En-tête

Lettre n°146 - Mai 2016

 

 Sommaire

L’agenda 

 

Editorial

•  Assumer nos identités multiples 

Nouvelles de l'association 

• Université d'été 

• Emmaüs, une interpellation, PP Cord

Résonances spirituelles

• Non violence 

• Sur les chemins de la paix et de la joie partagées 

• Une spiritualisation du quotidien 

Démocratie et spiritualité 

• De la représentation à la présence : itinéraire blondélien, Bernard Ginisty

Échos d'ailleurs 

• « Reconstruire la démocratie », entretien avec Jo Spiegel 

• « Dieu est Dieu » , livre de Guy Coq, Claude Dagens et Emmanuel Falque 

• « J’existe, nom de Dieu. Un cri et un symbole », livre de Christian Saint-Sernin 

Informations diverses 

UN NOUVEAU SITE  

PLUS ATTRACTIF ET PLUS INTERACTIF DE D&S EN COURS D’AMÉLIORATION EN 2016.

http://www.democratieetspiritualite.org/

C'est là que vous trouverez désormais toutes les informations concernant nos activités et toutes nos publications et réflexions. Nous comptons sur vos suggestions pour continuer à l'améliorer. 

Agenda

Les soirées conviviales au 250 bis Boulevard Saint-Germain (75007) (digicode extérieur : 12A16 ; intérieur dans le hall: 62401 ; salle au premier étage)

• Conviviale sur un sujet d'actualité du 13 juin de 19H à 21H. En ces temps de tensions multiples et d'enjeux électoraux importants, il est proposé de partager nos préoccupations politiques et d'approfondir en quoi D&S peut nous aider à prendre nos responsabilités (voir l'éditorial de la lettre D&S d'avril).

 

 La France et l'Europe face au défi migratoire Mardi 24 mai 19h15-21h30 au Forum 104 104 rue de Vaugirard (75006)

 

 

 

Méditations interspirituelles les 25 mai et 22 juin, de 18h15 à 19h15, au Forum 104, 104 rue de Vaugirard (75006)

Conseil d'administration de D&S le lundi 13 juin à 16H dans les locaux du Pacte civique, au 250 bis Boulevard Saint-Germain (75007) (digicode extérieur : 12A16 ; intérieur dans le hall: 62401 ; salle au premier étage) ODJ

Groupe "cheminements" le mardi 14 juin à 16h30, salle Gandon au 21 rue des Malmaisons (75013)

Université d’été 2016 (26, 27, 28 août à Lyon) : « Intégration et diversité, un défi culturel, social et civique ». Inscription

Formation 2016 : le samedi 3 décembre 2016, une journée consacrée à L'éthique du débat

L’éditorial

 

Assumer nos identités multiples

 

 L'élection de Sadiq Khan à la mairie de Londres constitue un signal positif d'ouverture à la diversité alors qu'aux Etats Unis, aux Philippines, en Autriche, etc., des campagnes électorales font émerger des candidats populistes, souvent vulgaires et racistes.

 Comme le dit Gaby Bonnand sur son blog, « cela nous donne à voir des choses qui échappent aux grilles de lectures habituelles, et le plus souvent binaires. Ce qui vient de se passer à Londres porte un coup à de nombreuses certitudes ancrées dans des grilles de lectures incapables de nous aider à lire le monde. » ; c'est un coup porté à nos préjugés, au repli identitaire sur une origine ou une religion, au néolibéralisme qui veut transformer l'économie de marché en société de marché, à la propagande islamiste qui veut faire croire que les musulmans n'ont pas d'avenir en Europe et que les Occidentaux les haïssent.

Ce choix de la majorité des Londoniens ne s'est pas porté sur un musulman d'origine pakistanaise, mais sur un leader qui a eu jusqu'ici un itinéraire exemplaire, qui présente un programme crédible et qui veut être une main secourable pour les Londoniens de toute origine. Dans le Monde du 8-9 mai, il nous dit que la foi musulmane, «c'est une partie de ce que je suis. Mais, comme tout le monde, j'ai des identités multiples : je suis un Londonien, un Britannique, un Asiatique d'origine pakistanaise, un supporteur de Liverpool, un père, un mari, un travailliste et un musulman.»

