En-tête

Lettre n°152 - Février et Mars 2017 

 

 Sommaire

L’agenda 

L’éditorial 

• Faire face aux affaires de ceux qui voudraient nous gouverner 2

Nouvelles de l'association. 

• La lettre de D&S. 

• Université d’été de D&S 2017. 

• Conviviale du 13 févrie 

Résonances spirituelles 

• Méditer 

Démocratie et spiritualité 

• « Est pervers celui qui vit dans un monde sans autre ». 

• Des hommes politiques « décomplexés » dans la complexité du monde ! 

Echos d’ailleurs 

• Fille de daronne et fière de l'être 

• Donner sens et cohérence à nos convictions 

Informations diverses 

Le SITE, la lettre  

http://www.democratieetspiritualite.org/

Agenda

Soirées conviviales 

250 bis Boulevard Saint-Germain (75007) (digicode extérieur : 25B01 ; intérieur dans le hall: 62401 ; salle au premier étage)

- Lundi 10 avril à 19hPeut-on apprivoiser l'argent aujourd'hui? soirée animée par Jean-Baptiste de Foucauld à partir des Actes du colloque de Cerisy sur ce thème (Editions Hermann, 2016). Peut-on encore apprivoiser l’argent dans un monde qui a produit la crise des « subprimes » dont les effets n’ont pas fini de nous surprendre ? Comment en est-on arrivé là ? Comment s’assurer que l’argent devienne « bon serviteur plutôt que mauvais maître » ? Lire la suite.

- La réunion conviviale du lundi 15 mai est supprimée en raison de l’organisation le mardi 16 mai par le Pacte Civique d’une soirée au Forum 104 (thème à définir).

- Lundi 16 juin : conviviale sur l’actualitéaprès les élections

Assemblée générale de D&S : mercredi 29 mars à 18Hau 250 bis Boulevard Saint-Germain (75007)

Conseil d’administration de D&S : mardi 9 mai à 17Hau 250 bis Boulevard Saint-Germain (75007)

Méditations interspirituelles le 26 avril, le 24 mai, le 28 juin de 18h15 à 19h15,auForum 104, 104 rue de Vaugirard (75006)

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L'éditorial

 

Faire face aux affaires de ceux qui voudraient nous gouverner

Les affaires remettant en cause l’exemplarité attendue de tout responsable politique candidat à l’élection présidentielle se succèdent. Après les emplois fictifs à la mairie de Paris, puis les dépassements des frais de campagne de 2012, nous avons eu les mensonges Cahuzac en 2013 et maintenant les affaires Fillon et Le Pen. Elles occupent une grande part de notre actualité politique occultant les vrais débats indispensables à notre démocratie.

Ces affaires ont pour la plupart comme origine un rapport anormal à l’argent. C’est le cas de la fraude fiscale de Cahuzac comme des salaires démesurés octroyés par François Fillon à des membres de sa famille et des détournements d’objet des contrats de collaborateurs au parlement européen par le FN. Ces faits constituent des alertes répétées sur les dérives de notre sphère politico-médiatique qui montrent que le désir de reconnaissance et le pouvoir montent à la tête si l’on n'y prend pas garde, l’exercice du pouvoir avec ses privilèges déconnectant les puissants des réalités vécues par leurs concitoyens. A ceci s’ajoute les incohérences entre les paroles et les actes de François Fillon, qui se voulait pourtant exemplaire, se référant au christianisme, et entre les dénonciations par Marine Le Pen des agissements des autres partis et ce que fait aussi le sien, les élus du FN étant beaucoup plus souvent condamnés que ceux des autres partis. Et, pour couronner le tout, ces deux prétendants à la présidence de la République attaquent la justice qui devrait passer son chemin sans examiner de près leurs dérives passées, renforçant l’impression d’impunité de la classe politique.

