En-tête
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  Lettre de D&S n°175

Octobre 2020

 

Sommaire

Éditorial

La mort : le retour. Daniel Lenoir, Président de D & S

 

Dossier du mois

Vieillissement, fin de vie et Mort

Compte-Rendu de la Conviviale : Sébastien Doutreligne

Newsletter The Conversation : Le bien-être au travail en Ehpad, c’est possible 

 

Nouvelles exigences démocratiques

Flash Info du Pacte Civique : Territoires zéro chômeur de longue durée

 

Résonances spirituelles face aux défis contemporains

Bernard Ginisty : « Contre le fanatisme, remettons la religion dans le débat public » Adrien CANDIARD.

Bernard Ginisty : « Le train du progrès n’emprunte pas qu’une seule voie » (Bruno LATOUR)

 Pape François Encyclique "Fratelli tutti" : Article de Bertrand Rivière dans Témoignage Chrétien

 

Libres Propos

Témoignage sur la maladie et la mort, trois exemples dans la littérature de la fin du XXème siècle : Eliane Fremann

 

Propositions de lecture

Adrien Candiard : Du Fanatisme 

Jared Diamond : Jean-Claude Devèze

Hans Joas : Les Pouvoirs du sacré : Yvon Rastetter

 

Que font nos partenaires ?

Les 10 ans du Pacte Civique

« Artisans de Paix » commence un nouveau cycle de réflexion

Échos du Pacte du Pouvoir vivre

 

Échos

 

Agenda

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EDITORIAL

 

« Le soleil ni la mort ne peuvent se regarder fixement » (François de la Rochefoucauld)[1]

 

La mort : le retour.

La mort a fait un retour dans nos vies à l'occasion de la crise de la covid. Non qu'elle avait disparu. Mais nous avions pris l'habitude de la mettre à distance. Au point de l'euphémiser en parlant de fin de vie, comme on dit non-voyant plutôt qu'aveugle, ou malentendant plutôt que sourd. Pourtant la fin de vie n'est pas la mort, elle en est l'antichambre ; une antichambre qui prend de plus en plus souvent la forme de la chambre d'un Ehpad puis d’un hôpital où, sous l'effet conjugué du vieillissement et des possibilités accrues de prolonger la vie, l'on séjourne de plus en plus longtemps. La fin de vie est devenue une nouvelle étape de la vie, obligeant le médical et le social à s'adapter, à accompagner la dépendance et ses handicaps liés à l'âge, à développer des soins palliatifs qui n’ont pas vocation à guérir mais à limiter la souffrance, et obligeant le législateur et les tribunaux à ouvrir une nouvelle branche du droit. Avec, comme pour le début de la vie, des questions inédites sur l’articulation entre ce droit et une éthique qui doit l’inspirer dans son application.

La mort, elle, n'a pas changé de statut juridique. Elle reste aussi la première question spirituelle de l'humanité et le culte des morts est souvent considéré comme l'entrée de l'humanité dans l'âge spirituel. Mais la question spirituelle reste-t-elle la même avec cette longue phase de fin de vie qui sera désormais le lot de la plupart d’entre nous ? Ne faudra-t-il pas compléter le célèbre « philosopher, c’est apprendre à mourir », par un « la spiritualité, c’est apprendre à vieillir ». C’est un nouveau chantier dans notre quête de l’esperluette que nous ouvrons avec cette lettre, pour apporter sur ces questions nouvelles notre double regard, de façon à ce que les évolutions éthiques et juridiques puissent s’enraciner dans des débats démocratiques adaptés, y compris aux questions spirituelles qu’elles soulèvent.

La mort vient de refaire retour dans nos vies avec la décapitation d’un professeur d’histoire, Samuel Paty, à Conflans Sainte Honorine, illustrant le potentiel de violence que recèlent les convictions religieuses, quand elles se dégradent en idéologies mortifères. Et l’histoire nous a appris qu’aucune conviction, y compris l’athéisme, n’est à l’abri de ce risque de dérive violente. Dans un pays qui conserve au fin fond de sa mémoire collective, le souvenir douloureux des guerres de religion, nous pensions avoir éliminé, notamment avec le principe de laïcité, cette forme de mort violente. La laïcité, une autre branche du droit, qui est aujourd’hui confrontée à de nouvelles questions auxquelles il nous faudra répondre. Le principe constitutionnel de « laïcité » a permis, sur la question religieuse, d’articuler « liberté » de religion, « égalité » entre les religions, et aspiration à la « fraternité » entre ceux qui croient au ciel, dans leurs diverses façons d’y croire, et ceux qui n’y croient pas.

C’est probablement sur ce dernier terrain que notre contribution est la plus nécessaire. Car la laïcité, principe juridique de neutralité de la République et de prévention des conflits interreligieux, n’y suffira pas. Faire dialoguer les spiritualités entre elles n’est pas l’affaire de la laïcité. Mais si ce dialogue n’existe pas, on peut craindre que s’y substituent des affrontements face auxquels le rempart de la laïcité ne résistera pas longtemps.

Dans les deux cas, la mort fait retour dans nos vies dans des médias et sur des réseaux sociaux sur qui le soleil ne se couche plus. Information, ou infox, en continu, et réactivité exacerbée rendent difficile sur ces sujets le débat, et donc la délibération démocratique, et conduisent aussi à la violence extrême. Il n’est plus non plus de place, plus de temps pour la réflexion, pour la méditation, et l’écoute des arguments de l’autre. Le potentiel pacificateur de la démocratie, comme celui de la laïcité ou de l’éthique, se dissout dans l’émotion des groupes, des communautés ou des foules. Le peuple n’est plus dans le peuple quand il n’est plus inspiré ; et, quand il est partout, il n’est nulle part.

 

Daniel Lenoir, Président de D&S

[1] Expression reprise par André Comte-Sponville dans Le sexe ni la mort. Trois essais sur l’amour et la sexualité, Albin Michel, 2012.

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DOSSIER DU MOIS :

Vieillissement et mort

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 Conviviale : Vieillissement et Mort du 22 Septembre 2020

Synthèse de la conviviale avec Nicolas PUJOL

 Cette conviviale a porté sur le thème « Quel accompagnement spirituel en fin de vie ? », avec la participation de Nicolas PUJOL, psychologue clinicien en équipe mobile de soins palliatifs, chargé de recherche au pôle recherche de la Maison médicale Jeanne Garnier[1]. Organisée à la fois en présentiel et en distanciel, elle marque les débuts des travaux du groupe sur les thématiques « vieillissement, fin de vie, mort », thèmes apparus essentiels dans les débats des conviviales ayant eu lieu durant la période de confinement. Monika SANDER et Sébastien DOUTRELIGNE se sont portés volontaires pour l’animer.

Après un mot d’accueil de Daniel LENOIR, président de D&S, Monika SANDER a introduit la conviviale en évoquant le travail de thèse accompli par Nicolas PUJOL. Il considère la spiritualité comme une dimension intrinsèque de l’homme qui renvoie à la capacité des individus à chercher et à donner du sens à leur vie ainsi qu’à celle de se sentir connecté au moment présent, à soi, aux autres, à la nature, et à ce qui est essentiel ou sacré. Aussi, la maladie affecte la personne dans son ensemble, et prendre soin signifie être attentif à chacune des dimensions constitutives qui la composent, dont la dimension spirituelle, englobant la dimension religieuse.

Les participants à la conviviale se sont ensuite exprimés à tour de rôle, Nicolas PUJOL réagissant à leurs propos et interrogations.

Les premières interventions ont porté sur la question de la présence des accompagnants, l’angoisse des personnes en fin de vie. L’accent a été mis sur la présence inconditionnelle, avec l’importance d’accepter la fin de vie telle qu’elle se manifeste, tant pour les accompagnants, les soignants que pour les personnes en fin de vie. Ces dernières souhaitent avant tout être reconnues et aimées, ce qui nécessite une proximité qui le permette, relèvent Jean-Marie et Christiane BOUCLET. Aborder la question du sens de la vie se révèle importante, notamment lorsque de l’angoisse est présente. Tout ceci peut inclure une dimension spirituelle, avec des besoins de la part des personnes en fin de vie plus ou moins explicites, rarement adressés aux soignants, relève Yannick MOREAU.

Sur le sens et l’angoisse en fin de vie, Nicolas PUJOL souligne que la question des derniers instants a tout son sens, même si paradoxalement les soignants seraient sans doute incapables de répondre à la question du sens de ces moments. Le sens va être constitué par la matérialité du soin, en continuant à faire la toilette, à mobiliser les personnes. C’est une certaine idée de la dignité, avec des gestes de soin toujours accompagnés de paroles.

