En-tête

 

 

 Lettre de D&S n°166

Décembre 2019

 

Table des matières

Éditorial

Dossier du mois : L’interconvictionnel

Résonances spirituelles face aux défis contemporains

Nouvelles exigences démocratiques

Que font nos partenaires ?

Notes de lectures

Notre ami Bernard Gauthier

Agenda

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Editorial

Coexister

Coexister. Quel beau projet !  Co-Exister, c’est à dire exister avec l’autre, grâce à l’autre, et pas seulement « vivre ensemble », ou côte à côte, juxtaposés en somme.

Exister d’abord, et pas seulement vivre ou être. Une existence qui dépasse, qui va au-delà même, qui transcende peut-être, notre simple vie biologique. Mais exister, et pas seulement être, cette conséquence du cogito cartésien ; ou même pas seulement être là, ici et maintenant, dans son acception et ses dérives heideggériennes. Cette existence, qui, pour les plus existentialistes d’entre nous, précède l’essence ou qui, pour les autres, doit se montrer digne de l’essence qui la précède.

Mais Co-Eexister aussi. Car quels que soient les postulats ou les postures métaphysiques, dans lesquels risquent toujours de se ramener les mystiques et spiritualités, dans ces exclusions mutuelles qui séparent et ségréguent, porteurs de violences, exister ensemble, et même mettre en commun nos existences, pour faire de chaque humain une part d’une humanité qui ne soit ni un tout totalitaire, ni une collection d’individus séparés et isolés. Ces deux tentations de notre époque, holiste réductrice d’individualité d’un côté, ou individualiste émancipée de toute référence à l’Autre, comme dans toutes les époques de crise.

Coexister, c’est le nom qu’il y a un peu plus de dix ans et avec quelques amis, Samuel Grzybovski a choisi pour créer un nouveau mouvement de jeunesse qui permette à des adolescents et des jeunes adultes de se rencontrer sur le terrain de la diversité de leurs convictions, religieuses ou non. Se rencontrer au-delà de la laïcité, cette laïcité qui, en laissant à chacun le droit d’avoir une religion, ou de ne pas en avoir, ou encore d’en changer, permet cette rencontre, mais ne l’organise pas.

Car le dialogue inter-convictionnel[1], un des thèmes que nous avons mis, comme la laïcité[2] à l’ordre du jour de nos travaux, ne se confond pas avec elle. Celle-ci permet celui-là, mais la laïcité, concept juridique, exige la neutralité de la puissance publique sur les convictions, alors que le dialogue, concept philosophique, exige l’écoute et le partage.

C’est à cette rencontre avec Samuel qu’est consacré le dossier de ce numéro. A cette rencontre et à Coexister qui, au-delà des différences de générations fortement ressenties lors de cette soirée conviviale du 14 octobre, rejoint l’intuition de D&S il y a vingt-cinq ans : la spiritualité comme dimension essentielle de l’existence & la démocratie comme ciment de cette communauté de personnes désormais élargie aux dimensions de la planète.

 

Jean-Baptiste de Foucauld,  Daniel Lenoir

 

 

[1] Thème « laïcité et spiritualité » animé par Sébastien Doutreligne

[2] Thème « dialogue inter-convictionnel » animé par Michel Ray

 

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 DOSSIER DU MOIS :

L'Interconvictionnel

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CONVIVIALE du 14 octobre 2019 avec Samuel Grzybowski

 

LE DIALOGUE INTERCONVICTIONNEL ET L’EXPERIENCE DE COEXISTER

Compte-rendu de Michel Ray et Eliane Fremann

COEXISTER est un mouvement de jeunesse, au service des jeunes, statutairement de moins de 30 ans, gouverné par des jeunes. C’est aussi un mouvement d’éducation populaire.

Il est présent dans environ 50 villes en France et compte plus de 3000 membres actifs. Son objectif final est de contribuer concrètement à la paix dans sa définition la plus accomplie. Coexister s’est construit sur l’incarnation de la notion de démocratie et en fait un idéal du quotidien, au niveau des prises de décision par exemple : aucun de nous n’occupe une fonction de gouvernance, Radia Bakkouch a été élue présidente en 2015.

