En-tête
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  Lettre de D&S n°173

Juillet Août 2020

 

Sommaire

Éditorial

L’exclusion saisie par l’esperluette - Daniel Lenoir, Président de D & S

 

Dossier du mois

La crise du COVID aggrave et renouvelle l’exclusion – Retour sur la Conviviale du 16.6.2020

 

Nouvelles exigences démocratiques

Chômage, démocratie et spiritualité – Jean-Baptiste de Foucauld

Mobilisation des ressources spirituelles en période de chômage – Jean-Paul Domergue

Ressources spirituelles au travail – Nicolas

 

Résonances spirituelles face aux défis contemporains

La mobilisation des ressources spirituelles dans l’accompagnement de l’épreuve du chômage et de l’exclusion - Patrick Boulte

Face à « l’effrayante consommation de conduites éthiques non renouvelables » (Jacques Julliard) -

Bernard Ginisty

 

Libres Propos

Démocratie et spiritualité doit dépasser un dualisme pertinent, mais limitant – Jean-Claude Devèze

Accueillir la différence – Monika Sander

 

Propositions de lecture

« L’économie de la vie »[1] de Jacques Attali – Claude Alphandéry

Dominique Collin[2] : Le christianisme n’existe pas encore – Monika Sander

Jean-Claude Devèze publie un livre préfacé par Patrick Viveret : Vers une civilisation-monde alliant culture, spiritualité et politique (Parution fin août 2020)

 

Que font nos partenaires ?

Le Pacte Civique

Le Collectif Alerte

Le Pacte du Pouvoir de Vivre (PPV)  

Le CCSC : Comité chrétien de solidarité avec les chômeurs

Culture et Espérance Roquette

Compostelle Cordoue

GREP MP

 

Échos

 

Agenda

 

[1] Fayard, 2020

[2] Salvator, 2018

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« Mobiliser plus de ressources éthiques dans la lutte contre l'exclusion, vivre autrement la démocratie et du coup favoriser de la part des spiritualités une démarche de service et non de domination »[3]

 

[3] Jean-Baptiste de Foucauld, L’abondance frugale. Pour une nouvelle solidarité, Odile Jacob, 2010

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EDITORIAL

 

L’exclusion saisie par l’esperluette

 

Des rapports entre la pauvreté, la religion, et la politique, tout a été dit, ou presque. Mais tel n'était pas le thème de la dernière conviviale de D&S où nous avons poursuivi notre "quête de l'esperluette" sur la question de l'exclusion, à la lumière de la crise de la Covid. Car il ne faut pas confondre les mots et les notions qu'ils cherchent à désigner, même si, bien sûr, elles ne sont pas sans rapport les unes avec les autres.

L'exclusion n'est pas la pauvreté[1] : certes la pauvreté souvent exclut et d'être exclu peut aussi être cause de pauvreté ; mais on peut aussi être pauvre sans être exclu, et être exclu sans être pauvre. L'exclusion est rupture du lien social et pas seulement économique ; elle est mise à l'écart, souvent inconsciente, mais d'autant plus violente, par la société des humains.

Il ne faut pas confondre non plus religion et spiritualité. Certes les religions sont, pour beaucoup, le support de leur spiritualité ; mais on peut aussi vivre sa spiritualité sans religion, sans évoquer tous les religieux dont les actes, ou parfois même l'inaction, font douter de la profondeur de leur spiritualité. De tous temps, les religions ont entretenu un rapport ambivalent avec la pauvreté : voyant dans la prise en charge des pauvres une obligation morale de charité, ou même de pitié (du moins pour ceux qui ne relèvent pas de la potence[2]) ; mais voyant aussi dans la pauvreté un chemin de spiritualité, voire une forme de spiritualité, conduisant certains à en faire vœu. Sur l’exclusion, la spiritualité invite plutôt à la fraternité sur le premier versant, et à la frugalité, sur le second.

Prenant le relais de la charité enfin, les politiques publiques de lutte contre la pauvreté se sont appuyées sur les deux sources du solidarisme, promues par les républicains : d'un côté l'assurance sociale, et sa généralisation avec la Sécurité sociale ; de l'autre l'assistance, et son prolongement dans l'insertion et l'accompagnement des personnes (qui ont conduit à la création du RMI puis du RSA). Avec aujourd'hui les débats académiques et politiques[3] sur l'efficacité de ce que d'aucuns considèrent comme un "pognon de dingue" affecté à ces politiques. La question de l'exclusion nous oblige, là aussi, à dépasser cette dialectique entre l'économique et le social, pour les repenser, comme l'ont proposé tant le Collectif Alerte que le Pacte du pouvoir de vivre ; non pour leur apporter "un supplément d'âme", mais pour les féconder aussi par un engagement personnel et citoyen ; pour que la participation démocratique et l'écoute fraternelle permettent de retisser le lien qui a été rompu.

 

Daniel Lenoir, Président de D&S

 

[1] Serge Paugam (dir), L’exclusion, l’état des savoirs, La découverte, 1996

[2] Bronislaw Geremek, La potence ou la pitié – L’Europe et les pauvres du Moyen-Age à nos jours », Gallimard, 1987

[3] Esther Duflo, Expérience, science et lutte contre la pauvreté, Collège de France, Fayard, 201

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DOSSIER DU MOIS :

La crise du COVID aggrave et renouvelle l’exclusion

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Résumé de la Conviviale du 16 Juin 2020 sur la question du chômage, de la pauvreté et de l’exclusion à la suite de la crise du Covid-19, avec la participation de Paul Israël et Christophe Devys.

 

Depuis 1973 et le 1er choc pétrolier, puis sous l’effet de la mondialisation, la démocratie a perdu son pouvoir d’agir collectivement sur l’emploi, et au niveau individuel, le chômage provoque peu de solidarité. Les chômeurs sont isolés, sans moyens d’action ; en ce sens, l’exclusion se distingue de l’exploitation.  De plus, le chômage provoque une crise du sens, plus ou moins bien vécue selon les ressources spirituelles de chacun. Le choc causé par la crise économique, suite à celle du Covid, nous oblige donc à approfondir la relation entre démocratie et spiritualité.

Pendant la 1ère heure de la conviviale, les participants évoquent le décrochage scolaire, et le renforcement de la solitude et de la précarité chez les exclus pendant la crise, malgré le soutien massif des associations. La situation sociale n’est pas nouvelle : en 1994 déjà, un article de Denis Olivennes dans la revue Esprit évoquait « la préférence française pour le chômage ». Un an plus tard, dans leur ouvrage « Une société en quête de sens », (éd. Odile Jacob), Jean-Baptiste de Foucauld et Denis Piveteau affirmaient que la crise de l'emploi ne peut être dissociée de la crise du lien social et de celle du sens. L’exclusion et l’exploitation ne sont-elles pas, au fond, liées ? Il faut trouver des moyens d’agir. L’instauration d’un revenu universel, proposée par l’un des participants, est un outil démocratique qui laisse du temps pour s’investir dans le champ social, la vie associative.

