En-tête
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  Lettre de D&S n°174

Septembre 2020

 

Sommaire

Éditorial

Les éditos auxquels vous avez échappé ce mois-ci. Daniel Lenoir, Président de D & S

 

Dossier du mois

Rencontre avec  Jean-Baptiste de Foucauld

Intervention de Jean-Baptiste de Foucauld dans l’auditorium de l’AG2R, le 12 septembre 2020

Bref  Retour de l’Assemblée Générale : Daniel Lenoir

 

Nouvelles exigences démocratiques

Flash Info du Pacte Civique sur le site internet D&S

 

Résonances spirituelles face aux défis contemporains

Bernard Ginisty :  Inventer à tous les niveaux »

Le Dialogue interreligieux : Artisans de Paix sur le site internet D&S

Tribune d’Eric Vinson sur le site internet D&S

 

Libres Propos

Patrick Boulte : Individus en friche

 

Propositions de lecture

Jean-Claude Devèze : Vers une civilisation-monde alliant culture, spiritualité et politique (Chronique sociale)

William Clapier : Effondrement ou révolution ? État d’urgence spirituelle pour un monde durable et désirable

Défricher l’économie

 

Que font nos partenaires ?

Le Pacte Civique: vers les 10 ans

 

Échos

Hommage à Monique Valette

 

Agenda

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EDITORIAL

 

Les éditos auxquels vous avez échappé ce mois-ci.

 

J’avais prévu de consacrer cet édito à notre assemblée générale qui s’est tenue le matin du 12 septembre - un miracle d’avoir réussi à la tenir -, et à ce merveilleux moment passé avec Jean-Baptiste l’après-midi. Dans le prolongement de ces rencontres, les nombreux événements qui viennent tous les jours bouleverser nos prévisions m’ont interpellé sur d’autres sujets, et, pour les évoquer, j’ai emprunté à Charlie Hebdo le titre d’une de ses plus célèbres rubriques.

 « Le ventre est encore chaud d’où est sortie la bête immonde » (Bertolt Brecht)

 A l’heure où la folie djihadiste a encore frappé, se trompant de cible en cherchant Charlie à son ancienne adresse, on mesure à nouveau le potentiel de violences que peuvent aussi receler les religions. Ce serait manquer de profondeur de champ que de penser, comme une trop grande partie de nos concitoyens, que seul l’islam est concerné par ces risques de dérives. L’histoire et la géographie sont là pour nous rappeler que toutes les croyances, y compris l’athéisme, peuvent vouloir s’imposer par la violence physique, ou psychologique. Le dialogue inter-spirituel que nous avons décidé d’approfondir est une forme d’antidote au poison toujours présent de l’intolérance.

 

 « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheurs du monde » (Albert Camus)

 Au moment où j’écris cet édito, on attend avec impatience et, pourquoi ne pas le dire, d’inquiétude les annonces d’Emmanuel Macron sur le séparatisme. Qu’il y ait à rappeler les principes de la laïcité, fondateurs de notre conception de la République, et à les mettre en garde-fou à la tentation des religions d’imposer leur loi, qu’il y ait à lutter contre les formes totalitaires de communautarisme, qu’il y ait à prévenir la radicalisation violente, qu’il y ait à assurer la sécurité des citoyens face au risque terroriste (qu’il ne faudrait pas résumer au risque djihadiste, comme l’ont illustré les attentats contre des mosquées en Allemagne, aux Etats-Unis ou en Nouvelle-Zélande), tout cela est incontestable. Mais pourquoi vouloir tout regrouper dans cette notion inadaptée de « séparatisme », qui ne peut qu’introduire de la confusion entre ces concepts juridiquement établis que sont la laïcité – que nous avons souhaité approfondir -, le communautarisme, la radicalisation ou le terrorisme, et conduire à la stigmatisation de nos concitoyens de confession ou de culture musulmane ? 

 

« Philosopher, c’est apprendre à mourir. » (Montaigne)

 Si une attaque virale n’est pas comparable à une guerre, qu’elle soit djihadiste ou d’une nature plus classique (comme le retour du conflit turco-arménien nous le rappelle dans le Haut Karabakh), sans parler de la guerre numérique de plus en plus présente, elle a en commun avec elle de nous remettre devant la question de la mort. Il court, il court ; il court encore le virus, et a failli nous conduire à annuler notre AG. Il court et révèle une autre question sociétale, celle du vieillissement, le nôtre ou celui de nos proches, celui de nos sociétés, et de la façon dont est traitée, et pas seulement « gérée », cette fin de vie de plus en plus longue. Peut-être faudra-t-il compléter l’adage de Cicéron repris par l’auteur des Essais, et affirmer, comme nous avons commencé à l’évoquer lors de notre dernière conviviale dont nous rendrons compte dans la prochaine lettre que « Philosopher, c’est apprendre à vieillir ».

 

« Les hommes ne retrouveront le sens du sacré qu'après avoir traversé tout le champ du tragique. » (Raymond Abellio)

 Jean-Baptiste nous a fait partager, merci à lui, l’influence que la pensée de Raymond Abellio, à qui j’ai emprunté cette citation, a eue sur son cheminement spirituel. On a souvent reproché à Giscard d’avoir oublié le caractère tragique de l’histoire. Les événements, la mort, nous rappellent régulièrement la dimension tragique de l’histoire humaine. Parmi les tragédies que nous vivons, celle prédite depuis le début des années soixante-dix et qui, inexorablement, atteint notre habitacle commun, la planète, cette « tragédie des communs » à laquelle nous avons du mal à échapper, est peut-être la plus grave, dans la mesure où elle atteint plus difficilement notre conscience. Peut-être est-ce une nouvelle dimension du sacré à inventer que celle qui nous amènerait à respecter et à prendre soin de ces biens communs, en donnant un sens nouveau à « cette terre sacrée » que les chasseurs cueilleurs qui nous ont précédé se sont mis à arpenter il y a plusieurs centaines de millions d’années. Repenser notre rapport à la nature est la première conclusion du travail que nous avons engagé sur la question environnementale.

