En-tête

 

 Lettre bimestrielle de D&S n°157

 Janvier - Février 2018

 

Sommaire

Agenda

L’éditorial

Préserver notre capacité à prendre le temps de…

 Nouvelles de l'association.

Compte rendu de l’Université d’été de D&S 2017 «Education, citoyenneté, spiritualité »

Assemblée Générale de D&S en le lundi 9 avril à 17h dans les locaux de Poursuivre

Conviviale du 13 novembre 2017  "se positionner sur l’échiquier politique aujourd’hui"

Conviviale du 11 décembre 2017  avec Serge Tisseron

Deux amis nous quitté : Patrick Brun, Francis Vachette

Résonances spirituelles.

Etablir une relation véritable avec les êtres et les choses

 Veilleur, où en est la nuit ? Que vienne une lumière… ?

Le forum du christianisme intérieur : recherche de Dieu et engagement dans la Cité

Chronique de Bernard GINISTY

 La politique face au « Bien » et au « Mal »

Travaux de Démocratie et spiritualité.

 Où atterrir ? Comment s’orienter en politique ?, Bruno Latour

Macron par Ricœur, Pierre-Olivier Monteil

Pacte civique.

Lancement de la troisième phase du Pacte civique à la mairie de Paris le samedi 20 janvier 2018 de 14h à 17h30.

Informations diverses.

Jeudi 18 janvier 2018 à 19h30, au Forum 104, Conférence avec Patrick Viveret

 

Agenda

Les soirées conviviales

 Une soirée conviviale au Forum 104, 104 rue Vaugirard (75006)

- Mardi 5 février au soir : rencontre avec Benjamin Stora autour des « mémoires dangereuses en France et en Algérie » (horaire et thème en cours de finalisation)

  

Groupe cheminement :

au 21 rue des Malmaisons (75013) PARIS

jeudi 15 février à 15H

mardi 6 mars à 10H

 

Méditations interspirituelles, un mercredi par mois de 18h15 à 19h15

au Forum 104, 104 rue de Vaugirard (75006) PARIS

mercredi 28 février 2018

Mercredi 28 mars 2018

mercredi 25 avril 2018

mercredi 23 mai 2018

mercredi 27 juin 2018

 

Groupe de Grenoble : « Comment je fais face à l’ancrage de la discrimination systématique ?»

lundi 15 janvier 2018, à 17h30 à la galerie LAVINA ,12 place Notre Dame à Grenoble. Thème :

 

Conseil d’administration de D&S : lundi 22 janvier 2018 à 17H,

dans les locaux de Poursuivre 87 rue de l’Eglise (75015) Code :5287, au rez-de chaussée
(métro Félix Faure)

 

Assemblée générale de D&S : lundi 9 avril 2018, à 17h,

dans les locaux de Poursuivre 87 rue de l’Eglise (75015) Code :5287, au rez-de chaussée
(métro Félix Faure).

 

 

L'éditorial

 

Pour des dialogues sincères et constructifs entre convictions différentes

 

Nous avons la chance de voir se multiplier des livres témoignant de la richesse des dialogues entre personnes prêtes à débattre de ce qui leur tient à cœur tout en se respectant dans leurs différences. C’est ce qu’on fait Dominique Wolton et le pape François dans « Politique et société », Delphine Horvilleur et Rachid Benzine dans « Des mille et une façons d’être juif ou musulman ». D’autres dialogues à plusieurs voix s’ébauchent dans des ouvrages communs : entre Bruno Mattei, Germain Buffeteau, Antoine Valabregue, Jose Dhers et Florent Pasquier[1] dans « Réinvestir L'humain - Individus, Collectifs, Sociétés » et entre Jean-Baptiste de Foucauld, Jean-Claude Devèze et Pierre Guilhaume dans « Relever le défi démocratique face à un monde en mutation », tous deux parus chez Chronique sociale.