Quels dispositifs mettre en place aujourd’hui pour faire face à l’arrivée massive des chômeurs sur le marché du travail, celle des jeunes en général, et des « quartiers » en particulier ? Quelles politiques ?

Une double réponse, technique et humaine, est nécessaire. L’action ne peut être dissociée de nos motivations, de nos ressorts spirituels car il faut insuffler l’espérance et permettre aux personnes exclues de conserver leur dignité. Le lien entre exclusion et ressource spirituelle est à rechercher du côté du don de soi, qui est une voie vers la réinsertion.

La 2e heure est consacrée aux interventions de Paul Israel, président du Comité Chrétien de solidarité avec les chômeurs, et de Christophe Devys, président du Collectif Alerte, qui regroupe la plupart des grandes associations de solidarité et de lutte contre la pauvreté et l’exclusion.

Selon Paul Israel, le Covid nous a fait prendre conscience en profondeur de la fragmentation de notre société. Les personnes qui ont été en « première ligne » pendant le confinement étaient des personnes sans pouvoir, et souvent d’origine étrangère. Nous avons fait société avec elles.

Pour agir face à l’exclusion et à la pauvreté, il propose de continuer à rejoindre les collectifs qui luttent contre les inégalités là où nous vivons, dans nos quartiers, nos entreprises. Il faut selon lui réhabiliter la spiritualité, souvent connotée négativement, choisir d’écouter les autres, de faire confiance, et créer un « évènement » autour du mot accompagnement.

Le but du Collectif Alerte est d’être, face aux pouvoirs publics, le porte-parole de toutes les associations. Depuis trois ans, les mesures prises par le gouvernement ont aggravé le sort des 10-15% les plus pauvres. La crise du Covid a entrainé l’augmentation de la pauvreté, des inégalités, l’isolement des personnes âgées, handicapées, a fait basculer des travailleurs modestes dans la pauvreté. Pour le Collectif Alerte, 2 sujets sont essentiels dans ses discussions avec le gouvernement : l’augmentation du montant du RSA socle, car il ne permet pas actuellement aux allocataires de vivre dignement, et la création d’un RSA jeunes (plus de 20% d’entre eux sont pauvres, contre 15% dans la population générale), assorti d’un accompagnement vers la formation ou l’emploi.    

Eliane Fremann                                                                                                                                      

Pour lire l’intégralité du compte-rendu, rdv sur le site :http://www.democratieetspiritualite.org

 Quelques témoignages des accompagnés de La Traversée, écrits pendant le confinement, nous ont été transmis par Christiane Bouclet (fondatrice de l’association, en 1996, avec Jean-Marie Bouclet.) :

-          « Le bonheur, c’est les autres », belle découverte du confinement, autour de moi, la solidarité a marché à fond ; ça me parle du lien, de la confiance en moi et en l’autre.

-          « Que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changé et le courage de changer ce qui peut l’être mais aussi la sagesse de distinguer l’un et l’autre ».

-          Par exemple, on ne peut rien contre le virus mais on peut agir sur notre façon d’être, notre posture face à lui. Cependant, la présence physique des autres me manque.

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Nouvelles exigences démocratiques

Chômage, démocratie et spiritualité


Le chômage n’est pas seulement une épreuve sociale, c’est aussi une épreuve spirituelle.

Ce l’est d’abord pour les personnes qui le subissent, surtout s’il dure. Le travail quotidien, les horaires, le sentiment d’être utile et reconnu, n’est plus là ; à la place, une recherche d’emploi bien plus difficile, angoissante, parfois humiliante, des relations plus rugueuses avec les autres, un temps trop vide ou trop plein, anomique souvent. L’estime de soi, le sens de la vie, en prennent un coup. Une sorte de pathologie se met en place qui peut conduire à la dépression, à la fuite, à l’autodestruction[1], qui prolifère sur les blessures identitaires existantes. Le besoin de ressources de sens face à un mal à la fois radical et insidieux se fait pressant. Si des ressources d’intériorité suffisantes ont été constituées antérieurement, l’épreuve sera plus facilement surmontée. Si elles se constituent à cette occasion, l’épreuve aura été féconde. S’il n’en est rien, elle sera redoutable.

C’est une épreuve spirituelle aussi, d’un autre genre, pour la famille, l’entourage, les amis, les anciens collègues : ils ont tendance à s’éloigner là où il faudrait au contraire resserrer les liens ; c’est le caractère diabolique de l’exclusion, qui dissout là où il faudrait au contraire relier. C’est que voyant bien l’injustice de la situation, ils se sentent à la fois coupables et impuissants, bien à tort d’ailleurs car ils ne sont ni l’un ni l’autre ; les chercheurs d’emploi, quant à eux, vivent plus mal les rapports avec les autres et ressentent aussi à leur manière culpabilité et impuissance. Un mur invisible d’indifférence et d’évitement mutuel se crée peu à peu, qui aggrave le mal. Rien de fatal pourtant dans cette situation : il suffit de se rencontrer et de parler, puis de s’organiser pour entraider. C’est ce que nous avons découvert dans Solidarités nouvelles face au chômage[2]: d’abord,  les chômeurs ont un grand besoin d’écoute simple, humaine et désintéressée, car ils n’ont pas assez d’occasions de parler de leurs efforts inaboutis,  de leurs hésitations,  des souffrances qui  les rongent ; ensuite, on peut les aider,  en les écoutant, en identifiant avec eux des opportunités, en réfléchissant avec eux à leur parcours, en finançant pour eux des emplois d’utilité sociale, bref en les accompagnant, ce qui comporte nécessairement une certaine dimension humaine et spirituelle.

Épreuve spirituelle aussi pour la collectivité, minée par le chômage (l’emploi ne règle pas tout, mais le chômage dérègle tout), qui s’organise plus ou moins bien pour faire de l’emploi pour tous une  priorité vraiment partagée et s’organise à cet effet selon des stratégies cohérentes menées dans la durée, plusieurs étant possibles[3] : selon que l’on privilégie la quantité d’emplois créés sur leur qualité (modèle libéral) ou que, plus exigeant, on veuille les deux à la fois (modèle d’Europe du nord). Notre pays rêve du second modèle, mais il n’en a pas les moyens car il n’y a chez nous ni compromis État-marché, ni compromis capital-travail, mais un mauvais mélange d’individualisme, de corporatisme et d’étatisme et la mise en œuvre de politiques purement instrumentales ne compense pas une insuffisance grave de mobilisation collective[4].

Défi à la théorie politique enfin, qui oublie souvent d’intégrer le facteur éthique comme condition de l’efficacité. On voit bien que l’État social, tel qu’il a été construit, ne fonctionne pas bien dans la lutte contre les exclusions : les chômeurs quittent les syndicats et ne sont plus représentés en tant que tels et l’État providence traite des effets du chômage par des indemnisations, mais pas les causes. C’est que le système social s’est construit principalement pendant les 30 Glorieuses pour réduire l’exploitation dans le travail et non l’exclusion hors du travail, qui sont deux phénomènes distincts : la première se combat par le rééquilibrage des rapports de force et par la norme, ce qui ne marche pas pour la seconde. La lutte contre l’exclusion implique à la fois de l’initiative, de la coopération, du dialogue, des objectifs communs, bref une autre culture politique et sociale qui relève davantage de la non-violence constructive que de la grève de combat. Il faut donc faire émerger une nouvelle culture et lui donner droit de cité. Mais en même temps, il ne faut pas sacrifier la lutte contre l’exploitation à la lutte contre l’exclusion, jouer l’emploi à tout prix, mais concilier les deux, car exclusion et exploitation sont liées, l’une entraîne l’autre et réciproquement. Bref, il faut réconcilier Marx et Gandhi[5] et retrouver les bases spirituelles de l’action sociale ainsi que la dimension spirituelle de la démocratie.