 

« Les défauts de la démocratie exigent plus de démocratie et non pas moins. » (Amartya Sen)

 Face aux enjeux des conflits internationaux, à ceux de la pandémie, à ceux de l’avenir de la planète, à ceux des tensions croissantes au sein de nos sociétés dont l’épisode des « gilets jaunes » a été pour nous une illustration, la tentation est grande pour les peuples de douter de la démocratie et de s’en remettre à un homme - bizarrement plus rarement à une femme - supposé providentiel. Les présidentielles approchent à grand pas : avant de tout ramener au choix d’un dirigeant, qui devient rapidement le bouc émissaire de nos problèmes et de nos peurs, il nous faut au contraire développer le débat public, comme l’ont tenté avec plus ou moins de bonheur, aussi bien le grand débat que la conférence citoyenne sur le climat. Comme nous l’avons souhaité lors de l’AG, D&S peut être un laboratoire de ces expérimentations démocratiques d’où émergera plus de démocratie.

 

 « Quand tout le monde vous ment en permanence, le résultat n’est pas que vous croyez ces mensonges, mais que plus personne ne croit plus rien. » (Hannah Arendt)

 Dans le clair de lune entre le vieux monde qui tarde à mourir, et le nouveau qui tarde à naitre, les pires monstres sont peut-être les mensonges, volontaires ou inconscients, qui sont autant de coups de canif dans la confiance qui est une des conditions de la démocratie, et dans la vérité qui est la finalité de la quête spirituelle. Des « vérités alternatives » de Donald Trump, aux mirages de panacées contre la Covid qui n’ont pas été testées, des « erreurs » de prévision sur les effets d’une épidémie au moratoire promis à la conférence citoyenne sur le climat et qui ne sera pas respecté, la liste est longue des manquements, petits et grands, au « parler vrai » qui devrait être le fondement de l’éthique du débat démocratique.

 

« L'éthique de la conviction et l'éthique de la responsabilité ne sont pas contradictoires, mais elles se complètent l'une l'autre et constituent ensemble l'homme authentique. » (Max Weber)

 La combinaison, et non l’opposition, des deux éthiques est au cœur de notre travail sur la responsabilité. Je ne peux pas, en écrivant cela, ne pas penser à la petite centaine de témoignages que nous avons recueillis sur l’itinéraire de Jean-Baptiste, et qui illustre « l’homme authentique » qui se révèle en lui : ni hommage, ni procès en canonisation en ces « belles personnes », ces « nouveaux saints » du royaume des bisounours, mais témoignage de compagnon.e.s de route. Merci à Eliane, qui en a eu l’idée, et à Monika qui s’y est également investie, de lui avoir offert, de nous avoir offert, ce beau cadeau au moment où il quittait la présidence de D&S (mais pas D&S).

 

« Ce n’est pas la vie qui doit avoir un sens, c’est le sens qui doit être vécu » (André Comte-Sponville)

 C’est un défi, et une grande ambition, pour une association qui se veut regrouper des « chercheurs de sens », non pas tant de trouver le sens – peut-être, après tout, en tous cas pour certains d’entre nous, n’y en a-t-il pas - de tous ces événements, mais de leur donner du sens. C’est le travail de ce laboratoire que nous constituons avec ces trois champs d’expérimentation, recherche, action, cheminement.

 

« Je suis pessimiste par la raison, mais optimiste par la volonté » (Antonio Gramsci)

 Les raisons d’être pessimiste ne manquent pas aujourd’hui, comme au moment où, avec d’autres, Jean-Baptiste créait D&S. Et les événements évoqués ici en sont des manifestations. Mais qu’est-ce qui alimente la volonté, qui allume au bout de la nuit la lueur fragile de l’optimisme, qui donne un moteur à l’engagement, sinon cette quête spirituelle d’un sens auquel nous donnons souvent des noms différents mais dans laquelle nous nous retrouvons.

 

« La foi que je préfère (dit Dieu), c’est l’espérance » (Charles Péguy)

 J’aime cette phrase où Dieu, en qui certains croient et d’autres pas, renverse l’ordre des vertus en mettant, justement, l’espérance, la « petite espérance » avant la foi. Cette espérance, symbolisée par cette esperluette que nous avons introduite dans nos statuts, dans un dessin qui évoque à la fois la complexité et l’infinité. C’est celle qui combine plutôt qu’elle associe, les deux pôles de notre démarche : Démocratie & Spiritualité.

Daniel Lenoir, Président de D&S

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DOSSIER DU MOIS :

Rencontre avec  Jean-Baptiste de Foucauld

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Intervention de Jean-Baptiste de Foucauld ans l’auditorium de l’AG2R, le 12 septembre 2020.

Après l’assemblée générale qui s’est tenue le matin, nous avons donné la parole à Jean-Baptiste pour évoquer son parcours de vie, ses engagements, sa spiritualité.

Il a vécu son enfance dans un milieu privilégié, très influencé par la religion chrétienne, où la place de la nature, de la campagne et des animaux était importante. Il était animé très tôt par une aspiration forte à la rencontre avec les autres, besoin amplifié par son statut de fils unique et sa conscience vive des injustices sociales.

Sur le plan spirituel, après avoir évoqué la crise profonde qu’il il a traversée pendant sa jeunesse, il a précisé son idée de Dieu, de l’omniprésence du divin dans l’univers, la place essentielle de la gnose et du dialogue métareligieux.

Grand lecteur de romans, Jean-Baptiste a cité Dostoïevski, La Condition humaine, de Malraux Les Mots de Sartre. Parmi les lectures déterminantes, celle de Jacques Maritain qui a réconcilié à ses yeux le christianisme et la démocratie, et celle du philosophe gnostique Raymond Abellio, dont la pensée était audacieuse en politique comme dans le domaine moral. Éclectique et ouvert, Jean-Baptiste s’est nourri aussi bien de LaBhagavad Gîta, texte majeur de l’hindouisme, du Tao Te King de Lao Tseu, très proche selon lui de l’Ecclésiaste, que de L’homme intérieur et ses métamorphoses de Marie-Madeleine Davy, ou Pour un christianisme de création et de liberté, de Nicolas Berdiaev.