 

 Parole et écoute génèrent un dialogue quand l’écoute du dire de l’autre nous interpelle, suscitant une réponse qui montre qu’il a été non seulement entendu, mais compris. Ainsi se met en place un dialogue où les interlocuteurs n’en restent pas à des échanges d’arguments pour avoir raison à tout prix, mais où l’intelligence du cœur les aide à progresser dans leur compréhension d’autrui comme dans l’élaboration de leur pensée et dans la recherche d’une vérité partagée. Le renforcement de la confiance au cours de l’échange permet la reconnaissance de nos ignorances, de nos insuffisances et de nos fragilités ; cela permet d’oser exprimer ce qui est important pour chacun. Une écoute gratuite et une parole humble aident à mieux se comprendre et à dialoguer en toute confiance.

 

Le pape François dans « Politique et société » a présenté trois orientations qui favorisent le dialogue : le devoir d’assumer son identité, le courage de reconnaître l’altérité de l’autre et l’exigence de sincérité des intentions qui permet de cheminer en vérité pour collaborer. Pour Delphine Horvilleur et Rachid Benzine, c’est dans les dialogues fraternels que nous pouvons exprimer du commun en l’enrichissant de toutes les nuances des uns et des autres. Les deux ouvrages à plusieurs voix convergent sur l’importance de transformations personnelles et collectives contribuant à « une façon d’être plus civilisé, de reconnaître et de dépasser notre propre inhumanité, et ainsi, d’augmenter en actes, notre espoir d’un monde plus fraternel ».

 

Ce sont nos paroles et nos écoutes d’autrui comme de nous-mêmes, en veillant à pratiquer l'éthique du débat, et la qualité de notre vie intérieure qui contribuent à épanouir et fortifier la démocratie en visant un « plus d’humanité » pour les temps présent et futur.  Reprenons la phrase célèbre de Gandhi : « Soyons le changement que nous voulons voir dans le monde ». A nous, à D&S, de montrer l’exemple de dialogues démocratiques et spirituels dans toutes nos activités, depuis les réunions conviviales jusqu’à nos Universités d’été. C’est pourquoi nous allons ouvrir sur notre site et proposer dans la lettre une rubrique intitulée « Dialogues » où seront valorisées des expériences concrètes de dialogue dans divers domaines allant du spirituel au politique en passant par l’artistique et où seront présentées des approches et des méthodes favorisant la rencontre entre des inspirations plurielles.

 

Restera à déterminer la (ou les) finalité(s) spirituelle(s) de ces dialogues, au-delà d’un vivre ensemble plus fécond, peut-être même condition de celui-ci : accepter un certain relativisme dans nos propres convictions ? S’enrichir les uns par les autres de ressources ignorées, mais en fait présentes, dans les diverses Traditions, qui se trouvent ainsi renouvelées en sortant d’elles-mêmes ? Rechercher le Commun qui unit toutes ces convictions ? Ou même la grammaire méta-religieuse ou spirituelle au sein de laquelle elles se déclinent ? Finalités qui ne sont pas incompatibles et sans doute même complémentaires.

Le Bureau de D&S

 

PS : Les récipiendaires de la présente lettre ont été avertis du décès le 21 novembre de notre ami Patrick Brun qui a joué un rôle important dans notre association. Nous y reviendrons plus longuement dans la prochaine Lettre.

 

[1] Florent a participé à notre Université d’été 2017 en tant qu’intervenant extérieur. 

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 Nouvelles de l'association

 

Compte rendu de l’Université d’été de D&S 2017

Eliane Fremann et Marcel Lepetit ont réalisé le compte rendu de notre riche Université d’été de 2017

 « Education, citoyenneté, spiritualité » que vous pourrez lire ici sur notre site.

  

Assemblée générale de D&S

Vous êtes cordialement invité(e) lundi 9 avril 2018 à l'Assemblée Générale de D&S qui se tiendra de 17H à 20H00 au nouveau siège de l’association, dans les locaux de Poursuivre 87 rue de l’Eglise (75015) Code d’accès :52 87.

 

Deux conviviales

La soirée conviviale du 13 novembre 2017 a permis aux personnes présentes de faire l’expérience d’un débat mouvant selon la méthode de l’éthique du débat. Parmi les cinq thèmes proposés par les participants a été retenu le sujet suivant :se positionner sur l’échiquier politique aujourd’hui.

