En-tête
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"SOL INVICTUS"

« C’est la nuit qu’il est beau de croire à la lumière ».

 

 

 Lettre de D&S n°168

Février 2020

 

Table des matières

Éditorial

Dossier du mois : Le séminaire SOL INVICTUS

Résonances spirituelles face aux défis contemporains

Nouvelles exigences démocratiques

Que font nos partenaires ?

Agenda

 

 

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Editorial

« C’est la nuit qu’il est beau de croire à la lumière ».                      

On sait que la fête de Sol invictus, fête romaine du solstice d’hiver, a servi de matrice à la fête de Noël, comme aussi du Nouvel an. On sait aussi que ce moment où le jour commence à regagner du terrain sur la nuit est, depuis longtemps, du moins sous nos latitudes, un moment de célébration et d’espoir, de communion dans la victoire à venir des lumières sur les ténèbres. A cette opposition entre la lumière et les ténèbres qui n’est pas sans rappeler, y compris dans son parfum dualiste platonicien, le magnifique prologue de l’Évangile de Jean, je tends de plus en plus à préférer la conception de Soulages, qui fait émerger la lumière du plus profond du noir, de cet au-delà du noir, l’outrenoir.

C’est, je pense, ce qui me fait aimer cette phrase de Chantecler ; probablement aussi parce que l’espérance qu’elle révèle contredit ce biais cognitif du coq prétentieux, qui à l’instar des politiques et de leur foi dans leur parole performative, lui fait croire que c’est son chant qui fait lever le soleil, et non l’inverse. Une espérance en forme de foi agnostique, qui est peut-être aussi celle du Sisyphe de Camus, et que je préfère à cette rationalisation qui transforme une corrélation en lien de causalité inversée.

Point n’est besoin d’énumérer tout ce qui fait nuit dans notre vie, tout ce qui, pour plagier Devos, nuit : de la crise écologique, à la crise sociale ; de la crise des solidarités à celle de la société internationale ; de la crise du sens à la crise de la radicalisation. En faisant du noir une source de lumières, la peinture prophétique de Soulages pourrait aussi faire mentir cette hélas si véridique et si actuelle prophétie de Gramsci qui voit dans ce clair-obscur le ventre encore chaud de tous les monstres : diagnostic et pronostic si actuels de ces crises qui auraient plutôt pour nous un avant-goût d’apocalypse, ou plutôt de fin du monde, plus que de mutations, de transformations, ou même de transitions  vers un monde meilleur, ce progrès dont on sait que parfois c’est dans la douleur qu’il accouche.

Apocalyptique plus que prophétique, la peinture de Soulages ; apocalyptique non comme une représentation à la Bruegel, à la Durer, ou à la Jérôme Bosch de la fin du monde, mais en révélant toute la lumière que peut receler le noir angoissant, celui des origines comme celui des fins dernières. Chaque aurore que tel Chanteclerc nous faisons naitre involontairement de nos chants, est la pale réminiscence de ce big bang créateur. Chacun de ces couchers de soleil cafardeux qu’aimait tant le Petit prince est une sorte de petit départ vers le grand trou noir. Devenu aurore dans le miroir noir de la nuit ce sont ces crépuscules qui accouchent eux-mêmes d’une nuit réparatrice, d’une nuit libératrice, cette nuit du mystère du porche de la deuxième vertu, celle qui permet, même à Dieu, d’enterrer son fils.

Ce n’est pas de cette nuit-là que le soleil est vainqueur. Mais c’est cette nuit au contraire qui accouche elle-même d’une nouvelle lumière chaque jour. Vue ainsi la question de la nuit et du jour qui faisait tant s’émerveiller les anciens égyptiens, la question des ténèbres et de la lumière chère à Jean l’évangéliste, est une version à la fois magique et dramatique de celle, comique, de la poule et de l’œuf : il est vain de chercher à savoir laquelle procède de l’autre.

Soleil où est ta victoire ? Elle n’est pas sur la nuit ; elle est en chacun de nous quand du plus profond du noir en nous nous savons émettre cette lumière étrange, cette obscure clarté, qui donne à chacun de nous la figure d’un humain.

