En-tête

Lettre n°145 - avril 2016

 

 Sommaire

L’agenda 

L’éditorial

• Une aspiration à la démocratie

Nouvelles de l'association

• Université d'été

• CR conviviale sur le bouddhisme le 21 mars

• Groupe cheminement

Résonances spirituelles

• Lion de sable : fragilité

 Démocratie et spiritualité

• Détachement et expérience de l'un

• Les voix de la paix

Libres propos

• Revenir à l'essentiel de ce qu'est la démocratie

Informations diverses 

Pour recevoir la lettre par courrier, MERCI DE PARTICIPER AUX FRAIS pour faire vivre notre association. Écrire alors à l'association et joindre un chèque de 30 € par an à l'ordre de Démocratie et spiritualité. Sinon, inscrivez vous si cela n’est pas encore fait.

UN NOUVEAU SITE  D&S 

http://www.democratieetspiritualite.org/

Agenda

Soirées conviviales 

250 bis Boulevard Saint-Germain (75007) (digicodes: 12A16 et hall: 62401,  premier étage).

• Simone Weil, « La vierge Rouge ? » le 9 mai 2016, de 19H à 21H Présentation et discussion autour du livre de Jacques Julliard « Le choc Simone Weil ».

• Débat sur les événements d’actualité, Conviviale ouverte le 13 juin 2016 de 19H à 21H, les attentats, les primaires, les nuits debout.

• 

Méditations interspirituelles les 25 mai, 22 juin, de 18h15 à 19h15, au, Forum 104, 104 rue de Vaugirard (75006).

Groupe "cheminements" : le mardi 14 juin à 16h30, salle Gandon au 21 rue des Malmaisons (75013).

Université d’été 2016 (26, 27, 28 août à Lyon) : « Intégration et diversité, un défi social, culturel et civique ».

Formation 2016 : le samedi 3 décembre 2016, une journée consacrée à L'éthique du débat.

L'éditorial

 Une aspiration à la démocratie

 De toute part, on sent monter le besoin d’une régénération démocratique pour « penser, agir, vivre autrement »  et faire face à nos crises de manière plus profonde. Chaque moment historique, chaque génération doit redécouvrir que la démocratie, ce n’est pas seulement un ensemble de formes et de procédures, toujours imparfaites et menacées de perversion, mais un mode particulier de rapport à l’autre qui unit égalité et singularité sous la bannière du respect de l’égale dignité. Rapport jamais parfaitement réalisé, objet d’une tension permanente ; cette tension inhérente à la démocratie est en quelque sorte sa spiritualité.

Dans ce moment de notre histoire que nous devinons critique, les tentatives de rénovation fusent de toute part, de nouveaux collectifs se créent, l’éthique de la discussion se répand sous différents vocables, le numérique offre des nouvelles possibilités, des élections « primaires » de droite, de gauche (au moins potentiellement), « citoyennes » émergent. Sans que l’on puisse assurer, à ce stade, que tout ceci sorte de l’éparpillement, de la juxtaposition, de désir d’être grand dans du petit plutôt que petit dans du grand, bref que cela forme du commun, du collectif, de la nation ressoudée à son Etat. L’armature globale reste à trouver, reliant de manière souple démocratie et spiritualité, reprenant la démarche et les engagements personnels, collectifs et politiques que le Pacte civique cherche à promouvoir, etc.

C’est dans cette perspective de recherche qu’il faut situer d’une part l’adhésion du Pacte civique, au lancement de « La Primaire des français" et d’autre part son intérêt pour « Nuit debout ».

 Souhaitons que ce dernier permette à des (jeunes) citoyens de se rencontrer et de débattre, de dénoncer ce qui ne va pas et de faire des propositions pour y remédier, de faire vivre les places de la république…Posons-nous alors la question de ce que nous aimerions partager au sein de ce mouvement, à travers des rencontres informelles et/ou des prises de parole en public.

