieux et qui doit inspirer crainte et respect, souvent en rapport avec une religion et/ou l’exercice d’un culte et/ou le sens du sacré (mot utilisé par opposition à profane).

Commentaires : Basée normalement sur la Foi, la pratique religieuse ne prend sens en profondeur que si elle est nourrie par une vie spirituelle ; les deux (pratique religieuse et vie spirituelle) sont souvent soutenues par des rites, des normes, des dogmes, des approches éprouvées et une créativité appropriée. Le danger est que des clercs s’appuient sur des rites et des normes pour embrigader des fidèles ayant besoin de la sécurité d’une communauté pour vivre avec leurs peurs et du sacré pour donner sens à leur existence.

 

(5)   Spiritualité, universel, transcendance

Spiritualité : Vie de l’esprit et/ou de l’âme qui interroge, inspire et oriente l’existence, donnant sens, cohérence et souffle à la vie. Elle s’appuie généralement sur des temps de silence intérieur, des pratiques méditatives, des attitudes corporelles, des textes fondateurs et, aussi pour certains, sur des groupes spirituels ou des communautés religieuses. Pour certains, la spiritualité englobe la religion.

Universel : Ce qui est relatif au tout, à l’ensemble ; ce qui concerne l’univers, le cosmos, le monde ; ce qui concerne la totalité des hommes considérés comme ayant une égale dignité ; ce qui est tourné dans la même direction (avec en arrière-plan, l’idée de s’unir et de favoriser une uni-diversité).

Transcendance : Ce qui dépasse absolument la réalité courante et est d’une autre nature qu’un domaine de référence déterminé et qui dépasse le monde sensible et peut toucher au symbolique.

Commentaires : La spiritualité est une dimension de la condition humaine, celle de la vie de l’âme et de l’esprit qui donnent sens à l’existence en contribuant à instaurer des liens signifiants de chacun avec soi-même (y compris son corps), avec autrui et avec la nature, de l’immanent avec le transcendant, du profane avec le sacré et du proche avec l’universel. Les forces de l’esprit poussent des personnes comme des communautés à incarner des voies imprévues et à aller dans des directions inexplorées.

 

A propos Régis Moreira

Sur le même thème...

Questionnaire : Groupe Responsabilités, Pouvoirs & Spiritualités

1/ En quoi votre responsabilité représente-t-elle (a-t-elle représenté) une certaine forme de pouvoir ? 2/ …

 

En continuant votre navigation, vous acceptez que ce site utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Plus d'infos

En poursuivant votre navigation, vous consentez nous autoriser dans le but d'analyser notre audience et d'adapter notre site internet et son contenu pour qu'il réponde à vos attentes, que nous utilisions Google Analytics, service susceptible d'installer un ou plusieurs cookies sur votre ordinateur.

Fermer