A propos du besoin spirituel exprimé par les personnes en fin de vie, Nicolas PUJOL mentionne qu’il n’existe pas de demande explicite d’être accompagné spirituellement. Cela peut passer par des échanges, des lectures, des méditations, des prières. Mais ces demandes ne sont pas adressées à l’hôpital, non identifié comme un interlocuteur légitime pour apporter un accompagnement spirituel à proprement parler. Quand la spiritualité est centrale chez eux, il sera important de la considérer, mais globalement, les patients demandent avant tout à être respectés, aimés, être le plus confortables possible. La reconnaissance permet de signifier à l’autre que je me soucie de cette dimension. L’un des risques entrevus est de pathologiser la spiritualité, au nom de la « bonne mort », avec une médecine qui ne ferait plus de soin global mais total.

A la question posée par Anne GERON de savoir comment donner le temps aux soignants pour qu’ils ne soient pas exclusivement dans le soin et qu’ils privilégient la relation et l’être, Nicolas PUJOL indique que la formation pourrait ici presque être délétère pour les soignants, à l’exception des soignants de nuit sans doute, si elle consiste à dire qu’il faut être dans l’écoute et la bienveillance alors qu’il y a très peu de temps à leur disposition pour que ce soit le cas. Ceci étant, les soignants en soins palliatifs sont plus attentifs que dans les autres services hospitaliers du fait de temps de transmission plus longs et des groupes de parole institutionnalisés, avec des échanges interdisciplinaires. Il existe une culture de la discussion et de la délibération, avec un temps pour l’action et un temps pour revenir sur l’action.

La question de ce qu’est ou pourrait être la « bonne mort », posée par Marcel LEPETIT, a ensuite été discutée. Anne GERON estime que c’est une mort préparée, à détacher du temps de l’agonie. La préparation dont il est question consiste en un travail de transmission, de pardon, de verbalisation de l’amour porté à autrui, du choix de la sépulture, de la (re)connexion à la joie favorisant le passage. Intéressant plusieurs participants, Anne GERON précise ce qu’elle entend par passage : un passage de relais, un passage d’un état à un autre, en accompagnant la personne en train de mourir vers ce nouvel état, en trouvant le ton, en convoquant son imaginaire sur cet accueil (à Dieu, un parent, un enfant parti trop tôt). Des témoignages de membres de D&S confirment les propos d’Anne GERON, « comme si la paix s’installait et qu’on pouvait partir », et un accompagnement de fin de vie pouvant se réaliser en présence mais aussi à distance, avec l’aide de pratiques de passage.

Nicolas PUJOL est en désaccord avec Anne GERON sur cette question, estimant qu’il est possible de dire ce qu’est la bonne mort pour soi. Néanmoins, la bonne mort du point de vue de la société doit être questionnée. Il rappelle que le mouvement de médicalisation de la mort démarre dans les années 70, avec la médecine tentée de dire ce qu’est la bonne mort : pacifiée, unifiée, réconciliée. Or, Nicolas PUJOL, se rapportant aux travaux de Robert HIGGINS (revue Esprit de 2003, l’article « L’invention du mourant – Violence de la mort pacifiée »), estime que cette idée de mourir en paix peut faire violence, tant pour le mourant qui devrait parler de sa mort (avec l’aide de psychologues sur le déni de la mort) que pour les soignants confrontés à des patients qui ne parlent pas de leur mort et n’ont pas conscience qu’ils sont condamnés. Mourir sans préparatif, en colère, révolté, confus, est-ce avoir raté sa mort ? En soins palliatifs, les morts sont différentes les unes des autres, et la bonne mort telle que décrite n’est pas majoritaire.

A propos de la question posée par Jean-Claude DEVEZE des visiteurs et de leur influence sur les personnes en fin de vie, Nicolas PUJOL relève que les patients abordent plus facilement des questions essentielles avec les soignants qu’avec leurs proches. Il mentionne également la difficulté qu’ils ont de faire semblant avec leurs proches. De leur côté, les proches disent souvent qu’ils ne savent pas quoi dire et quoi faire.

Nicolas PUJOL rappelle ensuite ce que sont les directives anticipées, contraignantes depuis 2016, et les replace par rapport à la question spirituelle : si l’enjeu de ces directives est de nourrir une relation de soin, elles peuvent intégrer la dimension spirituelle, ce qui suppose que le soignant s’inscrive dans une temporalité pour accompagner l’écriture puis l’échange autour de ces directives.

Même si ce dispositif est aujourd’hui peu utilisé par la population française (de l’ordre de 2 %), elles peuvent constituer un outil de libération des craintes et servir à préparer sa mort, indique Anne GERON.

Nadia OTMANE-TELBA relève ensuite l’importance des rituels religieux autour de la mort, constituant une aide pour les mourants et l’ensemble de leur entourage vivant. Renversant la perspective, elle pose la question de savoir ce que le mourant apporte à son visiteur, dans un contexte où une très grande majorité de nos concitoyens meurt à l’hôpital.

Jean-Marie BOUCLET saisit l’occasion pour faire part d’une expérience d’accompagnement d’une amie en milieu de soins palliatifs. A un moment donné, le rapport soignant/soignée s’est totalement inversé. Elle avait pris une place excessivement vivante alors que son corps partait. Une sorte de rituel s’était alors instauré auprès d’elle, avec les soignants et accompagnants qui se rendaient à son chevet car elle leur donnait la force et la joie de vivre. Ils avaient le sentiment de recevoir quelque chose de l’ordre de la Vie, ce qui fait dire à Jean-Marie BOUCLET qu’au cœur de la mort, il y a la vie qui s’exprimait à un niveau collectif. Pour lui et pour sa femme, cette expérience a modifié le sens de la vie.

Eliane FREMANN relate la situation de l’EHPAD où se trouve son père, au sein duquel la mort est passée sous silence, ce qui est très problématique pour ce type d’établissement ! Tout se passe comme si les personnes décédées n’avaient jamais vécu. Elle mentionne également son apaisement au contact des personnes en déclin cognitif, amenant un autre type de présence.

Anne GERON relève que la mort peut être prise en compte de trois manières en EHPAD : tout d’abord par la volonté du directeur, conscient ou non du fait que l’établissement constitue le dernier lieu de vie de ces personnes, ensuite la place du médecin coordonnateur et de l’infirmière coordonnatrice, enfin le conseil de la vie sociale où cette question peut être abordée. Tout dépend donc des établissements, certains conduisant maintenant un travail de réhabilitation et de ritualisation autour de la mort. Car dans ces lieux de fin de vie, la mort est omniprésente, transforme les soignants et les accompagnants et les fait grandir dans leurs maturités affectives. D’où le nécessaire besoin de ritualisations, faites pour l’autre et pour la cohésion sociale.

A propos des rituels et du rapport entre défunts et vivants, Sébastien DOUTRELIGNE mentionne un ouvrage de Vinciane DESPRET, philosophe à l’université de Liège, Au bonheur des vivants – Récits de ceux qui restent, qui pourrait faire l’objet d’une lecture commune au sein du groupe « Vieillissement, fin de vie, mort ».

Pour Nicolas PUJOL, si les gens meurent à l’hôpital, c’est alors aux soignants de s’occuper de l’accompagnement spirituel. Mais comment ? Ce à quoi on assiste de nos jours, c’est à une médicalisation de l’accompagnement spirituel (aux États-Unis, au Canada, en Belgique, en Suisse, moins en France), avec une imitation des médecins dans la normativité (questions normées afin de réaliser un diagnostic de détresse spirituelle suivi d’un plan de traitement). Il s’agit de prouver l’efficacité en montrant un gain en termes de qualité de vie, de bien-être. Nicolas PUJOL estime que cette médicalisation ou pathologisation de la spiritualité conduit à l’appauvrissement de l’approche de la dimension spirituelle.

A la question posée par Marcel LEPETIT de savoir si les médecins sont, de même que les autres soignants, transformés par la mort, Nicolas PUJOL mentionne qu’il existe des médecins très humains et sensibles. Il reste que le rapport au travail des soignants n’est pas le même, et la responsabilité change profondément la manière d’entrer en relation. Le rapport qu’ont les soignants à leur propre souffrance est aussi ici important. Il évoque aussi le fait que les soignants ont tendance à être insensibilisés, afin d’éviter d’être trop épuisés, avec des stratégies de défense individuelles et collectives. Cette question est donc à rapporter à celle de la nature du travail et comment je me protège pour pouvoir continuer à le faire.

Quant à la question générale de la formation, Nicolas PUJOL pense que ce type de formation, qui n’existe pas à ce jour, devrait être extrêmement riche, car pluridisciplinaire. Elle devrait mêler les théories de la sécularisation, la compréhension des transformations du rapport à la plénitude, les questions du désenchantement, du réenchantement, des nouvelles formes que prend le sacré dans la société, Avec la relation d’accompagnement essentiel que cela convoque, il s’agirait d’être également compétent sur les questions d’ordre psychologique. A défaut, la question de la spiritualité se résume à la question du sens, des valeurs, de la transcendance, de l’identité, avec une formation d’un an ou deux, ce qui, estime Nicolas PUJOL, n’est pas suffisant.