Ces multiples affaires provoquent une onde de choc considérable aux tragiques conséquences. Elles altèrent profondément le capital de confiance des citoyens en la rectitude des responsables politiques, et cela à un moment où notre dépense publique doit faire l'objet de toute notre attention. Ensuite, elles rendent inaudibles les appels moralisateurs aux efforts de tous, vu les comportements peu vertueux de ceux qui les lancent. Enfin, elles apportent de l'eau au moulin de tous ceux qui dénigrent notre sphère politique, en France, mais aussi à l’étranger.

Les médias, qui jouent leur rôle quand ils révèlent ces regrettables affaires aux citoyens, ne doivent pas l'outrepasser en recyclant sans cesse les mêmes poncifs. Ils risquent aussi de devenir les procureurs de notre démocratie en alimentant non seulement nos tendances à toujours accuser les autres, mais aussi à légitimer le chacun pour soi, l’incivisme et la démagogie.

Il va falloir maintenant réparer les dommages symboliques causés par ces affaires à notre démocratie. Combattre l’inconscience et/ou le cynisme d'une trop grande partie de la classe politique qui contribue à la perte de confiance dans le politique en la renouvelant, ce que les progrès vers la parité et la diminution des possibilités de cumul des mandats devraient faciliter, et en poursuivant l’effort de transparence des patrimoines des élus mis en œuvre à la suite de l’affaire Cahuzac.

Du point de vue de Démocratie et Spiritualité, il serait bon de prendre conscience et de rappeler cette loi spirituelle selon laquelle tout accès à un niveau supérieur de responsabilités, quel qu’il soit d’ailleurs et quel que soit son domaine, implique simultanément un progrès éthique et spirituel : cela devrait amener les candidats à ne pas cacher ou contourner les réalités lorsqu’elles sont désagréables et, en cas de doute ou de suspicion, à trouver ou imaginer les actes réparateurs qui témoignent de leur bonne foi ou de leur repentance[1]1.

Aux élus de réfléchir aux incohérences entre leurs paroles et leurs actes et à voir comment y remédier en se fixant des règles à respecter. A nous, enfin, de les interpeller sans a priori ou esprit partisan. Les multiples crises que nous connaissons nous invitent tous, où que nous soyons, à penser, agir et vivre autrement pour rehausser la qualité de notre démocratie. Appuyons-nous sur ses forces profondes, sur l’indépendance de notre justice, sur les propositions de réforme qui sont présentées par les associations qui luttent contre les différentes formes de corruption. Organisons mieux le statut des élus, en recherchant les bons équilibres entre limitation de leurs rémunérations et octroi des moyens nécessaires au bon exercice de leurs mandats, ainsi qu’entre transparence des patrimoines et respect de la vie privée. Dans cette période difficile où le pays a besoin de toutes les énergies pour se rassembler, mobilisons–nous sur ces sujets essentiels que sont la place de l’argent dans la société et les régulations qui permettent de transformer ce mauvais maître en bon serviteur[2]2.

Le Bureau

 

[1] Voir à ce sujet les propositions du Pacte civique dans son flans info du 5 mars (« On ne peut servir à la fois Mammon et l’Etat »)

[2] C’est le thème de l’ouvrage issu du colloque de Cerisy « Peut-on apprivoiser l’argent aujourd’hui » (Hermann, 2016), qui sera évoqué lors de la réunion conviviale du 10 avril.

 

DEMOCRATIE ET SPIRITUALITE, le livre, Patrick Brun

DEMOCRATIE ET SPIRITUALITE, le livre, Patrick Brun

Par : Patrick Brun

Le Livre Démocratie et Spiritualité

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Nouvelles de l'association

 

Université d’été de D&S 2017

Education, citoyenneté, spiritualité. Du 8/09/2017 au 10/09/2017 Centre Jean Bosco, 69005 Lyon Introduction : Pourquoi ce thème ? Face aux grands changements qui traversent notre société depuis une trentaine d’années, l’éducation à la spiritualité comme l’éducation à la citoyenneté rencontre aujourd’hui de grandes difficultés. L’une et l’autre constituent pourtant un levier d’action fondamental pour réussir le pari de l’unité humaine qui est …Lire la suite.

A réserver dès à présent dans vos agendas (programme et bulletin d’inscription sur notre site).

