Remarques sur le texte de Monika « Utopie ?s » par Gérard Moreau
Le texte de Monika est un appel à l’humanité, à l’humanisme, face à la situation concrète des migrants. C’est un appel fort devant les situations des hommes, des femmes et des enfants rencontrés, tels qu’ils cherchent à vivre, pour eux-mêmes et leurs familles, en quittant leurs foyers d’origine, en courant des risques dont on sait qu’ils sont mortels, pour arriver, de manière souvent aléatoire dans des pays qui n’ont d’accueil que le nom, tant les rejets et les peurs sont nombreux, constamment teintés de racisme et de xénophobie.
Idéalisme, bien sûr, s’il s’agit de se référer à des principes d’humanité et de respect de la dignité des hommes et des femmes, mais l’objection que craint Monika ne tient pas et il ne faut pas la tenir comme sérieuse : ne pas se référer à ces principes, c’est non pas constater une réalité dure mais se renier soi-même, par ignorance ou malveillance ; aucune transaction n’est possible sur ces points.
Reste la réalité qu’il faut affronter, y compris pour y inclure tous ceux qui ont peur de leur sort et se sentent menacés par les changements en cours, notamment, en faisant hélas des migrants des boucs émissaires, face à l’arrivée de personnes différentes venues d’ailleurs. Que la réalité soit « dure », chacun pour son compte, n’est pas niable. Et l’on peut comprendre que tous craignent pour la part d’un gâteau, souvent si mince. Dans son appel humaniste et parce qu’elle en a connu l’expérience, Monika en voit les limites et les affres. Et dans son texte, elle fait le choix, que je partage, de l’humanité, tout en trouvant bien sûr des arguments plus matériels en ce sens (les besoins de main d’œuvre), sans s’égarer dans les méandres de la démographie.
Sans doute faut-il creuser davantage dans les motifs de crainte ou de peur, sans s’attarder aux faits divers, presque inévitables parmi les personnes perdues dans leurs propres changements et l’immense difficulté à trouver une place dans un pays inconnu (et peu accueillant globalement). Crainte de la différence, notamment de comportements culturels inconnus ou incompréhensibles (« l’islam » !) ; peur surtout des changements dans un monde mouvant rapidement de tant de manières (l’informatique, les réseaux et les transports de toutes sortes qui font entrer le monde à nos portes, et peut-être d’abord à la télévision..) ; inquiétude ou incertitude enfin de l’avenir, des prix et des revenus, menacés pour les plus démunis, et pas seulement les pauvres. Ces peurs de multiples changements se focalisent, avec l’appui des démagogues, sur les étrangers de couleur, visibles concrètement dans les rues.
Le chaos du monde ne date pas d’aujourd’hui, il n’est pas plus aisé de vivre dans le monde d’Averroès qu’à l’époque actuelle, les guerres s’y déroulaient aussi, et les génocides. Et, comme le souligne Monika, l’ignorance était aussi à l’ordre du jour.
On en arrive donc au vrai choix : pour quoi vivons nous ? Dans quelle direction voulons-nous marcher ? Aller au fil de l’eau ou continuer à se battre, autant qu’on le peut ? Peut-être suis-je moins optimiste que la conclusion de Monika, mais plus que le titre de son papier : utopie que sa position ? Non pas, engagement et combat vers quelque chose de meilleur, et ce n’est pas une utopie. Un monde plus paisible, « tous habitants confondus » ? Cette formule ne me convient pas, les « habitants » ne sont pas appelés à se confondre, leurs différences sont aussi inévitables que nécessaires, mais sans se confondre, notre combat est de tenter de les faire vivre ensemble, en se respectant. Une manière forte d’interpréter cela, je l’ai trouvée dans le livre de Souleymane Bachir Diagne ‘Universaliser : l’humanité par des moyens d’humanité ». Et j’ai beaucoup aimé ce livre.
Chère Monika, ces nuances ne font que conforter la qualité de ton texte.
29/08/2025
 Démocratie & Spiritualité …une instance commune de réflexion invitant à l’action.
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