 

La soirée conviviale du 11 décembre 2017, pour notre soirée conviviale, nous avons accueilli le psychiatre Serge Tisseron sur le thème : quelles sont les conséquences de l’explosion des nouveaux réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter sur la communication et le lien social, quels sont les effets néfastes de l’omniprésence des écrans sur les enfants ?

 

 

Deux amis nous ont quittés: Patrick BRUN, Francis VACHETTE

 

Patrick Brun

 

Patrick Brun, Dr. en Sciences de l’éducation, chercheur-formateur, allié central des programmes Quart Monde-Université et Quart Monde-Partenaire, compagnon de route d’ASIHVIF (Association internationale des histoires de vie en formation et de recherche biographique en éducation) et de Démocratie et Spiritualité, est décédé le mardi 21 novembre 2017. Nous vous proposons deux textes écrits en mémoire de Patrick.

 

Voici l’hommage à Patrick diffusé le 25 novembre 2017

 

Cher(e)s ami(e)s,

                        Notre ami Patrick Brun, malade depuis quelque temps et qui avait réduit ses nombreuses activités associatives, nous a quittés brutalement mardi dernier. Nous partageons la peine de son épouse Annie, ainsi que celle de ses proches, et nous leur disons toute notre amitié dans ces moments d’épreuve. Patrick était une personne profondément habitée par la question du sens, à la fois dans sa dimension métaphysique et théologique, et dans sa dimension pratique d’engagement, au service des plus défavorisés notamment. Les relations avec lui étaient marquées par un bel équilibre de bienveillance et d’écoute d’une part, d’exigence et de rigueur d’autre part, dans le souci concret d’une mission à remplir par chacun de nous. C’est Christian Saint-Sernin, qui nous a quittés en 2014, qui l’a introduit à Démocratie et Spiritualité, où il a tout de suite joué un rôle important, devenant administrateur, puis Secrétaire Général pendant quelques années, puis vice-Président. Il avait passé beaucoup de temps à travailler sur les textes produits par cette association depuis sa création en 1993, dont il avait tiré un ouvrage d’une centaine de pages, Démocratie et spiritualité en questions, pour un vivre ensemble porteur de sens, que l’on peut trouver sur notre site. Patrick a également joué un rôle important lors de la construction du Pacte civique en 2011, notamment dans la rédaction des 32 engagements, qu’il voulait le plus possible évaluables, rédigeant en particulier deux « fiches repères » sur l’exclusion dans le cadre d’un groupe de travail sur ce sujet. Patrick avait beaucoup d’autres engagements, à ATD-Quart Monde notamment, et il se passionnait pour les questions de « croisement des savoirs » et de formation, auxquelles il avait consacré sa vie professionnelle. Il était co-fondateur et Président de l’association « Traces d’avenir », considérant que « chacun est appelé à se former tout au long de la vie en faisant de son expérience de vie et de travail le lieu même de son autoformation dans une dynamique de construction de sens, en particulier en réfléchissant sa propre histoire ». Docteur en sciences de l’éducation, diplômé d’arabe, Patrick Brun avait passé plusieurs années en Afrique, au sud du Sahara, comme expert en éducation. Nous perdons en Patrick Brun, un ami, un militant. Profondément attaché à la diversité de l’humain, par sa qualité de présence, son intelligence fine et ses engagements, il était une référence pour D&S.

Pour le bureau de DS, Jean-Baptiste de Foucauld

 

 

Voici le texte prononcé par JC Devèze à son enterrement le 27 novembre en l’Eglise Saint Germain-des –prés.

 

Cher Patrick

Quand tu m’as succédé comme secrétaire général de Démocratie et spiritualité, tu as apporté à nos universités d’été ton exigence et ouverture intellectuelles comme ton sens du partage de la diversité de nos vécus. Tu avais aussi participé à l’édification du socle du Pacte civique, puis animé son groupe éducation, enfin permis de préciser l’approche méthodologique de son Observatoire citoyen de la qualité démocratique. Dans notre groupe « Cheminement » de D&S, tu nous avais confié toute la richesse de ton itinéraire et de tes engagements.

