Avec cœur et raison, une expérience d’élu – Jean-Paul Welterlen
Relire cette tranche de vie d’élu, tel est mon propos ainsi que d’en dégager quelques lignes de force qui m’ont aidé à être plus lucide dans ma façon d’agir et d’être, d’être avec et pour.
J’aborderai deux tranches : l’une qui va de 1995 à 2008 et l’autre de 2008-2014 jusqu’en 2020.
Rien ne me prédestinait à être élu : un jour de 1995 on est venu me chercher, on a insisté, j’ai finalement accepté. Fraîchement élu, me voilà vice-président du SIVOM puis en 1998 lors de la naissance de la Communauté de communes de Cernay et Environs chargé du tourisme puis de la culture.
Lors du renouvellement de l’équipe municipale suite aux élections de 2001, Mme le Maire me confiera la fonction de 1er adjoint.
Je prends conscience de l’engagement et y prends goût. Est-ce le goût d’un certain pouvoir ou celui d’un service. Vraisemblablement les deux. Je crois que l’un ne va pas sans l’autre. Mon sous-titre de la campagne de 2008 a été « Avec cœur et raison ». Chemin faisant, me revient à l’esprit cette réplique de Jésus à Pilate : « Tu n’aurais aucun pouvoir, si tu ne l’avais reçu.. » que cela soit d’en-haut ou d’en-bas !
Uffholtz s’étend sur 1100 ha (dont 500 ha de forêts) de la plaine au sommet du Molkenrain (1125m) à proximité du Vieil-Armand encore appelé Hartmannswillerkopf, que la guerre de 1914 a rendu tristement célèbre. Les villages à son pied ont été détruits à 80%.
Aujourd’hui, Uffholtz compte aux alentours de 1800 habitants.
Me reviennent des verbes que l’élu que j’étais a essayé de conjuguer pêle-mêle au fil des jours…
chercher de la ressource
laisser advenir
communiquer
expliquer
proposer
inscrire un rythme
donner du sens
rassembler
convaincre
répondre à des besoins
susciter des désirs
sérier des priorités
discerner,
dialoguer
déléguer
travailler en équipe
joindre et rejoindre
rendre possible
C’est aussi saisir des opportunités , les transformer en projets et apprendre la patience :
C’est au début des années 2000 que la commune d’Uffholtz acquiert cette propriété datée de 1581 et marquée par les stigmates d’une histoire tumultueuse. Au cours du conflit 1914-1918 le bâtiment est utilisé par l’armée allemande comme abri sanitaire permettant le tri et les soins des soldats blessés. Pour se faire, le sous-sol a été renforcé d’une dalle de béton armé d’un mètre cinquante d’épaisseur au cours des années 1916 / 1917.Un panneau en bois marqué de l’inscription « Sanitäts-Unterstand » indiquait sur la façade la fonction du lieu. La Communauté de communes de Cernay et Environs exprimera dans sa charte de développement le souhait d’en faire un lieu consacré à la mémoire et à l’histoire de la Grande Guerre en lien avec le Hartmannswillerkopf. C’est le projet architectural de Michel Chevallier et Patrick Garruchet, qui sera retenu. Les travaux débuteront en 2008.
A l’été 2010, le bâtiment rénové est renommé, « Abri Mémoire» et s’ouvre au public avec la triple ambition d’être un centre de ressources, de médiation artistique et d’éducation à la citoyenneté et à la la paix.
Elle se décline ainsi :
L’histoire s’écrit, « Wir schreiben Geschichte
la mémoire se transmet, Wir geben die Erinnerung weiter
la paix se donne, Aber Friede ist ein Geschenk »
Au rez de jardin, s’étendent deux salles d’exposition, au 1er étage se déploie le centre de documentation tandis qu’au 2ème étage et sous-comble ont été aménagées une salle de conférence et un logement en vue d’une « résidence d’artiste ».
Le site internet de l’Abri Mémoire vous donnera de plus amples informations ; N’hésitez pas à le consulter.
Si l’Abri mémoire est un lieu de mémoire confronté à l’histoire, il se veut être un lieu d’accueil, de rencontres et d’échanges. C’est la raison d’être de ce Stammtisch, un café en gestion associative en lien avec la commune et la communauté de communes.
Etre à l’écoute des besoins et y répondre :
Le besoin d’un accueil périscolaire est devenu croissant au fil des ans. La vétusté de certaines salles associatives nécessitait une réflexion en vue d’une prise de décision. C’est ainsi qu’est né le projet de construction d’un bâtiment mixte à usage périscolaire au rez de jardin et offrant à l’étage des salles à la disposition des associations. C’est l’aide d’un architecte en retraite habitant le village qui a été d’une aide très précieuse afin de cerner au mieux nos attentes en vue de définir le projet qui sera soumis au concours des équipes d’architectes. Les visites de réalisations similaires ont été particulièrement utiles. Mais n’oublions pas que ce projet n’a pu se réaliser que grâce à l’acquisition, quelques années auparavant, de l’acquisition d’un terrain lors du mandat de Mme la Maire qui m’a précédé.