Sébastien Doutreligne

 

Newsletter The Conversation : Le bien-être au travail en Ehpad, c’est possible  

Le bien-être au travail en Ehpad, c’est possible – publié le 8 octobre 2020

Khaled Sabouné - Maître de Conférences, Aix-Marseille Université (AMU) - ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

Les nouveaux modes de fonctionnement des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et les politiques d’optimisation des coûts tendent à accroître les contraintes physiques, psychologiques et organisationnelles des salariés et de leurs managers. Cela risque également d’altérer leur santé au travail, notamment en contexte de crise sanitaire majeure. Le bien-être au travail constitue dès lors un défi pour les dirigeants des Ehpad dans la mesure où il influence la performance des établissements.

Toutefois, si une organisation ne réussit pas à réduire les contraintes et les exigences du travail de ses personnels, elle peut néanmoins leur fournir des ressources appropriées (sociales, matérielles, énergétiques, etc.) permettant de compenser les effets des conditions de travail difficiles.

Manque de temps

Une enquête qualitative réalisée auprès de 18 professionnels d’un Ehpad à but non-lucratif a permis, d’une part, d’identifier les conditions de travail les plus nocives pour la santé au travail et d’autre part, de détecter des ressources du travail susceptibles d’atténuer les effets de celles-ci et de favoriser le bien-être au travail de tous.

Les résultats montrent qu’un grand nombre d’exigences du travail, perçues par nos interviewés (cf. tableau ci-dessous), est partagé par la sphère managériale (directeur et cadre de santé) et la sphère opérationnelle (personnels soignant et hôtelier) de l’Ehpad : relation managériale altérée, charge de travail excessive, manque de temps et dysfonctionnements organisationnels.

Exigences du travail perçues par les acteurs de l’Ehpad.

Ces résultats conduisent à s’interroger sur le manque important de ressources sociales, notamment le soutien de la hiérarchie et des collègues de travail, dans un secteur où les valeurs humaines sont essentielles et où les métiers sont à vocation sociale et solidaire. On l’a vu à tous les niveaux hiérarchiques, les acteurs interrogés pointent la dégradation de la relation avec leurs managers. Ces derniers leur paraissent très peu disponibles, très peu accessibles, très peu ouverts à la discussion et au partage d’idées. Ils perçoivent alors un management « directif », « autoritaire », « réactionnel », « malveillant » ou « absent ».

« Quand on nous demande de faire plus que ce que l’on peut faire, ça devient plus possible », s’inquiète une aide-soignante. Quant au directeur, il explique de son côté être soumis à « des contraintes de plus en plus importantes ».

Formalisation excessive

Les résultats de l’enquête conduisent également à s’interroger sur l’origine des dysfonctionnements organisationnels qui dégradent le bien-être au travail de tous les acteurs de l’Ehpad, comme l’absence de clarté sur la répartition des rôles, le déficit d’informations et de communication. Il convient ici de rappeler que l’organisation du travail et des activités des salariés relève de la responsabilité des managers.

Néanmoins, le manque de temps empêche la cadre de santé et le directeur de l’Ehpad, non seulement d’animer leurs équipes, mais aussi d’observer et de connaître les pratiques professionnelles de ces dernières afin de repenser l’organisation du travail. Il convient de noter à cette occasion que la formalisation excessive, engendrée par les réformes du secteur médico-social, semble détourner l’énergie des managers.

Ces derniers passent leur temps à suivre des procédures, à remplir des formulaires divers et à participer à des réunions à l’intérieur et à l’extérieur de leur établissement, alors que la gestion d’Ehpad était plus empirique, avant les réformes des années 2000.

Mobiliser des ressources sociales

Pour faire face à des conditions de travail de plus en plus nocives, tous les professionnels interrogés sollicitent le soutien social de leurs supérieurs hiérarchiques. En effet, ce soutien social constitue une des ressources majeures aidant l’individu à faire face à la souffrance au travail dans la mesure où il joue un rôle médiateur entre les exigences du travail et le bien-être du salarié.

Dans ce but, les managers des Ehpad devraient, d’après nos interviewés : favoriser la proximité relationnelle ; se rendre disponibles pour écouter et dialoguer avec empathie ; connaître, reconnaître et valoriser le travail de chacun ; préciser et rappeler l’utilité du travail de chaque fonction ; valoriser et encourager la prise d’initiative et la créativité de chacun ; mettre à disposition le matériel nécessaire ; réorganiser le travail pour assurer une prise en soins de qualité ; et enfin clarifier et préciser le rôle de chaque salarié.

Le manager idéal serait ainsi « quelqu’un qui est proche de nous, qui sait nous écouter quand on dit quelque chose », imagine une aide-soignante. « Pas forcément un psychologue, mais quelqu’un avec lequel nous puissions parler de temps en temps », précise un agent de service.

Toutefois, pour que les managers puissent assumer leur rôle de soutien social, les établissements, et dans une moindre mesure les pouvoirs publics, sont invités à soutenir les cadres et les directeurs des Ehpad. Pour cela, ils peuvent leur donner plus d’autonomie dans la prise de décision et l’organisation du travail dans leurs structures, les sensibiliser à l’animation d’équipe, les aider et les former à la gestion du temps et des priorités, et leur allouer plus de moyens pour améliorer les conditions de travail de leurs collaborateurs.

Le secteur des Ehpad, fortement médiatisé actuellement, est en pleine mutation. Il s’avère donc aujourd’hui primordial de préserver le bien-être au travail de tous les acteurs afin de pouvoir amorcer les changements induits par les réformes successives sur de bonnes bases et améliorer la qualité de la prise en soins.

L’amélioration des relations sociales et la mise en place d’une organisation du travail plus humaine qui remet le résident au centre de ses actions et qui permet de concilier logiques économiques et logiques sociales devraient aujourd’hui relever d’une vraie stratégie et être anticipées, afin de ne pas avoir à subir l’aspect négatif des divers enjeux liés à la complexité de l’environnement des Ehpad.

 

[1] [1] SPIRITUALITE ET CANCEROLOGIE : Enjeux éthiques et épistémologiques d’une intégration

THESE DE DOCTORAT Présentée devant l’UNIVERSITE PARIS DESCARTES - PARIS V Par Nicolas PUJOL Pour l’obtention du grade de Docteur Sciences de la Vie et de la Santé ; Discipline Éthique médicale – le 28.11.2014

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Nouvelles exigences démocratiques

 

Flash Info du Pacte Civique : Territoires zéro chômeur de longue durée

Petit rappel des objectifs de TZCLD :

Montrer qu’il est possible à l’échelle d'un territoire de proposer à tout chômeur de longue durée qui le souhaite, un emploi à durée indéterminée à temps choisi, rémunéré au SMIC et financé par l’État, en développant et finançant des activités utiles et non concurrentes des emplois existants pour répondre aux besoins des divers acteurs du territoire : habitants, entreprises, institutions, ...

Observer l’impact de l'expérimentation sur le territoire, et les bénéfices obtenus aux plans, humain, sociétal et économique,

Vérifier la viabilité économique sur le long terme des « Entreprises à but d’emploi » conventionnées à cette fin. … Lire la suite sur notre site : http://www.democratieetspiritualite.org

 

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Résonances spirituelles

 

« Contre le fanatisme, remettons la religion dans le débat public » Adrien CANDIARD (1).

 

Chronique de Bernard Ginisty du 23 octobre 2020.

Pour Adrien Candiard, frère dominicain et islamologue, l’attentat monstrueux dont a été victime un professeur d’histoire et de géographie de la part du terrorisme islamiste, souligne que notre approche habituelle du fanatisme, ne fonctionne pas. « Quand on fait sortir la religion du débat public, alors elle n’est plus soumise à la critique. On transforme une opinion en une identité qui devient sacralisée et finalement indiscutable. La logique de la laïcité a abouti à cela : à respecter les religions dans leur coin, sans en discuter. On se trompe ! La religion est d’abord une opinion et elle peut donc être discutée. Aucun croyant ne peut sommer quiconque de respecter en bloc sa religion comme un bloc sacré et indiscutable. (…) Il faut remettre la religion dans le cercle de la raison commune. (…) Si l’on veut éviter que ces tragédies se reproduisent indéfiniment, il faut refaire de la religion une question d’opinion universalisable, c’est-à-dire sur laquelle il est possible d’échanger des arguments contradictoires ».

Chaque fois que nous nous identifions totalement à ce que nous croyons ou pensons, nous sommes sur la pente du fanatisme. Pour éviter cette dérive, Adrien Candiard nous rappelle que « Dieu est plus grand que ce que les autres en disent – même ceux qui profèrent à mes yeux des énormités – et plus grand aussi que ce que j’en comprends. (…) Je ne suis pas propriétaire de Dieu. Je ne dois pas confondre mon opinion, même si je la crois vraie, avec Dieu lui-même. Ni confondre ma personne avec Dieu ».