PROGRAMME et INSCRIPTION (http://www.democratieetspiritualite.org/2017/03/06/programme-de-luniversite-dete-2017/)

Conviviale du 13 février

Nous avons consacré notre réunion conviviale du 13 février à nous demander quels étaient nos critères de choix pour notre vote à l’élection présidentielle de 2017 et à un premier échange sur les candidats y répondant. Cela nous a conduits ensuite à partager nos avis sur le «Fillon gate» et sur ces conséquences, ce qui a donné lieu à la rédaction d’un point de vue dans le flash info du Pacte civique mentionné ci-dessus.  (remettre lien site Pacte civique ).

Jean-Claude Devèze a proposé ci-après une grille de critères pour l’élection présidentielle 2017, élaborée à la suite de notre conviviale du 13 février 2017 et de celle du 4 avril 2012 qui avait précédé l’élection présidentielle de 2012, s’inspirant aussi des travaux du Pacte civique

Grille de critères pour l’élection présidentielle 2017

 Vision proposée

Elle doit donner sens à notre monde du local au global pour inciter à l’implication responsable personnelle et collective.

 Projet ayant capacité à rassembler une majorité de français

• Priorité donnée à une approche transpolitique permettant de dépasser les clivages inutiles

• Volonté de promouvoir une fraternité à la fois sociale et civique

• Exigence de recherche de nouveaux équilibres (unité/diversité, accueil du migrant/prudence, décentralisation permettant de s’adapter aux réalités locales/unité de l’Etat, etc.)

Programme comprenant des orientations et des décisions selon les domaines (orientations sur les points à débattre avec les citoyens et les élus, mesures et réformes proposées à voter rapidement par le parlement)

• Réalisme des propositions en matière de dépenses et recettes budgétaires pour lutter contre nos trois dettes (financière, sociale, écologique)

• Façon d’aborder avec les citoyens et les élus les dossiers chauds (migrations, éducation, emploi, transition écologique, avenir des services publics, etc.)

• Modalités de poursuite de la construction européenne (zone Euro cohérente, budget accru, politique migratoire, etc.)

Personnalité du candidat

• ·Un charisme permettant de mobiliser son équipe comme le peuple dans la durée

• ·Le courage d’affronter avec pédagogie les questions qui fâchent et divisent

•  L’honnêteté, la cohérence entre ses paroles et ses actes

• ·Une culture de référence permettant de s’ancrer dans un récit et de se projeter dans une œuvre commune

• ·Une proximité avec ses concitoyens acquise grâce à ses expériences de terrain et d’exercice du pouvoir

• Une aptitude à incarner la fonction présidentielle

Façon de relever le défi démocratique

• ·Pertinence du diagnostic sur la qualité de notre vie démocratique

• ·Propositions pour réussir notre mutation démocratique

• ·Progressivité du changement institutionnel en cherchant à le mettre en adéquation avec les changements des comportements civiques des citoyens et des élus.

Capacité à affronter les enjeux culturels et spirituels de l’avenir de notre société

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Résonances spirituelles

Méditer

Texte lu le mercredi 22 février à la méditation interspirituelle proposée par D&S au Forum 104

Méditer, c’est prendre une posture qui vous rend présent à vous, ouvert au monde, disponible.

Méditer, c’est respirer sans consigne, ni sanction.

Méditer, c’est se déconnecter, se foutre la paix et retrouver ses aspirations profondes.

Méditer, c’est un acte naturel par lequel je laisse la vie revenir en moi, grâce auquel je redeviens vivant.

Méditer, c’est entrer en relation avec ce qui est : moi, les autres, le monde, ce qui nous dépasse…

Inspiré de Fabrice Midal « Foutez-vous la paix et commencez à vivre »

Faire calme et silence, apprendre à lire les sensations de notre corps, se libérer de nos pensées, s’ouvrir sur l’infini.

Se pacifier par le souffle, pas en le contrôlant, mais en se connectant humblement à lui et en l’accompagnant doucement.

Lâcher prise, vivre pleinement l’instant présent, apprendre à faire attention et confiance.