Daniel Lenoir

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 DOSSIER DU MOIS :

La Réunion "Sol Invictus" du 18.1.2020

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Le solstice d’hiver, vieille fête de l’humanité remonte loin dans le temps ; commune aux grandes spiritualités, elle fait renaître l’espérance.

 

Lors du 25ième anniversaire de Démocratie & Spiritualité, il a été décidé de former des groupes de travail pour faire avancer et grandir l’association. Nous consacrons la matinée à la présentation des groupes déjà au travail.

 

Michel Ray a pris en charge le groupe « Interconvictionnel » pour répondre aux grands enjeux de notre actualité. Les démocraties buttent actuellement d’une façon inédite sur une combinaison systémique de défis majeurs, dont les mécanismes de développement constituent de véritables verrous et ont en commun un « manque de sens », une vision de l’humain qui a dérivé et des fragilités lourdes de réels dangers.

 

L’approche interconvictionnelle se veut une démarche d’ouverture et de compréhension qui fait appel à notre réactivité personnelle : A nous de définir notre responsabilité pour devenir acteurs comme citoyens engagés, d’apporter notre expérience de vie ainsi que notre désir de transmission. La proposition est ternaire : Idée – cheminement – action, croiser expérience de vie et complémentarité spirituelle.

 

Il s’agit de vivre ensemble une démarche authentique de partage, de recherche et d’interface, produisant des résultats transmissibles, analytiques ou synthétiques, capables de rassembler. Ouvrir notre regard, notre compréhension et notre réactivité personnelle aux événements, prendre la mesure des choses, réaliser les interdépendances systémiques, comprendre les mécanismes de fonctionnement et identifier les verrous. Dix membres réfléchissent et travaillent à la recherche d’une méthodologie réutilisable.

 

Daniel Lenoir anime le groupe « Écologie et justice sociale ».

La question environnementale est sans aucun doute le principal défi du XXIème siècle : sans entrer dans les différentes dimensions (réchauffement climatique, chute de la biodiversité, conséquences sanitaires des produits issus de l'activité humaine, …), elle remet en cause tous nos repères, et notamment ceux relatifs à la démocratie, et chahute nos valeurs enracinées dans nos spiritualités. Elle soulève des questions pour la démocratie, les politiques sociales et les spiritualités.

Il faut donc repenser en même temps notre rapport à la politique et à la démocratie ainsi que notre rapport à l'univers (à la création, pour certaines traditions spirituelles), à la planète, à la nature. Cela signifie revoir les articulations : entre homme et nature, individuel et collectif, local et global, entre mode d’action et délibération démocratique et, bien sûr, renforcer le lien entre les générations.

Là encore l’approche sera ternaire : laboratoire d’idées, cheminement, action.

Sébastien Doutreligne co-anime avec Marcel Lepetit le groupe Laïcité et Spiritualité

La spiritualité est un sujet crucial, elle est constitutive de tout être humain (comme le sont les dimensions physique et psychique) mais c’est un sujet trop souvent rejeté dans la société qui se veut laïque … et par conséquent neutre. Quelle place peut prendre une spiritualité sociétale ?

Une définition claire des termes spiritualité et laïcité sera la base de départ. Ensuite l’enjeu consiste à articuler ces deux notions en alliant théorie et pratique. Pour cela il faut mobiliser les écrits disponibles à ce sujet, solliciter les membres de D&S pour recueillir leur point de vue. On peut ensuite envisager une formation sur la thématique « laïcité » et organiser des entretiens avec des intellectuels et des personnalités politiques.

Le résultat sera publié dans les Lettres D&S et dans un ouvrage recueillant les interviews d’universitaires et de personnalités politiques.

 

Valérie Pénicaud  anime le groupe « Ressources spirituelles des personnes en situation de pouvoir/action dans la cité ».

D&S témoigne de l'hypothèse que démocratie et spiritualité ont partie liée. Il s'agit donc de vérifier si les ressources spirituelles peuvent effectivement participer au soutien de la démocratie et, réciproquement, si la démocratie peut aider à explorer la richesse des différentes expressions de la spiritualité humaine, peut-être le meilleur garde-fou contre toutes les formes d'intégrisme.

L’exercice du pouvoir, avec ses responsabilités, sa lourdeur, ses pièges, implique des ressources spirituelles ; actuellement spiritualité et démocratie sont dans une période de grands bouleversements, de doutes et de réaménagements. Cela peut être une opportunité supplémentaire de les mettre en résonance en les invitant à se redéfinir. 

