En-tête

 Lettre bimestrielle de D&S n°156

 Novembre Décembre 2017

 

Sommaire

Agenda

L’éditorial

 Pour des dialogues sincères et constructifs entre convictions différentes

 Nouvelles de l'association.

Compte rendu de l’Université d’été de D&S 2017

Evènement D&S en 2018

Résonances spirituelles.

Répondre à l’appel de la vie.

P.O.E.M.E.S = Parole Offerte Et Méditée En Silence !

 La joie.

Chronique de Bernard GINISTY

La fraternité humaine fondatrice de droits

Travaux de Démocratie et spiritualité.

Anthropologie spirituelle, spiritualité et sens de la vie.

Dialogues.

Des mille et une façons d’être juif et musulman, de Delphine Horvilleur et Rachid Benzine.

Pacte civique.

Informations diverses.

 

Agenda

Les soirées conviviales

au 250 bis Boulevard Saint-Germain (75007) PARIS
(digicode extérieur : 25B01 ; intérieur dans le hall : 62401 ; salle au premier étage)

 Lundi 11 décembre à 19H : réunion conviviale avec SergeTisseron, psychiatre, docteur en psychologie, membre de l’Académie des technologies, chercheur associé à l’Université Paris VII.
Thème : les conséquences de l’explosion des nouveaux réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter sur le lien social, les effets de l’omniprésence des écrans sur les enfants, les chances offertes par ces nouveaux outils dans l’éducation et les risques potentiels.

Lundi 8 janvier à 19H : réunion conviviale sur : fin de vie/ euthanasie (en cours d’organisation)

Lundi 12 mars à 19H : réunion conviviale (sujet à déterminer)

 

Une soirée conviviale au Forum 104, 104 rue Vaugirard (75006)

- Mardi 5 février au soir : rencontre avec Benjamin Stora autour des « mémoires dangereuses en France et en Algérie » (horaire et thème en cours de finalisation)

  

Groupe cheminement :

au 21 rue des Malmaisons (75013) PARIS

lundi 18 décembre à 15H,

 

Méditations interspirituelles, un mercredi par mois de 18h15 à 19h15

au Forum 104, 104 rue de Vaugirard (75006) PARIS

mercredi 20 décembre 2017 de 18h15 à 19H15,

mercredi 31 janvier 2018

mercredi 28 février 2018

Mercredi 28 mars 2018

mercredi 25 avril 2018

mercredi 23 mai 2018

mercredi 27 juin 2018

 

Groupe de Grenoble : « Comment je fais face à l’ancrage de la discrimination systématique ?»

lundi 15 janvier 2018, à 17h30 à la galerie LAVINA ,12 place Notre Dame à Grenoble. Thème :

 

Conseil d’administration de D&S : lundi 22 janvier 2018 à 17H,

dans les locaux de Poursuivre 87 rue de l’Eglise (75015) Code :5287, au rez-de chaussée
(métro Félix Faure)

 

Assemblée générale de D&S : lundi 9 avril 2018, à 17h,

dans les locaux de Poursuivre 87 rue de l’Eglise (75015) Code :5287, au rez-de chaussée
(métro Félix Faure).

L'éditorial

 

Pour des dialogues sincères et constructifs entre convictions différentes

Nous avons la chance de voir se multiplier des livres témoignant de la richesse des dialogues entre personnes prêtes à débattre de ce qui leur tient à cœur tout en se respectant dans leurs différences. C’est ce qu’on fait Dominique Wolton et le pape François dans « Politique et société », Delphine Horvilleur et Rachid Benzine dans « Des mille et une façons d’être juif ou musulman ». D’autres dialogues à plusieurs voix s’ébauchent dans des ouvrages communs : entre Bruno Mattei, Germain Buffeteau, Antoine Valabregue, Jose Dhers et Florent Pasquier[1] dans « Réinvestir L'humain - Individus, Collectifs, Sociétés » et entre Jean-Baptiste de Foucauld, Jean-Claude Devèze et Pierre Guilhaume dans « Relever le défi démocratique face à un monde en mutation », tous deux parus chez Chronique sociale.