C’est aussi un mouvement interconvictionnel. Cette entrée par les convictions est due à trois raisons profondes :

1)      Nos convictions, spirituelles et religieuses, font partie intégrante de notre identité et peuvent être à la fois la cible et la cause d’exclusions et de violences ; il y a des phénomènes de manipulation par les différentes religions, alors que l’article 18 des Droits de l’homme souligne que « Chacun a le droit de croire ou de ne pas croire ».

2)      L’identité convictionnelle est aujourd’hui choisie librement par chaque individu, comme son opinion politique ; ce n’est pas un héritage ou un phénomène de reproduction, même si la famille conserve un certain poids.

3)      La conviction va toucher profond dans l’intimité de la personne, et cette profondeur peut être mise au service du bien commun.

Deux raisons de circonstance ont aussi présidé à la création de Coexister :

1)      Personne ne traitait ce sujet dans le champ associatif et de l’éducation populaire. Beaucoup de mouvements sont interconfessionnels et se situent dans un cadre spirituel ; l’interconvictionnel, lui, est citoyen, politique et laïc.

2)      La méthode de Coexister est de rassembler des jeunes-c ’est l’une de ses particularités- et de se poser les questions de leurs rapports avec la société.

La génération des jeunes déteste les idéologies qui, selon eux, empêchent de réfléchir. A. Bidar mentionne trois liens dont les ruptures simultanées actuelles posent problème : à soi, aux autres et à la nature. A titre d’exemple, le changement climatique pose vraiment la question du « nous ». Ces trois liens montrent la qualité des intuitions de Baden Powell, le fondateur du scoutisme, dès 1916. Les interactions entre ces liens sont aussi importantes : les inégalités bloquent la résolution d’autres problèmes, l’interconvictionnel, le lien aux autres, a son rôle à jouer dans la réparation de la nature, etc… Il constitue actuellement un chaînon manquant dans notre compréhension, il répond au besoin de sens ; les « entrepreneurs du lien » ont un rôle-clé à jouer !

Attention au dialogue systématique ! il doit rester un moyen ; la paix est à la fois un moyen et une fin. L’amitié judéo-chrétienne par exemple, c’est très bien, à condition qu’elle ne vire pas à la peur commune de l’islam. Une des clefs, c’est l’action commune, parce qu’elle est au service d’un tiers bénéficiaire.

Le cœur de la pédagogie de Coexister est constitué du parcours d’un an, pour se connaitre, à titre individuel et collectif ; le deuxième temps, ce sont les actions de solidarité (maraude pour les sans-abris, aide au SAMU, visites dans les prisons, en EHPAD, etc…). Dans un troisième temps, on va animer des ateliers dans les lycées et les collèges. Nos outils, notre méthode sont décrits dans un livre violet, intitulé « Coexistence active ».

1)      Dans le premier temps du parcours, grâce à cet espace de confiance, nous avons vécu beaucoup de « coming out » ; il faut connaitre aussi la nation : par exemple il y a moins de 8% de Français musulmans, alors qu’un sondage BFM-TV cite une perception de 35%.

2)      Il faut un cadre clair, ce sont les règles claires qui évitent les discriminations : par exemple un CV citant une expérience de scout musulman a 8 fois moins de chance d’arriver à l’entretien d’embauche. Les règles du football sont claires, elles permettent une inclusion de joueurs compétents, quelles que soient leurs origines.

3)      Coexister affiche 7 valeurs, la bienveillance en est la première. Il y a la communication non-violente également. S’exprimer en « je ».

4)      La méthode de Coexister est tournée vers l’action, au service d’un but clair (comme au foot où il s’agit de mettre le ballon dans les filets !).

Samuel fréquente surtout les générations Y (nés entre 1980 et 95), et Z (nés après 1995), il constate beaucoup de colère contre la génération des baby-boomers, et de l’incompréhension :

1)      Cette colère et cette incompréhension sont vraiment communes aux jeunes, quels que soient leurs pays d’origine, Samuel en a fait l’expérience.

2)      L’évolution de l’espérance de vie semble devoir baisser pour la génération Y, et cela génère de la rancœur.