Nous souhaitons d’abord rappeler que, suite aux attentats de 2015, D&S, le Pacte civique, Pouvoir citoyen en marche, Initiative et changement et d’autres ont invité à se rendre place de la République à Paris, mais aussi à Lyon et ailleurs, pour faire vivre un « mouvement du 11 » promouvant la valeur oubliée de la République, la fraternité.

Nous voulons ensuite affirmer que, pour promouvoir la fraternité, il faut à la fois être capables de s’écouter et de dialoguer en acceptant d’approfondir ce que l’on pense, voire de le remettre en question et de le rendre crédible en agissant en cohérence avec ce qu’on croit et affirme. L’éthique du débat  doit ainsi inspirer tant nos relations inter-personnelles que le fonctionnement des instances délibératives.

Le changement politique ne pourra se produire que si nous sommes capables de rendre synergiques et cohérentes nos transformations personnelles, nos transformations sociales et nos transformations politiques. Pas de « politique autrement » sans citoyens et société capables de transformer des rassemblements informels et des initiatives multiples en énergie politique durable s'incarnant dans des mobilisations collectives structurées.

Aussi convient-il de réfléchir à ce qui peut générer une dynamique de réappropriation citoyenne du politique : l’édification d’une société plus civique, la promotion d’une démocratie délibérative respectant l’éthique du débat, l'instauration d’institutions repensées qui puissent  donner un cadre à une vie démocratique de qualité, le développement d'une société plus éducative…

Pour refonder notre société et sa vie démocratique, nous proposons de nous inscrire dans la continuité d'un récit national intégrant nos mémoires dans leur diversité et d'édifier une vision porteuse de sens susceptible de nous aider à réussir les indispensables mutations. Une nouvelle civilisation est à engendrer. A nous d’y contribuer en vivant en cohérence avec nos valeurs et en exprimant nos convictions.

Le bureau

 PS Notre projet d'éditorial a contribué à l'écriture de la tribune parue dans Libération le mardi 26 avril « retiens la nuit », en appui à ceux qui cherchent à faire vivre une délibération démocratique au sein de Nuit debout. 

Conviviale sur le bouddhisme le 21 mars

Éliane Faure-Vincent

Lors de la conviviale du 21 mars, nous recevions Jean-Luc Castel et Vincent Pilley, membres du  mouvement international Soka du bouddhisme de Nichiren-moine japonais du XIII ème siècle- qui regroupe en France près de 17 000 pratiquants.

Les deux intervenants se sont efforcés de répondre de manière concrète à la question posée par Démocratie et Spiritualité: « Quelles contributions le bouddhisme apporte-t-il à la démocratie et réciproquement? »

Selon la voie spirituelle bouddhiste centrée sur un ensemble de pratiques « justes », appelé « le noble sentier octuple », la méditation est une préparation à l’action, aussi bien dans la relation interpersonnelle que dans  l’engagement politique et social.

Ainsi il existe un « art bouddhique » de gouverner, l’enseignement du Bouddha -« dharma » en sanscrit- étant un facteur de modération dans l’exercice du pouvoir. En témoigne l’exemple d’Ashoka, en Inde, au IIIè siècle avant J.C. Ce souverain, d’abord  guerrier et sanguinaire, s’est converti au bouddhisme, devenant un adepte de la non-violence et de la compassion, alliant l’exercice de la citoyenneté au souci de l’intérêt général.

L’éveil spirituel peut et doit soutenir la démocratie qui le nourrit en retour, ce qu’exprime l’empereur Ashoka dans un édit sur la tolérance religieuse: « On ne devrait pas honorer sa propre religion et condamner la religion des autres, mais on devrait honorer la religion des autres.  En agissant ainsi, on aide sa propre religion à grandir et on rend aussi service à celle des autres. En agissant autrement, on creuse la tombe de sa propre religion et on fait aussi du mal aux religions des autres. »

La charte du mouvement Soka, un des nombreux courants bouddhistes présents en France, énonce 10 points pour le monde d’aujourd’hui : le caractère sacré de la vie, le respect de la femme, la pacification de la société, l’éducation aux droits de l’homme, à la citoyenneté mondiale, etc. Au cours des réunions, la confrontation des différents points de vue permet l’exercice de l’esprit critique. Le renouvellement des fonctions n’y est pas automatique et la procédure du vote est largement utilisée. La pratique des groupes d’échanges « de cœur à cœur » favorise la conscientisation et l’évolution des participants.