 

 Parole et écoute génèrent un dialogue quand l’écoute du dire de l’autre nous interpelle, suscitant une réponse qui montre qu’il a été non seulement entendu, mais compris. Ainsi se met en place un dialogue où les interlocuteurs n’en restent pas à des échanges d’arguments pour avoir raison à tout prix, mais où l’intelligence du cœur les aide à progresser dans leur compréhension d’autrui comme dans l’élaboration de leur pensée et dans la recherche d’une vérité partagée. Le renforcement de la confiance au cours de l’échange permet la reconnaissance de nos ignorances, de nos insuffisances et de nos fragilités ; cela permet d’oser exprimer ce qui est important pour chacun. Une écoute gratuite et une parole humble aident à mieux se comprendre et à dialoguer en toute confiance.

 

Le pape François dans « Politique et société » a présenté trois orientations qui favorisent le dialogue : le devoir d’assumer son identité, le courage de reconnaître l’altérité de l’autre et l’exigence de sincérité des intentions qui permet de cheminer en vérité pour collaborer. Pour Delphine Horvilleur et Rachid Benzine, c’est dans les dialogues fraternels que nous pouvons exprimer du commun en l’enrichissant de toutes les nuances des uns et des autres. Les deux ouvrages à plusieurs voix convergent sur l’importance de transformations personnelles et collectives contribuant à « une façon d’être plus civilisé, de reconnaître et de dépasser notre propre inhumanité, et ainsi, d’augmenter en actes, notre espoir d’un monde plus fraternel ».

 

Ce sont nos paroles et nos écoutes d’autrui comme de nous-mêmes, en veillant à pratiquer l'éthique du débat, et la qualité de notre vie intérieure qui contribuent à épanouir et fortifier la démocratie en visant un « plus d’humanité » pour les temps présent et futur.  Reprenons la phrase célèbre de Gandhi : « Soyons le changement que nous voulons voir dans le monde ». A nous, à D&S, de montrer l’exemple de dialogues démocratiques et spirituels dans toutes nos activités, depuis les réunions conviviales jusqu’à nos Universités d’été. C’est pourquoi nous allons ouvrir sur notre site et proposer dans la lettre une rubrique intitulée « Dialogues » où seront valorisées des expériences concrètes de dialogue dans divers domaines allant du spirituel au politique en passant par l’artistique et où seront présentées des approches et des méthodes favorisant la rencontre entre des inspirations plurielles.

 

Restera à déterminer la (ou les) finalité(s) spirituelle(s) de ces dialogues, au-delà d’un vivre ensemble plus fécond, peut-être même condition de celui-ci : accepter un certain relativisme dans nos propres convictions ? S’enrichir les uns par les autres de ressources ignorées, mais en fait présentes, dans les diverses Traditions, qui se trouvent ainsi renouvelées en sortant d’elles-mêmes ? Rechercher le Commun qui unit toutes ces convictions ? Ou même la grammaire méta-religieuse ou spirituelle au sein de laquelle elles se déclinent ? Finalités qui ne sont pas incompatibles et sans doute même complémentaires.

Le Bureau de D&S

 

PS : Les récipiendaires de la présente lettre ont été avertis du décès le 21 novembre de notre ami Patrick Brun qui a joué un rôle important dans notre association. Nous y reviendrons plus longuement dans la prochaine Lettre.

 

[1] Florent a participé à notre Université d’été 2017 en tant qu’intervenant extérieur. 

Nouvelles de l'association

 

Compte rendu de l’Université d’été de D&S 2017

Eliane Fremann et Marcel Lepetit ont réalisé le compte rendu de notre riche Université d’été de 2017

 « Education, citoyenneté, spiritualité » que vous pourrez lire ici sur notre site.

 

 

Evènement D&S en 2018

Cette année marquera le 25e anniversaire de D&S que nous fêterons en septembre/octobre. La date, le lieu et les contenus sont encore à déterminer.

De ce fait, nous n’organiserons pas d’Université d’été en 2018

 

Résonances spirituelles

 

Répondre à l’appel de la vie

Textes lus à la méditation interspirituelle du 25 octobre 2017 au Forum 104

 

Entre somnoler ou passer sa vie à hurler, entre l’apathie qui assomme et la colère qui consume, quelle issue ?

