En-tête

 

 Lettre bimestrielle de D&S n°159

 Mai-Juin-Juillet-Août 2018

 

Sommaire

Agenda

L’éditorial

D&S s’exprime sur la fin de vie.

Nouvelles de l'association.

Assemblée Générale de D&S

Vingt-cinquième anniversaire de D&S

Dossier D&S sur la fin de vie.

Résonances spirituelles.

Intranquillité.

Aller à la source du renouvellement intérieur.

Sources et souffles de nos vies.

Démocratie et spiritualité

Chronique de Bernard GINISTY :« Ce n’est pas de répondre qu’il s’agit, mais de déplacer la question » Maurice BELLET.

Entre présence et absence, entre engagement et lâcher-prise, entre disponibilité et veille.

Echos d'ailleurs

Prenez soin de votre âme – petit traité d’écologie intérieure.

Libres propos.

Informations diverses.

 

 

 

Agenda

Les soirées conviviales

• au 250 bis Boulevard Saint Germain (75007) Codes 25B01, puis 62401

• lundi10 septembre 18h15 : conviviale sur l’actualité

• lundi 8 octobre 18h15 :       carte blanche à Éric Vinson

• lundi 12 novembre 18h15:  hommage   à Patrick Brun

au Forum 104, 104 rue Vaugirard (75006 PARIS)

- lundi 18 juin 19h -21h : rencontre avec Nicolas Cadène, rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité : Analyse de la situation française, des problèmes à résoudre, des solutions.

 

Groupe cheminement :

Au 87 rue de l’Eglise (75015 PARIS) Code : 5287

 - jeudi 28 juin à 16h

 

Méditations interspirituelles

au Forum 104, 104 rue de Vaugirard (75006) PARIS

mercredi 27 juin 2018 de 18h15 à 19h15

Ce sera notre dernière méditation interspirituelle, la formule s’étant essoufflée ; certains pensent en effet qu’il est plus pertinent de partir d’une spiritualité dans laquelle on s’ancre avant de s’ouvrir à d’autres spiritualités.

 

Groupe de Grenoble : Quels droits suis-je prêt à accorder à la nature et aux animaux ? »

Mercredi 27 juin 2018, à 17h30 à la galerie LAVINA ,12 place Notre Dame à Grenoble.

L'éditorial

 

D&S s’exprime sur la fin de vie

D&S a présenté le 3 mai devant le Conseil consultatif national d’éthique (CCNE) un ensemble de réflexions sur la fin de vie, issues des débats animés par Valérie Pénicaut.

On trouvera ci-après un résumé de la méthode de travail pratiquée et les principales conclusions qui en sont ressorties, ainsi qu’un renvoi sur notre site pour la lecture-vivement conseillée- de l’ensemble du document : Ce sujet nous concerne tous.

Notre société, axée sur la satisfaction des besoins et des désirs, c’est le but légitime du progrès, a tendance à rejeter ou à occulter ce qui est déplaisant, douloureux, invivable. Il y a pourtant une part non résorbable d’angoisse et de souffrance, qui s’exprime notamment dans la fin de vie, et qui doit être assumée individuellement et collectivement. Notre société est à la recherche d’un équilibre entre épicurisme et stoïcisme, entre souci légitime de bonheur et capacité à affronter l’obstacle. La fin de vie est à cet égard un test : Comment l’assumer le mieux possible, la bien vivre, explorant son mystère sans se résigner à l’insupportable ? Un sujet essentiel pour nos démocraties et nos spiritualités.

Le Bureau

 

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 Nouvelles de l'association

 

Assemblée générale de D&S

Le compte rendu de notre assemblée générale du 9 avril 2018 est consultable sur le site de D&S 

Il a été procédé à un ajustement de la composition du conseil d'administration élu en 2017 pour deux ans :

-          Membres sortants avant l’AG : Patrick Brun, Annie Gourdel,

-          Membres ayant demandé à quitter le CA lors de cette AG : Martine Huillard- Paul-Philippe Cord

-          Membres entrants au CA élus lors de l’AG : François Peyredieu du Charlat, Martine Parant.