Le groupe envisage d’aller avec un questionnaire à la rencontre de personnes "en responsabilité" dans les sphères politique, économique et sociale. Il souhaite analyser l’expérience de pouvoir à ses différents stades : désir, conquête, exercice, exclusion volontaire ou forcée. Il le fera sur les différents terrains : politique, économique (entreprises), social, administrations centrales et locales, associatif, médiatique...cela aux différentes échelles de responsabilité (pouvoir à distance v/s pouvoir de proximité ; pouvoir « anonyme » v/s pouvoir relationnel, « présentiel »).

Il semble donc pertinent d’inviter les personnes interviewées à préciser leur représentation de la démocratie, de ses atouts comme de ses faiblesses dans le contexte mondial actuel, et en quoi leur conception et leur exercice du pouvoir est inspiré par une le référence spirituelle.

 

Si, après analyse des données récoltées, le résultat est probant, on peut envisager d’aller plus loin en créant un groupe mensuel avec les personnes intéressées, où les échanges et la capacité d'élaborer ensemble dans la durée, à partir des expériences rencontrées, permettrait de soutenir les personnes en responsabilité conscientes de l'intérêt de cette articulation D&S, et contribuer ainsi à renforcer la dynamique positive dans leurs différents contextes d'action.

 

Jean-Claude Devèze publiera au printemps son livre : Vers une civilisation-monde alliant culture, spiritualité et politique. Il propose des repères permettant de donner sens aux décennies à venir, relever les défis actuels pour sauver notre terre, notre humanité, notre monde, allier culture, spiritualité et politique pour conduire nos transformations personnelles et collectives. Un groupe de travail « Spiritualité, culture, démocratie » pourra voir le jour après l’AG du 28 avril 2020 pour mener une réflexion sur les interactions entre culture, spiritualité et politique (approche ternaire). Le chemin serait double, d’abord clarifier les dynamiques constructives vers une civilisation-monde promouvant un humanisme intégral et un universalisme pluriel, ensuite dénoncer les dérives culturelles vers le totalitarisme, le fondamentalisme, le transhumanisme

 

Au cours de l’après-midi, nous concentrons notre réflexion sur l’objectif opératoire à atteindre, voir comment mettre en commun les perspectives selon notre approche ternaire : réflexion/cheminement/action.

Le « laboratoire d’idées » peut rédiger un projet de texte pour notre future « enquête », le groupe « cheminement », envisager un questionnement personnel sur la thématique concernée et comme « action », nous souhaitons proposer au moins une présentation symbolique avec un (des) partenaire(s).

La suite logique sera de traduire nos réflexions et travaux en un cahier des charges pour chaque thème ou envisager des rédactions en transversal pour produire un livrable sous forme de plaquette, de livre ou d’action.

 

Nous faisons ensemble les premiers pas vers la concrétisation des projets énoncés :

 

Michel Ray nous rappelle qu’en2021 aura lieu l’anniversaire du Pacte civique, la réflexion menée en D & S peut servir au PC pour se renouveler. Il serait intéressant d’inviter une ou deux personnes du Pacte à la réunion élargie de groupe le 13 Juin pour une réflexion élargie.

 

Jean-Claude Devèze souligne que dansles sociétés traditionnelles, la spiritualité était la force qui inspire la culture, le contraire est vrai aujourd’hui : la spiritualité est très influencée par la culture ; il faut y introduire la civilisation pour rendre le sujet plus politique.

 

Pour le groupe « Spiritualité et environnement « Jean-Baptiste de Foucauld évoque le changement du sens du mot « spiritualité » en train de se produire. Dans sa première phase, elle était englobante, dans la deuxième phase, le monde moderne, l’être humain s’émancipe et la spiritualité se fonde sur la transcendance et l’altérité. Cf. le livre de Levinas : « Totalité et infini ». Une troisième phase se cherche, plus immanentiste, plus holiste, marquée par la participation au cosmos.

Le Christianisme semble s’y aligner, le Pape François, dans l’encyclique « Laudate Sì » ne dit-il pas que « L’Univers se déploie en Dieu qui le pénètre tout entier » (233).