Il n’y a pas de réponse, il y a juste un risque à prendre, une voie à tenter sans savoir où elle nous conduira. C’est un pari sur le peut-être qui inscrit de l’inédit là où nous pensons que tout a été dit. C’est une confiance qui suspend la violence du déterminisme (…).

 

Lève toi, va…(…). C’est un appel d’air, une aspiration vers, une convocation à prendre la haute mer. Il interroge en vrac nos peurs et nos tiédeurs, les liens qui nous tiennent mal attachés, les désirs rentrés, les questions qui nous rongent du dedans ou qui nous griffent du dehors. L’appel s’impose (…).

 

Ce à quoi tu dois aspirer, c’est plus qu’à une vie supportable, c’est à une vie qui répond quand on l’appelle.

(…) nous sommes tous convoqués à une rencontre à laquelle nous ne pourrons nous soustraire. Tous, un jour ou l’autre. Car vivre n’est autre que répondre à l’injonction d’être.

Francine Carrillo, Jonas, comme un feu dévorant, Labor et Fides, 2017

 

 

P.O.E.M.E.S = Parole Offerte Et Méditée En Silence !

"La poésie n'est au service de rien, rien n'est à son service. J'ai toujours pensé que le poétique précédait le politique. C'est lui qui nourrit les hommes d'action, ceux qui interviennent dans la cité, s'impliquent dans la vie collective, ceux qui ont de grands désirs, des visions du monde, des perspectives d'avenir originales. Tous ceux qui se lancent véritablement dans l'action ont un imaginaire qui a été nourri par une dimension poétique. Qu'elle soit patente ou insoupçonnée, elle est toujours là. Le poétique mobilise tous les possibles de la perception, libère notre esprit, vivifie nos systèmes de représentation, amplifie notre imaginaire.

 

Confronté à la complexité du réel, Homo sapiens a tendance à se réfugier dans une bulle confortable de symboles, de valeurs, de principes, et même de comportements qui, peu à peu, se rigidifient. Au point qu'il a du mal à trouver des solutions nouvelles, à bousculer sa vision du monde. Nous en sommes là aujourd'hui. Pourquoi sommes-nous incapables d'inventer des voies nouvelles ? Parce que notre imaginaire collectif est enfermé dans le carcan de l'idéologie capitaliste, néolibérale, consommatrice et égocentrique, qui nous empêche d'envisager une alternative globale. Il est urgent de nous ouvrir aux stimulations de l'esprit, de la sensibilité, des utopies. L'utopie est une sorte d'oxygène pour les systèmes de représentation.".

Patrick Chamoiseau

 

La joie

Il nous arrive souvent à D&S, lors de notre dernière Université d’été, comme dans nos groupes Cheminements, de nous interroger sur la joie. Comment la vivre, la nourrir en cette époque parfois si troublée ?

A la Traversée, le 19 octobre 2017, la conférence de Bertrand Vergely, philosophe enthousiaste et lumineux, apportait une réponse à nos interrogations.

Intitulée "De la tristesse à la joie ou la force créatrice de l’homme", elle s’inscrivait à contre-courant de l’air du temps. Dans une époque individualiste où chacun se soucie de son bien-être, la vision de la tristesse, et pire encore de la souffrance, sont à taire et à bannir de l’espace public.

Bertrand Vergely démontre que tristesse et joie ne s’opposent pas, que l’on peut passer de l’une à l’autre, qu’elles peuvent même être concomitantes. Ainsi on peut ressentir une étrange tristesse devant le spectacle de la beauté - la musique par exemple confère à la tristesse quelque chose de sublime -, on peut être heureux et en même temps bouleversé jusqu’aux larmes ou bien ressentir, dans un moment de bonheur, la douce nostalgie qu’il ne durera pas toujours.

On ne peut donc opposer brutalement la tristesse et la joie. Toutes deux s’inscrivent dans une conception générale de la vie, faite de tout, du bonheur et du malheur, de la vie et de la mort. Un monde qui se retient de mourir est déjà dans la mort, dit-il.