Le nouveau CA est donc ainsi composé : Geneviève Ancel, Jamila Barbouch, Vincent David, Jean-Claude Devèze, Zoubida Djelali, Jean-Baptiste de Foucauld, Eliane Fremann, Jean de Saint-Guilhem, Odile Guillaud, Régis Moreira, Henri-Jack Henrion, Marcel Lepetit, Marcel Loarec, Yannick Moreau, Régis Moreira, Martine Parant, Valérie Pénicaut, François Peyredieu du Charlat, Jean-Claude Sommaire.

 

Le bureau est en train de se réorganiser pour tenir compte du prochain départ de Marcel Lepetit à Nantes et de la démission d’Henri-Jack Henrion en raison de son indisponibilité, ce qui ne l’empêchera pas d’apporter des aides ponctuelles qui nous seront très précieuses.

Le bureau du 4 mai a accueilli Martine Parant, qui apporte à D&S son savoir-faire en termes de « fundrising » (recherche de fonds) et celui du 1er juin a accueilli Yannick Moreau qui animera la préparation du vingt-cinquième anniversaire.

 

Le bureau a proposé à Éric Vinson un CDD à mi-temps de 8 mois, du 1/07/2018 au 28/02/2019, qu’il a accepté. Bienvenue à lui.

Deux missions lui seront confiées dès la fin juin :

-      une mission principale : la responsabilité de l’organisation du 25e anniversaire en lien avec Yannick Moreau, le bureau et les personnes désirant s’associer à sa préparation ;

-      la tâche d’assurer le fonctionnement du secrétariat général, avec l’appui d’Eliane (agendas et ODJ des réunions- bureaux, CA et AG, conviviales, lettre de D&S).

 

Agé de 47 ans, Éric Vinson, diplômé de Sciences Po Paris, est docteur en sciences politiques, option philosophie politique (sa thèse portait sur La mobilisation du « spirituel » en démocratie au XXe siècle).

Intellectuel spécialiste du fait religieux et de la laïcité, il connait D&S depuis 20 ans et a toujours suivi l’évolution de l’association.  Journaliste, il a travaillé au service pastoral d’études politiques, à la revue Prier pendant 8 ans, puis au Monde des religions. Il effectue des vacations d’enseignant à la catho et à Sciences Po. De 2013 à 2016, il était président d’Enquête puis il a occupé les fonctions de directeur scientifique et de formateur au sein de cette association.

Sur le plan spirituel, Éric appartient à une double tradition religieuse, catholique par sa mère et bouddhiste par son père.

Ses deux ouvrages récents :

Jaurès le prophète, mystique et politique d’un combattant républicain, avec S. Viguier-Vinson, Albin Michel, 2014.

Mandela Gandhi : la sagesse peut-elle changer le monde ? avec S. Viguier-Vinson, Albin Michel, janv. 2018.

 

Vingt-cinquième anniversaire de D&S

D&S n’organisera pas d’université d’été en 2018 mais nous fêterons le Vingt-cinquième anniversaire de notre association, au Forum 104 à Paris, les 2-3 février 2019. Merci de noter ces dates dès à présent.

Après un retour sur le passé de D&S, il s’agira de vérifier son inscription dans l’actualité, de poursuivre sa démarche et de repenser son rôle en renouvelant ses forces, pour construire ensemble un avenir tourné vers la jeunesse. Plusieurs associations proches seront invitées à la préparation de cet évènement.

 

Dossier D&S sur la fin de vie

Un processus d’approfondissement du thème de « la fin de vie » a été conduit par notre association de janvier jusqu’à mai 2018 avec le concours de Valérie Penicaut. Il s’est conclu par une audition devant le CCNE le 3 mai après l’envoi d’une note rassemblant nos réflexions et propositions. Nous proposons ici à la fois un résumé de notre démarche de travail (voir note méthodologique plus complète sur notre site) et une note-résumé pour le CCNE (voir note plus complète sur notre site).