Trop souvent, les clercs des différentes religions neutralisent au nom de l’institution qu’ils défendent, les textes auxquels ils se réfèrent. Pour Maurice Bellet, « Il convient peut-être de regarder ce qui fait le malheur du texte inerte – c’est-à-dire du texte qui « ne parle pas ». C’est une parole qui n’écoute pas. C’est là, c’est dit ; le seul rapport à l’autre, c’est que l’autre, lui, doit écouter, apprendre, comprendre s’il peut, répéter, exécuter ; obéir, obéir. Ce qu’on présuppose en lui n’est même pas explicité ; on présuppose qu’il a de quoi tenir l’attitude qu’on juge nécessaire pour croire ce qu’on lui dit ; et que s’il ne croit pas, c’est de sa faute ou en tout cas de son fait (par ignorance, préjugé, faiblesse, etc.). Le discours se tient par lui-même ; aucun retour de critique ou d’expérience ne saurait vraiment le troubler ; il sait les réponses avant les questions. Son modèle naïf est le catéchisme. Mais on peut argumenter dans l’érudition et l’abstraction en gardant la même structure. C’est une parole qui se présente comme indépendante de celui qui la dit et de celui à qui elle parle. Elle est close en elle-même. C’est-à-dire en vérité qu’elle ne parle à personne » (2).

Si Dieu existe, il est le Dieu de tous les hommes, en ce sens il est « laïque » comme l’affirmait le pasteur Tommy Fallot, fondateur du Christianisme Social : « Dieu seul est laïque ; hélas, l’homme souffre de maladies religieuses, cléricalement transmissibles » (3). On peut déplorer que nous ne parlions pas les mêmes langues pour parler de la vie et de la mort, du sens et de l’absurde, du mal et de la grâce, mais il est difficile de penser sans la médiation concrète d’une langue. Dieu seul est laïque car, tous les mystiques l’attestent, il se situe au-delà des langues qui le disent et des sentiments des croyants qui le vénèrent. Cette distance ne signifie pas qu’il faille jeter aux magasins des accessoires démodés l’héritage des religions, mais ne cesser de les interroger. Sauf à vouloir se transformer en un néo-cléricalisme s’identifiant à un universel abstrait, la laïcité française est aujourd’hui suffisamment adulte pour ne pas craindre d’assumer la totalité de l’héritage légué par l’histoire.

(1) Adrien CANDIARD : Entretien dans le journal La Croix du 19 octobre 2020, page 5. Il vient de publier : Du fanatisme. Quand la religion est malade, éditions du Cerf, 2020.

(2) Maurice BELLET (1923-2018) : Croyants (ou non), passons ailleurs pour tout sauver ! Éditions Bayard, 2011. Il explicite ainsi sa pensée : « En vérité, ce conflit chrétien s’inscrit dans un conflit plus vaste, où la modernité se déchire : entre esprit doctrinaire et relativisme. C’est-à-dire entre deux prétentions : à un savoir établi, qui juge de tout, à une position supérieure qui… juge de tout. Rien d’étonnant à ce que ces deux attitudes aient des traits communs ! (…) Apparaît alors que le motif profond de l’intégrisme, du fondamentalisme, des toutes les convictions religieuses apparemment sans fissure, c’est, fondamentalement, l’angoisse. L’angoisse de la perte, la perte de l’absolu, du ce-qui-ne-peut-manquer, du point d’appui qui ne glisse pas. Cette angoisse est chez les humains extrêmement profonde, même lorsqu’elle est dissimulée dans des attitudes en apparence contraires – et c’est justement le cas du relativisme religieux. L’intégrisme est dans l’angoisse de perdre la Vérité ; son ennemi est dans l’angoisse de perdre la Réalité, le « monde contemporain », l’ensemble de relations qui fait qu’on est dans ce réel partagé, qui nous éloigne des délires et des enfermements». Pages 25-34.

(3) Cité par Pierre PIERRARD (1920-2005) : Anthologie de l’humanisme laïque de Jules Michelet à Léon Blum, éditions Albin Michel, 2000, page 12.





« Le train du progrès n’emprunte pas qu’une seule voie » Bruno LATOUR

 

Chronique de Bernard Ginisty du 9 octobre 2020

 

Dans son discours du 14 septembre dernier sur le numérique et l’innovation, le président Macron, pour défendre l’installation de la 5G, a déclaré : « Je ne crois pas au modèle amish. Et je ne crois pas que le modèle amish permette de régler les défis de l’écologie contemporaine » (1). Il a pris en contre-exemple cette communauté techno-sceptique, d’origine protestante, installée principalement aux États-Unis, dans l’Utah, que les médias présentent souvent comme « folklorique ».

Sans entrer dans le débat technique sur la technologie de la 5 G, c’est le raisonnement utilisé par Emmanuel Macron qui pose problème. Dans une tribune d’une grande lucidité intitulée « Le train du progrès n’emprunte pas qu’une seule voie » publiée dans le journal Le Monde, le philosophe et anthropologue des sciences Bruno Latour critique vivement cette idéologie simpliste du progrès. « Le train du progrès a-t-il des aiguillages ? Apparemment, pour notre président, il s’agit d’une voie unique. Si vous n’allez pas tout droit, vous ne pouvez que « revenir en arrière », ce qui veut dire régresser. Que cet argument soit encore considéré comme imparable, au moment même où le monde brûle parce que le « train du progrès » nous a menés au désastre a quelque chose de désespérant. (…) Le président ferait bien de se renseigner un peu sur « le modèle amish » qu’il a cru bon de ridiculiser, car il a au moins l’avantage de faire discuter la communauté concernée sur l’ajout ou non de telle ou telle innovation ».

Pour Bruno Latour, « il est d’autant plus extraordinaire de voir ressusciter ce vieux cliché d’avant la crise du Covid 19, alors que, depuis six mois, tous les Français se demandent au contraire s’ils ne pourraient pas se désintriquer de l’irréversible train du progrès. Au moment même où chacun d’entre eux se met à comprendre que chaque médicament, chaque aliment, chaque habit, chaque moyen de transport fait l’objet d’une vive controverse et offre des marges de manœuvre qui permettent de bel et bien « renverser » ce qui paraissait inévitable. Si le confinement a eu un effet, c’est de nous déconfiner tout à fait de cette idée d’une voie unique vers le progrès. (…) On peut encore comprendre que cet inusable cliché ait pu servir avant la crise climatique, mais comment la répéter en septembre de l’année la plus chaude jamais enregistrée quand tout indique qu’il faut justement apprendre à revenir sur une multitude de décisions toutes jugées en leur temps aussi « irréversibles » que « profitables » (2).

L’ampleur de la crise que nous traversons suppose autre chose que des pieux célébrants d’une liturgie du progrès. Nous sommes appelés à vivre le temps des inventeurs. L'histoire nous montre que tous ceux qui ont voulu résister à la perte de sens se sont attachés à créer des espaces microsociaux qui se définissent d'abord par des rapports collectifs nouveaux au temps et au lien social. Ces espaces peuvent s'enclore dans la fermeture des sectes et il est indéniable que les paniques actuelles les rendent attractives. Au lieu du temps libéré, c'est le temps de la mort, dans un refus de naître à de nouvelles socialités, que proposent nombre de petits « maîtres ». Mais ces dérives ne sauraient nous faire méconnaître l'importance capitale de promouvoir de nouveaux arbitrages entre le lien et le bien.

Ce qui meurt, c'est bien le temps quantifié et monétarisé de l’individu, atome social attendant du "sens de l'histoire“ de la ”croissance" ou de la « technique » une sorte d'automaticité du lien social. Nous avons à faire le deuil de ces idoles qui nous ont fait croire être dispensés de la responsabilité d’inventer, dans la quotidienneté, d’autres rapports aux êtres, aux travaux et aux jours.

 

(1) Le déploiement de la 5G, attendu en France à partir de la fin de l’année, permettra d’avoir un débit Internet plus important, surtout utile pour les entreprises. Les opérateurs télécoms et les équipementiers affirment que cette technologie permettra d’augmenter significativement le débit, pour permettre de nouveaux usages, des jeux vidéo à la demande aux villes connectées, en passant par les voitures autonomes. Pour les particuliers, elle représentera dans un premier temps un saut technologique moins important que la 4G, qui a, elle, ouvert la voie à un accès Internet suffisant pour lire des vidéos et utiliser des applications (pour mémoire, la 3G offrait un accès Internet restreint, et la 2G ne permettait que de passer des appels et d’envoyer des SMS). Mais elle suscite des questions sur divers aspects : consommation, environnement, santé, encadrement légal…

(2) Bruno LATOUR : Le train du progrès n’emprunte pas qu’une seule voie, journal Le Monde, 25 septembre 2020, page 29.