Vergely va jusqu’à dire qu’il y a des tristesses réjouissantes.

Il met en évidence la force de vie qui permet à l’être humain de connaître la joie comme la tristesse, de vivre et traverser les épreuves en faisant appel en lui, parfois, à des ressources intérieures insoupçonnées. La vie peut donner du sens à tout, même à la souffrance.

Bien sûr, si la tristesse est un état important de l’existence, elle n’est pas vivifiante : une grande souffrance abat l’homme, et d’une manière terrible. Il ne peut plus réagir. Mais parfois, des miracles se produisent, une aide inattendue survient, comme celle de Lassana Bathily, le jeune Malien, lors des attentats contre la supérette Hypercacher en 2015, et c’est ce qui peut réjouir au cœur du tragique.

Il s’interroge ensuite sur la nature de la joie ; selon lui, c’est une grande satisfaction, un plaisir accompagné d’une révélation de la puissance intime de la vie, un "élargissement d’être" que l’on peut ressentir lorsqu’une parole résonne en nous, face au spectacle de la nature ou des hommes. Il fait référence à Spinoza, le philosophe hollandais du XVIIesiècle, qui, dans son ouvrage principal, L’Ethique, évoque le "pays de la joie", quand l’infini de l’existence survient. La joie comme augmentation de la « force d’exister », comme conquête d’un meilleur rapport à soi-même et au monde.

Alors, comment vivre la joie ?

Tout d’abord, elle se décide. N’attendons pas qu’elle tombe du ciel.

C’est ensuite un combat et un acte de résistance contre les pensées négatives qui nous envahissent, pour ne pas être réduits en esclavage par les parties obscures de nous-mêmes. Grâce à la pratique de la méditation, nous pouvons rétablir la paix intérieure et trouver la joie en nous, dans cette part inviolable de nous-même. Comme le disait La Boétie au XVIe siècle dans son Discours sur la servitude volontaire : "le plus grand tyran est dans vos têtes".

Quand nous allons vers la vie, elle vient vers nous.

Enfin la joie se cultive. Considérons les moments heureux comme un cadeau, savourons-les. Vivons dans la gratitude.

 Eliane Fremann 

 

Travaux de Démocratie et Spiritualité

 

Anthropologie spirituelle, spiritualité et sens de la vie 

Présentation et première discussion par Marcel Lepetit

 

L’anthropologue Michel Fromaget, dans la conférence qu’il a donnée, à l’invitation de La Traversée, le 19 juin 2017 au Forum 104 à Paris : « Anthropologie spirituelle, spiritualité et sens de la vie », creuse les deux conditions d’une spiritualité qui serait « réaliste et efficace » : l’une de discipline personnelle, l’autre d’action sociale.

La première : ne plus se confondre avec l’homme extérieur, avec ce personnage à deux dimensions qu’il a hérité de ses gènes et de son milieu. Ne plus se confondre avec celui qu’il croit être, mais qu’il n’est pas. Laisser s’actualiser en lui l’homme intérieur, la personne à trois dimensions (« corps, esprit, âme »), écrin de son identité véritable. Mais pour que l’homme intérieur puisse naître et parler, il faut que l’homme extérieur se taise. Et se mette à écouter son silence intérieur. Il y a là, du moins pour nous Occidentaux de ce siècle, une exigence absolue.

La seconde condition vise la transformation de la société en faisant tout ce qui est possible pour qu’elle offre enfin, à chaque enfant, un cadre favorable à l’éclosion et à l’envol de l’imago qu’il porte en lui et qui n’est autre que lui-même. Projet éducatif fondé sur une anthropologie ternaire et, par suite, dans des programmes pédagogiques répartissant la scolarité en trois temps égaux : un centré sur l’éducation du corps, un sur l’éducation de l’âme, un sur l’éducation de l’esprit.

*

On peut rapprocher la présentation du tryptique « corps, âme, esprit » par Michel Fromaget de celle de François Cheng dans « De l’âme – Sept lettres à une amie »[1]. Mais, de façon surprenante, on constate chez l’anthropologue une inversion complète de la place du binôme - âme, esprit – dans la triade.

