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5L198 – Les civils soudanais appellent à l’aide par J, MAMOU et B. SCHALSCHA

Les civils soudanais appellent à l’aide

27 avril 2023  – La règle du jeu

Le martyr des Soudanais est ininterrompu depuis 1956. Et l’actuelle guerre des généraux plonge le pays dans une crise humanitaire dramatique. L’alerte du Dr Jacky Mamou, président du Collectif Urgence Darfour, et de Bernard Schalscha, délégué national du Collectif Urgence Darfour.

Le martyr des Soudanais est ininterrompu depuis 1956, année de l’indépendance de leur pays.
Durant des décennies, massacres et exactions se déroulaient dans une périphérie lointaine de cet immense pays qu’est le Soudan. La terreur avait lieu dans le Sud ou au Darfour, dans les Monts Nouba, au Nil bleu, c’est-à-dire loin de la Vallée du Nil où se situe la capitale.

Mais cette fois c’est Khartoum même, immense agglomération de 4,5 millions d’habitants qui est ravagée par le fer et le feu. Ses habitants se terrent, fuient quand ils le peuvent. On compte au minimum des centaines de civils déjà tués.

Depuis le 15 avril 2023, des affrontements sanglants opposent l’armée gouvernementale, les Forces Armées Soudanaises, à la milice des Forces de Soutien Rapides (FSR). La première, dirigée par le général Al-Burhan, l’autre commandée par le général Hemedti. Ces deux hommes se sont rendus responsables d’exactions massives sur les populations du Darfour. En avril 2019, chevauchant par opportunisme un puissant soulèvement populaire, contre la dictature militaro-islamiste corrompue et incompétente du Maréchal Omar el-Béchir, poursuivi par la Cour Pénale Internationale pour génocide commis sous ses ordres au Darfour, ces deux hommes l’avaient renversé.

Deux mois plus tard, ces mêmes Burhan et Hemedti ont retourné leurs armes contre la foule de citoyens qui occupaient pacifiquement les rues partout dans le pays. Les manifestants demandaient un gouvernement civil et la démocratie. En août 2019 toutefois, les deux chefs se résignent, sous la double pression de la rue et d’une majorité de la communauté internationale, à un gouvernement dirigé par l’éphémère Premier ministre Abdallah Hamdok. Mais, ils le mettent à bas finalement le 11 octobre 2021.

L’actuelle guerre des généraux était inévitable, l’armée ne pouvant accepter de coexister avec une autre force militaire nationale. Al-Burhan est appuyé par les Islamistes. Un temps affaiblis par la chute de Béchir, le dictateur mis en place par les Frères Musulmans, ils restent toujours influents dans l’État profond, lequel est, au Soudan, une réalité tangible.

Formé en Égypte, Al-Burhan garde un soutien militaire actif de son grand voisin du Nord. Sa puissance économique s’appuie sur 70% du budget national et bénéficie des royalties des nombreuses entreprises contrôlées par l’armée. Il appartient à une famille de la Vallée du Nil, là où se trouvent les ressources économiques, politiques, culturelles du pays.

Hemedti, un ancien éleveur de chameaux du Darfour, doit sa puissance aux prédations commises contre les tribus noires africaines de la région, alors qu’il était un chef des Janjawids, ces groupes armés issus des tribus nomades arabes. Il a mis la main sur des mines d’or, dont il revend en contrebande le précieux métal aux Émirats et à la milice russe Wagner, présente sur place, depuis plusieurs années. Il a réussi à obtenir un statut officiel de paramilitaire à ses tueurs janjawids en Forces de Soutien Rapides sous l’autorité de l’ex-président Omar el-Béchir. Ces Forces de Soutien Rapides ont eu la charge de sécuriser les frontières afin d’empêcher les migrations de Soudanais qui voulaient fuir le pays. Elles ont même été largement subventionnées par l’Arabie Saoudite et les Émirats pour combattre au Yémen les Houthis pro-iraniens. Cette riche milice compte désormais environ 160.000 hommes surtout présents à Khartoum et au Darfour, bien équipés, grassement payés. Mais elles n’ont pas d’armes lourdes ni d’aviation contrairement au camp d’en face. Hemedti joue sur son origine de la périphérie du Soudan pour essayer de fédérer les exclus du système et ceux qui n’aiment ni l’armée du régime ni les Islamistes.

Le plus important est de contraindre militaires et miliciens à faire une trêve, à laisser agir les humanitaires. Ces derniers sont paralysés par l’insécurité, laquelle s’est notamment traduite par les assassinats de plusieurs travailleurs du Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies, qui a stoppé la distribution de l’aide dont dépendent plusieurs millions de personnes. Les ONG, qui ont aussi été pillées, sont en stand-by. Les magasins ont baissé leurs rideaux. Aujourd’hui les gens ont faim et soif. Mais la brutalité des uns et des autres augure mal d’une amélioration rapide, d’autant que diplomates et coopérants ont été évacués, comme de nombreux journalistes, laissant les belligérants sans témoin et pouvant impunément exercer de plus en plus de violence. Cette lutte pour le pouvoir total est le fait d’une armée et d’une milice qui n’ont jamais exercé leurs forces sur autre chose que des civils. Autre chose est une véritable guerre. C’est une situation inédite pour ces deux entités et nul ne peut encore prédire qui prendra le dessus. Et à quel prix pour les civils ?

Les pressions internationales pourraient obtenir un cessez-le-feu. Mais aucune des quatre premières trêves n’a duré plus de quelques heures.

La solution pérenne réside d’abord en l’obtention de l’arrêt des combats et dans le déploiement d’une aide humanitaire. Mais rien n’indique que les deux ennemis soient prêts à renoncer à leur affrontement. A terme, il faudrait parvenir à une dissolution des milices, au retour à leurs casernes des militaires et à l’arrivée d’un gouvernement civil.

Seules des sanctions internationales sévères et ciblées, économiques et diplomatiques, peuvent y parvenir. D’autant que l’inquiétude monte dans les chancelleries, dans les organisations inter-étatiques qui redoutent une large déstabilisation régionale sur un continent où les conflits armés se multiplient.

A propos Régis Moreira

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