Jean-Baptiste de Foucauld, Président d’honneur de Démocratie & Spiritualité

 

 

Mobilisation des ressources spirituelles en période de chômage

 Je ne sais pas trop comment aborder cet appel, peut-être en me référant à ces paroles de Sainte Thérèse de Lisieux « pour moi la vie spirituelle c’est la voie de l’amour au quotidien ». Cela m’inspire un chemin qui libère des idoles, chasse les peurs, donne de la vie, bref ouvre toujours un avenir quels que soient les obstacles ou les souffrances.

« Ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi », dit Saint Paul. Cette conviction d’être habité par un autre que soi nous place dans une dynamique qui laisse au Christ toute sa place.

Ainsi, en me gardant bien de me donner trop d’importance, je dirai que cela me conduit à rencontrer le frère ou la sœur qui est en chômage avec confiance et animé du désir de l’aider à découvrir ou redécouvrir ses potentialités, à gérer ses souffrances, en vue d’un horizon nouveau.

Ce que j’ai observé, c’est que les personnes rencontrées considèrent l’action conduite dans le cadre de SNC, avant tout parce qu’elles sont écoutées avec l’intelligence du cœur en toute simplicité. Pour moi, chaque rencontre en binôme avec la personne qui nous sollicite constitue une étape dans un cheminement qui tend à la faire grandir parce qu’aimée telle qu’elle est. L’essentiel est de lui apporter le soutien lui permettant de progresser dans le respect de sa liberté, afin qu’elle trouve ou retrouve le désir et la force de se réaliser à nouveau.

Cette mise en mouvement de la personne accompagnée, que le binôme s’emploie à susciter et soutenir, n’a pas vocation à l’inviter à une course d’obstacles à franchir à la force du poignet, mais à une vie humaine pleinement vécue.  Cette mise en mouvement est avant tout le fruit du consentement à la vie de Dieu en nous qui ne demande que notre amour, notre adhésion, pour accomplir ce qu’Il veut.

Faut-il cependant pour que cela advienne savoir renoncer à soi-même pour s’ouvrir à quelque chose qui nous dépasse. Et ce n’est pas gagné ! Seule une vie spirituelle qui se nourrit dans une communauté, en Église, peut nous y préparer.

Jean-Paul Domergue, Accompagnateur SNC

 

 

Ressources spirituelles au travail

Difficile question beaucoup moins évidente que la mobilisation des ressources spirituelles au travail. 

La question interpelle et au plus près de ma sensibilité personnelle j'ai posé les mots qui me venaient, une expression brute sans souci de forme !

• Porter sa pierre à l'accomplissement du monde. Tenter de participer à la Création. Être une unité dans le Tout dans l'universel dans le Divin : exister, donner puisque la vie est là et nous a été donnée. 

• S’inscrire par son travail dans la communauté des vivants, idée imparfaite jamais finie de la communauté des saints. 

Comment transposer cette mobilisation en période de chômage ?

• Vivre avant tout. C'est déjà incarner la création divine. S'appliquer à se sentir respirant, vivant, étant. Puis transcender le moment vécu pour se projeter dans l'agissant et participer déjà à la création commune du travail en candidatant car le temps divin est éternel le futur est présent. 

• Rester membre en fraternité de la communauté des vivants. Rencontrer d'autres visages, images divines. S y abreuver, sources de persévérance.

• S'imprégner de l'évidence que l'emploi n'est pas la vie que toute action est travail que chaque pas est dignité. Que toute action et toute réponse à l'autre donnent dignité. Sortir pour être interpellé par tous les visages pour exister par ces regards et être soi pour agir. 

• Se révolter, douter, se sentir abandonné dans sa souffrance, en reconnaissance de l'humanité du Christ au pied de la croix, partager la souffrance humaine avec lui pour participer au salut du monde puis...

• Rentrer dans l'acceptation, écouter la providence et se relever, agir, vivre.

 Comment accompagner un chercheur d'emploi dans la spiritualité ?

Être en sympathie, en présence dans les sentiments entendus dans le souffle de l'Esprit dans le moment présent (d'autres mots qu'ici à d'autres moments).

• Comment le dire ? 

Traduire ces mots en simplicité en écho de la langue de l'accompagné 

 Mon expression est maladroite, confuse, elle m'a été personnellement utile, merci de m'avoir interpellé. Le sujet exigeait une réponse au plus près de soi.

Nicolas, Accompagnateur SNC

 

 

[1] Ces dimensions ont été analysées dans le livre de Patrick Boulte, Individus en friche, Desclée de Brouwer, 1995. Voir aussi son article dans la présente Lettre.

[2] www.snc.asso.fr

[3] Voir JB de Foucauld, L’État stratège face aux problèmes de l’emploi et du chômage, dans la publication du Ciriec dirigée par Philippe Bance, Quel modèle d’État stratège en France ? (Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2016).

[4] A contrario, voir l’expérimentation territoriale des 10 territoires Zéro chômeurs de longue durée, menée depuis 2016.

[5] Voir JB de Foucauld, L’Abondance frugale, pour une nouvelle solidarité, chapitre 7, zéro exclusion (Odile Jacob, 2010).

 

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Résonances spirituelles

 

La mobilisation des ressources spirituelles dans l’accompagnement de l’épreuve du chômage et de l’exclusion -

L’épreuve du chômage est vécue de façon très diverse selon les personnes. Par l’accompagnement des chercheurs d’emploi, il est possible de s’approcher de ce qu’ils vivent et de mesurer les ressources qu’ils ont à mettre en œuvre dans leur situation, ne serait-ce que par la façon dont elle retentit sur celui ou celle qui les accompagne.