Chez Fromaget, qui se réfère essentiellement à la civilisation occidentale, c’est l’esprit - « une réalité mystérieuse, spécifiquement religieuse, spirituelle ou transcendante »[2] - qui clôt la triade[3]. Quant à l’âme, c’est pour lui « le mental, la part psychique de l’être  [4].

Chez Cheng, qui se réfère aux mondes à la fois oriental et occidental, c’est « l’âme » qui est l’alpha et l’oméga de l’humaine condition : « je crois qu’il faut attribuer à l’âme une place à la fois initiale et ultime » (p. 67 à 69).

Avec ce tryptique, on ne peut s’empêcher de penser aux trois « ordres de réalité » de Blaise Pascal. Sauf que, chez ce dernier, les trois ordres sont clairement hiérarchisés : le corps, l’esprit, puis l’âme. Alors que chez nos contemporains, il semble s’agir d’un flux circulaire, sans hiérarchie, entre les trois dimensions : le corps, puis l’esprit => l’âme (chez Cheng) ou l’âme (ou le cœur profond) => l’esprit (le cerveau, le mental, le rationnel) chez Fromaget et nos contemporains. C’est, sans aucun doute, le signe d’un changement d’ère de l’anthropologie du XXIè siècle par rapport à celle du XVIIè siècle.

Enfin, dernière interrogation qui nous taraude : comment parler aujourd’hui de l’anthropologie ternaire « corps, esprit, âme » sans passer par les neurosciences du cerveau, qui tendent à démontrer aujourd’hui « comment se fabrique la conscience »[5], voire « la pleine conscience » par la pratique de la méditation[6] ? Découverte à mettre en relation avec l’histoire de l’évolution du vivant animal et humain[7]. Car on peut s’intéresser aux neurosciences sans tomber dans certaines chimères du « transhumanisme »[8] 

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En attendant des débats ultérieurs autour de ces questions, nous vous souhaitons une bonne lecture du sur notre site du texte de Michel Fromaget.

[1] 2016, Albin Michel

[2] page 3 du texte joint

[3] IIIè partie du texte – Le paradigme ternaire « corps, âme, esprit »

[4] page 3 du texte

[5] L’intelligence est « une matière modelée par son environnement ». D’après la philosophe Catherine Malabou, on estime que « 80% à 90% de notre cerveau dépend de l’influence de notre culture ». « Nos méninges sont bien plus plastiques qu’on ne croit ». Cette ancienne élève de Jacques Derrida enseigne en Californie sur le thème des « Métamorphoses de l’intelligence ». Elle réfléchit sur les conséquences potentielles du rapport entre plasticité du cerveau et plasticité des ordinateurs. Voir son interview à Télérama du 27/09/2017

[6] Qui permet, selon les scientifiques, d’orienter la neuroplasticité de nos cerveaux. Voir, par exemple, les ouvrages de Christophe André, psychiatre et psychothérapeute, et de Matthieu Ricard, docteur en génétique cellulaire et moine bouddhiste tibétain. Ou le documentaire diffusé sur Arte le 23/09/2017 : « Les étonnantes vertus de la méditation ».

[7] Scott Atran, anthropologue cognitiviste, franco-américain, auteur de : Au nom du Seigneur – la religion au crible de l’évolution -, 2017, Odile Jacob

[8] Derrière le néologisme « transhumanisme », se cachent de multiples courants de pensée qui ont en commun de prôner ‘l’augmentation’ des performances physiques et intellectuelles de l’homme grâce aux NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives).

 

Chronique de Bernard Ginisty du 4 octobre 2017

La fraternité humaine fondatrice de droits

Toute une problématique, toujours actuelle, s'attache à opposer justice et charité. La charité serait cette sorte d'aide paternaliste qui ne toucherait en rien à l'ordre social et aux droits des personnes, tandis que la justice serait seule respectueuse des citoyens. Et il est vrai que les Eglises chrétiennes ont souvent succombé à la tentation de se réfugier dans une pseudo intériorité pour fuir les combats pour la justice comme le dénonce avec vigueur le Pape François : « La Parole de Dieu enseigne que, dans le frère, on trouve le prolongement permanent de l’Incarnation pour chacun d’entre nous (…) Les textes évangéliques expriment la priorité absolue de la sortie de soi vers le frère comme un des deux commandements principaux qui fondent toute norme morale et comme le signe le plus clair pour faire le discernement sur un chemin de croissance spirituelle en réponse au don absolument gratuit de Dieu  (1).