 Démarche de travail de janvier à mai

 Le thème Fin de vie / Euthanasie avait été choisi pour la première réunion conviviale de 2018. Le sondage Ifop publié par le journal La Croix le 3 janvier, à l’occasion de l’ouverture des Etats Généraux de la Bioéthique, traduisait le consentement d’une grande partie de la société à une évolution de la loi sur la fin de vie (89 %), dans le sens d’une “légalisation de l’euthanasie et/ou du suicide assisté”. Il était important que chacun-e puisse affiner la formulation de sa position actuelle et que nous puissions rechercher ensemble ce qui faisait sens et ce qui pouvait être amélioré.

Le cheminement sur le thème de la fin de vie s’est fait selon diverses méthodes, car il s’agissait de trouver le chemin en le faisant (c’est l’étymologie de methodos : « chemin à travers ») et en plusieurs temps :

• 8 janvier 2018 : première conviviale-débat sur le thème Fin de vie / Euthanasie (2h)

Nous sommes partis de quelques affirmations susceptibles de faire débat, proposées par les personnes intéressées par le thème en amont et en début de réunion, discutées avec la méthode des 4 coins : (d’accord / pas d’accord / ne sait pas / à reformuler).

• 9- 11 janvier : compte-rendu et questions de méthode (par courriel) : choix d’un fil conducteur, besoin d’informations et de références communes, intérêt d’un groupe d’écoute de soi et de l’autre (à partir du partage d’expériences personnelles)

• 13 février : soirée au Forum 104 à l’occasion de la sortie du livre de JC Devèze « Pratiquer l’éthique du débat ». Précisions sur la méthode : associer les 4 dimensions de l’être (Corps, Emotions, Intellect, Sens/Spiritualité) pour « Penser en relation ». Quelques personnes intéressées rejoignent le groupe de réflexion sur la fin de vie.

• 19 février : groupe d’écoute (2h – 12 participants)

• 5 mars : point d’étape avant la Conviviale-Débat du 12 mars (courriel adressé à toutes les personnes ayant manifesté leur intérêt, avec de nombreux textes joints).

• 12 mars 2018 : deuxième conviviale-débat (2h – 19 participants)

Sondage pour avoir une idée des positions représentées par l’item « je suis favorable à l’évolution de la loi fin de vie », puis, après présentation de la grande consultation ouverte depuis le mois de janvier sur le site du CCNE, début de réflexion sur la définition de la « fin de vie » et décision de proposer un avis de D&S au CCNE.

• 29 mars : réunion de travail pour élaborer le contenu de notre avis au CCNE (2h – 8 participants)

• 4 avril 2018 : envoi d’un texte de 8 pages aux participants de la réunion.

• 9 avril : AG de D&S où la proposition de solliciter une audition au CCNE est approuvée

• 23 avril : un texte de 4 pages est soumis au bureau pour dernières mises au point

• 3 mai : audition par le CCNE de Valérie Pénicaut, Jean-Baptiste de Foucauld et Yannick Moreau, qui a été une belle expérience de démocratie : réelle qualité d’écoute et d’attention pendant une heure ; questions pertinentes et stimulantes des 5 représentants du CCNE (3 médecins, dont un député LREM, 1 directrice d’établissement de soins et une juriste) pour pousser la réflexion et affiner nos propositions. Reste à savoir quelle visibilité le CCNE donnera aux propositions qui lui auront paru intéressantes et réalistes.

 

• 2.      Note-résumé pour le CCNE

 

Nous avons élaboré nos propositions à partir de deux constats :

- L’écart grandissant entre mort sociale et mort biologique (comme le formule le Dr Marc Desmet[1])

- L’empressement à légiférer de nouveau, 2 ans à peine après l’adoption de la loi Clays-Leonetti.