Méditer en pleine conscience, c’est se connecter au monde si fortement que les distinctions entre soi et non soi deviennent absurdes, inutiles et encombrantes.

    Inspiré de Christophe André « Méditer jour après jour » 

  Démocratie et spiritualité

 

« Est pervers celui qui vit dans un monde sans autre »

Chronique hebdomadaire Bernard Ginisty du le 12/12/17

Les temps de crises conduisent chacun d’entre nous à faire l’épreuve de ce que nous considérons comme essentiel et, par-là, nous confrontent à notre identité. Celle-ci ne passe pas d’abord par l’appartenance à un clan ou la faveur des magazines ou celle des puissants, mais elle s’exprime dans notre capacité à assumer nos responsabilités tant au plan privé que dans l’espace public. Le journal Le Monde, dans son numéro du 1er janvier, publie un entretien entre Boris Cyrulnik et Tzvetan Todorov, deux intellectuels qui ont rencontré dans leur histoire personnelle les barbaries du XXe siècle (1).

Pour Todorov, historien, « la tentation du Bien semble beaucoup plus dangereuse que la tentation du Mal (…) Tous les grands criminels de l’histoire ont été animés par le désir de répandre le Bien. Hitler, notre mal exemplaire, souhaitait le Bien pour la race élue germanique aryenne. C’est encore plus évident pour le communisme qui est une utopie universaliste, même si pour réaliser cette universalité, il aurait fallu éliminer plusieurs segments sociaux de cette même humanité qui ne méritaient pas d’exister Le djihadistes d’aujourd’hui ne me paraissent pas animés par le désir de faire le Mal, mais de faire le Bien par des moyens que nous jugeons absolument abominables ». Ce qui l’amène à définir la barbarie non pas comme un retour à l’état primitif de l’humanité, mais par « le refus d’accorder la pleine humanité à l’autre ».

Le neuropsychiatre Boris Cyrulnik s’interroge pour savoir comment une idéologie ou une religion peut conduire à la tuerie. « La bascule se fait, écrit-il, lorsqu’on se soumet à la théorie de l’Un. Si l’on en vient à penser qu’il n’y a qu’un vrai dieu, alors les autres sont des faux dieux. Ceux qui y croient sont des mécréants dont la mise à mort est quasiment morale ». Au nom de la théorie de la race germanique comme Unique expression de la parfaite humanité, « on peut être parfaitement éthique avec ses proches, mais les Juifs, ce n’est pas les autres, Les Tziganes, ce n’est pas les autres. (…) Il est moral d’éliminer les Juifs comme il est moral de combattre la souillure d’une société pour que notre belle race blonde aux yeux bleus aryens puisse se développer sainement ». Cyrulnik définit ainsi la source de toutes nos perversions : « est pervers celui qui vit dans un monde sans autre ». Et c’est pourquoi il y a un Dieu pervers, comme l’a admirablement décrit Maurice Bellet (2), des morales perverses, des solidarités meurtrières.

Le philosophe et penseur talmudiste, Emmanuel Levinas, n’a cessé de voir dans la responsabilité pour autrui la source d’une identité humaine qui refuse les barbaries. Au « je pense donc je suis » de Descartes, il substitue, « je suis responsable, donc je suis ». Pour lui, l’identité ne vient pas de l’appartenance à une culture, à une idéologie, à une religion ou à une nation, mais de ce qu’il appelle, reprenant un terme biblique, « l’élection » qu’il définit comme la responsabilité inconditionnelle pour autrui. « Où est mon unicité ? écrit-il. Au moment où je suis responsable de l’autre, je suis unique. Je suis unique en tant qu’irremplaçable, en tant qu’élu pour répondre de lui. Responsabilité vécue comme élection. (...) J’ai appelé cette unicité du moi dans la responsabilité, son élection. Dans une grande mesure, bien entendu, il y a ici le rappel de l’élection dont il est question dans la Bible. C’est pensé comme l’ultime secret de ma subjectivité. Je suis moi, non pas en tant que maître qui embrasse le monde et qui le domine, mais en tant qu’appelé d’une manière incessible, dans l’impossibilité de refuser cette élection » (3).