 

Les fondamentaux bougent renchérit Daniel Lenoir, et si le retour de la spiritualité était lié au souci que nous portons à notre environnement en danger ? Nous assistons peut-être à la naissance d’un nouvel âge axial qui voyait entre 800 et 200 avant notre ère l’émergence de penseurs comme Socrate, Confucius et Bouddha. Par une coïncidence extraordinaire, sur trois continents, ces penseurs de la pensée critique sont apparus en un court laps de temps et influent encore aujourd’hui l’humanité.Marcel Gauchet et Michel Serres évoquent ce surgissement d’un nouveau mode de pensée, Michel Fédou parle de la culture grecque comme prémisse de la culture.

 

En ce qui concerne le groupe sur la laïcité animé par Sébastien Doutreligne, JB de Foucauld met en garde contre la propension française, marquée par la volonté d’universalisation, de faire de la laïcité un principe rationnel clair, facile à appliquer et généralisable. Selon lui, la loi de 1905 est très paradoxale, c’est un bricolage étrange fait de compromis : par exemple, elle déclare que la République ne reconnait ni ne, subventionne aucun culte, mais ce principe est appliquée de manière très variable. Elle garantit la liberté de conscience et pas de conviction, alors que la liberté de conscience est imprenable, Créon ne peut rien contre Antigone…  Son apport fondamental consiste à éviter la mainmise d’une religion sur la société mais aussi de qui que ce soit sur quoi que ce soit.

 

Valérie Pénicaud ne sera plus disponible pour animer le groupe Spiritualité et Pouvoir, Jean-Baptiste de Foucauld et Bertrand Parcollet prendront sa suite.

Pour rendre visible la problématique, un questionnaire a été établi qui sera proposé en interne, avec clause de confidentialité. C’est une idée forte – peut-on envisager une collaboration avec un organisme de recherche ou avec le Laboratoire de la Fraternité ? Ensuite il faudra trouver des personnes ressources, des membres associés et étoffer les équipes.

 

Bruno Dufay s’investit pour l’instant dans un autre groupe pour réfléchir sur « Spiritualité et numérique » faute de personnes intéressées à D & S.

 

Etienne Godinot est dans la même situation, en attendant de recruter des membres, il est pour D & S une personne ressource pourle sujet « Spiritualité et non-violence », une conviviale à ce sujet aura lieu le mardi 17 mars.

 

Les réflexions et les projets du 25ième anniversaires commencent ainsi à porter des fruits :

D & S est présent sur les réseaux sociaux, Google, Quant, Facebook, Twitter, LinkedIn mais manque encore d’un outil efficace pour un réseau interne.

Nos réunions internes se tiennent dans le local du 87, rue de l’Église 75015 Paris. Une participation par téléphone a été organisée (via une pieuvre).

Nos réunions ouvertes au public ont lieu au250bis, Bd. Saint-Germain, au Forum 104, rue de Vaugirard ou à la Fondation Jean Jaurès au 12 cité Malesherbes selon le nombre de personnes prévues. A l’avenir on peut aussi penser aux Maisons des Associations dans les quartiers parisiens.

 

Les partenariats sont encore à consolider :

Michel Ray assistera le 21.1.20 à la première réunion de « Dialogues en humanité » avec Patrick Viveret, rencontre préparatoire de leur réunion annuelle en juillet à Lyon. Il travaille aussi à l’établissement de relations étroites avec Coexister.

 

Yannick Moreau et Régis Moreira contactent Up for Humanness (United persons for humanness) et préparent une info pour le prochain CA.

Des contacts ont été pris avec « Littérature et Spiritualités » et le Forum 104.

 

La prochaine Université d’été aura lieu les 27, 28, 29 Août 2020 au Centre Jean Bosco à Lyon sur la colline de la Fourvière avec pour thème : Le « & » de D & S, l’alliance de la démocratie et de la spiritualité face aux défis actuels.

Pendant ces 2 jours et demi, nous essaierons de comprendre ce que l’articulation entre démocratie et spiritualité peut apporter pour répondre aux grands enjeux de notre monde : écologie et justice sociale, laïcité et spiritualité, le numérique à visage humain, ressources spirituelles des personnes en situation de pouvoir, l’interconvictionnel.