 

Nous avons présenté les cinq propositions suivantes :

- Il nous semble indispensable et urgent de renommer cette conception globale et interdisciplinaire du soin aujourd’hui appelée « médecine (ou culture) palliative ». Cette conception du soin qui consiste à réunir et à préserver les conditions d’une authentique autonomie (si fortement revendiquée aujourd’hui) une « autonomie en relation[2] » jusqu’au bout de la vie, est souhaitable et justifiée dès l’annonce d’un diagnostic engageant le pronostic vital ou même la mise en place d’une assistance médicale quotidienne et de longue durée.

- Nous proposons d’affirmer le droit pour tous les participants aux soins de solliciter l’intervention ou la consultation à distance d’une équipe-ressource formée, dès qu’ils estiment que la situation le requiert (ces « équipes-ressource » renommées sont les actuelles EMSP[3]).

- Nous proposons que la ligne d’appel nationale d’information sur la fin de vie devienne également une plateforme d’aide à l’évaluation de la situation pour tous les soignants et intervenants confrontés à des fins de vie dans leur exercice (professionnel ou bénévole).

- Pour cela, la loi devrait encourager expressément la généralisation des groupes de parole et d’analyse de pratiques dans les équipes confrontées régulièrement à la fin de vie.- Il paraît essentiel de continuer de faire évoluer les usages et les mentalités du côté des soignants et des gestionnaires, mais aussi d’aider et encourager les citoyens à se responsabiliser, notamment par une grande campagne nationale à partir de 50 ans, en prenant appui sur tous les acteurs de santé de proximité (médecins traitants, pharmaciens, associations reconnues d’utilité publique, CMP, etc.) Cette campagne, sur le modèle des campagnes de dépistage systématique, présenterait la loi, les organismes et les structures compétentes, et proposerait une consultation gratuite avec le médecin traitant pour mieux comprendre les dispositions de la loi, et se situer personnellement.

- Il faudrait créer parallèlement un registre national pour les directives anticipées.

Ces 5 mesures, conjointes, pourraient faire évoluer les représentations des citoyens, des médecins, et des autres soignants, afin de favoriser une réelle « autonomie en relation » et la mise en place d’une collégialité horizontale de la décision en fin de vie effective chaque fois qu’elle est possible.

 

Nous avons enfin tenu à partager des réflexions pour améliorer les conditions d’un réel débat démocratique.

Il nous semble important de considérer les positions divergentes légitimes comme autant de « solidarités » - et non plus seulement comme des antagonismes ou des rapports de forces.

Nous attendons du CCNE qu’il mette en garde et alerte contre la tentation de décider en fonction des rapports de force existants, contre la mise en œuvre de stratégies politiciennes dans le cadre du débat public, contre la surmédiatisation de cas limites. Par exemple, lors du débat à l’Assemblée Nationale, les consignes de vote devraient être interdites sur les sujets de vie et de mort. Chaque député devrait être invité à s’exprimer en son âme et conscience.

Les initiatives novatrices, comme celle de larges consultations sur le site des Etats Généraux de la Bioéthique, mériteraient d’être pérennisées et adaptées pour permettre un dialogue permanent et transversal (pour cela, ne plus indexer la périodicité aux échéances législatives, proposer moins de thèmes à la fois, en leur accordant plus de temps).

A travers la plateforme numérique, le CCNE pourrait mettre en valeur et favoriser la diffusion des initiatives innovantes, et proposer des points d’étape et des repères dans la progression de l’argumentation et de la structuration des débats. Pour cela, il serait important de clarifier et de faire connaître les méthodes de décryptage et d’analyse des données recueillies, en y associant autant que possible les citoyens qui se sentent concernés. Enfin, sur chaque thème de Bioéthique, les conclusions du CCNE pourraient être articulées aux résultats des évaluations sur le terrain, afin de mieux dégager les points d’accord et de désaccord.