 (1) Boris CYRULNIK et Tzvetan TODOROV : La tentation du Bien est beaucoup plus dangereuse que celle du

Mal, entretien dans Le Monde du 1er janvier 2017

(2) Maurice BELLET : Le Dieu pervers, éditions Desclée de Brouwer 1998

(3) Emmanuel LEVINAS in Emmanuel Levinas, qui êtes-vous.Entretiens avec François Poirié. Éditions de la

Manufacture, 1987, pages115-116

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  Démocratie et spiritualité, suite.

 

Des hommes politiques « décomplexés » dans la complexité du monde !

Chronique de Bernard Ginisty du 26 janvier 2017

La longue période électorale que nous vivons est fertile en discours les plus divers. Depuis les déclarations nobles et bien senties jusqu’aux injures, rien ne nous est épargné. Je voudrais m’attarder sur un propos de plus en plus fréquent d’hommes politiques qui proclament assumer « sans complexe » leur choix. Par ce type de discours, les candidats qui se présentent à nos suffrages nous disent qu’ils ont su se libérer de leurs « complexes », ce que la psychologie nomme un ensemble de contenus inconscients susceptibles de venir perturber leur activité. Le bricolage sans fin entre les pulsions du désir et les différents « surmoi » issus de l’histoire de chacun constitue la trame d’une existence humaine. Notre activité consciente ne cesse de conclure des armistices, toujours provisoires, entre ces instances. Cet inconfort, fondement de la condition humaine, peut conduire chacun d’entre nous, au nom de la libération de ses « complexes » à céder à la tentation d’échapper à la très réelle complexité du monde. Top souvent, quand l’homme politique prétend être sans « complexes », c’est pour se précipiter dans une pensée binaire, plutôt simpliste, qui le libère enfin des incertitudes humaines.

Edgar Morin a consacré une grande partie de son oeuvre à élucider cette pensée de la complexité. Il la définit ainsi : « Je dirais que la pensée complexe est tout d’abord une pensée qui relie. C’est le sens le plus proche du terme complexus (ce qui est tissé ensemble). Cela veut dire que par opposition au mode de penser traditionnel, qui découpe les champs de connaissances en disciplines et les compartimente, la pensée complexe est un mode de reliance. Elle est donc contre l’isolement des objets de connaissance; elle les restitue dans leur contexte et, si possible, dans la globalité dont ils font partie. » (1).

La pensée complexe est constitutive de la vie démocratique dont le principe est de donner sens à une opposition par rapport à une majorité. Elle est la condition de base pour échapper aux dogmatismes religieux, politiques ou économiques qui sont à la source des manichéismes meurtriers. Dans un dialogue avec Alain Finkielkraut, le philosophe allemand Peter Sloterdijk écrit ceci : « Notre travail de civilisation commence ici : reformuler un code de combat impliquant le souci de l’ennemi. Qui ne veut pas être responsable d’un ennemi a déjà cédé à la tentation du pire. Vouloir être responsable de son ennemi : ce serait le geste primordial d’une éthique civilisatrice des conflits ». (2).

Nous devons constater aujourd’hui que ce travail démocratique, difficile et permanent, s’essouffle et que partout renaissent les pensées binaires et les rapports de force « sans complexes ». Les deux plus grandes puissances militaires du monde sont aujourd’hui présidées par deux hommes qui s’affichent totalement « décomplexés », l’un, Donald Trump, au nom de ses milliards de dollars que des « théologiens de la prospérité » interprètent comme une bénédiction divine (3), l’autre Vladimir Poutine au nom de ses forces militaires et du nationalisme russe béni par la hiérarchie orthodoxe (4).