3)      Le dogmatisme des idéologies communistes, socialistes, capitalistes a beaucoup déçu.  L’enjeu du climat est grave. Quand un problème survient, la faute est très vite attribuée aux générations précédentes.

4)      Le Brexit a été voté par de nombreux citoyens de plus de 60 ans, alors que la majorité des jeunes est opposée au Brexit : ne va-t-on pas vers un naufrage pour les jeunes, mais dû aux vieux ? Il y a une vraie question !

5)      Greta Thunberg est actuellement humiliée sur les réseaux sociaux, en particulier par les baby-boomers, alors qu’elle ne fait que répéter les résultats du GIEC !

Comme le dit Edgar Morin dans son introduction à la pensée complexe, beaucoup de sujets sont profondément multifactoriels, notamment les phénomènes sociaux.

Mais il existe aussi quelques lignes rouges, par exemple le rapport de domination, qui est à abolir et se trouve à l’origine de multiples mauxdans les défis actuels. C’est une priorité.

Au sein d’une même génération, on constate certes de grandes hétérogénéités mais aussi des tendances de fond. Coexister essaie systématiquement de partir de la réalité : par exemple 1% des Français se déclarent bouddhistes, alors qu’au sein de Coexister, il y a 4% de bouddhistes parmi les nouveaux arrivants. Coexister travaille avec chaque jeune et pas avec les corps intermédiaires des clercs. Les athées ou agnostiques représentent 18% des membres de Coexister ; ils participent activement.

Coexister est beaucoup sur le terrain ; les spiritualités sont un peu un trou dans la raquette. Nous essayons de partir de la réalité des jeunes, qui sont citoyens ; nous prenons en considération les croyances spontanées et l’appartenance à une identité, nous souhaitons sortir des théologies officielles.

Les temps forts spirituels se passent au sein d’une même religion, et pas sur un mode interreligieux. Coexister a refusé de chercher à développer un « tronc commun spirituel ». La partie partagée se situe par exemple dans des temps de silence.

Depuis 1980, les transformations de l’humanité sont plus profondes et rapides que dans les périodes précédentes mais chaque époque a ses abominations, cautionnées par une génération (ex : esclavage, colonisation) ; regardons bien ce qui se passe sous nos yeux.

La laïcité est tuée par le laïcisme.

Pour les Lumières, être Français, c’était un projet commun, et moins une culture, une histoire commune, et maintenant qu’en pensons-nous ?

Il y a des schémas mentaux à dépasser, exprimés par les mots a-gnostique, a-thée, définis par opposition au spirituel. Il faut fuir le binaire. Le ternaire est partout.

Dans les prisons où je travaille, certains détenus radicalisés sont très formés mais dans ces cas, leur spiritualité correspond à un bloc figé. La vraie spiritualité, par sa dynamique, protège du fondamentalisme.

Coexister est une famille d’accueil, qui facilite le discernement ; la foi n’est pas le dogmatisme.

 

Michel Ray et Eliane Fremann

 (Un enregistrement audio de la conférence est disponible.)

 

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Interconvictionnel à Démocratie & Spiritualité

Michel Ray

QU’EST-CE QUE JE PEUX FAIRE ?

L’été est souvent une occasion de contacts multigénérationnels et de moments passés avec des personnes très variées. J’ai été frappé cette année par une proportion en forte croissance d’amis qui posaient très sincèrement la question : « Qu’est-ce que je peux faire ? », le sous-entendu étant : pour la planète et les défis actuels. Un dialogue faisait vite apparaitre le sentiment : « C’est quand même vraiment compliqué ; et je suis seul(e) ». Je ressens ces questions et leur intensité croissante comme un encouragement à ce que nous faisons ensemble, à Démocratie & Spiritualité.

De la même façon, j’ai constaté que le nombre des 30-40 ans qui étaient en reconversion professionnelle, notamment des femmes, était plus important que les années précédentes, surtout pour trouver plus de sens. Je ressens ces mutations personnelles profondes comme des signes positifs et courageux.

