La charte D&S

Les régimes collectivistes se sont effondrés ; les idéologies sont disqualifiées ; la mondialisation s’accélère de façon désordonnées et peut devenir anarchique ; l’économie de marché, devenue dominante, éprouve des difficultés croissantes à éviter les crises économiques ; les démocraties sont minées par l’exclusion sociale ; les individus, ayant perdu leurs repères collectifs, quêtent avec angoisse, valeurs et sens.

Une époque s’achève. Une autre commence. Elle est riche de promesses. Elle est aussi lourde de menaces. Elle exige des approches novatrices, tenant compte de l’expérience historique accumulée et des défis nouveaux.

Parmi ces approches novatrices, l’une parait essentielle. Elle réside dans un double effort d’approfondissement de l’exigence démocratique et de renouvellement spirituel. L’alliance de l’un et l’autre et leur fécondation mutuelle constituent une idée-force à rechercher pour :

  • favoriser chez chacun un développement personnel plus unifié grâce à un meilleur équilibre entre intériorité et engagement, entre liberté individuelle et appartenance communautaire,
  • retrouver une culture politique et spirituelle ouverte à la radicalité et à l’utopie créatrices et capable de susciter des attitudes non violentes pour la résolution des conflits ainsi que des comportements chaleureux d’initiative et de partage,
  • inspirer les acteurs éducatifs et culturels, et particulièrement les médias, afin que leur sens des responsabilités soit à la hauteur de l’influence qu’ils exercent dans la société,
  • donner un coup d’arrêt à la tendance montante à l’émiettement du lien social et promouvoir les conditions individuelles et collectives d’une cohésion sociale rénovée,
  • s’interroger sur les conditions et les fins du développement scientifique, technique et biologique,
  • faciliter l’émergence des nouvelles régulations de la société mondiale qui sont aujourd’hui nécessaires.

Ces défis sont exigeants. Les relever implique pour commencer une résistance individuelle et collective aux automatismes induits par la pression croissante de la concurrence, de l’argent, de la corruption, des conflits de pouvoir et de la technique considérée comme une fin en soi. Faute de quoi l’écart continuera à se creuser entre les convictions morales personnelles et le fonctionnement des systèmes politiques, économiques et sociaux, entre les espérances affirmées et les renoncements acceptés.

Si les organisations éprouvent de plus en plus de difficultés à maîtriser les problèmes rencontrés, ce n’est pas seulement parce que la société est plus complexe et parce que la vie collective a ses règles propres ; c’est aussi que ceux qui agissent dans les organisations n’ont pas suffisamment conscience de la nécessité de renouveler leur inspiration et de mobiliser tant les capacités démocratiques inutilisées que les ressources spirituelles latentes. Aucune société ne pourra faire l’économie de l’invention de ce double renouvellement, dans tous les pays selon leurs propres cultures.

La démocratie dans son principe repose sur la dignité fondamentale de chaque personne et sur son droit égal à participer à la décision collective. Si des règles formelles permettent l’expression de la citoyenneté, on sait combien, dans les faits, cette égalité et cette dignité sont difficiles à reconnaître et à faire respecter. Les démocraties ont prouvé leur capacité à fonctionner avec des hommes ordinaires, en réglant le jeu social des passions et des intérêts. L’expérience a aussi montré qu’elles ne pouvaient négliger les facteurs éthiques et spirituels : d’une part, elles risquent de se disloquer si un minimum de vertu civique n’est pas pratiqué par tous ; d’autre part, elles ne peuvent répondre à leur dessein d’un respect absolu de chaque personne sans recourir à des pratiques éthiques fortes qui en appellent à l’amour de l’autre. En démocratie, la cohérence morale est une condition de l’efficacité politique, l’éthique de conviction est la condition d’un exercice accompli des responsabilités et la discussion publique n’est fructueuse que si elle repose sur une éthique de communication assumée par tous.

En d’autres termes, pour s’accomplir pleinement dans toutes ses dimensions et exigences, le projet démocratique doit comporter une dimension spirituelle qui a été oubliée par les idéologies. Il nous faut aujourd’hui la redécouvrir.