Qui revendique des identités multiples appartient à diverses communautés plus ou moins grandes, plus ou moins unies, plus ou moins reconnues.... Le plus important est que la communauté soit vivante, les   personnes qui en font partie se montrant solidaires, aidant ceux qui chutent à se relever ceux qui chutent en chemin, recherchant ceux qui sont égarés, partageant des activités qui les épanouissent et des rites qui aient du sens, etc. Pour assumer nos identités, cheminons avec nos communautés, prêts à connaître des surprises, à courir des aventures, à faire des rencontres inattendues, à réaliser des œuvres collectives improbables....C'est grâce aux métissages de nos appartenances vécues en vérité que nous réussirons les reliances indispensablse pour que nos vies répondent à leur vocation.

 Le Bureau

Nouvelles de l'association

 

Université d'été

Le programme de l'Université d’été 2016 de D&S (26, 27, 28 août à Lyon) est disponible sur notre nouveau site, ainsi que le bulletin d'inscription. Rappelons le thème retenu : « Intégration et diversité, un défi social, culturel et civique ».

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Emmaüs, une interpellation

Compte rendu de Paul-Philippe Cord de la réunion conviviale du 11 avril avec Christophe Deltombe, ancien Président d’Emmaüs

En 1949, l’abbé Pierre, achète avec ses propres revenus une maison à Neuilly Plaisance pour héberger des familles sans logis. Il accueille même des familles dans son église, car, dit-il, « Jésus a froid ».

En accueillant Georges, un désespéré qui voulait se suicider, il lui déclara qu’il n’avait rien à lui donner, mais qu’en revanche, lui, Georges, pouvait l’aider à en aider d’autres qui voulaient vivre. Et c’est sur ce « aider à aider » que s’est bâti Emmaüs, le plus démuni découvrant qu’il peut donner et, en se déportant vers un autre, retrouver un sens à la vie et un désir de se reconstruire.

Ce n’est pas l’acte de charité destiné à combler le manque à avoir qui est essentiel, mais la réponse au manque à être et surtout de faire. Emmaüs s’est construit sur l’accueil inconditionnel, l’aide au plus souffrant qui n’est pas automatiquement le plus pauvre et, bien sûr, le travail pour aider à aider. Les premiers compagnons avaient compris que retrouver leur dignité passait par leur capacité de faire ensemble.

Emmaüs s’est développé sur les dons, eux aussi destinés à aider à aider, et aussi sur les déchetteries, appelées, à l’époque, décharges. C’est une expérimentation sociétale éminemment innovante qui préside à ce jour au destin des 117 communautés accueillant plus de 6 000 compagnons tous les ans dans ces lieux de vie et de travail. Des bénévoles, de l’ordre de 3 000, apportent compétences et continuité. A ces communautés s’ajoutent 90 structures d’insertion et 3 000 salariés. Emmaüs collecte et vend 290 000T de produits, générant 284 millions de chiffre d’affaire. La solidarité, contribution des communautés aux personnes et associations caritatives représente 20 millions d’€ par an !

Parce que l’assistanat est refusé, en entrant, le compagnon renonce au RSA et à toute subvention de fonctionnement ; chacun trouve sa place et son utilité dans la vie communautaire et l’activité économique de récupération, sociale et solidaire. Cette vie communautaire, caractérisée par l’absence de liens de subordination entre tous les acteurs (Compagnons, Responsables, Bureau), constitue une expérimentation démocratique.

Christophe Deltombe a été l’une des personnes à l’origine du statut de compagnon « personne accueillie qui travaille pour la communauté et pour lui en vue de sa réinsertion, sans lien de subordination », statut qui a été adopté en 2008 en dérogation à la législation sur le travail. « La transmission des savoirs se fait naturellement entre les compagnons ; l’accueil des nouveaux, en particulier des jeunes, est le fait des anciens ; le partage égalitaire va de soi ; l’entraide ne se discute pas ; la liberté de chacun est limitée naturellement par l’intérêt du groupe ; l’étranger est intégré comme le Français et son apprentissage de la langue est accéléré par la vie communautaire », nous dit Christophe. 