La dernière fois que je t’ai vu à Jeanne Garnier, tu m’avais parlé de deux projets, si Dieu te prêtait vie :

-          écrire les temps forts de ton parcours sur terre ;

-          poursuivre ta réflexion sur « Démocratie et spiritualité en questions, pour un vivre ensemble porteur de sens », le livret sur D&S que tu nous as légué. Tu voulais encore approfondir comment notre association pouvait nous aider dans nos choix face à un monde en mutation.

A nous de poursuivre, en cheminant avec toi, dans cette voie que tu nous a tracée, celle de la transmission, de l’éducation, de la délibération, du dialogue.

Soyons, à ta suite, des veilleurs et des ferments.

 

Francis Vachette

 

Francis Vachette nous a quittés le 24 novembre. Membre fidèle de D&S, il était une personne engagée : Solidarité nouvelle face au logement, Médiation familiale, groupe d’approfondissement de la parole, accueil des réfugiés…

La dernière fois que j’ai vu Francis, c’est à l’abbaye de Saint Jacut le vendredi 11 août 2017 ; il y faisait une séance de lecture qu’il avait intitulée :"Traversée de la crise, jalons pour une lecture de l'œuvre de Maurice Bellet." Ce mot de crise désignait à la fois la réalité socio­politique en ses mille aspects et l'épreuve (crisis) qui est au cœur de l'Evangile. Nous avions ensuite échangé sur L’écoute, titre d’un ouvrage de Maurice Bellet qu’il avait mis en exergue dans sa causerie.

J’avais toujours apprécié son esprit de finesse qu’on découvre en lisant son ouvrage « Sur cette parole s’appuie ma confiance » (L’Atelier, 2007) ; il y raconte son itinéraire recomposé après sa sortie de l’ordre des dominicains. Sa vie était faite d’interrogations qu’il approfondissait afin de pouvoir la poursuivre de façon sinon complètement apaisée, au moins en paix dans sa relation avec Dieu. N’ayant jamais perdu la foi, mais considérant qu’elle n’était jamais acquise, il demandait à Dieu de l’aider à l’approfondir, car il avait besoin de la Parole « consolidante » qui l’aidait à reconnaître son chemin de vie.

On peut entendre et revoir Francis lors de son interview en 2007 sur KTO : http://www.ktotv.com/video/00032996/francis-vachette

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Résonances spirituelles

 Etablir une relation véritable avec les êtres et les choses

Texte partagé le 22 novembre 2017 à la méditation interspirituelle au Forum 104

 

Eaux vives des rencontres qui irriguent l’âme

Les hommes avec lesquels nous vivons ou que nous côtoyons en tout temps, les animaux qui nous aident dans nos exploitations, les produits de secrète de la nature que nous transformons, les outils dont nous nous servons, tout recèle une substance spirituelle qui a besoin de nous pour atteindre sa forme parfaite, son achèvement. Si nous ne tenons pas compte de cette substance spirituelle placée sur notre chemin, (…) nous ne songeons qu’aux buts que nous poursuivons et nous manquons l’existence authentique accomplie…La plus haute culture de l’âme reste aride et stérile au fond, à moins que ces petites rencontres reçoivent de nous ce qui leur revient et puisent, jour après jour, des eaux vives qui irrigueront l’âme.

Martin Buber

 

Veilleur, où en est la nuit ? Que vienne une lumière… ?

Texte partagé le 20 décembre 2017 à la méditation interspirituelle au Forum 104

  « Regardant la terre, on n’y trouvera que détresse et ténèbres, obscurité de l’angoisse et on ne verra plus que la nuit.» Isaie 8, 22 

« Veilleur, où en est la nuit ? Le veilleur répond : vient le matin, et puis la nuit. Si vous le voulez, interrogez, convertissez-vous, revenez.» (Isaie, 21, 11-12) »,

 « Ta lumière se lèvera dans les ténèbres et les ombres deviendront plein midi.» (Es 58, 10).

« Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière ; sur les habitants du sombre pays une lumière a resplendi. » (Isaie 9 1)

« Chaque homme dans sa nuit s’en va vers sa lumière. » (Victor Hugo, poème de 1846)

 

Temps de veille

Temps de veille en recherche de ce qui éclairera nos vies,

Temps gratuit pour prendre de la distance avec ce qui nous encombre,

Temps vide des lentes maturations laissant la place à l’inattendu,

Temps bienveillant pour être à l’écoute des souffrances du monde,

Temps disponible en recherche de ce qui nous inspire et nous dépasse,

Temps éclairé par les graines d’espérance que ne demandent qu’à germer.

 

La traversée de la nuit

Seul celui qui a osé voir que l’enfer en lui y découvrira le ciel enfoui. C’est le travail sur l’ombre, la traversée de la nuit qui permettent la montée de l’aube.

Dans tous les lieux habités par la souffrance, se trouvent aussi les gués, les seuils de passage, les intenses nœuds de mystères. Ces zones tant redoutées recèlent pourtant le secret de notre être au monde ou, comme l’exprime la pensée mythologique : là où se tiennent tapis les dragons sont dissimulés les trésors.

Christiane Singer, Où cours-tu ? Ne sais-tu pas que le ciel est en toi ? éditions Albin Michel, 2001.

 

Le forum du christianisme intérieur : recherche de Dieu et engagement dans la Cité

Jean-Marie Gourvil

 Durant cinq soirées de novembre (13-17 /11) à Caen, le Forum « christianisme intérieur » a posé la question de l'émergence nouvelle de la spiritualité et de son rapport avec les nouvelles formes d'engagement dans la cité. Deux soirées se tenaient dans une salle appartenant à une paroisse catholique et trois soirées dans un café de l'agglomération. Il fallait sortir le débat des lieux convenus et tenter d'atteindre les personnes en marge des Eglises. Nous avons enregistré 450 participations à ces soirées.

Ce forum est le résultat d'un long travail de réseautages interpersonnels mené par huit personnes (catholiques, protestants et orthodoxes). En amont du Forum, nous avons commencé par plusieurs soirées de démarrage et de test. Une soirée a été consacré au sens de l'action auprès des migrants nombreux sur la ville et une autre sur la découverte en petits groupes de textes spirituels ou mystiques (St Jean de la Croix, St Isaac le Syrien, St Bernard, Théodore Monod, Thomas R. Kelly...).

Peu à peu le contenu du projet de Forum sur cinq soirées s'est construit. Nous sommes partis de l'engouement pour la méditation pour poser la question de l'intériorité chrétienne et de l'engagement. Chacune des soirées de la semaine était bâtie autour d'une question, d'un intervenant et d'un temps de débat, soit :

• Y a t-il encore une méditation chrétienne ?

• Recherche de Dieu ou engagement dans la cité ?

• Quelle liberté dans la recherche de Dieu ?

• Méditations bouddhiques et méditations chrétiennes, quels liens possibles ?

• Y a t-il un bon usage de la Tradition ?

Il ressort de ce Forum que les deux questions posées "recherche de Dieu et engagement dans la cité" restent souvent séparées, disjointes. Certains militent, d'autres méditent, un tout petit nombre font les deux, mais les liens qui unissent ces deux dimensions restent encore peu explicites. Les mots manquent pour exprimer l'intimité de cette recherche intérieure et sa fécondité sociale. Les personnes présentes, toutes ou presque de culture chrétienne, ont manifesté un intérêt pour cet axe de réflexion.

A notre époque, les propos sur l'intériorité chrétienne s'expriment en utilisant le vocabulaire emprunté au bouddhisme zen ou d'autres écoles orientales. La tradition chrétienne de l'homme intérieur semble être inexistante, méconnue, refoulée peut-être, et n’exister que dans les versions moralisantes portées par les groupes traditionnalistes ?

La conférence inaugurale du père Philippe Dautais du centre Ste Croix en Dordogne a donné le ton. Pour lui, deux portes d'entrée redonnent à l'intériorité sa nouvelle perspective: l'entrée par la tradition bouddhique qui s'est imposée depuis plus de cinquante années et l'entrée plus récente par le travail thérapeutique. La dimension spirituelle intérieure est à nouveau possible. Le refoulé remonterait-il à la surface ?