 

Le constat est unanime, il était utile de faire le point sur l’avancement de nos travaux et dessiner le chemin vers un futur proche.

Monika Sander

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Résonances spirituelles face aux défis contemporains :


Chronique de Bernard Ginisty du 23 janvier 2020

Pour un chemin non totalitaire vers l’universalité de l’humain.

L’époque est dure pour ceux qui souhaitent donner un sens universel à leur réflexion et leur action. La mondialisation marxiste par l’union des prolétaires s’est écroulée. La « main invisible du marché » qui devait assurer une harmonieuse répartition des richesses ne cesse de provoquer fractures sociales et chômage. Quant aux religions, elles succombent trop souvent aux tentations du fondamentalisme et de l’identification à un nationalisme agressif. En ces temps désenchantés, les individus oscillent entre la dépression devenue une des premières maladies de l’époque, les tentations claniques et identitaires ou, pour ceux qui en ont les moyens, la distraction morose dans la consommation.

A l’occasion de la sortie en Europe de son dernier ouvrage intitulé « Peuple, pouvoirs & profits. Le capitalisme à l’heure de l’exaspération sociale » (1), l’Américain Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie s’exprimait ainsi : « nous avons besoin d'un nouveau contrat social entre le marché, l'État et la société civile. Le capitalisme fera partie de l'histoire, mais pas le capitalisme que nous avons connu ces 40 dernières années ; c'est-à-dire, un capitalisme égoïste et débridé, où les entreprises ne font que maximiser leur valeur actionnariale sans tenir compte des conséquences sociales. Si l'on fait ça, on se retrouvera avec une situation comme aux États-Unis, où il y a non seulement de l'inégalité, mais où aussi l’espérance de vie décline » (2). En novembre 1999, il avait démissionné de son poste d’économiste en chef et de vice-président de la Banque Mondiale. Dans son ouvrage, La grande désillusion, publié en 2002, il dénonçait une mondialisation qui impose une vision particulière de l’économie qu’il appelle « le fanatisme du marché » : « Au Fonds Monétaire International, la prise de décision était fondée, semblait-il, par un curieux mélange d’idéologie et de mauvaise économie, un dogme qui parfois dissimulait à peine les intérêts privés. Quand les crises frappaient, le FMI prescrivait des solutions certes « standard », mais archaïques et inadaptées, sans tenir compte des effets qu’elles auraient sur les habitants des pays auxquels on disait de les appliquer. J’ai rarement vu réaliser des études prévisionnelles de leur impact sur la pauvreté. J’ai rarement vu des débats et des analyses réfléchies sur les effets d’autres orientations possibles. L’idéologie guidait la prescription » (3).

En 2011, l’Institut bouddhiste Karma Ling d’Avalon en Savoie organisait un colloque sur le thème « Économie et Spiritualité ». Edgar Morin, qui parrainait cette manifestation décrivait ainsi la mondialisation capable du pire comme du meilleur. « Pour le moment le pire domine parce que dans cette course effrénée, nous détruisons notre environnement naturel, la biosphère ; c’est une course effrénée où nous produisons des armes de destruction massive, c’est une course effrénée où des inégalités s’accroissent de façon explosive, c’est une course effrénée pour la puissance et pour les réalités matérielles, qui néglige de plus en plus les qualités morales et spirituelles. En plus nous voyons que ce qu’on peut appeler la pieuvre de la spéculation financière, et le réveil de la pieuvre des barbaries humaines – c'est-à-dire des fanatismes, des haines, des mépris – tout ceci nous conduit vers des catastrophes hautement probables » (4).

Ceci dit, la mondialisation peut aussi être une chance comme l’affirme également Edgar Morin : « Mais le meilleur, qui ne s’est pas encore réalisé, c’est que pour la première fois toute l’humanité vit une communauté de destin, les mêmes problèmes, les mêmes périls mortels, et les mêmes problèmes vitaux à traiter. C’est ça qui pourrait nous inciter à trouver une nouvelle culture, une nouvelle civilisation sur cette terre qui deviendrait une vraie patrie humaine » (5).