Parmi les figures spirituelles qui l’ont marqué, le père Joseph Wresinski, fondateur d’ATD Quart-monde, qui a participé à l’élaboration de SNC.

Les premiers engagements politiques de Jean-Baptiste remontent à ses études à Sciences Po, au début des années 60, avec son adhésion au MRP. Il a poursuivi sa réflexion et sa démarche politique avec la création du groupe Spiritualité et politique en 1973.  La personnalité de Jacques Delors, qui possède « les qualités du grand homme » selon Max Weber, l’a marqué.

 Se définissant comme animé par un double besoin d’action et de spiritualité, la seconde devant nourrir la première, il a mis l’accent, dans une seconde intervention, sur les 5 points suivants, plus particulièrement destinés à D&S :

- La nécessité d’un « équipement spirituel » pour l’exercice des responsabilités, quelles qu’elles soient, sous forme d’une règle de vie personnelle, d’une part, et, d’autre part, d’un travail régulier de recherche personnelle, de dialogue avec des pairs, d’ancrage dans une tradition et d’ouverture aux autres traditions[1] ;

- La constatation que le politique et le religieux constituent en quelque sorte un « couple infernal », qui ne peut ni divorcer, ni fusionner, doit accepter un vivre ensemble difficile à équilibrer, car tenté en permanence par l’instrumentalisation de l’autre, instrumentalisation qui est contraire à la démocratie ;

- L’idée que la spiritualité peut irriguer l’action, car face à une difficulté, à un défi, elle est une composante possible de la réponse, par le don et le partage, à côté de la force, qui impose, et de la technique et de l’ingéniosité, qui réduisent le niveau d’intensité du problème ;

- Le progrès qui résulterait d’ajouter à la vision politique de la démocratie une finalité spirituelle de celle-ci : pour que l’égale souveraineté de chaque citoyen soit effective, il faut que chacun ait été mis en situation de pouvoir donner le meilleur de lui-même, ce qui suppose que les relations intersubjectives soient orientées dans ce but ;

- Le besoin de mobiliser d’importantes ressources spirituelles pour faire face aux nouveaux défis qu’affronte notre humanité ; le terrain bouge beaucoup cet égard, mais dispersé quant à ses acteurs, et promouvant une culture de résistance et d’utopie plus que de régulation, il peine à rééquilibrer le système. Les quatre valeurs conjuguées du Pacte civique (créativité, sobriété, justice et fraternité), ses trois niveaux d’engagements (vie personnelle, fonctionnement des organisations, co-construction des politiques publiques), peuvent aider à la transition nécessaire, tout comme D&S qui en est une des sources.

Jean-Baptiste a répondu tout au long de l’après-midi aux nombreuses questions de l’auditoire, limité en raison des circonstances sanitaires à une cinquantaine de personnes dans la salle, une douzaine participant à distance.

Vous trouverez le texte de son intervention sur notre site :http://www.democratieetspiritualite.orgainsi que la vidéo de la seconde intervention.

Belle lecture, nourrissante et stimulante !

Eliane Fremann

 

[1] Le groupe de travail mis en place après le 25ème anniversaire pour explorer cette thématique, et enquêter sur la situation actuelle, animé par Bertrand Parcollet et JB de Foucauld, souhaite se renforcer et a besoin que d’autres personnes le rejoignent.

 

Bref  Retour de l’Assemblée Générale de D&S

L’assemblée générale s’est tenue le 12 septembre 2020 le matin à Paris.

Dans une première partie, une assemblée générale extraordinaire a permis, sur proposition d’Eliane Fremann, d’actualiser les statuts, notamment d’introduire les modifications décidées en 2017 concernant le CA et d’expliciter le sens de l’engagement dans D&S en conformité avec la charte de 1993.

L’assemblée générale ordinaire a permis d’adopter le rapport financier, présenté par Marc de Basquiat, trésorier, préparé par François de Peyredieu, le rapport d’activité 2019, présenté par Jean-Baptiste de Foucauld, et le rapport d’orientation, présenté par Daniel Lenoir. Ces documents seront consultables sur le site avec le PV de l’AG.

Les débats ont permis de valider les orientations fixées après le 25éme anniversaire, notamment « l’enquête sur l’esperluette », avec le souci d’approfondir les deux références de l’association :

-          La spiritualité, en approfondissant le travail sur l’inter-spiritualité

-          La démocratie, en renforçant la dimension « laboratoire » de nouveaux modes d’exercice du débat démocratique de l’association.

L’assemblée générale a élu, pour la durée du mandat restant à courir, cinq administrateurs : Jean-Marie Bouclet, Delphine Lalu, Marcel Lepetit, Nadia Otmane-Telba et Slimane Tounsi.  

L’après-midi a été consacrée à une rencontre avec Jean-Baptiste de Foucauld. A cette occasion Eliane Fremann, accompagnée de Monika Sander et Daniel Lenoir lui ont remis l’ouvrage qui lui est consacré. « Jean-Baptiste de Foucauld. Fragments d’un itinéraire ».

Daniel Lenoir       

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Nouvelles exigences démocratiques

 

Pacte Civique: Covid 19 et démocratie

 

Flash info du Pacte civique de septembre 2020 : Covid 19 et démocratie

Gouverner en démocratie dans l’incertitude et le doute, reconnaissons que cet exercice inédit n’a rien d’évident, ni pour le gouvernement, ni pour les autorités médicales, ni même pour les grands médias. Le Pacte civique n’a pas de compétence particulière en matière d’épidémiologie ou de santé publique, et ne saurait donc se poser en donneur de leçons. Il souhaite, en revanche, en s’appuyant sur ses «fondamentaux» (questionnement, écoute, discernement, refus des slogans et des simplifications hâtives), favoriser le débat sur quelques problèmes soulevés par la gestion actuelle de la crise sanitaire, qui touchent à la qualité démocratique. Nous vous invitons à réagir, à nous faire part de vos remarques, objections et propositions.