 

Accompagner un chercheur d’emploi est une démarche à laquelle rien ne vous a formé. Entrer en relation avec une personne avec laquelle on n’a, a priori, rien de commun, sinon d’appartenir à la commune humanité, sur un aspect bien spécifique de sa vie, son insertion professionnelle, avec, au départ, l’idée de se limiter à mettre en œuvre des outils techniques de l’accès à l’emploi. Pour s’apercevoir, très vite, qu’il va falloir, aussi, s’ouvrir à d’autres dimensions de sa réalité en suivant la personne accompagnée là où nous conduira la démarche éprouvante qu’elle a à entreprendre. Éprouvante au sens de mise à l’épreuve, à divers degrés selon les situations et selon ses capacités à faire un effort de vérité, un effort de justesse et un effort d’authenticité. De vérité sur elle-même, sur les situations qu’elle a vécues, sur son système identitaire et la place qu’y prend son rôle professionnel, donc sur son degré de dépendance vis-à-vis de celui-ci, mais aussi la place de ce rôle dans la façon dont elle est identifiée par son entourage proche et par son réseau relationnel. De justesse dans son rapport à la société qu’il s’agit de vouloir servir, alors que l’on s’en est trouvé écarté, souvent à son corps défendant, et vis-à-vis de laquelle on a depuis, légitimement, une position critique. Il s’agit de se réconcilier avec elle ; il s’agit de s’en faire désirer, de comprendre ses besoins afin d’être en mesure de faire valoir sa volonté et sa capacité d’y répondre. D’authenticité vis-à-vis de soi, enfin, ce à quoi l’on n’est pas accoutumé. Il s’agit d’être en adéquation avec sa propre réalité, de l’admettre sans la déformer, en quelque sorte de s’aimer tel que l’on est, de reconnaître sa propre histoire, de l’approuver, de ne l’imputer, ni à autrui, ni à soi-même, d’être pacifié. Même si la démarche d’authenticité n’est vraie que si elle n’a d’autre but qu’elle-même, elle fera que l’on sera perçu, ou non, comme pacifiant. L’état de chercheur d’emploi est l’état de toutes les exigences.

 

La situation de manque ou d’inadéquation de l’emploi confronte la personne à des degrés divers à cette triple épreuve. Accompagner un chercheur d’emploi, c’est se tenir prêt à la partager avec les munitions qu’il a pour la surmonter. La situation demande, à tous moments, la mobilisation de toutes ses forces. Plus d’occasion de s’en remettre à l’habitude dans l’organisation du temps ou les rapports avec autrui ; la conscience est sollicitée plus qu’à l’ordinaire, sans possibilité de se reposer sur le déjà connu ou sur la prévisibilité du lendemain. Il faut aller chercher dans les profondeurs de soi, à un niveau moins soumis aux contingences de la situation, le sens de sa propre continuité. Dans la mesure où le rôle de l’accompagnement consiste à encourager cette mobilisation de soi dans le triple effort évoqué ci-dessus, cela ne pourra se faire que si l’accompagnateur ou l’accompagnatrice a conscience de l’effort demandé et est prêt à suivre la personne sur un tel chemin, en le parcourant pour lui ou elle-même, avec la différence irréductible que, pour lui ou elle, l’enjeu n’est en rien comparable. Comme il est mobilisateur de forces, celles-ci se révèleront peu à peu au cours de l’accompagnement, en fonction de la capacité de mobilisation et des moyens que la personne accompagnée trouvera en elle-même.

 

A posteriori, on s’aperçoit que, dans de nombreux cas, des équilibres se retrouvent, mais, parfois, sur des bases différentes de celles du départ. A chaque fois, c’est une histoire singulière qui se déroule. L’un, occultant la difficulté, va croire à un redémarrage à l’identique avant de retomber et de devoir reprendre le parcours dès le début. Tel autre, ayant accédé, avec bonheur, à une autre définition de lui-même, va abandonner l’accompagnement, ne se retrouvant plus dans la situation qui lui avait fait l’entreprendre, car, entretemps, de chrysalide, il est devenu papillon. Tel autre, encore, s’étant fait reconnaître un handicap durable, va se construire une nouvelle existence professionnelle dans laquelle c’est son conjoint qui aura de la difficulté à le suivre et pourra en venir à rompre le couple, à moins que ce ne soit l’inverse, quand le conjoint aide la personne à se reconvertir, parfois au prix d’un changement du réseau relationnel, devenu, depuis, contre-productif. Tel autre calera devant l’effort à faire sur lui-même et se laissera aller à la dérive.

 

Dans ce parcours de confrontation de soi avec la difficulté, retrouver de la solidité demande qu’un autre vous permette de vous appuyer, un moment, sur sa propre fragilité.

Patrick Boulte

 

 

Face à « l’effrayante consommation de conduites éthiques non renouvelables » (Jacques Julliard).

Chronique de Bernard Ginisty du 3 juillet 2020

Dans la lettre à une de ses amies, le poète Rainer Maria Rilke écrivait ceci : « ma production littéraire provient de l’admiration la plus immédiate de la vie, d’un étonnement quotidien, inépuisable devant elle » (1). Socrate disait déjà que la philosophie naissait de « l’étonnement », c’est-à-dire qu’elle est le contraire d’une attitude blasée. L’esprit vit du refus de l’enfermement dans de prétendus savoirs qui nous dispenseraient d’accueillir le monde et les autres dans leur fraîcheur. Il est vrai que l’air du temps n’incite pas à cette aventure de la rencontre qui, avant de juger, accepte la générosité de l’accueil. Trop d’experts voudraient nous convaincre que tout se répète pour nous dispenser de prendre le risque de regarder le monde avec des yeux neufs.

La monétarisation généralisée de nos sociétés conduit à gérer nos vies comme une marchandise. Principe de précaution, assurances en tout genre, judiciarisation croissante de la vie collective : tout nous pousse à ne rien risquer, mais à tout compter. La gratuité infinie de la vie et le risque de la générosité deviennent hétérodoxes dans ces comptabilités rationnelles que seraient devenues nos vies. Parfois même, une certaine éducation religieuse a encouragé des comptabilités de mérites ou de sacrifices jusqu’à faire de la vie spirituelle une variété de maquignonnage.

Dans son ouvrage intitulé L’Argent, Dieu et le Diable, Jacques Julliard analysait comment l’argent a dissous les trois éthiques constitutives de notre histoire européenne : l’éthique aristocratique de l’honneur, l’éthique chrétienne de la charité, l’éthique ouvrière de la solidarité. Ces trois éthiques posaient le primat de valeurs collectives sur les intérêts purement individuels. Or, constate-t-il, « L’argent a littéralement dynamité ces trois éthiques et la bourgeoisie a été l’agent historique de cette dénaturation des valeurs. Certes, pour que la société tienne ensemble, le monde bourgeois est bien obligé d’aller puiser dans le stock des valeurs accumulées avant lui sous les anciens codes éthiques. Mais, comme le monde industriel actuel épuise sans les renouveler les ressources naturelles accumulées dans le sous-sol pendant des millions d’années, le monde bourgeois fait une effrayante consommation de conduites éthiques non renouvelables » (2). Les récentes crises financières ont mis en lumière à quel point le système financier mondial était étranger aussi bien à l’honneur qu’à la solidarité et à la charité.

Aussi, de plus en plus de personnes prennent conscience de la nécessité de se changer elles-mêmes pour contribuer à changer le modèle économique et social dominant. Si l’impulsion est d’abord individuelle, ces personnes cherchent ensuite à élaborer collectivement des outils de préservation et de régénération des biens communs. Plutôt que de rester dans l’attente d’un changement « venu d’en haut », elles choisissent d’agir concrètement à leur niveau, individuellement et collectivement.