 

 

Pape François : l'encyclique "Fratelli Tutti"

Avec l’aimable autorisation de Témoignage Chrétien :https://www.temoignagechretien.fr/un-reve-de-fraternite-pour-un-monde-blesse/

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Dans l’encyclique Fratelli tutti, le pape François cite le célèbre vers de Virgile « Sunt lacrimae rerum et mentem mortalia tangunt » (« Toutes les choses ont leurs larmes qui émeuvent le cœur des mortels »). Et cela résume bien sa pensée, blessée, souvent pessimiste, pleurant sur le monde avec lequel il veut dialoguer pour que la fraternité progresse. François s’adresse à chacun, individuellement, pour l’exhorter à plus de fraternité. Il n’entend pas « résumer la doctrine sur l’amour fraternel, mais se focaliser sur sa dimension universelle, sur son ouverture à toutes les personnes ». Il s’exprime avec humilité en cherchant des ponts avec l’islam : « Je me suis particulièrement senti encouragé par le Grand Imam Ahmad al-Tayyeb, que j’ai rencontré à Abou Dhabi. »

Les intérêts contre l’unité

Le premier chapitre dresse un constat sans concessions du monde aujourd’hui. Certes, si François reconnaît que « le rêve d’une Europe unie, capable de reconnaître ses racines communes et de se féliciter de la diversité qui l’habite, a progressé », tout comme « le désir d’une intégration latino-américaine s’est renforcé », c’est pour ajouter : « L’histoire est en train de donner des signes de recul. Des conflits anachroniques considérés comme dépassés s’enflamment, des nationalismes étriqués, exacerbés, pleins de ressentiments et agressifs réapparaissent. » L’ouverture au monde n’est plus un projet d’unité mais « se rapporte exclusivement à l’ouverture aux intérêts étrangers ou à la liberté des pouvoirs économiques d’investir sans entraves ni complications dans tous les pays ». Cette mondialisation des marchés « favorise en principe l’identité des plus forts, qui se protègent, mais tend à dissoudre les identités des régions plus fragiles et plus pauvres, en les rendant plus vulnérables et dépendantes ». On assiste à « une perte du sens de l’histoire […] où la liberté humaine […] ne laisse subsister que la nécessité de consommer sans limites ». Même les mots comme « démocratie, liberté, justice, unité […] ont été dénaturés et déformés pour être utilisés comme des instruments de domination ». Les dominés sont ridiculisés et pour les dominants « gagner devient synonyme de détruire […], tandis qu’est déguisé en rationalité ce qui ne représente que des intérêts particuliers ».

Le pape déplore « l’obsession de réduire les coûts du travail sans prendre en compte les graves conséquences que cela entraîne […], le racisme qui se cache et réapparaît sans cesse » et dénonce l’hypocrisie d’une soi-disant réduction de la pauvreté qui ne tient pas compte des conditions de vie modernes. Les inégalités s’accroissent, « les droits humains ne sont pas les mêmes pour tout le monde » et les femmes n’ont pas la même dignité ni les mêmes droits que les hommes. Les violences ne sont pas vues de la même façon selon qu’elles conviennent aux puissants ou non. Il y a désormais « mon monde » et « eux ». « Le “sauve-qui-peut” deviendra vite “tous contre tous”. »

Une part importante est accordée aux fantasmes de la communication : « Paradoxalement, alors que s’accroissent des attitudes de repli sur soi et d’intolérance qui nous amènent à nous fermer aux autres, les distances se raccourcissent ou disparaissent au point que le droit à la vie privée n’existe plus. Tout devient une sorte de spectacle qui peut être espionné, surveillé, et la vie est soumise à un contrôle constant. » Le monde numérique isole et crée une impression de toute puissance résumée à des like. Le dialogue se détériore et l’on coupe la parole sans chercher l’écoute. « La liberté devient une illusion qu’on nous vend et qui se confond avec la liberté de naviguer devant un écran. » L’aliénation devient un instrument de pouvoir : « Détruire l’estime de soi chez quelqu’un est un moyen facile de le dominer. »

Don de soi

Le deuxième chapitre commente la parabole du bon Samaritain. « Jésus raconte qu’il y avait un homme blessé, gisant sur le chemin, agressé. Plusieurs sont passés près de lui mais ont fui, ils ne se sont pas arrêtés. C’étaient des personnes occupant des fonctions importantes dans la société, qui n’avaient pas dans leur cœur l’amour du bien commun. Elles n’ont pas été capables de perdre quelques minutes pour assister le blessé ou du moins pour lui chercher de l’aide. Quelqu’un d’autre s’est arrêté, lui a fait le don de la proximité, a personnellement pris soin de lui, a également payé de sa poche et s’est occupé de lui. Surtout, il lui a donné quelque chose que, dans ce monde angoissé, nous thésaurisons tant : il lui a donné son temps. Il avait sûrement ses plans pour meubler cette journée selon ses besoins, ses engagements ou ses souhaits. Mais il a pu tout mettre de côté à la vue du blessé et, sans le connaître, il a trouvé qu’il méritait qu’il lui consacre son temps. […] Si nous étendons notre regard à l’ensemble de notre histoire et au monde de long en large, tous nous sommes ou avons été comme ces personnages : nous avons tous quelque chose d’un homme blessé, quelque chose d’un brigand, quelque chose de ceux qui passent outre et quelque chose du bon Samaritain. »

Conversion

Dès lors, que faire ? le troisième chapitre donne des pistes pour un monde ouvert « à partir de l’intimité de chaque cœur ». La dialectique entre la conversion personnelle et le rapport au monde est une clé pour davantage de fraternité. « Il n’y a pas de vie là où on a la prétention de n’appartenir qu’à soi-même et de vivre comme des îles : dans ces attitudes, la mort prévaut. » La restriction des relations, le repli sur soi sont des impasses « Les groupes fermés et les couples autoréférentiels, qui constituent un “nous” contre tout le monde, sont souvent des formes idéalisées d’égoïsme et de pure autopréservation. » Pire, cette attitude peut conduire à la négation de l’autre : « Il y a des croyants qui pensent que leur grandeur réside dans l’imposition de leurs idéologies aux autres, ou dans la défense violente de la vérité ou encore dans de grandes manifestations de force. » Le contraire de l’« amitié sociale », qui est la « la condition de la possibilité d’une ouverture universelle vraie ». L’enfermement identitaire fait que « le terme “prochain” perd tout son sens, et seul le mot “partenaire”, l’associé pour des intérêts déterminés, a du sens ». Or, « la simple somme des intérêts individuels n’est pas capable de créer un monde meilleur pour toute l’humanité ».

François cherche en réalité la « solidité ». « Solidité se trouve à la racine étymologique du terme solidarité. La solidarité, dans le sens éthique et politique qu’il a pris ces deux derniers siècles, donne lieu à une construction sociale sûre et stable. » C’est là que l’organisation politique des peuples et les relations internationales doivent intervenir.

Accueil et écoute

Le quatrième chapitre développe cette notion de solidarité qui s’ordonne à l’universel : « Il faut développer cette conscience qu’aujourd’hui ou bien nous nous sauvons tous ou bien personne ne se sauve. » Il en résulte que l’égalité doit être une réalité vécue avec la plénitude des devoirs et des droits inhérents à notre appartenance au monde : « Il est nécessaire de s’engager à établir dans nos sociétés le concept de la pleine citoyenneté et à renoncer à l’usage discriminatoire du terme minorités, qui porte avec lui les germes du sentiment d’isolement et de l’infériorité. » Pas de fraternité sans le réel d’un ici et maintenant qui ne refuse pas les particularités : « Il n’est possible d’accueillir celui qui est différent et de recevoir son apport original que dans la mesure où je suis ancré dans mon peuple, avec sa culture. » Le pape réaffirme son plaidoyer en faveur des migrants, dénonçant au passage les pays qui « souhaitent n’accueillir que les chercheurs ou les investisseurs ». Pour vivre la fraternité de l’accueil du migrant, François en appelle à la notion de gratuité : « Les nationalismes fondés sur le repli sur soi traduisent en définitive cette incapacité de gratuité, l’erreur de croire qu’on peut se développer à côté de la ruine des autres et qu’en se fermant aux autres on est mieux protégé. Le migrant est vu comme un usurpateur qui n’offre rien. Ainsi, on arrive à penser naïvement que les pauvres sont dangereux ou inutiles et que les puissants sont de généreux bienfaiteurs. Seule une culture sociale et politique qui prend en compte l’accueil gratuit pourra avoir de l’avenir. »

Contre le populisme et la dérégulation libérale

Le cinquième chapitre aborde la question politique. Populisme et dérégulation ultralibérale ne visent en fait que des intérêts : « Le mépris des faibles peut se cacher sous des formes populistes, qui les utilisent de façon démagogique à leurs fins, ou sous des formes libérales au service des intérêts économiques des puissants. » Or, « la grande question, c’est le travail. Ce qui est réellement populaire – parce qu’il contribue au bien du peuple –, c’est d’assurer à chacun la possibilité de faire germer les semences que Dieu a mises en lui, ses capacités, son sens d’initiative, ses forces. C’est la meilleure aide que l’on puisse apporter à un pauvre, c’est le meilleur chemin vers une existence digne. C’est pourquoi j’insiste sur le fait qu’“aider les pauvres avec de l’argent doit toujours être une solution provisoire pour affronter des urgences. Le grand objectif devrait toujours être de leur permettre d’avoir une vie digne par le travail” » et « le marché à lui seul ne résout pas tout, même si, une fois encore, l’on veut nous faire croire à ce dogme de foi néolibéral. Il s’agit là d’une pensée pauvre, répétitive, qui propose toujours les mêmes recettes face à tous les défis qui se présentent ».