L’inscription résolue des communautés dans l’insertion sociale, le développement durable et l’économie solidaire, est l’axe majeur de fonctionnement des communautés Emmaüs.

Emmaüs Défi autre société d’insertion de personnes très éloignées de l’emploi, a des dirigeants qui ont choisi un travail social dont la rémunération est des plus « solidaires » parce qu’ils veulent un travail qui ait du sens pour eux. En termes d’activité, ils recrutent des personnes en perdition, SDF du bois de Vincennes par exemple. Pour cela Emmaüs Défi a créé le contrat à l’heure, permettant ainsi à ces personnes de revenir progressivement vers des contrats d’insertion. Emmaüs Défi a aussi organisé sur toute la France Emmaüs Connect qui donne à des personnes sans ressources la possibilité de rester connectées avec leurs amis, familles, employeurs.. Enfin les Lulus dans ma rue qui proposent une série de petits travaux et de bricolages, créant ainsi du lien social, complètent le réseau Emmaüs.

Depuis 60 ans Emmaüs a su déployer ses valeurs fondamentales de solidarité et de respect de l’autre et des autres en œuvrant pour que chacun de ses membres retrouve sa dignité et sa fierté d’être quelqu’un qui « a de la valeur ». Sa capacité à répondre aux questions toujours nouvelles rencontrées sur le terrain en a fait un laboratoire d’innovations sociales et surtout un exemple riche pour notre société individualiste et anonyme qui voit se déliter les solidarités familiales, professionnelles et de voisinage. Pendant que d'autres dénoncent et critiquent, Emmaüs fait, les outils mis en oeuvre étant souvent repris par d’autres associations.

Christophe Deltombe conclut son propos ainsi : « Une autre société est possible, fondée sur des valeurs de solidarité et d’acceptation des différences. C’est une certitude pour qui a croisé des compagnons Emmaüs. Ils vous le diront, car ils y croient. »

Résonances spirituelles

 

Non violence

Extraits de Simone Weil dans La pesanteur et la grâce

S'efforcer de substituer de plus en plus la non violence efficace à la violence.

S'efforcer de devenir tel qu'on puisse être non violent. Cela dépend aussi de l'adversaire.

Guerre. Maintenir en soi l'amour de la vie. Ne jamais infliger la mort sans l'accepter pour soi.

 

 

Sur les chemins de la paix et de la joie partagées

Paula Kasparian (Artisans de paix)

Le 15 mai, ce fut la fête de la Pentecôte pour les Chrétiens. Avec l’accueil du Souffle de Vie, commence l’envoi en mission de ceux qui s’ouvrent à l’Esprit qui est don quotidien de la Vérité, Chemin à tracer au jour le jour pour la terre entière... 

Le 21 mai, ce sera la fête bouddhiste du Vésak. La fête de la naissance, de l’illumination et du pari-nirvana du Bouddha Cakyamuni, sera l’occasion de grands rassemblements entre bouddhistes, mais aussi avec des hommes de bonne volonté autres. 

Le 23 mai, ce sera la fête musulmane de Laïlat al Bara’a. Les Musulmans seront invités à une nuit de repentance pour se préparer au jeûne du Ramadan qui commencera deux semaines plus tard. 

Le 26 mai, ce sera la fête juive de Lag Ba’omer, appelée aussi fête des sages. C’est une fête d’origine rabbinique, célébrant les sages rabbins du premiers et second siècles de notre ère qui résistèrent aux armées romaines.Elle est célébrée par des chants, danses et feux de joie. 

Et puisque ce que nous avons en commun, c’est l’Esprit qui Souffle où il veut, bon vent à tous. Partageons la Joie.

Bien à vous sur ce chemin de la paix et de la joie partagées.