Le mouvement s’engage sur des sujets généraux, appelant à l’éradication de l’arme nucléaire ou à la protection de l’environnement. Mais la « voie du milieu » à visée humaniste et adogmatique ne prend pas de position « officielle » sur des  choix de société comme le mariage pour tous ou l’avortement, dans le souci de préserver la paix et l’harmonie au sein du mouvement et de laisser à chacun sa liberté de conscience.

Face au succès du bouddhisme en Occident, certains pratiquants comme Fabrice Midal, qui dirige une école de méditation laïque, dégagée des rites tibétains, invitent cependant les croyants des diverses traditions bouddhistes à aller plus avant dans des engagements communs pour la démocratie, à prendre position plus fermement, sur la laïcité par exemple.

Groupe cheminement

 

Le groupe cheminement s’est réuni le 26 avril pour dresser un premier bilan et réfléchir aux perspectives de sa poursuite.

Rappel de l’objet du groupe :

Exprimer en « je » dans une parole authentique son cheminement spirituel, démocratique, social, créatif...  

Partager et discerner ce qui est essentiel dans nos vies, notre écoute et nos interpellations dans la bienveillance et sans jugement et sans débat inutile nous faisant progresser chacun dans son chemin personnel et dans sa réflexion sur ses engagements.

La prochaine réunion aura lieu le mardi 14 juin salle Gandon au 21 rue des Malmaisons (75013) à 14h30. Si vous n’avez pas participé au groupe et que vous souhaitiez nous rejoindre, c’est possible . Pour cela veuillez contacter au préalable Marie José Jauze (06 32 42 24 95), ou Martine Huillard (06 07 34 10 69).

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 Résonances spirituelles

Lion de sable : fragilité

 

Texte lu à la méditation interspirituelle du 27 avril, tiré du livre de Gilles Guillaud « La Promesse du présent » (ed. l’Harmattan)

 

« Il est là, et la mer s’avance. Les hommes s’agitent pour renforcer les défenses, les fossés, les remparts. Le lion est calme, majestueux. Il est la force et la vie, devant la mer.

Il est là et la mer, peu à peu, l’entoure.

Les gens se sont reculés pour le laisser seul. Ils pressentent le drame, espèrent peut être un miracle.

Le lion est calme et digne.

Il sait, il sait qu’il est né de la mer. .

Pauvre animalcule, d’abord échoué sur le sable, vague méduse protéiforme.

La première fissure emportera la queue. Le lion, un peu mélancolique sait que son heure est là, ne se bat pas.

Un grand cri dans la foule. On a vu cette ligne qui se creuse, partage la crinière. Le lion supporte calmement.

Jusqu’à l’affaissement, jusqu’à l’effondrement.

Il n’y a plus de lion mais un gros tas de sable, vague méduse protéiforme, par hasard rescapée,

il a construit sa place, a conquis son destin.

Il pense à sa brousse africaine, il pense à ses millions d’années, à la lumière, il est entouré de la mer.

Les gens l’ont laissé seul, la tension est palpable.

Cela prendra du temps.

Une vague qui creuse et le dos qui frémit, comme s’il chassait les mouches.

La première fissure emportera la queue. Le lion, un peu mélancolique, sait que son heure est là, ne se bat pas.

Un grand cri dans la foule. On a vu cette ligne qui se creuse, partage la crinière. Le lion supporte calmement.

Jusqu’à l’affaissement, jusqu’à l’effondrement.

Il n’y a plus de lion mais un gros tas de sable, et des traces de corps vouées à disparaître.