Accompagner la disparition du Corps communal des Sapeurs Pompiers.
Cette association particulière avait pourtant fêté un grand anniversaire et jouissait d’une grande estime. Là voilà qu’elle se délite après la construction d’une nouvelle « caserne » et l’investissement par la commune dans l’acquisition de nouveaux véhicules même avec l’aide d’une commune allemande. Il faut se rendre à l’évidence d’un problème de recrutement et de cohésion du Corps. Le sauvetage n’a pas été possible à mon grand regret.Seule consolation la mise en place d’une « réserve
communale » prête à intervenir en tant qu’auxiliaire .
Susciter la participation et aider à assumer les contraintes :
De très nombreuses réunions et consultations ont eu lieu pour aboutir à des compromis pour préparer le Plan local d’urbanisme qui a été voté en 2016 en cohérence avec le SCOT (schéma de cohérence territoriale)
Réunir pour travailler ensemble :
La journée citoyenne est devenue un rendez-vous annuel. C’est en travaillant ensemble que se crée un lien social indispensable. Divers ateliers sont proposés : peinture, maçonnerie, fleurissement, dégagement d’un sentier…ensuite il est très agréable de se retrouver à partager un déjeuner préparé par les cuisiniers d’un jour.
Se rassembler pour engager une plus grande sécurité.
Ces réunions animées par le conseil de la direction des routes et la gendarmerie rencontrent un vif succès. Les décisions engagées (ex. le changement de sens de circulation d’une rue) heurtent les habitudes.
Prendre en compte l’échec d’une dénomination de rue suite à une consultation qui n’a pas eu lieu :
Ce soir-là, en conseil, il fallait nous mettre d’accord sur la dénomination d’une rue dans un nouveau lotissement. Tout semblait « calé » en réunion de municipalité : le nom d’un Général Maurice SCHMIDT¹, dont la famille était originaire du village, était pressenti. Ce nom allait compléter la suite d’autres noms du quartier comme : allée René CASSIN², carrefour Ceslaw SIERADZKI³ et rue Maxime ALEXANDRE, un écrivain,poète à la double culture.
Le caractère humaniste et pacifiste du Général n’y fit rien et c’est le toponyme de BACHRUNZ qui lui fut préféré à ma grande déception.
Conclusion : N’y aurait-il pas mieux valu solliciter l’avis des habitants du quartier ?
Tenter une consultation de démocratie dite participative :
Lors de mon deuxième mandat de maire, je me suis rapproché de Jo. Spiegel, maire de Kingersheim, bien connu pour sa gestion participative de la cité. Il nous a accueillis dans sa maison de la citoyenneté et nous a expliqué la démarche. Convaincus, nous nous sommes résolus à l’expérimenter.
La commune avait acquis un terrain entre l’Abri-mémoire, le ruisseau et un restaurant. Nous avions beaucoup de mal à concevoir son aménagement qui devait intégrer un espace de repos, de verdure et une piste de pétanque. Des bureaux d’étude divers se sont succédés ainsi que des demandes de financement. Finalement une jeune équipe d’architectes – paysagistes de Lille, « les Saprophytes » – ont réussi, grâce au concours d’une consultation ouverte, à définir le projet qui intégrait harmonieusement les différentes demandes.
Il ne fallait pas être pressé !
Célébrer, commémorer, fêter : une autre manière de donner du sens et de créer du lien.
Il est des temps pour faire mémoire collectivement ou de façon personnelle :
- le 11 novembre avec la participation des élèves des écoles
- lors de dates anniversaires des 60, 70, 75 , 80 ans de la libération avec les personnes témoins
- lors des grands anniversaires de nos aînés ou lors d’une réunion festive appelée Kaffee Kranzla
Il est des temps de fête qui permettent de renouer des liens avec la ville jumelée Aufheim/Senden en Bavière.
De nombreuses occasions nous sont données » pour rendre possible ce qui est nécessaire », la politique ne devient-elle pas l’art de l’attention et du discernement avec « cœur et raison » face à la complexité des situations ?
et pour communiquer, trouver le langage qui permette de rejoindre les personnes auxquelles on s’adresse. Si la commune a le souci de l’intérêt commun, elle doit viser plus encore le bien commun et aider chacun à trouver sa place.
« Rencontrer des personnes …c’est ce que j’attendais »
J’utilise cette paraphrase empruntée à Emmanuel MOUNIER et je poursuis cette quête.
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¹ Général Maurice SCHMIDT (1919-1976) voir biographie jointe
² René CASSIN (1887-1976) juriste, diplomate et homme politique français,rapporteur de la Déclaration universelle des droits de l’homme en 1948.
³ Ceslav SIERADZKI (1925-1941) premier résistant de la jeunesse alsacienne faisant partie de la Main Noire, tué par les nazis à 16 ans.
Démocratie & Spiritualité …une instance commune de réflexion invitant à l’action.