Le pape n’a pas de solution politique à proposer explicitement, il suggère de regarder les mouvements populaires, les initiatives locales dans un esprit de fraternité : « Les “poètes sociaux” sont ceux qui travaillent, qui proposent, qui promeuvent et qui libèrent à leur manière. » Il invite à l’« amour social », qui ne réduit pas « les personnes aux individus ». Il lie la « charité envers les personnes et les peuples » et les « actes de charité qui poussent à créer des institutions plus saines, des réglementations plus justes, des structures plus solidaires », loin du « maquillage médiatique ».

Dialogue

Le sixième chapitre revient sur la nécessité du dialogue : « Le manque de dialogue implique que personne, dans les différents secteurs, ne se soucie de promouvoir le bien commun ; mais chacun veut obtenir des avantages que donne le pouvoir, ou, dans le meilleur des cas, imposer une façon de penser. » Le dialogue n’est pas un simple « consensus de circonstance », mais un échange « qui a besoin d’être enrichi et éclairé par des justifications, des arguments rationnels, des perspectives différentes, par des apports provenant de divers savoirs et points de vue, un dialogue qui n’exclut pas la conviction qu’il est possible de parvenir à certaines vérités élémentaires qui doivent ou devraient être toujours soutenues. »

Pardon

Le septième chapitre montre que pour dialoguer, il faut savoir pardonner, c’est-à-dire être en vérité avec soi-même et son prochain, surtout pas dans l’oubli, mais dans la libération du désir de vengeance, pour lui substituer la justice : « Ceux qui se sont durement affrontés doivent dialoguer à partir de la vérité, claire et nue. » Il ne s’agit pas non plus de « renon[cer] à ses droits devant un puissant corrompu ». Le pardon libère de la colère, les personnes peuvent pardonner, on ne peut pas les y contraindre. François rappelle l’interdit de la peine de mort, de l’arme nucléaire et de toute guerre, rendant caducs les « critères rationnels mûris en d’autres temps, pour parler d’une possible “guerre juste” ».

La vraie fraternité

Le dernier chapitre se conclut par un rappel de la déclaration commune avec le Grand Imam Ahmad al-Tayyeb, des prières interreligieuses et œcuméniques. Cet appel aux autres religions est naturel puisque « les différentes religions, par leur valorisation de chaque personne humaine comme créature appelée à être fils et fille de Dieu, offrent une contribution précieuse à la construction de la fraternité et pour la défense de la justice dans la société » et que « chercher Dieu d’un cœur sincère, à condition de ne pas l’utiliser à nos intérêts idéologiques ou d’ordre pratique, nous aide à nous reconnaître comme des compagnons de route, vraiment frères ». Les chrétiens revendiquent la liberté religieuse pour tous : « Il y a un droit fondamental qui ne doit pas être oublié sur le chemin de la fraternité et de la paix. C’est la liberté religieuse pour les croyants de toutes les religions. » François cite l’exemple de Charles de Foucauld, qui a fait l’expérience de la fraternité dans le désert africain. Les religions ne véhiculent pas de violence, seules leurs déformations altèrent la fraternité.

La fraternité : un rêve, une utopie ? « Que Dieu inspire ce rêve à chacun d’entre nous », nous dit François.

 

Bertrand Rivière

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Libres Propos

Témoignages sur la maladie et la mort : trois exemples dans la littérature de la fin du XXè siècle

 

Simone de Beauvoir, court récit autobiographique sur l’accompagnement des derniers mois de vie de sa mère et son agonie à l’hôpital, Annie Ernaux et Christian Bobin, témoignages dans deux styles très différents, sur la maladie d’Alzheimer d’un parent.

 

Une mort très douce

Au chevet de Françoise de Beauvoir se relaient ses deux filles, Simone et sa sœur Hélène dite Poupette. Elles alternent moments d’espoir et de découragement, en lui cachant la véritable nature de son mal, un cancer de l’estomac, dont seules de fortes doses de morphine et d’Equanil parviennent à apaiser les souffrances.

Ce récit reste d’actualité, à différents niveaux.

D’abord sur les relations mère-fille, avec leur lot d’incompréhensions, pour Simone particulièrement, qui retrouve une tendresse ancienne qu’elle croyait éteinte et reprend un dialogue brisé à l’adolescence, son incroyance ayant été un objet de tourment maternel et de scandale dans une famille chrétienne traditionnelle. Sur le vieillissement du corps aussi, exhibé sans pudeur désormais par une mère autrefois pudibonde, et qui suscite la gêne de sa fille.

Il évoque aussi les sentiments de honte né du mensonge fait à la malade sur la nature de son mal, sur l’impuissance de l’entourage proche, sa culpabilité même car l’autrice n’a pu épargner à sa mère une intervention chirurgicale aux suites douloureuses, qu’elle ne voulait pourtant pas lui infliger. A la première épreuve, j'avais flanché : j'avais renié ma propre morale, vaincue par la morale sociale. « Non, m'avait dit Sartre, vous avez été vaincue par la technique : et c'était fatal. ».

Bien que datant de 1964, ce récit soulève des problématiques sur l’hôpital qui sont toujours très présentes un demi-siècle plus tard. Il dénonce les conditions de travail des infirmières, assignées aux tâches ingrates, mal payées et durement traitées, l’acharnement thérapeutique, la toute-puissance de certains professeurs de médecine, techniciens avant tout, leur froideur et leur mépris des personnes âgées - « elle pourra reprendre sa petite vie ». Face à l’acharnement thérapeutique, Simone de Beauvoir soulève la question de l’euthanasie.                                                                                                  

Enfin l’autrice interroge le refus de sa mère, catholique pratiquante, du recours à la religion -prières, visite d’un confesseur-à la veille de sa mort. Elle l’interprète comme un acte de liberté après une vie comprimée sous un harnachement de principes et d’interdits.

Le titre de l’ouvrage Une mort très douce reprend l’affirmation de la garde de nuit en réponse à Hélène de Beauvoir, effrayée par les derniers instants de sa mère.

 

Deux courts récits, parmi beaucoup d’autres, relatent l’expérience vécue de la maladie d’Alzheimer d’un parent : Je ne suis pas sortie de ma nuit d’Annie Ernaux[i], un journal qui n’était pas au départ destiné à la publication, et La présence pure de Christian Bobin[ii], un recueil intense et poétique.

Tous deux exposent aussi bien la dégradation physique et psychique progressive de l’être cher que leurs sentiments, oscillant de la tristesse à la colère face à une réalité très douloureuse et leur impuissance de ne plus être en mesure d’offrir un soulagement effectif à leurs parents en souffrance. C’est un leitmotiv chez Annie Ernaux : Je me pose de moins en moins la question ‘est-ce à cause de moi ?’ (…) Mais je ne l’ai pas assez secourue, elle a traversé sa ‘nuit’ seule.--

Toutefois, les deux écrivains ont aussi, à travers à ce parcours sans retour dans la « déshumanité » comme l’écrit Annie Ernaux, renoué avec l’humanité. L’autrice a fini par accepter sa mère dans sa déchéance et lorsqu’elle se rend à la maison de long séjour, elle a l’impression que c’est sur ce vécu qu’elle doit écrire. Christian Bobin a parfois le sentiment que l’infirmité ne se trouve pas dans le camp de son père mais dans le sien. Peu à peu, il apprend à aimer le contact avec ces malades et considère le lien avec eux comme un présent inestimable, jusqu’à songer qu’il faudrait écrire sur chacun d’eux. Certes amoindris, ils sont bien reconnaissables : si l’Alzheimer enlève ce que l’éducation a mis dans la personne, « elle fait remonter le cœur en surface ». C’est certainement ce qui explique le choix du titre : La présence pure.  Comme le dit l’écrivain, les malades d’Alzheimer nous font le don d’une vie réduite à sa base, délivrée de tous les ordres de la vie moderne : acheter, envier, triompher. Se référant plus précisément à son père, il écrit : « Pour venir à toi j’écarte tous les noms de maladie, d’âge et de métier, comme on écarte un rideau de 287 lamelles colorées en plastique, au seuil des maisons, l’été, jusqu’à te retrouver dans la fraîcheur de ce seul nom qui ne ment pas : père. ».