La tension est tombée, les gens se félicitent, se congratulent. Certains disent à demain. On pourra recommencer et il faudra leur expliquer que ce n’était pas un simple amusement.

Les gens ne comprennent pas tout. Et ils croient qu’une plage c’est un lieu pour amuser les enfants.

Ils ne savent pas que c’est la frontière entre la terre et la mer. La frontière de la vie.

Ils ne connaissent pas les lions, ils ne connaissent même pas les enfants.

Ils ne savent pas que les enfants comprennent les lions et comprennent la vie.

La famille des deux frères sculpteurs était elle, silencieuse. Elle avait compris ce qu’elle cherchait depuis si longtemps.

Ce rite de vacances qui soudait la famille, était rite sacré, une cérémonie

Au delà d’une sculpture éphémère, le sacre de la vie.  

 

 

Démocratie et spiritualité

 

Détachement et expérience de l'un

Jean-Marie Gourvil

 

Pour clore cette série de quatre « papiers » sur les voies de la sagesse, abordons le point ultime du chemin que proposent avec des vocabulaires très différents, toutes les traditions sapientielles: le détachement radical et l'expérience de l'Un.

Nous avons tous en mémoire les images des yogis nus, des pauvres de Yavhé dans la Bible, de François d'Assise se jetant nu dans les bras de l'évêque d'Assise et devenant le « poverello », nous savons que certains boyards russes à la fin de leur vie distribuaient leurs biens et partaient sur la route. La littérature de sagesse est emplie de discours sur la pauvreté et le détachement, sur ce que nous appelons aujourd'hui le « lâcher-prise » en donnant à ce terme un sens radical. Il s'agit bien d'un abandon intérieur  mais total.

Ce détachement ne peut être confondu avec les discours moralisateurs ou éducatifs sur le don de soi, sur la nécessité de donner au pauvre, de manger un bol de riz pour les petits Chinois comme on le faisait dans mon enfance en accompagnant ce geste fraternel de propos contre la gourmandise.  Moments indispensables de l'éducation et du parcours de chacun, mais qui n'ont que peu à voir avec le détachement intérieur qui concerne l'adulte arrivé au sommet de la courbe de sa vie et qui doit choisir non un mode de vie, mais une forme d'existence intérieure, qui doit accepter la conversion de l'être que Foucault a si bien décrite dans L'Herméneutique du sujet (1)et que ne cessent de répéter les textes qualifiés de mystiques dont le célèbre Traité du détachement de Maître Eckhart.

 

Les « papiers » précédents ont décrit les trois grandes étapes de la montée vers la sagesse et la découverte du cœur ou du soi, du fond de l’Être mis en valeur par la mystique germanique. Le détachement est à mettre en harmonie avec cette grammaire intérieure commune à toutes les sagesses.

Dans les premières étapes du chemin de sagesse qui mobilisent le corps et l'âme, un premier effort psychologique ou ascétique permet une régulation des émotions, une maîtrise de soi et l'explosion de la créativité, de l'imaginaire, des charismes d'engagement les plus divers.

Le détachement que nous évoquons concerne les dernières étapes du chemin de la sagesse. C'est le chemin du cœur, le retour sur le fond de l’Être, le « retour chez soi » écrit Eckhart. Lorsque s'impose le sentiment d'une saturation d'activités, que l'accumulation de toutes les formes de créativité personnelle ne produit plus le plaisir qu'elles procuraient, lorsque la tension constante de l'intelligence et de l'affection ne produit qu'une forme de nuit... alors le temps du détachement est venu, mais le chemin reste encore long.

Dans toutes les sagesses, le détachement enfante : le noble vieillard, le prophète, le staretz, le maître Soufi.... L'homme extérieur éparpillé dans la diversité infinie des choses laisse place à l'homme intérieur qui fait l'expérience de l'Un. Chaque tradition décrit cette Union, ce retour vers l’Être avec ses symboles et son vocabulaire propre : naissance de Dieu en l'âme, naissance de l'âme en Dieu, rivière se jetant dans l'infini de la mer..., toutes semblent exprimer une même expérience.