Commentant le propos de l’économiste indien Amartya Sen pour qui « la politique de la démocratie donne aux citoyens la chance d’apprendre les uns des autres », Hervé Kempf soulignait que « le coeur de la démocratie n’est pas l’élection, mais la délibération, par laquelle nous apprenons les uns des autres» (5). C’est dire que la démocratie est bien un processus permanent et non une oscillation au hasard des élections, des oligarques, du populisme et de la démagogie. Elle ne vit pas de spectacles médiatiques mais du travail de chacun pour affronter la complexité du monde. Pour Charles Péguy, les chemins de la démocratie sont : « les travaux propres, les efforts probes, les patiences, les pratiques sobres de la solidarité » (6).

 

(1) Edgar MORIN : La pensée complexe : Antidote pour les pensées uniques. Entretien avec Nelson

VallejoComez

dans la revue Synergies Monde n°4, 2008.

(2) Alain FINKIELKRAUT Peter SLOTERDIJK : Les battements du monde. Dialogue Editions Pauvert, Paris, 2003, p.74.

(3) Cf. Deux pasteures américaines à l’ère Trump in Réforme du 19 janvier 2017. « La pasteure Paula

White sera présente à l’investiture de Donald Trump alors que sa consoeur Jennifer Butler mène le combat contre le milliardaire. Paula White et Jennifer Butler sont toutes deux blondes, originaires du sud des ÉtatsUnis et pasteures. Pourtant, presque tout les sépare. Vendredi 20 janvier, la première se tiendra fidèlement aux côtés du nouveau président américain qui l’a choisie, avec cinq autres leaders religieux, pour officier lors de la traditionnelle cérémonie d’investiture à Washington. Le lendemain, la seconde a prévu de descendre dans les rues de la capitale, aux côtés de 200 000 femmes, pour protester contre Donald Trump. Le profond désaccord qui sépare ces deux femmes n’est pas seulement politique mais aussi théologique. Télévangéliste à succès, Paula White est une adepte de la doctrine de la prospérité, selon laquelle la richesse et le succès des hommes sont le signe d’une récompense divine, liée à leur foi et à leur contribution (financière) aux ministères chrétiens. Certains adeptes de cette théorie vont jusqu’à en déduire que la pauvreté serait une forme de punition divine. Le révérend Jennifer Butler, affiliée au courant presbytérien, insiste au contraire, sur l’importance de la justice sociale et de la compassion envers les plus pauvres, valeurs, qui se trouvent selon elle, au cœur du message des évangiles. (...) Au lendemain de la victoire de Trump, Paula White annonçait d’ailleurs à la presse qu’il était « difficile de ne pas voir dans son élection la main de Dieu ».

(4) Henri TINCQ : Cyrille, le bras religieux du nationalisme de Poutine in Slate.fr 8/12/2014 « Sous l’effet de la crise ukrainienne en particulier, le patriarche Cyrille est devenu l’un des principaux relais du discours nationaliste triomphant dans la Russie poutinienne. C’est lui qui promeut la doctrine du «monde russe» (Russkiy mir), englobant non seulement la Russie, la Biélorussie et l’Ukraine, mais «s’étendant sur les espaces de l'Eurasie» (discours du 14 mars 2014). C’est lui encore qui entretient la mémoire de la résistance d’autrefois aux envahisseurs polonais et aux risques d’une «latinisation» (occidentalisation, catholicisation) qui «aurait signifié la destruction totale des fondements civilisationnels de la Russie, sa soumission à des forces extérieures (…)Intraitable défenseur de l'«identité spirituelle» du pays contre la «décadence morale» de l’Occident –illustrée, entre autres, par le développement des mariages gays–, contre le libéralisme économique débridée qui y règne, contre l'«hégémonisme» américain et la menace de l’islam dans le Caucase et en Europe de l’Ouest, le patriarche «de toutes les Russies», qui avait déjà apporté son soutien à Vladimir Poutine lors de la campagne présidentielle de 2012, est devenu l’allié numéro un du maître du Kremlin”.

(5) Hervé KEMPF : L’oligarchie ça suffit, vive la démocratie. Éditions du Seuil 2011, page 148.