 

NB Il est intéressant en parallèle de consulter le récent avis du CCNE sur les enjeux éthiques du vieillissement(http://www.ccne-ethique.fr/fr/actualites/avis-ndeg-128-du-15-fevrier-2018-enjeux-ethiques-du-vieillissement-quel-sens-la ).

 

[1] Marc Desmet, L’euthanasie en Belgique : évolutions, solidarités, défis multiples, in L’euthanasie de la personne vulnérable, sous la direction de Bernard N. Schumacher, Erès, 2017.

 

[2] Ce concept est proposé et développé par le Dr Marc Desmet (voir note 2 en première page).

[3] EMSP : Equipe Mobile de Soins Palliatifs

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Résonances spirituelles

Intranquillité

Textes partagés le 28 mars 2018 à la méditation interspirituelle au Forum 104

 

Aux tranquillisants, je préfère les intranquilles…

Et si vous êtes d’un naturel serein et posé,

je ne voudrais en aucun cas introduire ce petit caillou dans vos âmes tranquilles.

Quoique. Peut-être que je vous souhaite d’être un peu dérangés.

Tout de moins, je vous souhaite le petit inconfort, la pointe d’impatience,

le frémissement qu’il faut pour reprendre la route millénaire

qui étire la pâte humaine et la révèle à elle-même.

Marion Muller-Collard (L’intranquillité, Bayard, 2017)

 

Confort est crime, m’a dit la source en son rocher.

 

Certains jours, il ne faut pas craindre de nommer les choses impossibles à nommer.

René Char

 

La paix se fait en moi parce que j’ai rejeté la paix.

Emmanuel Mounier

 

 

Aller à la source du renouvellement intérieur

Textes partagés le 25 avril 2018 à la méditation interspirituelle au Forum 104

 

Dans un monde marqué par le doute généralisé, les fausses nouvelles et les drames bien réels, où chercher notre renouvellement intérieur ? Dans la science du futur, le numérique et les réseaux sociaux, l’intelligence artificielle ? Comme le suggèrent de grands mystiques, plus simplement en nous-mêmes si nous prenons le temps et les moyens d’y voyager en silence et de nous y ressourcer…

 

Je connais la source qui coule et se répand,

Je sais qu’il ne peut y avoir de chose plus belle,

Que la terre et les cieux vont s’y abreuver,

Bien que ce soit de nuit ! 

Poème IX, Jean de la Croix

 

 

Il est bon de franchir chaque jour une étape,

Comme l’eau vive qui ne stagne pas.

Hier s’est enfui, l’histoire d’hier aussi est passée,

Il convient aujourd’hui de conter une histoire nouvelle !  

Rubâiyât. (La quête), Rumî

 

Il n’est rien si précieux

Que ce temps de notre vie,

Cette matinée infinitésimale,

Cette fine pointe imperceptible

Dans le firmament de l’éternité,

Ce minuscule printemps

Qui ne sera qu’une fois

Et plus jamais plus.

Edmond Michelet

 

Sources et souffles de nos vies

Textes partagés le 23 mai à la méditation interspirituelle au Forum 104

 

La vie est un bouquet d'ombre et de lumière

à apprivoiser avec l'âme d'une abeille

passant d'une fleur à l'autre,

faisant son miel de chaque heure

de souffrance et de joie.

Marie Cenec, Le nectar de Pâques

 

Le trait, empreinte du souffle, est trait d’union

Reliant yin et yang, terre et ciel, eau et flamme,

Bleu et rouge, vert et jaune, mort et vie, flèche

Par laquelle l’âme prend son envol.

François Cheng, Enfin le royaume

 

Démocratie et spiritualité

 

 « Ce n’est pas de répondre qu’il s’agit, mais de déplacer la question » Maurice BELLET (1).