Lire ici la suite sur le site de D&S

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Résonances spirituelles

 

 « Tout le monde doit inventer, à tous les niveaux » Gaston BERGER

Chronique de Bernard Ginisty du 4 septembre 2020

Cette rentrée de septembre est dominée par la crainte, amplifiée chaque jour par des données quantitatives inquiétantes, d’un second épisode de l’attaque du corona virus. En moins de 6 mois, ce virus a déjà mis au tapis des centaines d’entreprises, perturbé pour longtemps le transport aérien, mais aussi des modes de vie que nous croyions définitivement protégés. Dans une chronique récente intitulée « Avancer masqué », Bernard Rodenstein écrit ceci : « le port du masque, en soi, ne peut pas être contesté. Même si nous acceptons de courir des risques pour nous-mêmes nous ne pouvons pas les faire courir aux autres. C’est une évidence. Mais nous allons nous apercevoir très vite que le masque a des effets négatifs qu’il convient de ne pas sous-estimer. Qui est qui sous le masque ? Nous allons passer les uns à côté des autres sans plus nous reconnaître. Sans plus nous saluer. Nous n’embrassons plus nos amis. Nous nous retenons même pour nos enfants. Si cela doit durer longtemps je n’ose pas imaginer la société qui en résultera. Déjà la chaleur des relations laissait à désirer ici et là. Alors que nous redoutons les effets du réchauffement climatique nous allons subir de plein fouet ceux du refroidissement des rapports humains » (1).

Tout ceci se fait au nom du « principe de précaution » inscrit en 2005 dans la Constitution de 1958. Il résulte de la prise de conscience que les effets induits par nos décisions n’ont pas seulement à être jugés à court terme et dans une logique univoque de l’action. Le principe de précaution invite à prendre en compte des risques potentiels et pour cela, à développer une pensée systémique qui refuse d’isoler un processus particulier de décision de l’environnement global dans lequel il se situe. Alors que la prévention vise un risque défini, la précaution se fonde sur la notion d’incertitude. Dans un texte publié par l’Observatoire du Principe de Précaution (OPP), Dominique Lecourt, professeur de philosophie à l’Université de Paris VII et vice-président d l’Observatoire de 2007 à 2012 écrit ceci : « Si l’on a éprouvé le besoin d’avoir recours soudain au mot de précaution, c’est parce que la notion de « certitude » avait partie liée avec la conception classique de la science, ou plus exactement du rapport de la science avec ses « applications ». L’usage de la notion de précaution prend acte de ce que le socle même de la conception moderne du progrès se trouvé mis en péril du fait de ladite situation d’incertitude » où se trouvent les décideurs quant à la réalité et à la gravité des risques encourus » (2).

Prendre conscience du fait que des décisions engagent un avenir dont on ne mesure pas toutes les caractéristiques peut conduire à exercer le principe de précaution avec deux attitudes opposées : l’une, que l’on qualifiera de « précautionneuse », peut amener à la paralysie et à l’enfermement devant les risques. Cela peut devenir un principe de mort comme le traduit la phrase fameuse qui a circulé quand l’épidémie du sida était à la « Une » des médias : « La vie est une maladie sexuellement transmissible dont l’issue est toujours fatale !». L’autre nous engage à une pensée de la création et de l’innovation pour un art de vivre dans l’incertitude. Gaston Berger me semble avoir anticipé une authentique pratique du principe de précaution lorsqu’il écrit : « Je crois que nous commettrions plus d’une faute si nous cachions à nos enfants que le monde dans lequel ils s’engagent n’est pas un monde assuré, en dépit de toutes les garanties que nous pourrons leur donner ; si nous ne leur disions pas que ce qui a disparu définitivement du monde, c’est la tranquillité, une situation tranquille, un avenir tranquille. La tranquillité n’est pas pour nous ; nous avons à vivre dans des déséquilibres incessamment remis en question et qu’il nous faudra incessamment rétablir. (…) Car nous sommes dans un monde où il n’y aura bientôt plus place que pour les inventeurs. Tout le monde doit inventer, à tous les niveaux » (3)

(1) Bernard RODENSTEIN : Humeurs dominicales, 30 août 2020.

(2) Dominique LECOURT : L’étrange fortune du principe de précaution, Observatoire du Principe de Précaution (OPP), octobre 2017. Il est l’auteur de Politique de santé et principe de précaution, P.U.F. /Quadrige essai 2011.

(3) Gaston BERGER (1896-1960) : L’homme moderne et son éducation, P.U.F. 1962, pages 144-145.

 

 

Une information de Jean-Luc Castel, membre de D & S, sur le dialogue interreligieux

DIALOGUE INTERRELIGIEUX La voie purificatrice de la vie spirituelle

Le 26 février 2020, l’ACSF a accueilli, pour la première fois, une réunion de l’association interreligieuse Artisans de Paix au centre bouddhique Soka de France à Paris.

«À l’origine de l’association Artisans de Paix, se trouve la conviction partagée qu’il ne peut y avoir de paix sur terre que si une entente entre les religions est ins-taurée1. » Le mouvement Soka, représentant la tradition bouddhique, en plein accord avec cette vision, a participé, aux côtés d’intervenants des traditions catholique et musulmane, à un séminaire sur le thème : «Explorer les Demeures spirituelles des Artisans de Paix». Ces «Demeures» sont en affinité de fait avec celles visitées par la religieuse espagnole Thérèse d’Avila, dans son livre Le Château de l’âme (1577)2. L’âme y est comparée à un château divisé en sept Demeures, correspondant aux sept degrés qui conduisent à celle de l’intimité avec Dieu. Nous présentons ici la lecture bouddhique exposée durant cette séance intitulée «La voie purificatrice de la vie spirituelle».