Cependant, pour que le spirituel puisse jouer ce rôle, il faut qu’il soit lui-même profondément ancré dans la démocratie et qu’il en accepte, définitivement et sans esprit de retour, les règles fondamentales : tolérance, respect de l’autre, laïcité, refus d’imposer la vérité par la force ou l’argument d’autorité, ce qui est loin d’être toujours le cas. Pour être admis et efficace, le spirituel doit être ouvert et défini de façon large : ce qui fait appel à l’intériorité de l’homme, lui fait refuser l’inhumain, l’invite à s’accomplir dans une recherche de transcendance et à donner du sens à son action, le met à l’écoute des autres et le porte à donner, échanger, recevoir. Cela implique que la diversité des itinéraires soit acceptée dans le domaine spirituel comme le pluralisme l’est dans l’ordre politique. Cela n’est pas contradictoire avec l’enracinement dans une tradition, dès lors que chacun admet que lui-même n’atteint pas totalement la vérité dont elle est porteuse et que la dialogue est source d’enrichissement mutuel.

Ainsi proposées, les règles du jeu d’un débat entre Démocratie et Spiritualité doivent permettre d’éviter le double péril de la théocratie rampante ou du « supplément d’âme » qui donne bonne conscience et fait oublier les injustices du système.

A problématique nouvelle, il faut un espace de discussion et d’action nouveau. Dans cette perspective, les signataires de la présente Charte décident de créer un réseau et de travailler en commun pour approfondir ces questions et agir dans la société.

Un engagement à quatre dimensions

S’efforcer de vivre de façon authentique et simple, en cohérence avec les exigences de son chemin intérieur. Cela peut être facilité par l’adoption d’une règle de vie personnelle, comportant à la fois travail sur soi, écoute de l’autre et partage avec les plus faibles.

Apprendre à connaître et respecter les autres formes d’expériences et de spiritualité que la sienne et faire de ce dialogue un support de son propre cheminement.

Participer, sous une forme ou sous une autre, à l’élaboration d’analyses et de propositions sur les sujets qui interrogent la relation entre démocratie et spiritualité.

Soutenir ou promouvoir, dans son activité professionnelle ou civique, des actions concrètes reposant sur une inspiration éthique ou spirituelle.

Une instance commune de réflexion et d’action

L’association « Démocratie et Spiritualité » et les signataires de cette Charte ne forment ni l’embryon d’un parti politique, ni un lieu de ressourcement spirituel ou de prosélytisme. Elle s’adresse en particulier aux personnes qui se reconnaissent une responsabilité d’acteurs dans la vie sociale et son prêtes au débat et à l’action. Elle souhaite favoriser un dialogue entre décideurs, acteurs sociaux et intellectuels que ces questions interpellent.

 

The

Democracy & Spirituality

Charter

 

The text of this Charter is the result of joint work carried out in recent months by a group of persons exercising a range of responsibilities in society. It is not intended to bring research to a close, rather it aims to open a space for debate and practices essential for the future of our societies.

Collectivist regimes have collapsed; ideologies have been disqualified; globalization is accelerating erratically and may become anarchic; having gained dominance, the market economy is finding it increasingly difficult to avoid economic crises; democracies are undermined by social exclusion; individuals, having lost their collective points of reference, are anxiously searching for values and meaning.

An era ends.

Another begins.

It is an era rich with promises.

It is also ominous.

It requires innovative approaches, taking into account both accumulated historical experience and new challenges.