(6) Charles PEGUY : Œuvres en prose complètes. Éditions Gallimard, La Pléiade, Tome 1, page 1261

Échos d'ailleurs

 

Fille de daronne et fière de l'être

Recension  par JC Devèze du dernier livre de Bouchera AZZOUZ (Plon, 2016 

Le témoignage de Bouchara Azzouz (ex-secrétaire générale du mouvement Ni putes ni soumises, présidente de l'association Ateliers du féminisme populaire) est d'une grande force et d'une touchante sincérité. Résolument optimiste, il montre que les femmes sont la grande chance des quartiers populaires confrontés au radicalisme, au sexisme et au terrorisme.

Dans ce livre comme dans le documentaire réalisé avec Marion Stalens « Nos mères, nos daronnes », Bouchara Azzouz montre le rôle majeur de ces femmes courageuses qui essaient d’élever leurs enfants en les protégeant des dangers des quartiers. Il lui semble important « de transmettre aux plus jeunes générations l'histoire oubliée de nos daronnes. Dans nos banlieues, la "daronne", c'est la première femme que tu aimes, et la seule pour qui tu peux pleurer. "Daronne", un mot derrière lequel on cache avec pudeur tout l'amour contenu dans le terme "maman" ».

Elle a voulu écrire ce livre pour faire comprendre pourquoi elle était sortie du chemin que ses parents avaient tracé, suivant la voie d'une certaine "radicalité" religieuse manifestée par la prise d’un voile[1] durant près de dix ans (voir l’émission question d’islam sur France culture du 15 01 2017). Ce qui l'a sauvé, c'est cet indéfectible lien façonné depuis l'enfance avec sa mère qui voulait qu’elle devienne docteur et avec son père qui voulait émanciper ses filles, mais aussi la compréhension des « bonnes sœurs » de l’école Charles Péguy et l’amitié de ses compagnes d’engagement. Avec Ni putes ni soumises, elle a pu lier promotion du féminisme, lutte contre le racisme et combat pour l’égalité homme-femme.

Elle décrit avec lucidité le passage de la mixité sociale vécue dans la paix et la convivialité durant les années 70 dans sa cité de l’amitié de Bobigny à la situation actuelle de ghettoïsation : les organisations d’éducation populaire et les fêtes de quartier ont disparu, laissant la place aux discriminations sociales et à la pression machiste des jeunes musulmans sur les femmes de même origine. Elle pointe du doigt la contradiction entre la demande de masquer l’appartenance à la religion musulmane et celle de prendre publiquement position en tant que musulman. Sa seule réponse à la question « qui sommes-nous ? » est la suivante : « Nous sommes tous la République, égalitaire, juste avec chacun, garantissant à tous les libertés et unissant son peuple dans la fraternité ».

Peu à peu l’auteur a mis en accord toutes ses identités, qu'elles soient religieuses, culturelles, traditionnelles et nationales, se rendant compte à quel point c'était une erreur de vouloir être autre chose qu’une fille de daronne et fière de l'être !

 

[1] Voir aussi les deux témoignages dans le livre d’Anne Nivat, Dans quelle France on vit, Fayard, 2017 (p 98 à 111)

Informations diverses

• Dans le cadre du cycle de conférences « Pour une spiritualité créatrice dans une société en transition », l'ACER-MJO accueillera Jean-Baptiste de Foucauld jeudi 30 mars 2017 à 20h,au 91 rue Olivier de Serres, 75015 Paris, sur le thème : « Nouvelle spiritualité et luttes démocratiques ».

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• Concert: Jeudi 30 mars à 20h –Mairie du 8ième‐3 rue de Lisbonne 

Jean de Saint Guilhem, piano. Quintette de l’orchestre de chambre de Versailles, Anne Claude Villars, Katia Dimitrova, lectrice. 

Programme: œuvres de Dimitri Chostakovitch (1906‐1975), Premier trio pour piano, violon et violoncelle (1923) et Quintette pour piano et cordes (1940) ‐ et lecture de textes de la poétesse russe Marina Tsvetaieva (1892‐1941)

RESERVATION LES 27, 28 ET 29 MARS ENTRE 9H ET 12H UNIQUEMENT PAR TELEPHONE AU 01 44 90 75 42