L’enjeu central de la semaine fut ciblé le dernier soir par Camille Tarot, sociologue des religions : Comment distinguer tradition et Tradition, comment renouer des liens féconds avec la Tradition, comment en s’appuyant sur un héritage être créatif, comment ne pas laisser la Tradition aux traditionnalistes qui cherchent d’abord à imposer leur droit de dire ce que doit être la société qu’ils aimeraient diriger.

 

 

Chronique de Bernard Ginisty du 22 novembre 2017

La politique face au « Bien » et au « Mal »

En 2010, Le gouvernement britannique a souhaité que l’ancien Premier ministre, Tony Blair, soit entendu par une commission sur les conditions dans lesquelles il a engagé la Grande-Bretagne, aux côtés des Etats-Unis d’Amérique, dans l’invasion de l’Irak. Rendant compte de cette audition dans un article intitulé « Tony Blair, le dernier croisé » le journal Le Monde écrit ceci : « Pour Tony Blair , cela ne fait pas l'ombre d'un doute. Saddam Hussein était "un monstre". Le dictateur irakien incarnait "le mal". (…) Pétri de religion, pratiquant austère tout récemment passé de l'anglicanisme au catholicisme, l'ancien premier ministre britannique est convaincu depuis toujours, "même si ce n'est plus à la mode de l'affirmer tout haut", écrivait-il en 1994, que le monde se divise entre "le bien et le mal", entre "le juste et l'injuste". La motivation fondamentale de l'invasion anglo-américaine amorcée le 20 mars 2003 est là (1).

Une fois encore, au nom de cette science « du bien et du mal » que le livre de la Genèse nous présente comme la tentation première de l’être humain, des dirigeants politiques s’arrogent le doit de s’affranchir des règles de l’éthique, la fin justifiant tous les moyens. Dès lors, les aventures militaires deviennent des croisades qui annoncent une future guerre des civilisations. N’y aurait-il, en politique, que le choix entre des dirigeants arc-boutés sur la certitude qu’ils sont dépositaires du vrai et du juste et un relativisme gérant les crises au hasard des intérêts à court terme des protagonistes ?

De la prison où l’avait enfermé le régime communiste en Tchécoslovaquie, le dissident Vaclav Havel écrivait ceci à sa femme, Olga : « Le fait que toutes les tentatives de créer rapidement le « paradis sur terre » aboutissent inévitablement à « l’enfer sur terre » est exprimé très clairement par l’image du royaume céleste qui n’est pas « de ce monde ». C’est vrai : une vie relativement supportable ne peut être assurée que par une humanité qui s’oriente vers « l’au-delà » du monde, une humanité qui, dans tous ces « ici » et « maintenant », se rattache à l’infini, à l’absolu et à l’éternité. Une orientation inconditionnelle vers le « maintenant » et l’ « ici », même si elle est très supportable, métamorphose tous les « maintenant » et tous les « ici » supportables en désolation et finit par les tacher de sang » (2).

Huit ans après, le 23 janvier 1990, le Président Havel, dans son premier discours devant l’Assemblée fédérale tchécoslovaque définissait comment il comprenait son rôle : « J’aimerais, dans le cadre de mes possibilités limitées, rappeler toujours l’existence d’un horizon spirituel, désintéressé, ou, si vous voulez, non politique » (3). La tâche du politique est de gérer le présent dans toutes ses ambiguïtés en évitant de se draper dans des valeurs dont il serait le seul dépositaire. Les balbutiements vers une régulation des conflits à travers les institutions internationales sont le signe que ce qu’on appelle la « violence légitime » ne soit pas le seul fait des Etats Nations et reste soumise à l’arbitrage international. Pour que les inévitables compromis que suppose la vie des hommes ne soient pas des compromissions, il est nécessaire de ne cesser de rappeler à l’être humain que son aventure ne s’épuise pas dans le champ du politique.

 

(1) Journal Le Monde du 1er février 2010

(2) Vaclav HAVEL lettre du 4/09/1982 in Lettres à Olga Editions de l’Aube 1990 pages 410-411.

(3) Vaclav HAVEL : Pour un président qui préside. Discours prononcé le 23 janvier 1990 à l’assemblée fédérale de Tchécoslovaquie in : L’amour et la vérité doivent triompher de la haine et du mensonge, éditions de l’Aube 1990, page 41

 

 

 

ECHOS D'AILLEURS

Où atterrir ? Comment s’orienter en politique ?, Bruno Latour (La Découverte, 2017, 156 p.)