Among these innovative approaches, one appears essential. It lies in a dual effort to deepen both democratic requirements and spiritual renewal. The alliance of the one with the other and their mutual fertilization constitute a focal point to be searched for in order to:

  1. promote a more unified personal development in each individual through a better balance between reflection and engagement, between individual freedom and belonging to a community,
  2. regain a political and spiritual culture open to change and to a creative utopia, able to elicit non-violent attitudes to conflict resolution as well as warm initiatives and sharing,
  3. inspire educational and cultural leaders, especially in the media, so that their sense of responsibility will be commensurate with the influence they exert upon society,
  4. bring an end to the rising trend towards fragmentation of social ties and promote the individual and collective conditions for a renovated social cohesion,
  5. question the conditions and purposes of scientific, technical and biological advancement,
  6. facilitate the emergence of new regulations for the global society that are needed today. If organizations are finding it more and more difficult to deal with the problems they encounter, it is not only because society is more complex and because community life has its own rules; it is also because those who act in organizations do not have sufficient awareness of the need to renew their inspiration and mobilize both unused democratic capacities and latent spiritual resources. No society can deny the need for the creation of this twofold renewal in all countries based on their own respective cultures.In other words, to fully accomplish all of its dimensions and requirements, the democratic project must include a spiritual dimension that has been forgotten by the ideologies. We must rediscover it today.As proposed, the rules of debate between Democracy and Spirituality should prevent the dual dangers of exaggerated theocracy and the “extra depth of soul” that may ease our conscience but can also lead us to forget the injustices of the system.Accession to this Charter is a commitment with four dimensions:
  7. For a new problem, we need a new space for discussion and further action. In this perspective, the signatories of this Charter decided to create a network and work together to explore these issues and take action in society.
  8. However, for the spiritual to play this role, it must itself be deeply rooted in democracy and it must accept, definitively and without any thought of turning back, the fundamental rules: tolerance, respect for others, secularism, refusal to impose the truth by force and the argument by authority, all of which is far from always the case. To be accepted and effective, the spiritual realm must be open and broadly defined: what appeals to man’s inner life, makes him reject the inhuman, invites him to fulfillment in a search for transcendence and to give meaning to his actions, makes him listen to others and leads him to give, exchange and receive. This implies that a diversity of itineraries must be accepted in the spiritual realm as pluralism is accepted in the political order. This is not inconsistent with feeling rooted in tradition so long as we recognize that we can not freely attain the truths contained therein and that dialogue is a source of mutual enrichment.
  9. The principle of democracy is based on the fundamental dignity of every person and on each person’s equal right to participate in collective decisions. Though formal rules allow the expression of citizenship, we know that, in practice, equality and dignity are difficult to recognize and enforce. Democracies have proven their ability to work with ordinary men, by setting the rules of the social interplay of passions and interests. Experience has also shown that democracies can not ignore ethical and spiritual factors: firstly, democracies may fall apart if a minimum of civic virtue is not practiced by all; secondly, they can not meet their goal of an absolute respect for each person without relying on strong ethical practices that are based upon the love of others. In democracy, moral consistency is a condition of political efficacy. The ethics of conviction is a condition for the successful exercise of responsibilities, and public discussion is only successful if it is based on an ethic of communication assumed by all.
  10. These challenges are demanding. They can be met by beginning with an individual and collective resistance to automatic behavior associated with the growing pressures of competition, money, corruption, conflicts of power and technology considered as an end in itself. Otherwise the gap will widen between personal moral convictions and the functioning of political, economic and social systems, as well as between asserted hopes and accepted renunciations.
  11. to strive to live authentically and simply, in coherence with the demands of one’s inner path. This can be facilitated by the adoption of a personal rule of life, made up of working on oneself, listening to others and sharing with the least fortunate,
  12. to learn about and respect forms of experience and spirituality other than one’s own and to make this dialogue a support for one’s own path,
  13. to participate, in one form or another, in developing analyses and proposals on topics that question the relationship between democracy and spirituality,
  14. to support and promote concrete actions based on ethical and spiritual inspiration in one’s professional or civic activities. It is not the embryo of any political party, nor a place of spiritual healing or proselytism.October 1993
  15. It is aimed especially at people who recognize the responsibility of actors in social life and who are ready for debate and action. It encourages dialogue concerning these issues between policy makers, social actors and intellectuals.
  16. The “Democracy and Spirituality” association brings together the signatories of this Charter all desiring a common forum for reflection and action.
 

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