Dans la tradition chrétienne, l’amour de l’autre, n’est pas ce supplément plus ou moins facultatif laissé à l’altruisme de l’homme, il est la radicalité ontologique de l’être humain. Etre dans la charité, c’est être dans le réel de l’homme qui ne se comprend pas d’abord comme un individu fermé sur soi, mais dans une filiation et une fraternité premières. Et ce n’est qu’à partir de là que toute connaissance et toute construction, notamment celle du droit, peuvent prendre sens. S’il est vrai que l’homme est à l’image de Dieu, il exerce sa faculté de création à partir de ce qui définit Dieu, c’est à dire la gratuité du don. Dans cette perspective, la fraternité vécue notamment avec les plus exclus, est fondatrice d’humanité, de pensée et de droit. Elle fait éclater tous les ordres et les enfermements meurtriers comme l’exprime Emmanuel Levinas : « Se manifester comme humble, comme allié au vaincu, au pauvre, au pourchassé - c’est précisément ne pas rentrer dans l’ordre. Par cette sollicitation de mendiant ou d’apatride n’ayant pas où reposer sa tête - à la merci du oui ou du non de celui qui l’accueille - l’humilié dérange absolument ; il n’est pas du monde. (...) Se présenter dans cette pauvreté d’exilé, c’est interrompre la cohérence de l’univers » (2).

Au fronton des mairies françaises, après les mots égalité et liberté, il y a celui de fraternité. Nous avons pensé qu’il s’agissait d’un vœu pieux. Or, les combats toujours nécessaires pour la liberté et l’égalité, sans une fraternité concrète, deviennent stériles et mortels. Cette fraternité, comme le notait Charles Péguy reste un préalable : "Par la fraternité, nous sommes tenus d’arracher à la misère nos frères les hommes; c’est un devoir préalable; au contraire, le devoir d’égalité est un devoir beaucoup moins pressant. (...)Pourvu qu’il y ait vraiment une cité, c’est à dire pourvu qu’il n’y ait aucun homme tenu en exil dans la misère économique, tenu dans l’exil économique ! » (3)

Cela ne veut pas dire que cette charité serait propriété d’institutions, fussent-elles religieuses, qui prétendraient régenter l’ordre du politique. Elle est d’abord une expérience de l’être humain découvrant la grâce de la filiation et de la fraternité. Autrement dit, le travail spirituel de charité, au sens le plus fort du terme, assure la veille sur les droits de l’homme toujours en danger de se dénaturer. En 1941, en plein cœur du dernier conflit mondial, Pierre Teilhard de Chardin, voyait ainsi l’avenir de l’humanité : « La socialisation dont l’heure semble avoir sonné pour l’Humanité, ne signifie donc pas du tout, pour la Terre, la fin, mais bien plutôt le début de L’Ere de la Personne. Toute la question en ce moment critique est que la prise en masse des individualités s’opère non point (à la méthode « totalitaire ») dans quelque mécanisation fonctionnelle et forcée des énergies humaines, mais dans une « conspiration » animée d’amour. L’amour a toujours été soigneusement écarté des constructions réalistes et positivistes du Monde. Il faudra bien qu’on se décide un jour à reconnaître en lui l’énergie fondamentale de la Vie » (4).

 

(1)     Pape FRANCOIS : La joie de l’Evangile §179. Et il ajoute : « La contemplation qui se fait sans les autres est un mensonge » (§ 281).

(2)     Emmanuel LEVINAS : Entre nous. Essais sur le penser-à-l’autreEditions Grasset, Paris 1991, p.71.

(3)     Charles PÉGUY : De Jean Coste, in Oeuvres complètes en prose, tome1, Bibliothèque de la Pléiade, Editions Gallimard, Paris 1993, p. 1033.