Ces constatations aboutissent chez les deux auteurs à un retour à soi, font revenir les souvenirs du passé, des relations entre parents et enfants. Chez Annie Ernaux, elles sont conflictuelles. Pourtant, dit-elle, jamais femme ne sera plus proche d’elle que sa mère, jusqu’à être comme « en elle ». C’est ma mère, ce n'était plus la femme que j'avais toujours connue au-dessus de ma vie, et pourtant, sous sa figure inhumaine, par sa voix, ses gestes, son rire, c'était ma mère, plus que jamais ». Au contraire, chez Bobin, les rapports père-fils semblent avoir toujours été harmonieux : C’est en regardant vivre mon père que j’ai appris ce qu’était la bonté et qu’elle est l’unique réalité que nous puissions jamais rencontrer dans cette vie irréelle. »

Après le choc des premières visites à l’Ehpad où réside mon père, j’ai eu progressivement cette même sensation d’être au cœur de l’humain, dans sa dimension la plus dépouillée, à travers la perception fine, le non-verbal, et j’ai ressenti le besoin d’écrire après mes visites, sur mon père et sur quelques autres pensionnaires, avec qui j’étais en lien. Mais c’était avant le confinement et les nouvelles règles imposées aux visiteurs qui limitent les contacts et génèrent de la frustration, la distance matérielle privant les personnes vulnérables des gestes d’attention pourtant essentiels en réponse à leurs mains tendues, derrière le plexiglass auquel elles se heurtent. Le sourire même, derrière le masque, est difficilement perceptible pour elles qui voient si peu. A nos yeux de bien portants, leur existence parait réduite à une survie biologique.  

Je suis né dans un monde qui commençait à ne plus vouloir entendre parler de la mort et qui est aujourd'hui parvenu à ses fins, sans comprendre qu'il s'est du coup condamné à ne plus entendre parler de la grâce écrit Christian Bobin.

Eliane Fremann

 

[i] Annie Ernaux, Je ne suis pas sortie de ma nuit, Gallimard, 1997

[ii] Christian Bobin, La présence pure, Le Temps qu’il fait, 1999

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Propositions de lecture

 

Adrien Candiard : Du Fanatisme – Quand la religion est malade–Cerf, 2020.

https://www.lefigaro.fr/vox

FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Le fanatisme trahit la religion qu’il prétend servir, analyse Adrien Candiard. Selon l’islamologue et frère dominicain, l’approche psychologique ou sociologique du fanatisme est incomplète sans une lecture théologique, qui considère le fanatisme comme une « maladie de la religion ». Par Paul Sugy-Publié le 2 octobre 2020

Dominicain vivant au couvent du Caire, Adrien Candiard est notamment l’auteur de Veilleur, où en est la nuit ? Comprendre l’islamou plutôt : pourquoi on n’y comprend rien.(Cerf, 2016), et Quand tu étais sous le figuier. Propos intempestifs sur la vie chrétienne (Cerf, 2017).

FIGAROVOX.- On pensait ouvrir un essai sur le terrorisme religieux et l’on referme en réalité un petit traité de théologie, s’achevant même sur un plaidoyer en faveur de la prière. Y a-t-il duperie sur la marchandise ?

Adrien Candiard- La duperie supposerait une intention machiavélique, alors qu’en un sens, j’ai été le premier surpris d’en arriver là ! Mon intention était de comprendre, avec mes ressources qui sont à la fois celle d’un chrétien et d’un islamologue, un phénomène assez perturbant pour tous les croyants : comment la croyance en Dieu, qui devrait nous rendre meilleurs, pousse-t-elle certains à des actions condamnables, voire terrifiantes ?

Or il me semble qu’il faut parfois jeter un coup d’œil religieux aux problèmes religieux. C’est ce que j’ai essayé de faire ici.

En traitant la question du fanatisme sous son aspect théologique, vous le décrivez comme une « maladie de la religion ». Cette hypothèse rend-elle inopérantes les explications culturelles, psychologiques, sociologiques… qui cherchent à rendre compte du fanatisme ?

Le fanatisme est un phénomène complexe et multiforme, dont je ne prétends pas faire le tour en un livre de cent pages. Les approches psychologiques ou sociologiques de ces phénomènes me semblent à la fois utiles et, à elles seules, incomplètes, parce qu’elles refusent par méthode de prendre en compte le discours religieux du fanatique, et singulièrement ce qu’il dit de Dieu. Or c’est justement dans ce discours sur Dieu que se trouve, à mon sens, une clef essentielle du phénomène.

Le fanatisme religieux procède selon vous d’une « théologie dont Dieu est absent ». N’est-ce pas paradoxal, alors que le principal indice permettant de penser qu’un attentat a été commis par un fanatique est que celui-ci ait hurlé, en commettant son crime, le nom de Dieu ?

Le fanatisme prend des formes très différentes, et ne saurait se résumer au seul terrorisme. Qu’ont de commun un Philippin qui se fait crucifier le vendredi saint et un taliban qui planifie un attentat ? Il me semble que ce qui fonde toujours le fanatisme, c’est toujours une forme d’idolâtrie, où Dieu (qu’on prétend bien sûr toujours adorer) est remplacé par autre chose. Dans le cas du fanatisme religieux, on remplace Dieu par quelque chose qui touche à Dieu, qui vient de lui : ses commandements, sa révélation, la liturgie…

Et quand le fanatisme se sécularise, on le remplace par la race, la classe, la nation, le progrès. La version religieuse est plus subtile, parce que le fanatique a Dieu plein la bouche, mais en réalité, il adore autre chose. Il considère comme absolu quelque chose qui, n’étant pas Dieu, est nécessairement relatif. C’est très précisément ce qu’on appelle l’idolâtrie.

En dénonçant l’idolâtrie des fanatiques, vous dites que l’on peut confondre Dieu avec sa Parole, ses commandements, le culte qui lui est dû… Toutes choses qui, pourtant, sont des modes par lesquels Dieu se fait connaître et se laisse toucher par les hommes ! Si l’on retire de Dieu tout ce qui nous est perceptible, tout ce qui nous parle de Lui, que reste-t-il de Dieu ?

Catholique, religieux, prêtre, je crois plus que quiconque à la nécessité des médiations. Je crois que Dieu nous a donné la Bible, les sacrements, l’Église, par exemple, comme moyens d’aller vers lui. Comme moyens, ils sont excellents ; mais l’idolâtrie consiste à prendre pour Dieu les moyens d’aller vers Dieu.

Cette purification progressive, qui demande forcément du temps, c’est justement ce qu’on appelle la vie spirituelle : c’est elle qui, en mettant chaque chose à sa place, nous permet d’aimer Dieu pour lui-même, sans nous arrêter en route. Il ne s’agit pas de se priver de Dieu, mais au contraire d’aller vraiment vers lui !

Une société laïque doit-elle s’intéresser au discours théologique qui motive le fanatisme religieux ? Après tout, la foi des terroristes ne l’intéresse pas, si ?

La laïcité des institutions n’implique pas nécessairement l’aveuglement collectif sur les sujets religieux ! Je crains au contraire qu’en faisant sortir les questions religieuses de la raison commune, en les considérant comme des sujets dont on ne peut discuter, on ne favorise au contraire les formes religieuses les plus bêtes ou les plus dangereuses — qui sont souvent les mêmes.

Le défi de notre société n’est pas de masquer les différences religieuses, mais de permettre à des citoyens aux convictions religieuses très différentes de se parler sans se déchirer.

Vous traitez de tous les fanatismes et pas seulement du salafisme qui motive le terrorisme islamiste auquel nous faisons face. Sont-ils tous comparables ? L’humoriste Gaspard Proust avait eu ce bon mot : « Un chrétien intégriste qui applique le Nouveau Testament à la lettre, c’est un mec qui se met à embrasser tout le monde dans la rue » … En d’autres termes, l’islam et le Coran n’offrent-ils pas davantage de prises à une lecture fanatique que les autres religions ?

Les textes et surtout l’imaginaire de l’islam des origines me paraissent effectivement offrir plus de disponibilité à un usage violent que les textes et l’imaginaire du christianisme primitif. Il n’en est que plus frappant de constater que, dans l’histoire, des chrétiens ont pu s’en réclamer pour justifier des comportements fanatiques violents — à commencer par les guerres de religion du XVIe siècle européen, d’une férocité inouïe.

Cela nous montre qu’il y a une grande naïveté à penser que les comportements religieux ne sont que la conséquence mécanique des textes fondateurs. C’est un peu plus complexe, et un peu plus intéressant.

Pour qu’une lecture théologique s’impose sur une autre, et fasse échec en particulier aux dérives fanatiques, il faut que ce discours fasse autorité. Avez-vous bon espoir que le fanatisme musulman qui aujourd’hui ensanglante chaque semaine un peu plus l’actualité connaisse un reflux ? Comment cela se pourra-t-il, et à quelles conditions ?

La crise que traverse l’islam contemporain, et dont les actes terroristes que nous connaissons sont l’expression la plus visible, n’a pas une cause unique, et je ne me risquerai pas à faire des prophéties sur son évolution. L’histoire nous enseigne cependant deux choses.