Lire ici la suite sur notre site internet D&S

 

Tribune d’Eric Vinson dans LE MONDE à voir sur notre site D&S

 Tribune – Le Monde Publié le 20 septembre 2020

Eric Vinson, Politologue

Conflictuelles, les religions ? Sans doute, mais elles tentent aussi de combattre la violence. De l’engagement éthique aux « peacebuilders », tour d’horizon à l’occasion de la Journée internationale de la paix, le 21 septembre, avec le politologue Eric Vinson.

Tribune. Les institutions religieuses aiment à se présenter comme des fontaines de paix, de justice, de morale. Pourtant, l’histoire et l’actualité montrent combien cette image est partielle, voire partiale. Si bien que, dans notre France laïque, elles passent souvent pour des foyers autoritaires d’ignorance, d’hypocrisie et finalement de sévices variés, dont souffriraient leurs fidèles comme les autres, croyants ou non.

Mais, au-delà des prises de position « pour » ou « contre », un regard objectif implique de prendre aussi en compte les efforts millénaires de ces traditions pour réguler, limiter, sublimer, si ce n’est éradiquer la violence, en leur sein comme à l’extérieur.

 Lire ici la suite sur notre site internet D&S

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Libres Propos

 

Patrick Boulte : Individus en friche, Desclée de Brouwer, Éthique sociale, 1995 ; préface de Jean-Baptiste de Foucauld

 La vie vous réserve de temps en temps de merveilleuses surprises. Autour d’une tasse de thé, j’ai eu la chance de rencontrer Patrick Boulte, membre de D & S de très longue date. J’ai découvert un homme exquis, d’une grande délicatesse et d’une profonde sensibilité. Il m’a confié son livre « Individus en friche », le texte le plus intelligent et délicat qu’il m’a été donné à lire au sujet de l’exclusion. Il est évident qu’il s’enracine dans des expériences professionnelles et personnelles ; l’auteur prend en compte des « données psychologiques, sociales, politiques et spirituelles » comme le dit si bien Jean-Baptiste de Foucauld dans sa préface.

 Dans la crise d’identité que connaît notre société » devenir ce que l’on est » reste un parcours difficile mais primordial.

 C’est ma misère qui fait je dise « je », écrit Simone Weil. Quand l’homme est menacé dans toutes les dimensions de sa vie, quand tout s’effondre autour de lui, il peut faire l’expérience de son humanité profonde, encore faut-il le vouloir ou le pouvoir. Il y a des stratégies à mettre en place, la compétition, l’hédonisme, la régression … et la stratégie de la personnalisation et de la responsabilité.

 Cette dernière passe par un moment de retour sur soi, sur quelque chose que l’on a enfoui au plus profond de soi et cela mène à un moment d’absolue solitude dans une société dont on se trouve exclu. A contrario, on découvre l’importance de la dimension spirituelle, au risque de se sentir séparé de ceux dont on reste cependant solidaires.

 Un tel cheminement comporte des risques et peut conduire à la dévalorisation de soi, à l’auto-exclusion, à l’oubli de l’altérité, la base de toute vie sociale. Alors, comment redevenir acteur ? Le chemin d’accès à soi peut passer par un engagement citoyen, culturel, par un questionnement sur ses moyens de servir et par un retour sur sa mémoire. Un accompagnement approprié personnel ou par une association sera infiniment précieux.

 D’autres possibilités sont envisageables, s’inscrire dans le domaine religieux par exemple. Peu porteur actuellement, il peut, dans le meilleur des cas, être l’endroit où l’existence de l’exclu est reconnue et légitimée : « il m’a dit tout ce que j’ai fait », comme il est écrit dans l’évangile selon saint Jean, 4,29, renouer avec le Tout Autre présent en chacun pour trouver sa propre vocation.

 Il faut redécouvrir au fond de soi « une réalité calme, sereine, mystérieuse, non critique, qui échappe à l’angoisse, à la critique impitoyable et constante d’un environnement perçu comme étranger » (p. 135) et faire face à la mort sociale que l’on veut imposer à l’exclu pour en sortir.

 Texte revigorant et constructif qui mérite une réédition pour soutenir notre société en recherche.

Monika Sander

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Propositions de lecture

 

Vers une civilisation-monde alliant culture, spiritualité et politique

(livre de Jean-Claude Devèze paru chez Chronique sociale le 3 septembre 2020)

 

L’auteur, visant à dégager une vision d’un avenir à partager, propose de penser et d’agir pour aller vers ce qu’il appelle une mondialité à visage humain. Par mondialité, il entend le pari d’un monde à construire ensemble en étroite relation avec l’humanité́ et la Terre, à l’opposé d’une mondialisation sous l’emprise de forces économiques néolibérales et d’influences véhiculée par le numérique hors du contrôle des acteurs de base.

 Sa vision utopique pour éviter la catastrophe d’un monde invivable « repose sur un triple pari : des cultures « en travail » s’ouvrant à l’altérité pour construire de l’unité dans la diversité ; des vies spirituelles incarnées et reliées donnant sens, cohérence et authenticité à nos pensées et à nos actes ; des politiques portées par une révolution culturelle et spirituelle privilégiant la promotion du bien commun et de la qualité démocratique. »

 Il dénonce une vision autocentrée de la civilisation occidentale pour appeler à une prise en compte de la riche diversité des cultures et des civilisations du monde. A cet effet, Il insiste sur l’importance des repères symboliques et religieux qui donnent sens à la vie individuelle et collective. 

 Après avoir donné sa définition de culture et civilisation, l’auteur aborde les problèmes posés par les évolutions de diverses cultures qu’il estime actuellement confrontées à des tensions entre facteurs de délitement et amorces de régénération. Il traite ainsi de cultures personnelles, collectives (familiale, entrepreneuriale, économique, écologique, sociale, technique, démocratique, spirituelle…) et territoriales (locale, française, européenne, mondiale).