Chronique de Bernard Ginisty du 8 avril 2018

 

Maurice Bellet (1923-2018)vient de nous quitter à 95 ans. A 90 ans, il inaugurait ainsi son Blog : « Où j'en suis ? A la fin de ma vie, bien sûr. Avec le désir, intact, de voir naître, parmi les humains, ce dont l'urgence ne fait que croître : un mode de vie, un mode de pensée (les deux ne font qu'un) qui soit à la hauteur de la crise prodigieuse où nous sommes engagés. Or, il me semble que cette exigence-là met fin, paradoxalement, à ce qui fut l'une des grandes ambitions des "modernes" : le discours sur (sur Dieu, sur l'être, sur l'homme, sur la science, sur tout), le survol, la place privilégiée du critique qui n'est pas atteint par ce dont il parle. Oh, cette attitude n'a pas disparu. Les plus hyper-critiques savent ce qu'il en est de l'objet de leur pensée ! Et bien sûr, je peux tomber moi-même dans ce travers. Pourtant, ce que nous vivons est tel qu'il s'agit plutôt de tracer chemin dans une immensité, forêt, désert ou océan, que nous ne survolons pas. J'espère être dans cette humilité, quand offrir une pensée c'est donner à quelques-uns, peut-être, de quoi éclairer leur expérience » (2).

Depuis plus de soixante ans, Maurice Bellet, prêtre, théologien, philosophe et psychothérapeute a poursuivi une voie très originale dans l’univers chrétien. Livre après livre, il a tracé des chemins neufs bien loin des débats éculés dans lesquels a végété trop souvent le catholicisme contemporain : progressisme ou intégrisme, défense inconditionnelle ou critique systématique des hiérarchies. C’est à une expérience de l’aurore, du saisissement de tout l’être par une bonne nouvelle qui arrache à la tristesse et à la mort qu’il nous convie. Si le mot Evangile a un sens, ce ne peut être que celui d’un événement nouveau, inattendu, radicalement "bon" et non quelque chose d’ennuyeux et de rabâché. Certaines formes d’éducation religieuse peuvent être le pire obstacle à ce qu’il y ait "bonne nouvelle", en contribuant à éviter à chacun de faire l’expérience personnelle d’une parole neuve. C’est ce qu’il écrivait encore dans un de ses derniers ouvrages intitulé « Un chemin sans chemin » : “Savoir si c’est chrétien ou pas n’est plus la question. En ce moment du chemin, ce qui advient, advient : il n’y a pas d’étiquette. Est-ce du moins ce qui reste de la foi chrétienne quand le contenu traditionnel paraît se défaire ? Du dehors, on peut juger ainsi. Du grand, de l’immense édifice de la doctrine chrétienne, de sa tradition, sa pratique ses œuvres, il ne resterait finalement qu’un humanisme élémentaire, pauvre et confus. Bien entendu, c’est ce qui peut arriver. Mais ce que je décris est je crois très différent. Car ce qui reste n’est pas un reste. C’est un commencement. C’est l’ouverture d’un espace qui est peut-être celui de la foi des chrétiens, mais qui se trouvait comme confiné et rétréci dans ce que désigne, trop souvent, le mot religion” (3).

On comprend alors ce qu’écrit Jean-Claude Guillebaud : « Je parle de Maurice Bellet, théologien aussi dérangeant que considérable. Nous sommes quelques-uns à penser qu’en toute logique, une meilleure place devrait être faite à ce penseur dans le débat public. Et notamment parmi les chrétiens. Je tiens même le pari suivant : on s’apercevra un jour ou l’autre qu’il aura été l’un des très rares intellectuels à jeter les fondements d’un « autre » christianisme » (4). 

 

(1)  Maurice BELLET : Un chemin sans chemin, éditions Bayard, 2016, page 35. 

(2)  Maurice BELLET : 0ù j’en suis ? http://belletmaurice.blogspot.com/2014/01

(3) Maurice BELLET : Un chemin sans chemin, op.cit., pages 60-61.