 

Une spiritualisation du quotidien

Conseils de Reza Mogaddassi tirés du cahier spirituel de La Vie « Les essentiels » du 12 mai 2016

« Prenez un moment, quelques secondes, avant chacune de vos actions pour vous rendre disponible et vous rappeler vos intentions. Au moment de franchir le seuil de ma maison, je m'arrête : que vais-je rapporter ici ? Mes agacements ou ma fatigue de la journée ? Ou vais-je essayer de donner le meilleur à mes proches ? Avant le repas, vais-je consommer ou communier ? Le silence donne de l'intensité à ce qu'on fait, à ce que l'on vit. »

« L'accumulation des livres, d'idées, de savoirs est le drame de notre époque. Or, quelques paroles – des poèmes, des passages d'un texte sacré, des chansons apprises par cœur, avec le cœur – suffisent pour une transformation intérieure. La force d'une pensée tient dans le fait qu'elle est descendue dans le cœur. Un savant peut faire des discours sur l'amour et ne pas progresser d'un iota. A tout moment, remémorez-vous ces phrases, mastiquez les,digérez-les ».

« Notre pratique spirituelle est faussée si nous ne nous frottons pas à ceux qui se trouvent dans un besoin plus grand que nous, quel qu'il soit. »

 Démocratie et spiritualité

 

De la représentation à la présence : itinéraire blondélien

Chronique hebdomadaire de Bernard Ginisty du 11 mai 2016

 L’hospitalité que m’a offerte ces jours-ci un ami, dans son appartement d’Aix en Provence dont le balcon s’ouvrait sur le massif de la Sainte Victoire, m’a donné l’envie de relire un petit chef d’œuvre de celui qu’on a appelé le « philosophe d’Aix », Maurice Blondel. Interrogé pendant de longues heures, en mai 1927, par le rédacteur en chef des Nouvelles littéraires, Blondel suggère à son interlocuteur de l’accompagner sur les « garrigues et sentiers » qui conduisent à son « petit abri comme tout bon Aixois en possède un dans un « cagnard », parmi l’aspic et la farigoule, à l’ombre légère des oliviers et des pins d’Alep » (1), sur les pentes de la Sainte Victoire. De cette rencontre est né un ouvrage dans lequel le philosophe invite à ce qu’il appelle « la contagieuse radioactivité d’une pensée personnelle toujours à l’état naissant » (2).

Sous le ton de la confidence, Blondel dévoile le cœur de sa démarche : « Je vous confierai un nouveau et grand secret : dans toutes nos pensées, il y a toujours deux sortes de pensée, comme serait un acide et une base (pardon de cette image dénaturante). D’un côté une représentation qui se développe et s’organise en toute notre vie perceptive, discursive, constructive, par l’expérience sensible, par la science, par l’art, par la métaphysique ; d’un autre côté une présence nutritive, assimilatrice, unitive ». (3). Voilà pourquoi, l’activité artistique et littéraire lui paraît une des voies royales vers la présence de ce qui est : « Bien loin de subir le joug des abstractions, l’activité artistique ou littéraire doit contribuer à nous en libérer : c’est elle, je le répète, qui nous fraie une des avenues les plus pénétrantes d’introduction à l’être : c’est elle qui, concourant à une « science du singulier » et au progrès, à la sauvegarde de la pensée concrète, épouse et féconde la métaphysique véritable au lieu d’être asservie à une idéologie » (4).

C’est par là que l’esprit peut échapper à l’inflation. De même qu’il y a inflation financière lorsque les signes monétaires ne sont plus gagés par des réalités, « nos connaissances abstraites et notionnelles sont comme cette monnaie fiduciaire, saine, féconde, indispensable pour faciliter mobiliser, anticiper même les valeurs réelles, tant qu’elle reste sous la conduite d’une judicieuse prudence qui évite de prendre des abstractions utilitaires pour des réalités concrètes » (5).

Nous trouvons là le fil conducteur de sa « philosophie de l’action » : « Elle est très déficiente, pour ne pas dire déviante, la conception d’après laquelle la pratique ne serait qu’une application purement accidentelle et toujours appauvrie d’une théorie qui, de son étage supérieur, « ordonnerait » (6). C’est dans la dialectique concrète de la pensée et de l’action que, pour Blondel, s’ouvrent les chemins vers la réalité ultime : « Partout nous aboutissons à l’inachevé, sans nous résigner jamais à croire que c’est l’inachevable, sans être autorisé à penser que c’est l’inexistant ou l’intelligible ; et le rôle de la philosophie la plus critique et la plus développée c’est justement d’empêcher les faux achèvements autant que les faux découragements » (7) 