 Ceci le conduit à mettre en évidence une insécurité culturelle croissante qui est porteuse de totalitarismes, fondamentalismes et intégrismes. L’omniprésence d’Internet et de l’informatique posant la question des répercussions de cette nouvelle culture numérique dans la société, il note que son potentiel d’ouverture universelle se heurte à l’enfermement de trop d’internautes dans des réseaux générant de la défiance vis à vis d’un monde qui leur reste extérieur. Une voie à approfondir est l’établissement d’une mémoire monde et d’une bibliothèque monde, comme l’initie Wikipédia, pour favoriser une conscience universelle.

 L’auteur défend sa vision d’un projet civilisationnel alliant culture, spiritualité et politique. Il croit à une révolution culturelle progressive nourrie par des spiritualités personnelles et collectives cherchant à unifier corps, âme et esprit et à des avancées politiques reposant sur la recherche du bien commun. Le projet de régénération et de réinvention de l’esprit civique doit animer en permanence les cultures démocratiques.

 Pour faire renaitre une espérance lucide en un avenir commun coconstruit, l’auteur plaide pour un humanisme intégral et une écologie intégrale qui inspire de nombreux auteurs et acteurs, religieux ou non ; une approche intégrale, à la fois environnementale, économique, sociale et culturelle, s’incarne dans la vie quotidienne, s’appuie sur la recherche du bien commun et prône la justice entre générations.

On peut résumer l’inspiration de cet ouvrage en disant qu’il décrit une voie s’appuyant sur une triple approche : celle christique teilhardienne d’un monde spirituel convergeant vers le point Omega ; celle philosophique d’un personnalisme communautaire prôné par d’Emmanuel Mounier; celle d’une sécularisation apaisée d’un monde démocratique qui résoudrait ses conflits par le dialogue et le service d’autrui. Cette invitation à cheminer me semble résonner avec la tonalité spirituelle globale de D&S.

 

Yvon Rastetter

 

 

William Clapier, Effondrement ou révolution ? Etat d’urgence spirituelle pour un monde durable et désirable, Le Passeur 2020

Ancien Carme ayant écrit plusieurs livres notamment sur Thérèse de Lisieux, William Clapier s’était signalé à notre attention en 2018 en publiant  un ouvrage remarquable sur la quête spirituelle qui allait bien au-delà de la tradition chrétienne, dans laquelle il reste cependant bien enraciné : Quelle spiritualité pour le XXIe siècle ?[1].  Et voilà qu’il a sorti cette année un nouveau livre où il dévoile davantage sa dimension militante face à la crise de notre modèle de développement qu’illustre l’alarme écologique. Cet ouvrage sorti au moment du confinement est malheureusement presque passé inaperçu pour beaucoup d’entre nous, alors qu’il rejoint les intuitions de notre association en articulant étroitement la spiritualité et l’engagement socio-politique.

Comme il le remarque lui-même, de nombreux auteurs qui nous alertent sur l’urgence écologique et sur la perspective d’un effondrement de notre civilisation, comme Pablo Servigne, Dominique Bourg ou encore Bruno Latour, évoquent à demi-mots la nécessité d’une pratique spirituelle pour avancer vers la conversion écologique, mais de manière générale et abstraite. Ici par contre, William Clapier avance à visage découvert sur ce terrain en soulignant combien la vie spirituelle doit être au cœur de cette révolution.

Néanmoins, notre auteur n’en fait pas moins, dans une première partie, une analyse extrêmement documentée de la situation actuelle et de ses impasses aussi bien au plan écologique qu’au plan social et même psychologique, en soulignant par exemple « l’anémie du lien interpersonnel » (p. 63). Puis il repère les obstacles au changement qui sont surtout d’ordre culturel : nous restons « enlisés dans les conditionnements de l’opulence matérielle » (p. 106), alors que celle-ci n’est rationnellement plus viable. Le drame écologique signe en définitive la « faillite du comportement humain et celle du mode de vie collectif actuel » (p. 129).

Alors, comment avancer pour éviter l’effondrement – ou du moins « gérer l’inévitable pour éviter l’ingérable » (p. 278) ? « Seule la radicalité peut frayer une issue » (p. 150), estime W. Clapier : il faut attaquer le mal à sa racine, qui est d’abord spirituelle. D’où le premier axe de cette révolution : « contempler » (pp. 153-219), mais pas n’importe comment ! Loin de promouvoir une spiritualité de la seule intériorité, notre auteur s’inscrit dans le chemin tracé par le pape François avec son encyclique Laudato Si’ : il nous faut absolument « apprendre à ré-écouter la nature qui ne cesse de nous parler » (P. 157). Me mettant moi-même « à la recherche de ce lien perdu » (p. 158), j’ai personnellement beaucoup apprécié la page 159 du livre qui présente de manière poétique différents exemples très concrets de ce « pacte d’amour avec le Vivant » (p. 278), dont on ne peut plus faire l’impasse de nos jours dans tout cheminement spirituel.

Le deuxième axe de cette révolution va être bien sûr l’engagement, car « une écologie intérieure, dépourvue d’une conscience citoyenne et d’un engagement collectif, n’est tout simplement pas crédible » (p. 277). La mutation socio-écologique nécessaire « doit être à la fois personnelle, collective et institutionnelle » (p. 256) : il nous faut donc être des « méditants-militants » (p. 256), ce que René Macaire appelait des « mutants »[2], qui mettent en œuvre eux-mêmes les changements de mode de vie indispensables, mais sans renoncer au combat politique. On retrouve bien ainsi la perspective de Démocratie et Spiritualité, ou encore des Réseaux Espérance, perspective qui jusqu’à présent n’avait guère abouti à mon avis, mais peut-être le contexte actuel, avec l’urgence climatique et la pandémie, va-t-il lui donner quelque chance de succès…

Personnellement, à l’issue de l’ouvrage collectif Ailes et Racines[3], j’avais distingué l’action prophétique du combat politique proprement-dit, qu’il est à mon sens bien difficile de concilier avec une démarche spirituelle profonde. Marqué par une grande radicalité, y compris au plan socio-politique, l’ouvrage de William Clapier s’inscrit précisément, selon moi, dans ce registre prophétique qui méritait d’être actualisé et dont nous avions grand besoin pour trouver un sens dans le contexte si dramatique qui caractérise notre époque.