Le photographe et reporter Yann Arthus-Bertrand, s’affirmant non-croyant, a qualifié l’encyclique du Pape François Laudato si de « texte révolutionnaire ». Au journaliste qui l’interrogeait pour savoir à quelle révolution il pensait, il répondit ceci :

« C’est une révolution qui ne sera pas politique car on a les hommes politiques que l’on mérite, et que ceux-ci manquent justement de courage. La révolution ne sera pas non plus scientifique, parce qu’on ne peut pas remplacer les cent millions de barils de pétrole quotidiens par des éoliennes ou des panneaux solaires, même s’il en faut et qu’il faut continuer à se battre pour ce faire. Elle ne sera pas davantage économique, car l’économie n’a qu’une envie c’est de consommer plus ! Il faut apprendre à être plus avec moins. La révolution sera spirituelle. C’est en nous que nous devons la trouver, nous devons nous demander ce que l’on peut faire pour les autres et comment peut-on rendre le monde meilleur » (3).

 

(1) Rainer Maria RILKE (1875-1926) : Correspondance, éditions du Seuil, 1976, page 469.

(2) Jacques JULLIARD : L’Argent, Dieu et le Diable, éditions Flammarion, 2008, p.30.

(3) Yann ARTHUS-BERTRAND : Entretien publié sur le site <collègedesbernardins.fr>. En 2018, les éditions Première Partie ont publié le texte de l'encyclique du pape François, Laudato Si', illustré par des photos de Yann Arthus-Bertrand. Le 12 octobre 2019, ces photos ont été projetées au Collège des Bernardins à Paris pour accompagner la lecture d'extraits de l’encyclique.

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Libres Propos

 

Démocratie et spiritualité doit dépasser un dualisme pertinent, mais limitant

 

En ces temps de refondation de Démocratie et spiritualité alors que la France, l’Europe et le monde doivent affronter des défis inédits, il est temps de se poser la question de la pertinence du duo Démocratie et Spiritualité ou du couple infernal Politique et Religion pour les affronter.

Après vingt ans passés à explorer la richesse des interactions et des apports réciproques entre Démocratie et Spiritualité, j’aimerais qu’on renouvelle nos réflexions, travaux et interrelations en passant à une approche ternaire qui offre plus d’ouverture et de liberté pour cheminer en affrontant les multiples problèmes de notre époque.

Pour illustrer ma proposition d’enrichir notre démarche en introduisant la culture comme troisième pôle, prenons trois exemples concrets de dossiers à l’ordre du jour à D&S[1].

Le premier est celui de notre relation à la mort après une épidémie où, pour sauver des « vieux », on a volé à certains d’entre eux leur fin de vie avec leurs proches et où on les a privés de derniers instants s’enrichissant des convictions qui avaient donné sens à leur vie. Il y a bien entendu dans ce dossier une confrontation entre une vision démocratique d’une discipline civique permettant de lutter contre la pandémie et une vision spirituelle privilégiant une prise de risque pour préserver l’essentiel de ce qui donne sens à la vie. Mais une approche culturelle permet de nous référer aussi à l’évolution de la place de la vie et de la mort dans nos sociétés.

Le second est celui de la laïcité : cet élément structurant de notre vivre ensemble républicain est affecté par de multiples confits entretenant une guerre civile à basse intensité. Face à ce danger pour notre société qui se fracture de plus en plus, il ne suffira pas de s’appuyer sur une approche démocratique et sur une vision spirituelle pour traiter de problèmes qui mobilisent aussi des racines culturelles, des liens sociaux, des histoires politiques, des communautés de vie…

Le troisième est celui de l’écologie, dossier crucial pour l’avenir de la vie sur terre. Si on suit l’approche du pape François dans Laudato si ‘, il faut promouvoir une vision d’une écologie intégrale : elle est certes spirituelle et politique, mais aussi économique, sociale et culturelle, s’incarnant dans la vie quotidienne, s’appuyant sur le principe du bien commun et prônant la justice entre générations.

Un autre avantage d’introduire un pôle culturel dans nos démarches, c’est que cela permet de mieux traiter l’impératif éducatif : initiation à l’approche éthique en ce qui concerne le respect de la vie ; enseignement du fait religieux en lien avec la laïcité ; ouverture à la nature et aux écosystèmes.

Allier culture, spiritualité et démocratie permet de travailler à l’avenir de nos civilisations qui doivent promouvoir une Humanité plus fraternelle prenant soin de la vie sur Terre.

Jean-Claude Devèze

 

Accueillir la différence

 

Je peux dire que j’ai toujours eu de la chance dans la vie.

Quand autour de 50 ans, la question de mon « utilité » se posait, une rencontre. Je travaillais à l’époque comme bibliothécaire bénévole dans un réseau et dans ce cadre-là, je reçois la proposition de travailler à la Maison d’Arrêt de la Santé à Paris. Un monde s’ouvre à moi, un monde fait de pauvreté, matérielle, affective et spirituelle auquel rien ne m’avait préparé. Et contre toute attente, j’y trouve de la joie et une grande liberté intérieure.

 

Car la prison est un lieu de vie, extrêmement dense certes, avec une vie sociale aux règles bien établies. Dans cet univers dominé par la promiscuité, le bruit et la violence, le dénuement tant matériel que spirituel est tel que l’homme peut perdre tous ses repères. Et pourtant c’est là que la nature humaine révèle sa formidable capacité de s’adapter, de créer un minimum de relations, d’accepter l’autre tel qu’il est. Ce lieu différent entre tous est révélateur de gestes humains extraordinaires de présence pour empêcher un autre de sombrer, l’aider à surmonter une déception ou apaiser un conflit. Gestes d’autant plus gratuits qu’ils sont discrets et qu’il faut être attentif pour s’en apercevoir tant ils sont faits avec naturel.

 

J’y ai passé 11 ans dont 7 comme responsable. Si cette responsabilité était intéressante, elle me coupait aussi à mon grand regret du contact avec les détenus, c’est alors que je rencontre un jeune médecin qui me parle de son bénévolat auprès de l’Association « Aux Captifs la Libération ». Aller mains nues dans la rue rencontrer les plus pauvres me parlait. En prison, il y a le livre entre le lecteur et moi qui me protège et m’isole en quelque sorte, dans la rue, c’est différent et je me suis engagée dans cette nouvelle voie.

 

Plusieurs activités dans ce cadre : maraudes le soir dans le Bois de Boulogne à Paris avec un camping-car. Nous accueillons des prostitués (homosexuels, transsexuels, presque toujours des migrants), proposons un café et des gâteaux et un moment de conversation paisible. S’ils ne souhaitent pas parler, on se cantonne dans des généralités mais quand la confiance s’installe, un vrai contact est possible. Nous leur proposons toujours de venir dans nos locaux à Paris pour une aide plus précise (domiciliation, papiers…). Là aussi, avec une équipe, repas en commun, jeux de cartes, discussion. Une fois par mois, départ pour une visite : Paris en bateau-bus, le musée du Quai Branly, l’Institut du Monde Arabe, journée à Versailles ou à Deauville, nos projets sont illimités. Nous allons aussi chez une amie sculptrice pour travailler la terre, créer avec les mains, se sentir capable et surtout, comme l’a souligné un de nos accueillis, oublier tout pour un instant.