Enfin quelques jours passés avec Michel Rouffet, ancien secrétaire général du GREP Midi-Pyrénées, et que connait bien Jean-Baptiste de Foucauld, m’ont permis de m’informer sur les activités :

• du Groupe de Recherche pour l’Education et la Prospective, dont le programme 2019-20 des conférences est impressionnant (voir leur site), et proche de certains centres d’intérêt de D&S,

• du Groupe Croyants/Incroyants, du GREP, qui a déjà publié deux livres capitalisant plusieurs années d’interventions et des débats sur des sujets pouvant intéresser directement D&S et ses membres,

• et de l’association : « Pour construire la paix, osons la rencontre », qui regroupe 24 organisations de la région, et qui organise des marches interconvictionnelles d’une journée, entre une synagogue, une mosquée, un temple, une église et un lieu laïc, avec plusieurs centaines de participants, y compris des jeunes. Je ressens de telles dynamiques « d’associations-sœurs » comme une grande richesse d’expériences à partager…

 

Actuellement, dans le cadre du nouveau programme de travail thématique de D&S, un groupe « Approche interconvictionnelle des messages spirituels nécessaires pour répondre aux défis de notre temps » est en train d’être constitué et il se trouve que plusieurs de ses objectifs rejoignent d’une certaine façon des besoins ou expériences décrites précédemment.

 

Le projet de feuille de route mentionne : Travailler à devenir vraiment acteurs des mutations actuelles…

Le monde actuel, et notamment les démocraties, butent actuellement d’une façon inédite sur une combinaison systémique de défis majeurs, dont les mécanismes de développement constituent de véritables verrous, et ont en commun un « manque de sens », une vision de l’humain qui a dérivé, et qui développe actuellement des fragilités lourdes de réels dangers.

Les grandes traditions spirituelles ou humanistes ont capitalisé sur plusieurs millénaires des visions holistiques sur l’homme et sur le vivre ensemble, ainsi que des messages spirituels spécifiques de grande valeur, mais difficiles à transmettre, justement à un moment où certains de ces messages ont une pertinence nouvelle, presque vitale.

 

Les objectifs du groupe sont :

• Vivre ensemble une démarche authentique      de partage, de recherche et d’interface :

-produisant des résultats transmissibles, analytiques ou synthétiques, capables d’aider à rassembler ;

-avec un impact sur l’ouverture de notre regard, notre compréhension, et notre réactivité personnelle aux événements ;

2.    Développer une méthodologie réutilisable.

 

La méthode proposée consiste à :

• développer une analyse, défi par défi pour ce qui concerne les spécificités-clé de chaque défi, et plus globale pour les aspects communs des « manques de sens » actuels les plus caractéristiques, mais sans recherche d’exhaustivité ;

• puis expliciter, grâce au caractère interconvictionnel du groupe, des messages spirituels essentiels, susceptibles d’apporter des éléments de réponse, voire des antidotes, à ces manques flagrants de sens, dont nous sentons tous qu’ils nous amènent actuellement « dans le mur »,

• et enfin rechercher quelles libérations, individuelles et collectives, seraient susceptibles de rendre ces messages spirituels : d’une part plus audibles aux personnes qui cherchent dans des directions similaires, mais avec d’autres outils, disciplines, etc..., et d’autre part plus transmissibles entre générations.

 

Le groupe de partage tiendra environ une réunion par mois. Des personnes ressources sont interviewées.

Le groupe travaille en réseau : avec les autres groupes de Démocratie et Spiritualité, et avec d’autres organisations partenaires.

Ces défis sont communs à l’humanité mais les démocraties ont un rôle particulier à jouer, y compris dans la manière dont il faut relever ces défis. Ce sujet touche au « et » de « Démocratie et Spiritualité », à l’articulation entre les défis, « et » les spiritualités.

 

Le cadre de D&S a par ailleurs plusieurs spécificités bien adaptées à cette question :

• le caractère interconvictionnel de ses orientations et de ses membres constitue une richesse particulièrement pertinente pour ce type de travail,

• le caractère pluridisciplinaire des productions de D&S et la diversité des expériences de ses membres sont en grande cohérence avec le caractère systémique de ces défis,

• des échanges, voire des complémentarités éventuelles pourront être trouvés avec les réseaux avec lesquels D&S est en relation, comme par exemple le groupe interconvictionnel G3i.