(1) Maurice BLONDEL (1861-1949) : Itinéraire philosophique. Propos recueillis par Frédéric Lefèvre. Editions Aubier-Montaigne 1966, page 65
(2) Id. page 30
(3) Id. page 107
(4) Id. page 75
(5) Id. pages 119-120
(6) Id. page 172. Il écrit plus loin : « Aussi, loin de désavouer, j’admire ceux de mes élèves et de mes amis qui, sans orienter leur énergie vers les tâches spéculatives, s’inspirent toujours de ces mêmes pensées, en devenant d’autant mieux des hommes d’information et d’action, des agents de liaison et de compréhension » (page 173). C’est pourquoi il salue « la jeune et vigoureuse Société d’Etudes philosophiques du Sud-Est, récemment établie à Marseille par l’initiative et sous la présidence d’un de nos anciens étudiants les plus doués, l’industriel-philosophe Gaston Berger » (page 66)
(7) Id. page 157

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Échos d'ailleurs

Cette rubrique se propose de se faire l’écho d’articles de presse, de livres ou d’autres formes d’expression (cinéma, théâtre, conférence) qui évoquent les liens et les tensions entre démocratie, spiritualité, culture, religion, politique. Nous vous invitons à l’alimenter de vos propres découvertes.

 « Reconstruire la démocratie », entretien avec Jo Spiegel

Jean-Claude Devèze

François Euvé, le directeur de la revue Etudes, a réalisé un entretien très intéressant avec notre ami Jo Spiégel dans le numéro de la revue Études de mai.

Il nous permet d'abord de mieux percevoir ce qu'un cheminement dans la durée avec ses concitoyens de Kingersheim lui a permis de coconstruire  en tant que maire depuis 1989. Il a expérimenté comment progressivement mettre en œuvre une démocratie-construction en s'appuyant sur une ingénierie du débat public.

Parmi ses réflexions sur la façon de réussir des processus interactifs, il insiste sur l'importance de prendre le temps pour favoriser la maturation lente des conseils participatifs qui permettent d'en tirer le meilleur en dépassant les intérêts particuliers.

Une des raisons de son adhésion au Pacte civique est sa volonté de rendre le citoyen « copropriétaire de l'intérêt général et coproducteur de la décision » , avec le souci de construire une ville désirable pour tous, créatrice de sens, sobre, juste et fraternelle.

Une de ses préoccupations est de tirer le citoyen « vers l'avant et vers le haut », « avant de regarder à droite ou à gauche ou au centre ». D'où l'importance de ses réflexions au sein de Démocratie et spiritualité sur la transcendance. Avec D&S, il fait « le constat que toutes les idéologies ont échoué faute d'avoir (cultivé) une dimension d'intériorité, de croissance personnelle, de refus absolu de ce qui est inhumain, (oubliant) la question du sens dans la triple acceptation du mot : valeurs, signification et direction ». La chance qui lui est donnée est de voir comment il peut traduire la dimension spirituelle sur le terrain. 

NB Dans sa chronique hebdomadaire du 18 mai 2016, intitulée « Tout l’art, en évangile et en politique, consiste à décloisonner », Bernard Ginisty se réfère à l'ouvrage de Marion Muller-Collard (Le Complexe d’Elie. Politique et Spiritualité, éditions Labor et Fides, 2016) écrit après sa rencontre avec Jo Spiegel. Elle note que Jo Spiegel « veut donner de la place à la transcendance dans la politique » pour sortir des comportements infantiles : « Tant que la démocratie est infantile, il ne faut pas s’étonner que monde politique soit régi par les mêmes lois que les cours de récréation ». Ceci implique de lutter contre les dérives actuelles où « le système politique d’aujourd’hui ouvre des boulevards d’a-responsbilité ».

 

« Dieu est Dieu » , livre de Guy Coq, Claude Dagens et Emmanuel Falque

Patrick Boulte

Dans ce livre (*), sous-titré, « Quête de l’humanité commune », Guy Coq, Claude Dagens et Emmanuel Falque s'efforcent de cerner le malaise de la société contemporaine et ce que pourrait être la responsabilité du catholicisme pour aider à sortir d'une telle situation. N’est-elle pas au cœur des préoccupations de Démocratie et Spiritualité ? 