L'homme intérieur qui a trouvé le fond de l’Être est par-delà le bien et le mal, il est aussi par-delà la prière formalisée qu'enseignent les traditions. Détaché, libre, il transcende ce qui a permis le chemin, non pour revenir en arrière, mais pour accéder à l’Être et ne plus danser au rythme du « devoir faire ». C'est le temps du  repos, de la quies, de la liberté, de "l'Universel".

Les Églises et les États n'aiment pas cette conception du détachement pas plus qu'Alexandre-le-Grand n'avait apprécié le cynisme de Diogène (IVème siècle avant notre ère).  Diogène vivant presque nu dans son tonneau à Athènes, répondit à Alexandre le Grand qui s'enquerrait de savoir ce qu'il pouvait pour lui : "ôte toi de mon soleil! "Les Institutions voudraient que le détachement se limite à la contribution à une pauvreté organisée, une consommation maîtrisée, un dévouement institutionnalisé, une même règle pour tous, une utilité sociale qui rentrerait dans une comptabilité nationale.... ou cléricale. Le concile de Trente en avait rêvait, la République l'a réalisée.

Les derniers grands débats sur le détachement ont eu lieu à la fin du XVIIème, ceux que l'on appelait les quiétistes avaient des convictions mystiques et distribuaient l'essentiel de leurs biens aux pauvres (Bernières, Renty, Mme Guyon, Fènelon...). Ils furent condamnés pour mysticisme alors que depuis quelques années déjà, à leur grand dam, on enfermait les pauvres dans les hôpitaux généraux.

Le retour du lâcher-prise, du détachement de l'abandon, figure peut-être le retour d'une autre fraternité. La sobriété est soeur de la fraternité, non parce qu'elle rentrerait dans l'utilitarisme de l'action publique, mais parce qu'elle transcende l'utilitaire, manifeste l'humain, l'humain plus qu'humain... le sujet vivant, la part de divin qui nous habite.

(1) Michel Foucault, Herméneutique du sujet, Seuil-Gallimard, 2001

 

Les voix de la paix

Martine Huillard

 C’était mardi 22 mars, jour noir d’attentat à Bruxelles. C’était aussi le jour préparé depuis des semaines pour réunir en un espace de dialogue « les voix de la paix » à l’Hôtel de ville de Paris. Ombre et Lumière.

Je ne peux faire un compte rendu d’une journée aussi riche ; j’ai juste envie d’exprimer ma  gratitude d’avoir pu assister à ces paroles de vie, d’ouverture. Cette journée fut initiée par le rabbin Yann Boissière du mouvement juif libéral de France. Journée qui ouvre à une espérance, une promesse de paix. 1000 voix présentes pour la célébrer, la chanter, la clamer.

Deux tables rondes  ont réuni  des participants de toutes les traditions religieuses, spirituelles, agnostiques et athées, associations laïques autour de deux questions :

- Le dialogue inter-convictionnel est il condamné à l’autocensure ?

- Quelles propositions les diverses familles spirituelles sont elles prêtes à avancer pour la paix sociale ?

Je ne citerai pas les noms des différentes personnalités venues d’horizons divers. Pratiquement impossible de résumer des paroles plus pertinentes les unes que les autres, réaffirmant toutes le principe de laïcité en tant que cadre émancipateur et protecteur permettant l’existence, le développement, la communication des différentes traditions entre elles.

Ont été avancées de nombreuses pistes de réflexions et  questionnements : y a t il des limites au dialogue ? Quels apprentissages par et pour le dialogue ? Y a –t il nécessité de « sortir de l’entre soi et d’aller vers les périphéries  » pour dialoguer ?

Je citerai quelques points que j’ai perçus comme faisant  « consensus », tels qu’aborder les sujets qui « blessent » dans le dialogue, aller au delà de nos convictions, sortir de nos préjugés, ne pas chercher à unifier, mais au contraire préserver la richesse de la pluralité.