• le travail du groupe de volontaires pourra donc combiner les apports personnels, les dialogues en groupe, des interviews de spécialistes membres ou proches de DS, et des arrivées de nouveaux membres intéressés par la démarche.

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Résonances spirituelles face aux défis contemporains :

 

Chronique de Bernard Ginisty du 31 octobre 2019

Dans son édition du 22 octobre dernier, le journal La Croix publiait un très intéressant article de Cécile Hoyeau suite aux révélations sur les abus sexuels commis par des personnages influents de l’Église Catholique. Intitulé La trahison des pères. Ce texte dresse le constat suivant : « Depuis quelques années, beaucoup de grandes figures qui furent considérées comme des maîtres spirituels et/ou des fondateurs de communautés nouvelles, clercs ou laïcs, semblent tomber les uns après les autres. Éphraïm, Thierry de Roucy, Marie-Dominique et Thomas Philippe, sœur Alix, Mansour Labaky, Bernard Peyrous, André-Marie Van der Borght, et encore récemment Georges Finet, Jacques Marin… Le choc est d’autant plus violent que, pendant longtemps, ces hommes et ces femmes qui ont émergé dans ce qu’on appelait « le nouveau printemps » de l’Église furent pour beaucoup « la référence » ». Pour Cécile Hoyeau, ces différents personnages « sont influencés par le Renouveau charismatique et se présentent comme prenant leurs intuitions directement du Saint-Esprit. Ils deviennent « le père », « le berger ». Elle reprend le propos de Yann Vagneux, prêtre des Missions étrangères de Paris en Inde, après avoir été membre de Points-Cœur de 1996 à 2002 : « Il n’y a plus de distance entre le Père céleste et eux. Le Renouveau Charismatique inspiré du pentecôtisme évangélique propose une expérience de Dieu immédiate, qui fait fi des médiations ecclésiales et humaines. Mais cette tentation évangélique nous a fait perdre la grande spiritualité chrétienne qui est celle de la patience, du quotidien » (1).

De l’abbé de la paroisse désormais appelé « père » (traduction du mot abbé), aux « pères » devenus « révérends » s’ils appartiennent aux grands ordres religieux, jusqu’au Pape qualifié de « Saint-Père », peut-être faut-il s’interroger sur la confiscation par les clercs du titre de « Père » dans une Église se référant à l’enseignement de Jésus qui affirme : « Ne vous faites pas appeler « Rabbi » : car vous n’avez qu’un Maître, et tous vous êtes des frères. N’appelez personne votre « Père » sur la terre : car vous n’en avez qu’un, le Père céleste » (Mt 23 8-9). La seule prière que le Christ a enseignée, s’appelle « Notre Père ». Elle invite à construire une Église de la fraternité de compagnons de route et non une institution où certains s’enferment dans un statut clérical, avec toutes les dérives que cela induit.

Suite à la révélation d’abus sexuels commis par des clercs dans plusieurs endroits du monde, le pape François, dans sa Lettre au peuple de Dieu du 20 août 2018, propose à l’Église catholique ce chemin de conversion : « Il est impossible d’imaginer une conversion de l’agir ecclésial sans la participation active de toutes les composantes du peuple de Dieu. Plus encore, chaque fois que nous avons tenté de supplanter, de faire taire, d’ignorer, de réduire le peuple de Dieu à de petites élites, nous avons construit des communautés, des projets, des choix théologiques, des spiritualités et des structures sans racine, sans mémoire, sans visage, sans corps et, en définitive, sans vie. Cela se manifeste clairement dans une manière déviante de concevoir l’autorité dans l’Église – si commune dans nombre de communautés dans lesquelles se sont vérifiés des abus sexuels, des abus de pouvoir et de conscience – comme l’est le cléricalisme, cette attitude qui « annule non seulement la personnalité des chrétiens, mais tend également à diminuer et à sous-évaluer la grâce baptismale que l’Esprit Saint a placée dans le cœur de notre peuple ». Le cléricalisme, favorisé par les prêtres eux-mêmes ou par les laïcs, engendre une scission dans le corps ecclésial qui encourage et aide à perpétuer beaucoup des maux que nous dénonçons aujourd’hui. Dire non aux abus, c’est dire non, de façon catégorique, à toute forme de cléricalisme ».