Patrice Sauvage

 

Défricher l’économie

C’est l’histoire d’un journal qui va fêter ses quarante ans en novembre et qui plonge ses racines dans le terreau fertile du PSU des années soixante-dix. L’histoire d’un magazine issu de la fertilisation croisée entre un projet avorté de la commission économique, « Nouvelle donne », qui n’ira pas plus loin que le numéro zéro, et le journal de la commission agricole de ce même parti disparu en 1989, Germinal, où l’auteur de ces lignes écrivait sous le pseudonyme de Daniel Joussan. En 1976, d’aucuns mettaient au point le premier micro-ordinateur dans un garage de San Francisco ; quatre ans après, Denis Clerc, qui avait fait ses premiers pas de journaliste économique dans Témoignage Chrétien en 1966 -et qui y écrit encore-, sortait, dans son arrière-cuisine de la banlieue dijonnaise, le numéro 1 d’Alternatives économiques, Alter Eco pour les initiés.

C’est une histoire, discrète et pudique, d’amitiés. D’amitié avec les deux interviewers, Christophe Fourel et Marc Mousli, les deux piliers de l’association des lecteurs, dont on lira avec intérêt la préface de l’un et la postface de l’autre. D’amitié avec les compagnons de route de cette aventure, notamment avec Philippe Frémeaux, qui nous a quitté le 3 août dernier, et qui avait succédé à Denis, d’abord comme rédacteur en chef, puis comme directeur de publication et président de la Scop éditrice.

C’est l’histoire d’une entreprise de presse qui a choisi un statut original, la coopérative, ce qui en fait un des éléments de cette nébuleuse que constitue l’économie sociale et solidaire. Une nébuleuse sur laquelle Alter Eco jette un regard de connivence mais pas de complaisance. Un statut choisi pour garantir l’indépendance de ses journalistes et de sa ligne éditoriale.

C’est l’histoire d’une ligne rédactionnelle qui est d’abord une ligne politique, celle d’un journal de gauche, qui n’est pas pour autant le journal (économique) de la gauche. Une ligne politique que Denis résume en trois propositions :« Oui à la social-démocratie, oui à l’Europe (donc à l’Euro), non à l’omnipotence du marché ». Non pas « un journal gauchiste », comme certain ont voulu le faire accroire : « Alter Éco n’est pas hostile au marché, à condition que des règles empêchent le renard de se servir à son goût dans le poulailler ; Alter Éco n’est pas hostile au patronat, à condition qu’il ne sacrifie pas l’économique au social (ni l’inverse, d’ailleurs) ; Alter Éco n’est pas hostile à l’entreprise, à condition que les salariés – créateurs de richesse – en soient partie prenante ; Alter Éco n’est pas hostile à la liberté, à condition qu’elle aille de pair avec la solidarité ». Une ligne de crête en quelque sorte, refusant tant les simplifications d’un certain keynésio-marxisme qui, malgré l’échec du programme commun, continue à inspirer une partie de la gauche, frondeuse ou insoumise, que celles d’un néo-libéralisme Tatchérien dont l’hégémonie a fini par s’imposer à la gauche de gouvernement, comme l’avait bien analysé Philippe Frémeaux dans « Après Macron ».

C’est l’histoire de quelques colères contre les grands prêtres du néo-libéralisme, grands accusateurs au tribunal de la soit-disant « vérité scientifique » en économie, avec dans le rôle du grand inquisiteur un certain Pierre Cahuc qui ne craignant pas de passer le point Godwin dénonce avec son acolyte André Zylberberg, « Le négationnisme économique » de tous ces hétérodoxes « qui contestent l’idée que le modèle du marché omniscient soit un bon guide pour comprendre le fonctionnement et les performances de l’économie ».

C’est une histoire de la pensée économique contemporaine, au travers des lauréats, comme des non lauréats, du « prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel », improprement appelé « Nobel d’économie ». Avec une mention particulière pour Alfred Hirschman, qui ne l’a pas eu, et qui a illustré par ses travaux, notamment sur les « conséquences inattendues », à quel point l’économie était une branche des sciences sociales et non l’inverse comme veulent le  démontrer les zélateurs du courant orthodoxe, en ramenant l’ensemble des comportement humains à la poursuite et au calcul de l’intérêt individuel.

C’est une histoire de vie. Celle, non pas d’une « belle personne », comme la vulgate du royaume des Bisounours aime à qualifier ses nouveaux saints, mais d’une personne au plein sens que donnait à ce mot Emmanuel Mounier, qui  sans remettre en cause l’individu dans sa singularité et sa liberté, le relie en permanence avec les communautés qui l’ont fait grandir et s’émanciper. Une histoire de vie qui de la JEC au PSU, de la lutte contre la guerre d’Algérie à la lutte contre la pauvreté, d’Économie et Humanisme à l’Agence Française pour la maîtrise de l’énergie, témoigne de l’unité d’un homme, représentatif de cette espèce qu’on longtemps appelé les « cathos de gauche » et qui si elle est, paraît-il, « en voie de disparition », n’en a pas moins une descendance féconde.                           

Daniel Lenoir

 

[1] Aux Presses de la Renaissance

[2] Cf. R. Macaire, La mutance, clef pour un avenir humain, L’Harmattan 1989

[3] T. Verhelst  et P. Sauvage (dir.), Ailes et Racines, Siloë 2011

Que font nos partenaires?

LE PACTE CIVIQUE

1/ Les 10 ans du Pate civique (le Pc a été lancé en mai 2011)

D&S considère le Pc comme l’un de ses principaux partenaires, et souhaite resserrer les liens. Accord donc pour réfléchir avec nous à ce que nous pouvons attendre du Pc dans les années à venir. La réunion avec les autres organisations fondatrices aura lieu le vendredi 9 octobre à 18h, sans doute à l’ODAS (moins de 10 personnes) et en visio-conférence.