 

Dans ces échanges, marqués par la pauvreté, je trouve ma liberté. Pauvreté, car en réalité notre aide est limitée. La personnalité de nos accueillis fait que les résultats positifs ne sont pas toujours au rendez-vous. Il faut savoir accueillir sereinement les critiques en cas d’échec et comprendre qu’elles expriment une angoisse profonde. Supporter la violence qui peut partir en vrille à tout moment et se souvenir de quelle peur elle naît. Trouver la juste distance pour ne pas se laisser envahir par toute cette souffrance sinon, on n’est plus utile. Être joyeux et totalement disponible pendant les permanences, une demi-présence n’est ni acceptable ni acceptée. Comme le disait une jeune femme, travailleur social : on peut voir en ces personnes une forme d’innocence ; pour moi, elle remonte à l’enfance que ces personnes n’ont pas vraiment quittée, ce qui les rend inadaptées à leur vie adulte actuelle.

 

Facile ? Non. Ce travail est exigeant et loin d’être anodin puisqu’il s’agit de personnes. Il y aussi les odeurs, les plaisanteries douteuses, la répétition. Dans cet univers décapant qui met l’homme à nu, la parole et l’écoute sont essentielles de part et d’autre pour que la différence s’atténue et devienne acceptable. Il n’y plus que l’être humain qui compte. Alors, ce que nous tentons de faire, c’est de rencontrer l’autre et tous les autres avec un apriori favorable et essayer de sauver leur proposition, les accueillir là où ils en sont. C’est ensemble, l’équipe et les accueillis, malgré nos différences, que nous faisons ce travail, en espérant que chacun y trouve sa juste place. Car si dans le quotidien la différence naît le plus souvent de l’incompréhension, de la comparaison ou de la peur, nous savons aussi que personne n’est interchangeable. Alors, aucun jugement de valeur n’entre dans le constat de différence et c’est sans crainte que nous pouvons accueillir la parole de l’autre et dire notre vérité.

 

Certains de nos protégés font un chemin intérieur - lent mais réel - malgré leur environnement difficile. Du pardon à soi au pardon aux autres, c’est un parcours de combattant. Essayer de se reconstruire, de croire à une dignité retrouvée, est d’une difficulté sans nom. Seuls les plus forts y arrivent ou ceux qui ont une famille ou une femme forte. Que dire ou faire pour ceux qui reviennent régulièrement ? Les accompagner pour un bout de chemin, leur faire savoir qu’ils sont aimables dans tous les sens du terme, leur donner une présence par une écoute attentive.

 

Alors, est-ce généreux ? A voir le plaisir que j’ai pris dans ces activités, j’ai un doute. Et utile ? Impossible à dire ; ce que nous faisons est un accompagnement à long terme qui portera peut-être des fruits dans quelques années et encore… C’est une petite goutte d’eau dans un océan de misère. Mais cela m’a fait vivre joyeusement. La joie, signe d’espérance et de gratitude pour la vie reçue.

Monika Sander

 

 

[1] On pourrait prendre aussi d’autres dossiers cruciaux, non abordés actuellement à D&S, comme celui de la démographie qui nous renvoie à la culture familiale et à la responsabilité de donner la vie ou celui de l’emploi qui résonne avec la culture d’entreprise et d’organisation.

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Propositions de lecture

 

« L’économie de la vie » de Jacques Attali ; Fayard 2020

Séduisante mais en pointillé

 J’ai la chance de connaître et d’échanger avec Jacques Attali depuis les années 70, celles de la montée au pouvoir de François Mitterrand. Je suis comme beaucoup d’autres séduit par son intelligence, sa vaste culture, sa réflexion stimulante, son ouverture, la clarté de sa parole, mais maintes fois agacé par son désir de tout brasser, par son omniprésence dans les allées des pouvoirs.

La séduction a joué pleinement à l’écoute de ses propos vifs et réfléchis à l’émission de « C à vous ». Je me suis donc précipité chez le libraire, j’ai acheté et lu d’un trait son dernier livre ; « l’économie de la vie ».

Séduit mais sur ma faim

Je ne m’étends pas sur le survol historique et planétaire des grandes pandémies ni sur l’analyse de la crise du coronavirus, assez conforme à celle de la plupart des scientifiques concernant le confinement et le modèle de la Corée.

Ce qui retient mon attention, c’est sa façon (chapitre 5) de « tirer le meilleur du pire ».

Le meilleur, c’est « l’économie de la vie » (chapitre 6), ce sont les activités qui, dans la santé, l’alimentation, l’habitat, par la formation et la culture, protègent nos conditions d’existence, en assurant le respect de la nature, de nos libertés, de notre dignité, de nos droits.

Dans ce bon sens, les pages 165 et 166 esquissent avec intérêt ce qu’on peut attendre d’une économie qui s’attache au mieux vivre. Mais pourquoi celle-ci est-elle en échec ? Pourquoi nous défendons-nous si mal contre les pandémies, les risques climatiques, nucléaires ? Pourquoi ce recul des biens communs, ces restrictions sur les services publics, ce délabrement des quartiers ? En quoi les forces de vie sont-elles défaillantes ?

Jacques Attali n’aime pas mettre les points sur les I qui font mal ; il ne s’attarde pas sur les effets malsains d’une économie engagée dans une poursuite effrénée de profits financiers démesurés ; il paraît ignorer que les entreprises et plus généralement les Etats dans leur PNB ne comptabilisent leurs résultats qu’en termes monétaires sans prendre en compte les aménités, les bienfaits de la vie.

Et ne dénonçant pas cette conception dévoyée de la richesse, Jacques Attali ne semble pas reconnaître l’existence de l’économie sociale et solidaire (ESS) que d’ailleurs il ne nomme pas, de ces entreprises dont la finalité est l’utilité sociale par la satisfaction tant de leurs salariés que de leurs clients consommateurs. Il met certes en avant l’essor des associations en prônant leur rôle social, culturel, sanitaire, mais sans reconnaître leur évolution vers des modes entrepreneuriaux radicalement nouveaux de production, de consommation, d’organisation, de gouvernance qui sont précisément le propre de l’ESS.

 

Le livre ne tranche pas non plus sur les modes d’organisation politique : il insiste certes très justement sur le rôle du politique face aux puissances financières, mais sans dénoncer les politiques conservatrices engagées depuis 4 décennies.

Imprécis dans sa conception de la richesse, ignorant le rôle de l’ESS, peu porté sur une condamnation des politiques en cours, J. Attali reste flou sur les principaux aspects d’une économie alternative :  la participation des citoyens,  les relations de proximité face à la mondialisation,  la décentralisation, mais ce livre est précieux par la richesse des données, et par son option  pour une économie de la vie ;  même encore  en pointillé, elle est utile aux combats pour une économie juste

Claude Alphandéry, 21 juin 2020

 

 

Dominique Collin : Le christianisme n’existe pas encore. Ed. Salvator, Forum ; 2018

 Sous ce titre un brin provocateur, l’auteur, philosophe et théologien dominicain, pose la question de l’à-venir du christianisme.