(1) Céline HOYEAU : La trahison des pères in journal La Croix du 22 octobre 2019, pages 12 et 13. On trouve en annexe à cet article la recension de l’ouvrage de Sophie DUCREY : Étouffée. Récit d’un abus spirituel et sexuel, éditions Taillandier 2019. « Dans ce récit d’une rare acuité, Sophie Ducrey témoigne du combat qu’il lui a fallu mener, en elle et dans l’Église, pour sortir de l’emprise exercée par un frère de Saint-Jean et faire reconnaître la violence des abus sexuels subis ».

 

 

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Que font nos partenaires ?

Hermeneo

Mohamed Khenissi

Hermeneo est une association loi de 1901 qui a pour but de favoriser et permettre la rencontre et l’interconnaissance entre des citoyen.ne.s de convictions religieuses et philosophiques différentes.

Vivre ensemble est un défi qui nécessite d’aller vers l’Autre. L’association souhaite s’établir comme un acteur qui ouvre cette voie (et facilite ce chemin). Nous souhaitons également fournir des éléments de compréhension théologiques, philosophiques historiques, juridiques et sociologiques de qualité à tout type de public (averti et moins averti). C’est un message de fraternité humaine que nous portons et que nous aimerions partager.

 

Quel est l’objectif d’Hermeneo?

L’association Hermeneo par ses actions tend à créer des lieux d’échange respectueux et bienveillants entre des citoyen.ne.s de convictions, d’âge et de sexes différents, ceci à travers la découverte des différents héritages religieux et philosophiques qui composent le paysage convictionnel français.

Notre objectif est également de permettre à notre public de mieux comprendre le cadre légal de la laïcité comme un élément fondamental et profondément inclusif et qui fait de notre société un lieu de liberté d’expression et de pratique dans le respect des convictions de chacun.e.

Nous souhaitons également favoriser le Faire Ensemble au travers du dialogue des œuvres et des projets.

Pourquoi Hermeneo?

L’association Hermeneo se fait ambassadrice de la riche diversité convictionnelle qui caractérise notre pays pour faire de la laïcité un cadre d’épanouissement citoyen et s’opposer à tout discours de rupture. 

A qui s’adresse Hermeneo?

Hermeneo s’adresse à tous et toutes, toutes celles et ceux qui souhaitent s’instruire, rencontrer et mieux comprendre l’Autre. A cette fin l’association est aconfessionnelle et areligieuse pour permettre à chacun.e de s’y épanouir. Nous nous inscrivons sans équivoque dans le cadre de la laïcité comme cadre inclusif et libérateur, source de bien-être et de paix.

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NOTE DE LECTURE :

François Clavairoly : Après Dieu ; Editions du Cerf ; 2019

Monika Sander

François Clavairoly est président de la Fédération protestante de France depuis 2013 et pasteur de l’Eglise protestante unie.

Le titre de son livre m’a intriguée, que veut-il dire par « après Dieu », que nous entrons dans un temps sans Dieu ?

En réalité, le titre fait allusion à Abraham ; Abram de son vrai nom, rencontre Dieu et sur Son injonction, il part. Il ne sait ni où ni pourquoi mais il fait confiance à Dieu et malgré son âge, il entreprend une longue marche, la marche d’après la rencontre avec Dieu. Il est sûr de lui, ne se retourne pas, ne revient pas comme Ulysse. Avec son nouveau nom il, il construit sa propre vie au risque de devenir quelqu’un d’autre, prend ses responsabilités, conquiert sa liberté car il se sait accompagné par Dieu. Il a plus de 70 ans et aura une nombreuse descendance… Belle leçon de vie.