 

2/ Grand âge

D&S est particulièrement intéressé par ce sujet, pour lequel il bénéficie de l’expertise de Yannick Moreau. La conviviale du mardi 22 septembre aura pour thème le vieillissement et la mort. D&S pourrait s’associer au colloque prévu pour février 2021 - voir la tribune du pacte civique parue dans Ouest-France :

https://www.ouest-france.fr/societe/point-de-vue-quel-modele-social-pour-les-metiers-du-grand-age-6899055

 

3/ Pièce de théâtre sur “l’employeurabilité”, capacité à bien recruter et employer des managers, symétrique de « l’employabilité » requise des chercheurs d’emploi : voir la bande annonce :  https://cutt.ly/ViYbgY2

 

4/ Livre sur les Sobriétés

Les adhérents de D&S sont encouragés à soutenir le projet.

Ci-joint plusieurs supports :

• Texte de présentation court (1 page)

• Clip vidéo : https://1drv.ms/v/s!AmFE_JYTgbOioyFQhVcp2A_DYiXg

• Texte de présentation de l’éditeur, plus approfondi, destiné aux “financeurs”.

 

 

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Échos

 

Hommage à Monique Valette

Je l’entends encore… elle avait cet accent du midi (du Gard ou de l’Hérault) qui donnait tant de saveur à ses propos.

Nous avons connu Monique il y a bien longtemps dans les années 80. Elle avait d’importantes responsabilités dans le cadre de Vie Nouvelle, mouvement d’éducation permanente dont Gilles et moi faisions partie à Marseille. Nous avions pu la rencontrer lors de de tel ou tel atelier national. Puis nous nous sommes un peu perdus de vue et ce n’est que ces dix dernières années que nous avons renoué au club Citoyen mais surtout à D & S. Je me suis alors liée d’amitié avec Monique.

Entre temps, séparée de son mari, elle n’avait pas eu la vie facile : pour élever ses 3 filles elle avait dû reprendre ses études et passer le concours d’institutrice. Devenue rapidement directrice, elle a exercé en ZEP tout en s’engageant généreusement dans le monde associatif, la vie de la cité, et sa paroisse. L’injustice la révoltait : elle orientait toute sa vie au service des exclus. 

Depuis nos retrouvailles, devenue toutes les deux grand-mères, nous partagions nos expériences de vie familiale, avec un point commun qui nous amusait l’une et l’autre à chaque naissance : une dominante d’écrasante de petites filles. Les choix de nos enfants, le devenir de nos petits enfants : source inépuisable d’échanges et de confidences.

D’une incroyable énergie, elle menait tout de front : capable d’emmener en vacances, au Grau du Roi, 5 ou 6 petites filles à la fois, elle n’oubliait pas les enfants de prisonniers qu’elle conduisait dans les centres de détention à la rencontre de leurs parents. Très impliquée dans le relais « Enfants-Parents » elle veillait à conserver ce lien essentiel pour que chaque enfant « ait sa chance ».  J’écoutais avec admiration les récits de ses expéditions vers les prisons.

Je n’oublierai pas non plus cette soirée d’hiver, Place du Panthéon, où elle m’avait invitée pour rendre hommage aux morts de la rue. Leurs prénoms et la date de leurs décès résonnait telle une litanie dans cette froide nuit parisienne. Maraudes, accompagnements pour redonner de la dignité à toute personne isolée : c’était le charisme de Monique.

Comme me le disait une de ses filles « elle aimait aussi réfléchir à la marche du monde. » Avec Vie Nouvelle, le club Citoyen, puis D & S, elle passait rarement inaperçue tant ses interventions étaient originales et vigoureuses. 

Mais comment ne pas évoquer son goût des voyages et son insatiable curiosité : éléphants, lions, léopards, rhinocéros, c’étaient invités au diner de son retour de Tanzanie. Juste avant sa mort elle a pu réaliser son rêve d’un pèlerinage à Jérusalem. 

Pour ton amitié fidèle, pour tout ce que tu nous as transmis, merci Monique.

Odile Guillaud

 

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AGENDA

Prochains bureaux :

Mardi 6 Octobre 2020 à 18 h,

Mardi 24 novembre à 18 h

Prochains CA :

mardi 27 Octobre 2020 à 18 h,

mardi 5 janvier 2021

 

Prochaines Conviviales 

-      Mardi 22 septembre : Quel accompagnement spirituel en fin de vie ? avec le docteur Nicolas Pujol, psychologue clinicien, chargé de recherche à la Maison médicale Jeanne Garnier, à Paris.
Début d’un nouveau groupe animé par Sébastien Doutreligne et Monika Sander
Prochain dossier de la lettre du mois d'octobre

 -      Mardi 20 octobre : Le travail social au risque de la spiritualité, quelles implications pour D&S ? avec Jean-Marie Gourvil sur la place de la spiritualité et de la mystique à D&S, se tiendra en visioconférence et sera animée par Jean-Baptiste de Foucauld
Si vous souhaitez participer à la visioconférence inscrivez vous

 -      Mardi 17 novembre : Education et spiritualité avec Jean Lecanu, discutant proposé Florent Pasquier, animée par Marie-Charlotte Bourgeois, elle amorcera la relance du groupe du même nom.

 

Organisation d’une journée Sol Invictus, réunissant les membres du CA et les organisateurs des groupes de travail samedi 16 janvier 2021.

 

L’Université d’été 2021 se tiendra les 10, 11, 12 Septembre 2021 à Lyon, au centre Jean Bosco

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L'Ours

Lettre D&S N° 173 Juillet - Août 2020

ISSN 2557-6364

Directeur de publication : Daniel Lenoir
Rédacteur en chef : Monika Sander
Comité de rédaction : Jean-Baptiste de Foucauld, Sébastien Doutreligne, Eliane Fremann, Daniel Lenoir, Régis Moreira, Bertrand Parcollet.

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