Parmi les sources spirituelles d’une mondialisation humanisante, l’Évangile invite les hommes « fils d’un même Père » à vivre leurs différences, non, plus comme des frontières qui excluent, mais comme l’appel fait à chacun d’assumer ce qu’il a d’unique. La fraternité entre des hommes assumant leur singularité constitue un chemin non totalitaire vers l’universalité de l'humain. Alors, la mondialisation pourra être autre chose qu’un champ libre abandonné aux prédateurs financiers et aux démagogues populistes.

(1) Joseph E. Stiglitz : Peuple, pouvoirs&profits, éditions Les Liens qui Libèrent, 2019.

(2) Joseph E. Stiglitz : Entretien donné à Euronews, <fr.euronews.com> 18/11/2019.

(3) Joseph E. Stiglitz : La grande désillusion Éditions Fayard, 2003, page 22.

(4) Edgar Morin : La crise et les quatre nobles réalités in Une vision spirituelle de la crise économique. Altruisme plutôt qu’avidité : le remède à la crise, éditions Yves Michel, 2012, page 25. Cet ouvrage reprend les propos des 40 intervenants au forum « Économie et Spiritualité » organisé en septembre 2011 à l’Institut Karma Ling (Savoie). Il a permis la rencontre entre des acteurs et penseurs de l’économie altermondialiste et des représentants de nombreuses traditions spirituelles.

(5) Id. pages 25-26

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Un texte de François Cheng

 

Parfois, ce qui murmure en nous

Devient audible. Nous entendons

Alors tant et tant d’autres murmures

Chez les vivants et les morts, depuis

La nuit des temps, disant un secret

Lancinant jamais éclairci, basse

Continue de la Voie qui seule sait

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NOUVELLES EXIGENCES DEMOCRATIQUES

Vaincre le cancer djihadiste au Sahel

Après le sommet de Pau du 13 janvier entre les présidents africains de cinq pays sahéliens et le président français, je reste pessimiste sur les possibilités d'éradiquer un cancer djihadiste qui menace toute l'Afrique de l'Ouest et du Centre. Après avoir bien agi en sauvant Bamako, notre pays a poursuivi son engagement sans qu'apparaisse clairement que les opinions locales, françaises et européennes nous suivraient dans la durée et que nous aurions des alliés fiables sur le terrain comme à l’ONU et aux États-Unis. Le scénario actuel privilégié à Pau, à savoir un léger renforcement militaire, une meilleure coordination des commandements et d'hypothétiques appuis extérieurs, n'est pas à la hauteur du défi. Une autre solution pour sortir de ce bourbier serait de se limiter à contribuer, si on nous le demande, à former les armées de pays indépendants depuis soixante ans ; on souhaiterait bon courage à ceux qui se battront sur le terrain à notre place. Cela ferait taire au moins les agitateurs urbains qui dénoncent de façon démagogique l'action de l'ancienne puissance coloniale ; ils seraient plus crédibles s'ils se mobilisaient pour sauver leurs frères qui sont massacrés dans les campagnes et s'ils dénonçaient l’ambiguïté de l'Algérie qui laisse le champ libre aux djihadistes tant qu'ils n'attaquent pas leurs intérêts vitaux.   

Ayant travaillé longtemps avec les agriculteurs et éleveurs du Sahel, je ne peux me satisfaire de ces deux scénarios. Sur le plan militaire, vu l'ampleur de la tâche d'apporter la sécurité sur un si vaste espace et l’inefficacité actuelle des forces de sécurité nationales, il reste une voie difficile, celle d'une mobilisation de tous les acteurs locaux qu'on aiderait à se défendre ; cela permettrait sur le plan militaire de ne pas se limiter à renforcer des armées nationales, avec le risque qu'elles prennent le pouvoir face aux carences des gouvernements en place !  Sur le plan politique, une alliance solide autour d'un G5 Sahel crédible nécessite de sortir des jeux politiques et des circuits de corruption et d'exploitation ; les présidents sahéliens concernés devraient déclarer leurs patries en danger et mobiliser toutes les forces vives pour combattre l'ennemi intérieur et extérieur, le président français se mettant humblement au service de ceux qui font l'effort de s'engager sur le terrain. Sur le plan social, il faut "palabrer" pour réconcilier urbains et ruraux, administrations* et citoyens, agriculteurs et éleveurs, chrétiens et musulmans, ethnies entre elles, partout où les haines se sont accumulées, et les appuyer dans leurs prises de responsabilité pour développer leurs territoires. Sur le plan culturel, il faut promouvoir les valeurs africaines qui ont permis de rassembler les communautés, mais aussi les sources spirituelles porteuses de dialogue entre compatriotes et entre religions, à l'exemple de ce que fait le pape François avec des autorités religieuses musulmanes.