Le livre s’ouvre sur une réflexion sur Dieu, un Dieu de la paix ; renonçant à la punition, à la violence, Il se présente à l’humanité les mains nues, un Dieu désarmé et non un Dieu des armées. Il offre aux hommes sa création pour qu’ils aient la vie. A nous de faire le deuil d’un Dieu divin pour accueillir un Dieu humain, de nous mettre à l’écoute en souvenir des versets de la Bible : écoute Israël … de ne pas l’instrumentaliser, de se tenir debout en dépit de tout. Participer au bon fonctionnement d’une république laïque où chaque citoyen peut exprimer sa spiritualité, développer un esprit critique bienveillant, penser par soi-même. A l’image de Jésus, un homme sans pouvoir mais auteur de paroles qui peuvent transformer une vie. On est loin de la caricature que le christianisme semble donner aujourd’hui de lui-même, moralisante, dogmatique. Mais proche de l’Evangile qui dégage de l’énergie pour construire une autre société, fraternelle, accueillante qui prend soin et donne sens, sens qui soit transmissible aux générations futures. Les textes touchent tous nos sens si nous l’acceptons, nous incitent à penser et nous poussent à les traduire en paroles : traduction, transmission, passage. Quelle liberté !

Alors comment vivre en chrétien dans notre société violente, menacée par les « ismes » fondamentalisme, populisme ? « La laïcité » dit Emmanuel Macron, « est une exigence politique et philosophique. Ce n’est pas la négation des religions, c’est la capacité de les faire coexister dans un dialogue permanent ». Ceci dit, le dialogue interreligieux est en soi insuffisant, il doit être un débat religieux, politique, syndical, moral, philosophique AVEC les autres où chacun puisse être entendu. Il faut donner sens à sa liberté et à sa responsabilité de citoyen.

La création, l’acte de Dieu, se poursuit dans le temps et nous laisse sans repos si nous voulons être à la hauteur de nos exigences. Accueillir le réfugié, prendre soin des vulnérables, être attentifs à l’environnement sont les actions qui nous incombent. Mais aussi cultiver la grâce, autrement dit la joie d’être ensemble, sans obligation de se justifier, de vivre tout simplement.

L’œcuménisme a un rôle important à jouer en ce temps de changement à condition de se souvenir de l’imprenable altérité de chacun, porteuse de promesses.

Patience, pédagogie de l’enseignement, respect seront-ils suffisants pour créer cette société spirituelle du XXIe siècle qu’évoquait déjà Malraux ?

« Acceptez d’être accepté », disait Paul Tillich et sachez que vous êtes aimés car Dieu croit en nous plus que nous ne croyons en lui. Nous sommes impardonnables mais pardonnés.

En se basant sur les paroles de Luther et sur la publication de l’ouvrage de la Fédération protestante de France (2017) Les protestants, 500 ans après la Réforme. Fidélités et promesses, l’auteur rappelle que « le protestantisme, y compris celui d’aujourd’hui, reste ancré dans ses bases, mais il porte pour demain bien des promesses encore inaccomplies. »

On sort de ce livre revigoré, plein de ce courage d’être, cher à Paul Tillich.

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Décès de notre ami Bernard Gauthier

 
Nous avons eu la tristesse d’apprendre par ses enfants, Irène, Serge et Nicolas,  le décès, le 7 novembre, de leur père, Bernard Gauthier, dont la santé était,  depuis plusieurs années, fragile.
Bernard Gauthier était membre du corps préfectoral et avait exercé diverses fonctions dans ce corps, tantôt en centrale, tantôt dans des fonctions territoriales comme sous-préfet ou comme préfet de police à Lille.
Bernard Gauthier a été le premier secrétaire général de Démocratie et Spiritualité, à laquelle il avait alors consacré toute son énergie, faisant largement signer la Charte de 1993, organisant les premières universités d’été avec Patrice Sauvage, alors Président de l’association.
Vivant très intensément et explicitement une foi qu’il avait trouvée par lui-même, assez tardivement, Bernard avait un grand désir d’action qui le portait en avant.
Avec son enthousiasme communicatif, il a beaucoup apporté à l’Association, qui a une grande dette à son égard. A ses enfants et à sa famille, nous disons toutes nos condoléances bien amicales et attristées.