(4) Jean-Claude GUILLEBAUD : Maurice Bellet, le clairvoyant, http://www.laviefr/, 08/03/2016. 

 

 

Entre présence et absence, entre engagement et lâcher-prise, entre disponibilité et veille

Jean-Claude Devèze

 

Dans notre monde encombré, la recherche d’intériorité inspirant des implications responsables exige de trouver les bons équilibres entre le trop plein et le vide, entre une pleine présence à autrui dans la rencontre et une absence permettant de nourrir une vie intérieure ; cette dernière peut être porteuse d’une attention renouvelée à l’autre comme d’une ouverture à des voies nouvelles à explorer. Alors qu’il est souvent difficile de se consacrer à l’essentiel vu les tentations et les pressions d’une société qui nous harcèle, comment être à la fois disponible pour coconstruire la société fraternelle à laquelle nous aspirons et prendre le temps indispensable pour discerner la voie à suivre et nourrir notre vocation ?

Dans nos débats sur la vie démocratique de nos mouvements, une nouvelle approche est souvent privilégiée, celle du « centre vide » qui permettrait à chacun d’avoir sa part de pouvoir. Inexorablement, pourtant, se posent les problèmes de la façon de faire vivre une organisation, de l’animer et de la gérer comme de déterminer ses priorités ; lors de la création d’un mouvement, il est certes souhaitable d’autogérer le processus de création permettant de dégager des finalités partagées et un socle commun de convictions, mais il est ensuite nécessaire de se fixer des règles communes et de désigner des responsables acceptant de se mettre au service du groupe pour permettre leur mise en œuvre et leur adaptation à la vie de l’organisation. Comment concilier un engagement de tous permettant d’avancer ensemble et un lâcher-prise de chacun quand il faut laisser mûrir les décisions et se développer les initiatives ?

Dans nos vies collectives à réguler, on a besoin de personnes pleinement présentes à autrui, mais aussi capables de prendre de la distance pour se ressourcer comme pour laisser chacun cheminer sans le retenir dans des filets bridant sa créativité. Comment allier disponibilité empathique et retrait vigilant ?

Nous avons besoin de nous recentrer sur l’essentiel pour parler vrai comme pour écouter pleinement ceux qui nous interpellent et nous dérangent, le pape François comme Marion Muller-Collard nous proposant de « se réduire » pour laisser la place à l’autre. Une voie à explorer est de développer une présence contemplative, source de recréation et de renouveau. Dans ce but, D&S nous appelle à cheminer en vérité et en fraternité pour discerner comment trouver de nouveaux équilibres entre la présence vivante et l’absence inspirante, entre l’engagement et le lâcher-prise, entre la disponibilité et la veille, entre le temps de la parole et le temps du silence.

 

 

 

 

 

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Prenez soin de votre âme – petit traité d’écologie intérieure

Note de lecture de Patrick Boulte

 

Le titre de ce livre (publié aux éditions du Cerf en 2018) est à prendre au pied de la lettre. Jean-Guilhem Xerri dresse un tableau clinique des agressions subies aujourd’hui par l’intériorité qui peuvent s’opposer à notre processus de construction de soi et de notre humanité : bruit, images, surconsommation, hyper érotisation, survalorisation du narcissisme, dictature de la disponibilité permanente, gavage informationnel…

A une époque où foisonnent les offres thérapeutiques pour guérir les maux de l’âme, il est bon de prendre appui sur le savoir et la large culture d’un auteur que sa pratique professionnelle et extra-professionnelle – il a présidé, un temps, l’association « Aux captifs, la libération » - ont conduit à faire le diagnostic raisonné des pathologies et des souffrances psychiques de nos contemporains.