Bien des pistes ont été avancées dont je ne relèverai que celles qui m’ont interpellée et qui, souvent, étaient communes aux différentes traditions dans leurs principes : réfléchir au lien entre parole/langage/liberté/responsabilité, être conscient des limites de nos langages, sortir des enjeux de pouvoir, comprendre et interpréter les textes sacrés pour les confronter avec la réalité, développer l’interreligieux, interroger  ensemble la vision que nous avons de l’homme, développer l’esprit critique des jeunes, réaffirmer dans l’éducation les soubassements philosophiques et éthiques, aller interroger, explorer notre fond de violence individuel, sociétal et  culturel.

Quelques interpellations aussi concernant l’espace religieux et public sont me semble-t-il tout à fait en lien avec l’idée fondatrice de Démocratie et spiritualité : ne faut-il pas renvoyer les croyants à l’universel ? Débattre dans l’espace public du fait religieux ne permettrait-il pas de le renouveler ? N’ y a t-il pas danger d’un retour du refoulé si l’espace public ignore le religieux ?

Personnellement, j’ai été très touchée par la nécessité affirmée par certains intervenants  du recentrage sur le travail de terrain : « Le rabbin doit frapper à la porte de la mosquée, et l’imam à la porte de la synagogue pour résoudre des problèmes, dans une dynamique de proximité et de complicité ». 

Également touchée par l’importance dans le dialogue à donner au « cœur à cœur », à la main tendue, à la nécessité d’un travail d’éducation avec les enfants souvent porteurs de préjugés familiaux et culturels, mais surtout avec les mères : « que les mamans disent à leurs bébés dès la mise au sein ''tu aimeras le jaune, le blanc, le noir, le musulman, l’athée, le juif, le chrétien''...(1) »Ceci n’est qu’un aperçu des pistes  de pratiques proposées par des intervenants.

Après la minute de silence pour les victimes des attentats et de leur famille, sur le parvis de l’Hôtel de ville avec les autres parisiens, ont succédé neuf voix de femmes pour la paix, rassemblées en manifeste, suivies de l’appel des dignitaires religieux, et du discours du délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme.

L’art était au rendez-vous avec l’œuvre de Gérard Garouste. Nous attendait ensuite, le moment qui, pour moi fut le plus émouvant : des voix parlées et chantées (gospel, chant yiddish, poème d’Ibn Arabi...) accompagnées de la clarinette et du violoncelle se sont élevées sous la direction artistique de Yom, emplissant l’espace du grand salon de l’Hôtel de Ville mais surtout celui de nos cœurs.  Les voix dépassent les mots dans leur vibration...

Le groupe du lycée professionnel nous a présenté avec beaucoup de simplicité, de professionnalisme et d’émotion son projet pédagogique qui s’est élaboré autour de la préparation du buffet. Peut être parce que j’ai été enseignante, j’étais contente de voir ces jeunes investis dans ce projet qui allait bien au delà de la préparation de mets ;  on a senti  que ces jeunes donnaient sens et valeur à leur travail.

Cette journée, nous a réaffirmé Yann Boissière dans son discours de clôture, est le lancement d’une association « les voix de la paix » qui réunira des voix toujours plus nombreuses autour du même message, celui de la paix.

Cette dernière remarque enfin est toute personnelle : ne serait-ce pas un projet  pour Démocratie et Spiritualité de pouvoir participer à ce c(h)œur de voix ? Reste à savoir sous quelle forme et comment. Avec les réflexions et les moyens dont nous disposons ensemble à Démocratie et spiritualité, mais aussi en  nous associant à ceux qui ont ouvert cet espace de dialogue, pourquoi ne pas réinventer une manière d’exprimer, sur le terrain, ce que nous partageons tous, un désir de paix et une volonté d’y contribuer.