(4)     Pierre TEILHARD DE CHARDIN : La grande option écrit à Pékin en 1941 in L’avenir de l’homme, éditions du Seuil, 1960, page 75.

 

Dialogues

Des mille et une façons d’être juif et musulman, de Delphine Horvilleur et Rachid Benzine

Recension complète sur le site de D&S (réalisée par JCD avec l’appui de EF, HJH, MH)

 

 

Le dialogue de Delphine Horvilleur et Rachid Benzine, paru au Seuil en octobre 2017, constitue un document très riche et aussi très utile pour la réflexion de D&S. La rabbin du mouvement juif libéral et l’islamologue ont pu, avec l’aide de Jean-Louis Schlegel, à la fois exposer leur pensée et trouver une façon de l’enrichir en s’appuyant sur celle de l’autre. Ce cheminement constructif a bénéficié de la rencontre de deux intelligences nourries d’une part de leur grande culture religieuse, d’autre part de leurs itinéraires d’enseignant-chercheur-écrivain ouverts au débat.

Ce livre témoigne qu’un dialogue judéo-musulman de qualité sur des sujets essentiels est possible, et il reste à multiplier les rencontres entre personnes de diverses spiritualités et religions respectant l’éthique du débat. Il nous conforte à D&S dans l’importance accordée à la réflexion créative et au dialogue lors de nos réunions conviviales, de nos Universités d’été, de nos groupes de travail, qui doit mieux se traduire ensuite sur notre site et dans notre lettre.

Un certain nombre de points peuvent être aussi repris pour conclure de façon plus opérationnelle notre groupe « Paysage religieux » ; d’autres resteraient à approfondir[1] en élargissant les échanges à d’autres intellectuels chrétiens, athées, agnostiques.

 

[1] Par exemple : les rapports entre cultures et religions (hybridation/métissage/inculturation/confrontation) ; les rapports entre religion et politique ; les propositions pour enseigner le fait religieux et pour former les prêtres, imams et rabbins en lien avec l’université ; l’expansionnisme de certaines religions alors que la religion juive reste très peu ouverte aux conversions ; les diverses conceptions de la spiritualité, etc.

 

 

Pacte civique

 

Le Pacte civique a déployé une activité importante au cours de ces trois derniers mois : prises de position sur les ordonnances, sur la diminution des contrats aidés, sur le volet recette de la loi de finances, sur la nouvelle donne en Europe, tandis que le groupe emploi a organisé dans l’auditorium du Monde un débat sur le « virage numérique de Pôle emploi, risques d’exclusions, opportunité d’inclusion ? » .L’Observatoire citoyen de la qualité démocratique du Pacte civique a organisé au Forum 104 une belle soirée sur Démocratie et Opinion, les raisons d’un divorce, avec Brice Tinturier, Loîc Blondiaux et Sophie Wahnich.

Pour suivre ces travaux, qui permettent, dans un cadre plus large, de concrétiser les intuitions de DS, organisation fondatrice, et pour participer au lancement de la phase 3 du Pacte civique (voir ci-dessous), n’hésitez pas à vous inscrire à la newsletter sur www.pacte-civique.org, et à adhérer si ce n’est pas déjà fait.

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Informations diverses

 

Conférence sur la fraternité  jeudi 18 janvier 2018 à 19h30, au Forum 104, 104 rue de Vaugirard, 75006, Paris,

avec Patrick Viveret (et d’autres intervenants qui seront mentionnés ultérieurement sur le site internet du Forum 104),  dans le cadre du parcours d'ateliers de pédagogie de la fraternité et de la coopération, conçus et organisés par Christine Marsan, psychosociologue, artisan de paix, thérapeute, auteure. 

 

Lancement de la Phase 3 du Pacte civique à la mairie de Paris samedi 20 janvier 2018 de 14h à 17h. On y traitera notamment du Bilan des 6 premiers mois de la Présidence Macron et du projet « Fraternité » du Pacte civique, en interrogeant des personnalités sur les moyens de faire plus et mieux ensemble.

 

 

 

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