 Pour beaucoup, le christianisme est devenu un christianisme d’appartenance qui vend de l’identité au lieu d’être une voie pour l’accomplir, exploiter ses ressources immenses pour mieux vivre, aimer et espérer. Un homme, dont on ne sait pas grand-chose, a parlé d’une vie renouvelée il y a plus de 2000 ans, il dit à l’être humain d’aujourd’hui à quelle vie vivante il est promis. Encore faut-il se mettre à l’écoute pour que cela advienne, c’est un acte d’espérance qui dépend de nous.

Page 22 l’auteur dit que l’Évangile est cette parole non religieuse qui appelle et qui promet, qui donne la grâce d’exister à celui qui la reçoit, et qu’il n’est nul besoin de passer d’abord par la médiation d’une religion pour en accueillir le fruit.

Le christianisme délivre des signes qui demandent à être reconnus ; pour les capter, il faudrait se dessaisir de soi et se mettre au travail, inventer sa vie. Il ne s’agit pas d’attendre un messie qui sortirait l’homme des difficultés de la vie, ce serait une projection de notre propre volonté de puissance, l’échec du crucifié devrait nous mettre sur la voie. Inventer un christianisme d’expérience donc, revenir à la foi en mettant notre confiance là où il n’y a pas de preuve, mais en distinguant la foi de la croyance, faite pour rassurer et facile à transmettre. C’est la foi en l’invraisemblable qui permet d’entrer dans la vie réelle et change tout : le rapport à soi, aux autres à la vie et par là elle se vérifie.

Aujourd’hui la spiritualité a la cote, bien que le terme soit ambigu et porteur de confusion, elle risque d’être une sorte de confort narcissique. La foi au contraire est exposition à l’autre, confrontation à l’événement, elle ne réduit pas la vie à la subsistance ou à l’extase.

Ces engagements sur un chemin long, semé d’embuches, peuvent-ils trouver leur place dans notre époque impatiente ? Nous venons de passer par une période inédite nous obligeant à nous poser ; peut-être avons-nous pu accueillir des moments de grâce, nous ouvrir à une présence qui nous sort de la « fatigue d’être soi » pour mieux accueillir ce qui se présente.

L’auteur rejoint Marcel Gauchet disant que le christianisme est la religion de la sortie de la religion. Il est un peu sévère avec la spiritualité qui peut être un puissant lien entre les personnes d’origines diverses, non seulement un confort narcissique.

Sa proposition me semble prometteuse d’un à-venir réalisable.

Monika Sander, juillet 2020

 

Jean-Claude Devèze publie un livre préfacé par Patrick Viveret : Vers une civilisation-monde alliant culture, spiritualité et politique (Parution fin août 2020)

Cet essai propose au lecteur de clarifier et d’articuler les notions de culture et civilisation, puis d’expliciter les défis que nos cultures personnelles et collectives doivent relever, enfin d’examiner ce qu’une alliance entre culture, spiritualité et politique peut apporter à la promotion d’un humanisme intégral et d’un universalisme pluriel. Ceci conduira à mettre en débat des principes à promouvoir et des voies à suivre pour cheminer vers une civilisation-Terre, vers une civilisation-Humanité, vers une civilisation-monde s’incarnant au quotidien.

Que font nos partenaires?

LE PACTE CIVIQUE

Le rapport de l’OCQD 2019 (Observatoire de la qualité démocratique) est sorti sous le titre : Le poids de la défiance, le prix de la confiance. 2019, année charnière du quinquennat. Vous pouvez le commander auprès de Charles Cusseau : charles.cusseau@pacte-civique.org. Prix 10 € plus 4 € de frais d’envoi.

Une tribune du Pacte civique a été publié le 8 juillet 2020 dans Ouest-France concernant les métiers du grand âge. Le numéro de juillet à paraître présente une interview de Pierre-Yves Cossé sur des questions économiques, sur la fiscalité, la Convention citoyenne pour le climat etc.

Lire la tribune sur le site :http://www.democratieetspiritualite.org

Ou : https://www.ouest-france.fr/societe/point-de-vue-quel-modele-social-pour-les-metiers-du-grand-age-6899055

 

 LE COLLECTIF ALERTE

Le Collectif ALERTE  https://www.alerte-exclusions.fr/ dont Christophe Devys est le Président, a publié une tribune dans La Croix

 https://www.la-croix.com/Debats/Forum-et-debats/Nouveaux-droits-jeunes-precaires-Il-urgence-2020-07-08-1201104035

Les premiers signataires sont Christophe Devys, président du Collectif ALERTE, Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, Marie-Aleth Grard, vice-présidente d'ATD Quart Monde, Antoine Dulin, président de la commission insertion des jeunes du Conseil d’orientation des politiques de jeunesse, Louis Gallois, président de la Fédération des acteurs de la solidarité (1).

 

Le Pacte du Pouvoir de Vivre (PPV)

 https://www.pactedupouvoirdevivre.fr/les-15-mesures-indispensables-pour-la-fin-du-confinement/appelle également à 15 mesures d’urgence après la crise de la Covid.

A publié dans le Monde https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/06/25/face-aux-urgences-sanitaire-sociale-et-ecologique-la-concorde-ne-se-decrete-pas-elle-se-construit_6044100_3232.html où il appelle à la tenue d’une « conférence de la transformation ».

 

CCSC (Comité chrétien de Solidarité avec les Chômeurs et précaires)

Suite à sa participation à notre Conviviale du 16 juin, Paul Israel, du CCSC, nous envoie le texte suivant :

Depuis quelques mois, nous réfléchissons avec de nombreuses associations (13 associations dont beaucoup font partie du Groupe Alerte) qui œuvrent de près ou de loin dans l’accompagnement des chercheurs d’emploi, à l’organisation d’un évènement qui pourra se décliner au niveau régional. Nous cherchons encore à élargir le collectif constitué qui s’est déjà réuni deux fois. Cet évènement viserait à donner la parole à ceux qui connaissent cette épreuve du chômage (ou qui vont la connaître) mais aussi rappeler l’importance capitale que constitue l’accompagnement des chercheurs d’emploi qui nécessite des moyens humains conséquents.

Nous avons confié le pilotage de cet « Évènement » à François Soulage, ancien président du Secours Catholique, mais également, ancien président du Groupe ALERTE et du CCSC, qui dès le départ a clairement défini les axes suivants :

« La crise sanitaire que nous vivons, et qui est loin d’être terminée car elle se transforme peu à peu en crise sociale, a révélé beaucoup d’inégalités dans notre société. Si beaucoup de belles paroles ont été prononcées en ce sens, il n’est pas du tout certain que notre société ait réellement pris conscience de la situation dans laquelle se trouvent nos contemporains qui sont ou vont être privés d’emploi.

 Nous avons entendu beaucoup de témoignages de scientifiques, de politiques, d’élus locaux, de responsables d’entreprises, de syndicalistes, mais pratiquement pas de paroles de ceux qui sont le plus exposés aux conséquences de la crise : les chômeurs eux-mêmes. C’est pourquoi le Comité Chrétien de Solidarité avec les Chômeurs veut redonner toute sa place à la parole de ceux qui n’ont jamais la parole :  les chercheurs d’emploi.