(1) Paroles de Michel Serfaty

 

 

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Libres propos

 

Revenir à l'essentiel de ce qu'est la démocratie

JC Devèze

Un flou artistique règne autour de la notion de démocratie qui est dotée de différents qualitatifs comme participative, délibérative, contributive, proactive, sociétale, citoyenne, populaire...Quant à la démocratie d’opinion, elle relève d'un statut incertain, d'autant plus que les sondages sont contestables, les médias pas assez démocratisés, les outils numériques manipulables...

La démocratie est d'abord par essence citoyenne, chaque citoyen devant d'une part choisir ceux qui le représenteront, d'autre part être associé aux décisions à prendre qui le concernent et sur lesquelles il veut et peut être consulté. La pertinence et la légitimité de la démocratie représentative repose sur une démocratie d'exercice citoyen, et donc sur leur pouvoir de s'impliquer et d'agir, les élus étant des citoyens qui bénéficient d'une délégation temporaire dans un cadre réglementaire précis en vue de la gestion d'une collectivité et de la réalisation du projet et/ou du programme pour lesquels ils ont été élus.

Une décision politique est d'autant plus légitime qu'elle provient d'une délibération de qualité entre acteurs concernés, parmi lesquels bien entendu les citoyens intéressés ; toute la difficulté est de trouver les processus démocratiques les mieux adaptés à chaque dossier pour permettre d'arriver à une décision dans des délais et pour un coût raisonnables.

Face au malaise actuel lié à la réduction trop fréquente de la vie démocratique aux seuls jeux de la démocratie représentative (parlementaire, partidaire et présidentialiste), une partie de la réponse est à chercher dans une institutionnalisation solide, non instrumentalisable, de la démocratie citoyenne ; une autre partie de la réponse repose sur la promotion de l'implication des citoyens pour faire vivre nos institutions non seulement lors des votes, mais encore plus à travers la démocratie délibérative[1], le recours à la démocratie directe intervenant chaque fois que c'est possible et pertinent. Mais cela ne suffira pas au renouveau de notre démocratie, car sa vitalité est d'abord liée à la santé de la société et aux capacités de ses membres, en particulier à celle de débattre, de trouver des compromis et de se remettre en question pour se fixer des objectifs communs et pour conduire les changements nécessaires.

Restons en donc à une vision simple d'une démocratie citoyenne interactive, avec ses exigences d'implication, de cohérence et de responsabilité. C'est une œuvre de longue haleine qui nécessite, comme le rappelle le Pacte civique, d'allier transformation personnelle, transformation collective et transformation politique et, comme le propose Démocratie et spiritualité, de donner du sens à notre vie démocratique en la nourrissant de notre vie culturelle et spirituelle.

(1) Voir sur le site Pacte civique  éthique du débat et démocratie délibérative"

Informations diverses

Le Pacte civique organise :

• le 3 mai après-midi un colloque à l'Assemblée nationale pour la 4ème édition Fête du travail/ Faites des emplois : Pôle-Emploi et l'action citoyenne face au chômage : comment faire plus et mieux ?

• - le 24 mai de 19H30 à 21H30, au Forum 104, une soirée de débat autour d'un thème d'actualité : la France et l'Europe face au défi migratoire.

En liaison avec La Traversée, D&S co-organise deux rencontres-débats (Forum 104):

• Le 18 mai en fin d’après-midi, sur le thème « Violence, spiritualité et religion », avec Élisabeth Leblanc, Jean-Marie Gourvil et Jean-Baptiste de Foucauld  ;

• Le 8 juin en fin d’après-midi au Forum 104, sur le thème « La bonté humaine », avec Jacques Lecomte.

En partenariat avec Démocratie et Spiritualité, l’association Traces d’avenir organise un séminaire sur « Histoire de vie et interculturalités » les vendredi 10 juin de 14h à 17h30 et les samedi 11 et 18 juin de 10h à 17h30 : Comment les rencontres et les appartenances inter culturelles, tout au long de notre histoire, ont-elles contribué à lui donner du sens?"

Informations et inscriptions auprès de Patrick Brun : brundom2005@yahoo.fr