Jean-Claude Devèze et François Peyredieu du Charlat

Ce livre nous pose de façon percutante les questions de l’avenir de notre monde devant affronter la dérégulation ultralibérale en lien avec l’égoïsme de pays riches se repliant sur leurs intérêts nationaux, la montée des inégalités et le dérèglement climatique. Ce qu’il dénonce en premier lieu, c’est l’entreprise systématique de trop de puissants pour nier ces problèmes, car ils pensent pouvoir s’en tirer seuls en ignorant ceux qui souffrent ou vont souffrir ; s’y ajoute la tentation du repli sur un monde protégé que pourrait assurer un Etat-nation excluant les migrants. Ce sont ces tromperies que Trump instrumentalise pour promettre à sa clientèle électorale le meilleur des mondes américain possible alors que le pire s’annonce.

Bruno Latour plaide pour une sortie de « l’hors-sol », pour atterrir sur une terre où il n’y a pas de propriété exclusive vu la nécessité de partager du « commun » et remet en cause un progrès infini basé sur une conception positiviste des sciences. Il croit au « Terrestre » comme nouvel acteur politique du « nouveau-nouveau monde » et en l’Europe comme territoire pertinent de notre projet commun ancré dans un passé assumé suite au renoncement à nos impérialismes.

L’auteur privilégie le climat (en donnant à ce mot « un sens très général des rapports humains à leurs conditions d’existence ») aux dépens d’une large approche écologique, se contentant de mentionner le lien entre climat et société sans approfondir les questions que posent la démographie, l’épuisement des ressources, les inégalités, etc. On peut aussi regretter que ne soient pas mises en avant des intuitions de D&S et du Pacte civique, en particulier :

• l’importance d’être non seulement relié à la terre [1], mais aussi à soi et aux autres pour construire du lien social ;

• la place du spirituel pour donner sens à l’anthropocène ;

• la culture de la régulation devant être associée à celle des résistances à promouvoir et des utopies à approfondir.

En conclusion, cette ébauche de livre permet déjà d’interagir avec les propos d’un auteur qui privilégie le « climat » de la planète terre, mais sous-estime, sans doute, l’importance des interactions entre transformation personnelle, transformation sociale et transformation « terrestre » (mot de Latour, alors que d’autres disent écologique).

[1] Bruno Latour propose de parler non plus d’humains, mais de Terrestres, insistant par ailleurs sur le fait que, dans l’étymologie du mot « humain », il y a le mot « humus 

 

 

Macron par Ricœur, Pierre-Olivier Monteil (Lemieux éditeur, 2017, 126 p.)

Patrick Boulte

PO Monteil, fin connaisseur de la pensée politique de Paul Ricœur, décline, dans ce livre, les divers éléments de la véritable relation intellectuelle qui s’est établie entre les deux hommes : Emmanuel Macron et Paul Ricœur. Cela traduit, chez E. Macron, un véritable besoin de bâtir son action sur le socle d’une réflexion en profondeur, notamment, une réflexion sur la question de la représentation, sur celle du mal et du totalitarisme, sur celle de la délibération et de son articulation à la décision, avec deux constantes ou deux préalables : l’obsession du réel et la confiance en l’autre. L’auteur croit reconnaître dans la démarche, dans le style d’Emmanuel Macron, des points d’attention qui reviennent souvent dans la pensée de Paul Ricœur, ainsi en est-il de la disponibilité à l’événement, de la recherche des convergences à saisir au moment où elles apparaissent sans s’en tenir au contexte idéologique qui marque la pensée de l’interlocuteur, de l’acceptation du geste imparfait. A ce sujet, PO Monteil note que « parce que nous ne sommes pas tenus à l’impossible, nous pouvons nous engager, avec confiance, c’est-à-dire sans désespoir dans la construction de nouveaux possibles ».