  * Les fonctionnaires, après avoir été appelés les "hommes des blancs", sont souvent appelés maintenant en langue locale les "hommes du pouvoir". 

JEAN-CLAUDE DEVÈZE

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Que font nos partenaires ?

FORUM 104

Jean-Baptiste de Foucauld, Charles Cusseau, Secrétaire général du Pacte civique et Monika Sander sont allés à la rencontre du nouveau directeur du Forum 104, Frédéric Rochet.

Il y a de nombreux centres d’intérêt en commun entre le Forum, le Pacte civique et D & S, renforcer nos contacts paraît évident.

Frédéric Rochet reçoit désormais notre LETTRE, le Pacte civique fera de même avec le bulletin trimestriel, le journal et le Flash Info.

Ce sera le début de l’établissement d’une liaison fécondante pour mieux vivre notre époque.

Le Forum 104 cherche de nouvelles manières d’aborder la spiritualité, trouver d’autres articulations pour vivre la présence au monde, personnellement et collectivement : aider dans la quête de sens, retrouver des valeurs, accompagner. Et surtout, décloisonner, créer des liens entre l’ancien et le nouveau monde, entre courants spirituels.

Nous pouvons y travailler en commun lors de soirées thématiques, envisager des thèmes à l’année, organiser des rencontres.

 

Le 16 février 2020 a eu lieu à la CINPA (Coordination interreligieuse du Grand Paris) la réunion préparatoire pour la grande marche interconvictionnelle à l’occasion de la journée internationale du Vivre ensemble du 16 Mai 2020. Cette journée internationale, porté par l’association AISA (Association Internationale soufie Alawiyya à l’initiative du Cheikh Khaled Bentounes) a été adopté par L’ONU en 2017.

 

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AGENDA

 

Prochain Bureau au siège :mardi 10 mars à 17h

Prochains CA au siège:  jeudi 12 mars 2020 , à 18h

Assemblée Générale : mardi 28 avril 2020 de 18h à 20h30
(suivie d’un apéritif) dans les locaux de l’ODAS, 250 bis, Bd Saint Germain, métro Solferino

 

Université d'été du jeudi 27 août au 29 août 2020 au centre Jean Bosco à Lyon

le & de D&S, l’alliance de la démocratie et de la spiritualité face aux défis actuels.

Merci de noter cette date, le programme vous sera envoyé prochainement

 

GROUPES:

• Groupe "Cheminement" 1 : mardi 25 février à 13h30, au 87, rue de l’Eglise, Paris 15e

• Groupe "Cheminement" 2 : mercredi 25 mars 2020, 18h30 au 87, rue de l’Église

Groupe de Grenoble LA BIENVENUE : « Qu'est ce qui me donne de la joie dans la démocratie? », mercredi 4 mars 2020 de 17h à 19h.

 

Conviviales, à 18h, 250 bis bld Saint-Germain :

 Le 21.1.20 a eu lieu la conviviale avec Philippe Estèbe : « Quelles territoires pour une démocratie locale aujourd’hui ». Mieux comprendre les territoires comme cadre de vie, le découpage actuel correspond de moins en moins à notre mode de vie.

 Le mardi 18 Février, la question environnementale, un défi pour la démocratie, un défi pour les spiritualités », a été traitée avec Christian de Perthuis, professeur d'économie à l'Université Paris Dauphine, fondateur de la Chaire Économie du Climat, autour de son ouvrage « Le tic-tac de l’horloge climatique » (De Boeck - Octobre 2019).

• 

Mardi 17 mars :  La résolution non violente des conflits, avec Etienne Godinot`

 

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L'Ours

Lettre D&S N° 168 Février 2020

ISSN 2557-6364

Directeur de publication : Jean-Baptiste de Foucauld
Rédacteur en chef : Monika Sander
Comité de rédaction : Jean-Baptiste de Foucauld, Sébastien Doutreligne, Eliane Fremann, Daniel Lenoir, Régis Moreira
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