Il s’appuie, pour cela, sur l’expérience des Pères du désert qui, dit-il, « comme d’autres l’ont fait pour les maladies du corps, (ils) ont effectué une classification, une démarche de diagnostic et des recommandations thérapeutiques des maladies de l’intériorité. » (*) A leur suite, Jean-Guilhem Xerri donne des pistes d’une « écologie de soi », c’est-à-dire, une prise au sérieux de son intériorité et quelques démarches qui permettent d’en restaurer l’économie. Il le fait avec pédagogie, proposant, à la fin de chaque chapitre, des « intermèdes » pour aider le lecteur à s’en approprier les remarques et à les traduire dans ses propres langages et expériences. Cela passe par une plus grande sensibilité à ce qui nous fait du mal, par une plus grande prudence par rapport à ce qui nous fragilise, par une attention à ne pas nous laisser trop souvent distraire de nous-même, par le désir de ne pas nous limiter à ce que nous prenons pour le tout de la réalité et à faire un effort pour nous remémorer les moments où nous avons pressenti cet au-delà de nous-même, à être attentifs aux témoignages de ceux qui en ont fait l’expérience… Il n’est jamais trop tard pour commencer à s’y exercer.

 « On n’est pas humain : on le devient, ou pas ».

 (*) Cf. Le Figaro - 31 mars 2018

Libres propos

A la demande du conseil d’administration, nous proposons à nos lecteurs d’alimenter la lettre de leurs réactions à un évènement récent, de leur récit d’une expérience vécue, de leurs témoignages, de leurs poèmes… Ce texte, rédigé en police New Times Roman, 12, d’une page maximum (2500 signes au plus), sera relu, comme tous les articles publiés par D&S, par le comité de lecture de la Lettre avant d’être publié, un lien avec les valeurs de notre association étant apprécié.

 

Informations diverses

• Reprise de "Péguy le visionnaire". Cette pièce, écrite par Samuel Bartholin et mise en scène par Laetitia Gonzalbès (Compagnie Kabuki), est reprise au théâtre de la Contrescarpe (5, rue Blainville, 75005 Paris). L’acteur en scène est Bertrand Constant. La pièce est programmée les vendredis et samedis soir à 20h30, du 23 mars au 30 juin, avec une représentation supplémentaire le dimanche à 17h00 à partir du mois de mai (du 6 mai au 1er juillet).

http://www.theatredelacontrescarpe.fr/charles-peguy-le-visionnaire

•  Intervention de JB de Foucauld sur les Défis de la mondialité le samedi 2 juin aux Rencontres Orient-Occident du château Mercier (www.roo-mercier.com)

• Éduquer à la laïcité et aux faits religieux : quelles bonnes pratiques ? Journée organisée par l’association Enquête le 9 juin 2018 au Collège Aimé Césaire – 2 esplanade Nathalie Sarraute 75018 Paris.

• Eric Vinson nous transmet un texte très intéressant et d’actualité à D&S où certaines femmes adhérentes peinent à trouver leur place, à se sentir utiles :« Faire de la place en soi pour l'autre - L'ouverture au féminin, une nécessité pour les religions du monde », 2015 (voir le site de D&S…).

 

• Lectures proposées

•  Le nouveau Jihad en Occident, de Farhad Khosrokhava, Robert      Laffont (mars 2018).

• Un furieux désir de sacrifice. Le surmusulman, Fethi Benslama,éditions du Seuil (2016)

• Aveuglements : religions, guerres, civilisations, de Jean-François Colosimo, édition du Cerf      (février 2018)

• Une nouvelle Terre, de Dominique Bourg, édition Desclée de Brouwer      (mars 2018)

• L’intranquillité, de Marion Muller-Colard, Bayard Editions (2016)

• Le complexe d’Elie, de Marion Muller-Colard, édition Labor et Fides      (2017)

• L’esprit de      l’athéisme, introduction à une spiritualité      sans Dieu      d’André Comte-Sponville, édition      Albin Michel (2006)

PS Le bureau prévoit d’organiser une réunion conviviale en fin d’année avec 2 animateurs autour d’un des livres de Marion Muller-Colard.

 

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