 

L’auteur, dans cet essai, nous invite, me semble-t-il, à être attentif à la cohérence de tout homme politique, à son style, au comment de la politique, plus qu’à la perfection des solutions trouvées, nécessairement imparfaites. Il nous fournit une grille de lecture d’un personnage qui a réfléchi sur le sens de son action et, indissociablement, sur l’impact, sur celle-ci, de ce qu’il est lui-même.   

  

 

Pacte civique

 Le Pacte civique a déployé une activité importante au cours de ces trois derniers mois : prises de position sur les ordonnances, sur la diminution des contrats aidés, sur le volet recette de la loi de finances, sur la nouvelle donne en Europe, tandis que le groupe emploi a organisé dans l’auditorium du Monde un débat sur le « virage numérique de Pôle emploi, risques d’exclusions, opportunité d’inclusion ? » .L’Observatoire citoyen de la qualité démocratique du Pacte civique a organisé au Forum 104 une belle soirée sur Démocratie et Opinion, les raisons d’un divorce, avec Brice Tinturier, Loîc Blondiaux et Sophie Wahnich.

Pour suivre ces travaux, qui permettent, dans un cadre plus large, de concrétiser les intuitions de DS, organisation fondatrice, et pour participer au lancement de la phase 3 du Pacte civique (voir ci-dessous), n’hésitez pas à vous inscrire à la newsletter sur http://www.pacte-civique.org/Accueil, et à adhérer si ce n’est pas déjà fait.

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Informations diverses

 

Conférence sur la fraternité  jeudi 18 janvier 2018 à 19h30, au Forum 104, 104 rue de Vaugirard, 75006, Paris,

avec Patrick Viveret (et d’autres intervenants qui seront mentionnés ultérieurement sur le site internet du Forum 104),  dans le cadre du parcours d'ateliers de pédagogie de la fraternité et de la coopération, conçus et organisés par Christine Marsan, psychosociologue, artisan de paix, thérapeute, auteure. 

 

Lancement de la Phase 3 du Pacte civique à la mairie de Paris samedi 20 janvier 2018 de 14h à 17h

Le Pacte Civique fera à l’Auditorium de la mairie de Paris le bilan de sa seconde phase (2015-2017), une évaluation du 1er semestre du quinquennat d’Emmanuel Macron et organisera une table-ronde sur la fraternité, avec la participation de Pascal Durand, Sarah el Haîry, Thierry Beaudet et Radia Bakkouch


 

Les Entretiens de Robinson 2018, fondés par Paul Ricœur, se dérouleront les dimanches 21 janvier, 28 janvier et 4 février 2018de 16h à 18h, au temple de Robinson, autour du thème de la “Post-vérité”.

 Ils accueilleront successivement:

- Nathalie Leenhardt, directrice de la rédaction de l'hebdomadaire Réforme: "Médias: l'ère des 'fake news'?"

- Bernard Piettre, philosophe: "Le déclin de la vérité"

- François Clavairoly, théologien, Président de la Fédération Protestante de France: "La Foi et la Raison: quelle vérité? »

L’adresse est 36 rue Jean Longuet, 92290 Châtenay-Malabry (accès par RER B Robinson ou Bus 195, arrêt Les Prés Hauts). Entrée libre, participation volontaire aux frais.

 

 

Parution en Janvier chez Chronique sociale de Pratiquer l’éthique du débat Le défi de la délibération démocratique, dernier livre de Jean-Claude Devèze, rédigé en lien avec Démocratie et spiritualité et le Pacte civique (préface de Patrick Viveret, postface de Jean-Baptiste de Foucauld et de Pierre Guilhaume).
Comment rendre nos débats plus constructifs ? Quelles méthodes utiliser pour gérer nos désaccords et nos conflits ? Comment promouvoir des délibérations de qualité pour mieux affronter les mutations de notre monde, Pour répondre à ces questions, l’auteur propose d’améliorer la qualité de nos discussions grâce à une pratique exigeante de l’éthique du débat et de renouveler notre vie politique grâce à une promotion de la délibération démocratique. Le Pacte civique et le forum 104 organisent une soirée de présentation et discussion du livre le mercredi 14 février avec Valérie Penicaut, Patrick Viveret, Jo Spiegel (à confirmer) et l’auteur.

 

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