Pour ce faire, le CCSC va travailler avec toutes les associations qui partagent avec lui le souci de la parole des plus éloignés de l’emploi (ATD, JOC, MNCP, parmi d'autres) mais aussi avec les organisations syndicales qui, avec la plateforme « Expressions » ont déjà engagé ce travail.

Ce travail se fera en plusieurs temps :

• D’abord s’appuyer sur des témoignages des difficultés rencontrées par des chômeurs. Ce sont ces témoignages et ces paroles qui appuieront les propositions. Ils montreront les difficultés d’être écouté pour trouver un accompagnement social adapté, obtenir un travail, même précaire.

• Ensuite mettre en avant des exemples qui démontrent la nécessité de développer l’accompagnement, au moment où le gouvernement travaille à la création d’un service public de l’insertion, sans laisser la place à la parole des intéressés.

• Enfin, avec les acteurs déjà engagés, démontrer par le parcours des personnes, le succès rencontré par les expérimentations comme Territoires Zéro Chômeur, Convergences, ou Première heure. Ces succès qui s’ajoutent au travail mené depuis longtemps par les ateliers et chantiers d’insertion ou les entreprises d’insertion.  

 

CULTURE ESPERANCE Roquette

Dans le "monde d'après", c'est encore plus important de "nous rapprocher par la culture" !

A Paris, dans le quartier de la Bastille, l'association Culture Espérance Roquette organise des événements "pour Tous", qui rassemblent un public particulièrement mosaïque, avec le soutien de nombreux artistes et ensembles réputés.

Arrêtée en pleine action d'animation d'espaces d'empathie par le confinement anti-Covid, intervenue au cours du Festival Vocal de la Bastille, l'association a immédiatement "pivoté" avec un programme "Résilience" destiné à relier les voisins du quartier autour de 5 thèmes : Se souvenir des Concerts pour Tous, Découvrir la Culture pour Tous, Jouer ensemble, Rire ensemble, Se soutenir entre voisins. Elle a aussi créé sur les réseaux sociaux l’hashtag #OnEstEnsembleBastille pour faciliter le lien entre diverses initiatives qui révèlent un grand élan du cœur de nos concitoyens.

Avec le déconfinement progressif, le moment est venu d'accélérer le tournant pris, il y a quelques années, de coorganiser le plus possible ces évènements avec des partenaires : cet été, l'association va se "réinventer", en intégrant à sa programmation un projet de Ciné-Rencontres pour Tous, en revisitant ses événements thématiques, en lançant un grand "Collectif pour les Concerts pour la Paix" et en devenant partenaire du "projet à impact" 1001 oasis culture & solidarité" qui vise à coconcevoir des outils opérationnels minimalistes permettant de mieux vivre ensemble dans tous les quartiers du monde (ce projet s'appuiera sur une Alliance de tous les mouvements intéressés par la bienveillance comme levier de transformation).

 

Grégoire PICOT, Président du CER, Coordinateur Collectif Bastille Solidarité et porteur du Projet 1001ocs

www.culture-nde.org

 

 COMPOSTELLE CORDOUE

 Communiqué de presse

A l’occasion de son 10me anniversaire, l’association Compostelle-Cordoue renouvelle son site www.compostelle-cordoue.org. Le but de nos activités : prendre des chemins de traverse pour ouvrir de nouveaux passages de compréhension entre les cultures.

Notre site est destiné à toutes celles et ceux qui croient que s’ouvrir, par la marche et le dialogue, aux autres cultures, convictions, défis que la sienne, permet de comprendre l’autre en même temps que l’on se comprend soi-même.

Le visiteur y trouvera les récits de nos marches récentes et anciennes : été 2019, sur les chemins d’Occitanie avec un groupe de scouts chrétiens et musulmans ; automne 2016, à la rencontre des Palestiniens et des Israéliens épris de paix et de justice. Il sera tenu au courant de nos projets : grand forum participatif en novembre 2020, avec des jeunes suisses et libanais, sur le thème de l’engagement pour le climat dans le cadre des rencontres Orient-Occident de Sierre en Valais. Il pourra lire des articles de fond et des témoignages qui montrent notre engagement pour une « croissance spirituelle », indispensable dans notre monde si troublé d’aujourd’hui.

Alain Simonin -Juillet 2020

GREP MP (Groupe de recherche, d’Études et de Prospective de Midi Pyrénées)

Document analytique réalisé par la « Commission Prospective » du GREP MP (Groupe de recherche, d’Études et de Prospective de Midi Pyrénées) sur les travaux du Panel International pour le Progrès Social – 10/10/2016

 

Rdv sur le site :http://www.democratieetspiritualite.org, rubrique : Qui sommes-nous ? Nos partenaires

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Échos

 

• A l’occasion de l’Assemblée générale, le 12 septembre 2020, nous vous proposerons un temps de rencontre avec Jean-Baptiste de Foucauld, président d’honneur de D&S. Cette conviviale un peu particulière aura lieu l’après-midi, de 14h à 18h, et permettra à Jean-Baptiste de partager ce qui, dans son itinéraire professionnel, associatif et spirituel, l’a conduit à créer Démocratie & Spiritualité avec quelques autres, en 1993.

 

• Nous avons rendu hommage à Geneviève Esmenjaud dans notre Lettre de Juin 2020.

La cérémonie religieuse en sa mémoire aura lieu le 21 septembre 2020 à 11 h du matin à la paroisse de Saint Merry, 76 rue de la Verrerie 75004 Paris.

Une salle est réservée pour une rencontre amicale après la cérémonie avec une légère collation afin de pouvoir poursuivre la rencontre pour celles et ceux qui le désirent.

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AGENDA

 

• Prochains bureaux :

-Mardi 8 septembre 2020 à 18h

-Mardi 6 octobre 2020 à 18 h

 

L’Assemblée générale de D&S se tiendra le 12 septembre de 10 à 12h30, et sera suivie d’une après-midi de rencontre et d’échanges avec Jean-Baptiste de Foucauld.

 

Prochaines Conviviales

- Mardi 22 septembre : « Quel accompagnement spirituel en fin de vie ? », animé par Sébastien Doutreligne et Nicolas Pujol, psychologue clinicien, chargé de recherche à la Maison médicale Jeanne Garnier.              
Cette conviviale se situe dans la perspective du lancement d’un groupe de travail sur « Vieillissement, fin de vie, mort » par Sébastien Doutreligne, qui cherche un. e coanimateur/trice

-Mardi 20 octobre : en préparation, sur le thème de la spiritualité

-Mardi 17 novembre : thème non fixé

 

 

• Prochain CA : mardi 27 octobre à 18h

 

·L’Université d’été 2021 se tiendra les 10, 11, 12 septembre 2021 à Lyon, au centre Jean Bosco.

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L'Ours

Lettre D&S N° 173 Juillet - Août 2020

ISSN 2557-6364

Directeur de publication : Daniel Lenoir
Rédacteur en chef : Monika Sander
Comité de rédaction : Jean-Baptiste de Foucauld, Sébastien Doutreligne, Eliane Fremann, Daniel Lenoir, Régis Moreira, Bertrand Parcollet.

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