Guy Coq rappelle qu'il ne peut y avoir de sentiment d'appartenance commune sans perception d'un enjeu commun et il estime, à la suite de Paul Thibaud, que la question de ce qui fait l’unité de la société reste ouverte « quand l’instituant ultime n’est plus d'ordre religieux ». Dès lors, la responsabilité par rapport au monde commun de ceux qui sont familiers d'un tel ordre en est-elle d’autant plus grande. Elle doit s'exercer à faire face aux limites qu'impos le primat du développement infini des libertés individuelles à la constitution d'un monde commun, ce dernier étant indispensable à l'existence démocratique. 

Pour l'exercice de cette responsabilité, Claude Dagens indique une place susceptible d’être occupée par les catholiques, sur le terrain de notre humanité commune, alors que nous sommes tous créés pour la vie et éprouvés par la mort. Sachant que « vivre, c'est déblayer le terrain de notre marche, c'est ne pas se résigner aux obstacles du chemin, en tendant la main à d'autres ou en prenant les mains qui nous sont tendues. » 

Emmanuel Falque apporte le regard du philosophe à cette réflexion. L’un des axes qu’il privilégie est celui de la finitude commune vis-à-vis de laquelle il enjoint le catholique de prendre une posture non dominante et de se vivre comme partageant la position de tout un chacun, à savoir le partage de la limite de l'homme, l'acceptation de cette limite dans la confiance, avec, à la fois, la conscience de l'inéluctable fragilité de l'homme, mais aussi l'expérience que peut faire tout un chacun de la possibilité de surmonter les pires difficultés.  

L'homme contemporain en vient à oublier la possibilité même d'être sauvé. Et pourtant, l'humanité est en mal d'être sauvée de son déclin. Emmanuel Falque estime que la réponse n'est pas dans une absoluité, ni dans l'affirmation de l'identité chrétienne, prenant comme présupposé que l'espérance ne ferait fond que sur la désespérance, mais dans le rappel que le credo est « pour nous les hommes et pour notre salut ». Il ne s'agit pas simplement d'un choix entre s'adapter à tout et tout dénoncer, il s'agit de nouvellement penser. Il ne s'agit pas de s'opposer, mais d'accompagner. "Une figure du sauveur ne vient pas nous défaire de notre commune humanité. Il s'agit d'aimer notre limite quand elle est menacée." Dieu nous ayant voulu comme être créé et, par là, lui répondant aussi dans notre altérité. La figure du Dieu Sauveur est toujours à même de se déployer dans notre culture telle qu'elle nous est donnée, fut-ce aussi et en même temps pour la transformer.

 (*) Dieu est Dieu – Editions du Cerf – 210 p. 15€


« J’existe, nom de Dieu. Un cri et un symbole », livre de Christian Saint-Sernin

Patrick Brun

Du 1er mars au 4 juillet 2011 notre ami Christian traverse une grave épreuve de santé qui aurait pu lui être alors fatale. Le fonctionnement de son cœur est affecté par une insuffisance « mitrale » « anomalie d’étanchéité entre l’oreillette et le ventricule gauche ». Cela se  traduit par des fuites et de graves arythmies du cœur. Une intervention chirurgicale est réalisée  en urgence. Christian se trouve  alors réduit à un corps que l’on manipule, que l’on instrumentalise, confronté à des injonctions parfois contradictoires, à une dépendance de tous les instants, à la maladresse de certains gestes infirmiers qui  le font souffrir inutilement. Avec en toile de fond la perspective d’un pronostic réservé sur ses chances de survie. La tentation est grande alors d’un total lâcher prise, d’une « soumission », voire d’une dépersonnalisation programmée.

C’est alors que jaillit du plus profond de lui ce cri qu’il qualifie de sauvage « J’existe nom de Dieu » expression d’une colère qui se répétera, comme une basse constante de sa musique intérieure, tantôt exprimée, tantôt réfrénée, souvent silencieuse, à la fois cri et symbole.

On pourrait s’attendre alors que ce livre, écrit au cours des années suivantes jusqu’à son décès brutalement intervenu en 2014, soit le récit d’une expérience dont il nous dit qu’elle l’a transformé de fond en comble. En fait, le récit n’est que prétexte à une interrogation plus profonde sur les multiples significations de cette exclamation et des cinq mots qui la constituent dans le contexte qui fut celui de sa la maladie et de son l’hospitalisation.