Jean-Baptiste de Foucauld

 

Une prière qu’il avait choisie, transmise par ses enfants

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AGENDA

 

Groupe "Cheminement" 1 : mardi 10 décembre à 15h, au 87, rue de l’Eglise, Paris 15e

Groupe "Cheminement" 2 : mardi 3 décembre à 19h, au 87, rue de l’Eglise, Paris 15e

Groupe de Grenoble LA BIENVENUE : « Comment je vis une expérience de démocratie au sein d'un groupe de recherche spirituelle? », jeudi 23 janvier 2020 de 17h à 19h.

 

Un nouveau groupe se met en place à Nantes en Loire Atlantique : Contact D&S 44 : Marcel LEPETIT <marcel.lepetit@sfr.fr>

Le thème de leur rencontre du mercredi 8 janvier 2020 à 9h30 sera : L’entraide

Le texte afin d’initier le questionnement:

‘Dans le cas de l’effondrement du vivant prédit (ou prophétisé) par les collapsologues,  quelles conséquences entrevoyons-nous sur les comportements humains en société ? Quels types de comportements risque de l’emporter ? L’entr’aide, la coopération et la co-construction citoyenne et politique pour faire face ? Ou le chacun pour soi, la lutte de tous contre tous, la régression des règles sociales et le délitement des institutions démocratiques ?

Quels ressorts spirituels et quel ‘agir’ faut-il mobiliser pour éviter le pire et viser le meilleur du désirable pour notre humanité et la nature qui nous constitue ? ‘

 Pour préparer notre échange, nous pourrons nous appuyer sur :

• Une fiche de lecture et/ou de questionnement préparé par Patrick à partir du livre de Pablo Servigne et Gauthier Chapelle : L’entraide – l’autre loi de la jungle, (Les liens qui libèrent, 2017)

• Et la fiche de Richard Lenoir sur le thème ‘Spiritualité & environnement’, publiée dans La Lettre de D&S n°165 de novembre et décembre 2019.

Le reste de la réunion sera consacré au début par un ‘Quoi de neuf ?’ et à la fin par ‘Quelles(s) suite(s)’ ?

Contact D&S 44 (Nantes): Marcel LEPETIT <marcel.lepetit@sfr.fr>

 

 

Conviviales :

Jeudi 19 décembre 2019, à 18h00,conviviale dans les locaux de l’ODAS, 250 bis, Bd Saint Germain, métro Solferino : Débat autour de la PMA, procréation médicalement assistée.

Cette réunion sera réservée aux adhérents à jour de leur cotisation.

L’objectif de cette conviviale n’est pas de prendre position sur le sujet, mais de réfléchir à ce que D & S peut apporter à la problématique et au discernement sur ce type de sujet.

Nous partirons des points de vue différents d’Irène Théry, sociologue de la famille, (cf Grand entretien de France Inter le 10/09) et de la philosophe Sylviane Agacinski, auteure d’un court essai : L’homme désincarné. Du corps charnel au corps fabriqué, Gallimard, coll Tracts, 48 p., 2019. Ecouter, sur France inter, son audition devant le Sénat  https://www.youtube.com/watch?v=KapvbzwzlQA; enfin de la tribune de Dominique Potier dans La Vie : http://www.lavie.fr/actualite/bioethique/bioethique-le-risque-d-une-nouvelle-servitude-26-09-2019-100588_394.ph

S’y ajoutera en Pj de l’invitation un numéro de Témoignage chrétien incluant plusieurs articles sur ce sujet.

 

Une réunion dite« Sol invictus » des animateurs de groupe est prévue les 18 et 19 janvier ; elle sera préparée lors du bureau du mardi 7 janvier.

 

Prochains CA : jeudi 12 décembre et jeudi 12 mars 2020 au siège, rue de l’église à 18h

 

Assemblée Générale : mardi 28 avril2020 de 18h à 20h30
(suivie d’un apéritif) dans les locaux de l’ODAS, 250 bis, Bd Saint Germain, métro Solferino

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L'Ours

Lettre D&S N° 1656 de Décembre 2019

ISSN 2557-6364

Directeur de publication : Jean-Baptiste de Foucauld
Rédacteur en chef : Monika Sander
Comité de rédaction : Jean-Baptiste de Foucauld, Sébastien Doutreligne, Eliane Fremann, Daniel Lenoir, Régis Moreira
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