Aussi la réflexion de l’auteur va-t-elle nous entraîner sur de multiples chemins entre propos existentiels, éclairages épistémologiques, analyses symboliques, avec une grande richesse de références. Ce sont sans doute les développements sur la symbolique qui traduisent le mieux les préoccupations majeures de l’auteur, dans ce qui m’apparaît à la fois comme une quête de sens et une recherche sur la question de la formulation de l’inexprimable dans les crises que traverse chacun de nous. A cet égard l’auteur se défend de ne parler que de lui. Bien au contraire, dans la « solidarité des ébranlés » Christian relie son expérience à celle de toutes les fureurs, de toutes les révoltes qui  refusent les passivités, les soumissions, les démissions. Au plus profond de nos effondrements et de nos désespérances, il y a place pour le cri rauque du «J’existe, nom de Dieu !  ». Les résonances de ce livre dans nos propres vies y contribueront-elles comme il le souhaitait ? 

Il me faut cependant reconnaître que les passages concernant la première partie, « J’existe », de cette exclamation protestataire et restauratrice de vie, m’ont semblé plus convaincants que les développements sur la symbolique du nom de Dieu qui prêteraient à débat.  Christian n’est plus là, hélas, pour un échange qui, à son habitude, se serait avéré aussi chaleureux que passionné. Il nous reste l’ouvrage qui rend si présentes sa voix et sa pensée qu’il suscite en nous le désir de poursuivre le  débat - autant qu’il réveille la peine et la frustration de son départ prématuré.

 PS. Une soirée sera consacrée par D&S et d'autres mouvements à Christian et à son livre en novembre.

Informations diverses

 

• 

Le Pacte civique et Initiatives et changement organisent au Forum 104 le 24 mai de 19H15 à 21H30 une soirée-débat sur le thème « La France et l'Europe face au défi migratoire », avec Véronique Albanel, Didier Leschi, Odile Quintin, Serge Guillon.

• 

Colloque « rendre visibles les invisibles » organisé par Confontations le 27 mai prochain

Ci-après le lien qui permet d’accéder au programme et au bulletin d'inscription  http://www.confrontations.fr/rendre-visibles-les-invisibles/

• 

Rencontres internationales à l’initiative du Mouvement français des réseaux d’échanges réciproques de savoirs : « La force de la réciprocité et de la coopération pour apprendre »

A Evry (Essonne) - Arènes de l’Agora- les Vendredi 3/samedi 4/dimanche 5 juin 2016

Pour s’inscrire aux Rencontres - https://www.inscription-facile.com/form/9Oirfveik1UaemoMhNEv

• 

La Traversée et D&S co-organisent au Forum 104 l8 juin en fin d’après-midi une rencontre sur le thème « La bonté humaine », avec Jacques Lecomte.

• 

En partenariat avec Démocratie et Spiritualité, l’association Traces d’avenir organise un séminaire sur « Histoire de vie et interculturalités » les vendredi 10 juin de 14h à 17h30 et les samedi 11 et 18 juin de 10h à 17h30 :Comment les rencontres et les appartenances inter culturelles, tout au long de notre histoire, ont-elles contribué à lui donner du sens?" 

Informations et inscriptions auprès de Patrick Brun : brundom2005@yahoo.fr

• 

Aux dialogues en Humanité à Lyon le samedi 2 juillet 2016 à 14h,
un atelier animé par Démocratie et Spiritualité: Votre boussole

Encadré par Régis Moreira et Annie Gourdel
http://dialoguesenhumanite.org/meetuppage/274/samedi2juillet2016

• 

Eric Lombard nous signale l'article qu'il vient de publier sur  ouvertures.net :

« Petit tour d’horizon des revues de spiritualité » 

Il s'agit d'un panorama des magazines et revues qui abordent la spiritualité sans se cantonner à une religion ou à un courant : Le Monde des religions, Sources, Ultreïa, Présence, etc.

• La revue  Présence  de 2016 du Forum 104 vient de paraître ; elle est intitulée Choisis la vie ! Approche spirituelle de l'écologie .