D’une part, cette crise correspond à un moment historique donné, et ne se déduit pas d’une quelconque « essence de l’islam », ce qui serait désespérant. Et d’autre part, les événements spirituels — comme ceux qui pourraient permettre de sortir de cette crise — sont toujours imprévisibles.

Mais je connais assez de musulmans conscients des enjeux, et d’une spiritualité authentique et profonde, pour avoir des raisons d’espérer !

 

Jared Diamond propose de faire face aux bouleversements pour éviter des effondrements

 

En ces temps d’incertitudes, il est intéressant de se référer à Jared Diamond, un auteur qui depuis quarante ans réfléchit à l’avenir de nos sociétés et de nos nations, en particulier dans deux de ses ouvrages : L’effondrement, Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie (Gallimard, 2006) et Bouleversement, les nations face aux crises et au changement (Gallimard, 2020).

Pour analyser l’histoire du déclin de diverses sociétés, Jared Diamond proposait dans  L’effondrement cinq ensembles de facteurs pour expliquer ce qui peut conduire à leur effondrement : dégradation environnementale, changement climatique, voisins hostiles, perte de partenaires commerciaux, mauvaises réponses de la société à ses problèmes faute d’un projet commun.

Son dernier livre, Bouleversement, poursuit son analyse en étudiant les épreuves de sept nations modernes (Finlande, Japon, Chili, Indonésie, Allemagne, Australie, États-Unis). L’auteur essaie de dégager de l’étude de graves crises que ces pays ont affrontées une grille de facteurs à réunir pour les surmonter : reconnaissance qu’on est en crise, acceptation de la responsabilité de l’affronter, autoévaluation et délimitation des points à changer, recours à une aide extérieure, référence à des crises antérieures et à d’autres modèles éclairants, appui sur une identité et des valeurs fondamentales nationales partagées, patience et flexibilité face à l’épreuve à traverser, prise en compte des contraintes géopolitiques.

Cet ouvrage présente de nombreuses limites : un livre trop long, avec des répétitions ; une analyse comparative laborieuse, alors que les douze facteurs présentés pour surmonter les crises auraient pu être réduits à la moitié ; l’absence de la dimension spirituelle dans l’approche culturelle et politique…

Cependant, il présente un grand intérêt pour la réflexion, en particulier sur les points suivants :

-          La mise en parallèle des facteurs pour surmonter les crises personnelles avec ceux pour faire face aux crises nationales, ce qui aurait pu permettre d’introduire les interactions entre transformation personnelle et transformation sociale ;

-          L’analyse de chaque pays étudié qui met en perspective des éléments ignorés ou oubliés sur les sept cas de bouleversement analysés ; elle est complétée par l’examen des facteurs actuels porteurs de crises possibles au Japon et surtout aux Etats-Unis (affaiblissement du système démocratique, montée des inégalités, investissement insuffisant dans l’avenir) ;

-          La question de l’avenir du monde compte tenu du danger nucléaire, du changement climatique, des inégalités de plus en plus insupportables, de l’épuisement des énergies fossiles et des ressources naturelles en lien avec l’augmentation de la consommation et donc avec la démographie ;

-          Un « après-propos » sur les conséquences de la pandémie liée au COVID 19 ; l’auteur espère qu’elle pourrait renforcer une identité mondiale porteuse de plus de coopération internationale et la capacité de veille sur les menaces qui guettent nos pays comme le monde.

Jared Diamond nous propose d’approfondir les conséquences de grandes crises passées et d’analyser les changements qui en ont découlé. Son travail peut nous aider à affronter la nouvelle donne mondiale qui garde une importante composante nationale, ce qui nous oblige à prendre en compte la grande diversité culturelle et politique pour converger vers un monde plus convivial et plus civilisé.

Jean-Claude Devèze

 

 

Hans Joas : Les Pouvoirs du sacré : une alternative au récit du désenchantement Seuil, 2020, 448 p

 Hans Joas développe de nouvelles approches spirituelles, intellectuelles et scientifiques par rapport au célèbre ouvrage de Max Weber qui décrit le phénomène de sécularisation comme inéluctable dans l’Europe du début du XXIème siècle.

Il commence par une analyse de ce qu’il appelle les quatre thèses de David Hume sur la religion : Le monothéisme ne jouit pas du primat historique – les racines psychologiques de la religion - la dynamique de l’histoire des religions - la plus grande tolérance du polythéisme par rapport au monothéisme.

 Cette constitution de l’expérience religieuse comme objet de recherche scientifique a été largement développée par Max Weber mais aussi par son ami Ernst Troeltsch, lequel soumet l’histoire des dogmes à une approche sociologique et met en évidence le rôle de ce qu’il appelle « la formation des idéaux ». Ce dernier voit dans l’histoire des religions des avènements créateurs qui ne peuvent être dérivés des luttes des classes et des intérêts économiques. Il en résulte une diversité des idéaux religieux puis non religieux, séculiers. Cette diversité de la formation des idéaux constitue l’important chapitre 4 de l’ouvrage.

L’auteur consacre auparavant un chapitre au rituel et au sacré en s’appuyant principalement sur les travaux de Dürckheim qui désigne le « rituel » comme l’ensemble des pratiques corporelles collectives qui se distinguent de toutes les pratiques quotidiennes. Le « sacré » est décrit comme la qualité de ces expériences excédant le quotidien. C’est l’idée centrale d’une première sociologie de la religion.

 Le chapitre 5 est consacré à la coupure dans l’histoire des religions, dénommée « période axiale » qui sépare, pour simplifier, les religions « évoluées » des autres.

 Elle se caractérise essentiellement par le passage d’une quête religieuse dans ce monde à celle du salut dans un autre monde, avec la notion de rédemption. Le Protestant Troeltsch englobe dans ces religions de la rédemption les religions de l’Inde, le Judaïsme et l’Islam, en insistant sur l’importance du prophétisme. Il décrit la coupure entre les religions magiques et les religions post-magiques de la rédemption. Une forte polémique s’est développée en effet au début du XXIème siècle concernant l’examen des religions dites supérieures, fruits de la « révélation divine », par les moyens scientifiques acceptables pour les religions dites « inférieures ».

Le chapitre 6 s’appuie sur la « considération intermédiaire » de Max Weber. Son but est, d’après Hans Joas, d’ouvrir à la compréhension de la naissance des éthiques de négation religieuse du monde. La tension aigüe avec le monde profane de la quotidienneté qu’implique le sacré devient permanente pour la communauté religieuse dans le monde de la modernité. Les sphères sociétales dont traite Max Weber, sont l’économie, la politique, l’art, l’érotisme et la science. Il décrit de façon détaillée leur conflit croissant avec les exigences religieuses de fraternité universelle des religions de rédemption.

 Ceci se produit dans un contexte de rationalisation, tant de la sphère de la religion que des sphères sociétales. Hans Joas en déduit quatre types de tensions : 

- La tension entre le sacré et le profane, l’idéal et la réalité, le transcendant et le mondain

- La tension entre le particularisme moral de la parentèle, de la communauté d’appartenance et   l’universalisme moral concernant tous les êtres humains

- La tension entre l’universalisme moral et une rationalité purement instrumentale, celle de l’agir rationnel en économie et en politique

- La tension entre expérience esthétique et expérience religieuse, extase ressentie dans l’accomplissement d’actes de violence et extase religieuse, ainsi qu’entre les différentes formes de sacralisation.

Hans Joas en induit les traits d’une sociologie de notre temps :

- une sociologie libre de tout « fétichisme » d’une modernité homogène,

- une sociologie libre des prémisses d’une théorie de la sécularisation,

- une sociologie libre d’une image centrée sur l’Occident.

Elle doit s’affranchir de certains emprunts aux sciences de la nature, avec les différentiations qu’elle génère. Pour l’auteur, ces exigences jouent un rôle directeur dans une alternative au récit du désenchantement, attribué principalement à Max Weber, second titre de ce livre consacré aux « Pouvoirs du sacré ».

Le dernier chapitre traite du sacré et du pouvoir.

L’auteur précise que la démarche herméneutique dans son livre exclut la proposition de ses propres définitions, par exemple une définition de la religion ou de la « nature humaine ».

Son argumentation anthropologique est axée sur ce qu’il appelle « le fait de la formation des idéaux » ; « c’est-à-dire le fait que, dans leur vie en commun, les hommes sont guidés de façon essentielle aussi par les représentations qu’ils se font de ce qui, de part en part, est bon ou mauvais. » Le point de départ de l’ouvrage n’est pas le discours religieux, mais « le fait de la sacralisation ou de la formation d’idéaux ». Il affirme l’universalité anthropologique des expériences « d’auto-transcendance » et des attributions de « sacralité » qui en résultent. Parler des « pouvoirs du sacré » apparaît alors comme légitime à l’auteur. Cela est vrai pour les nouveaux processus de sacralisation, comme l’attachement au socialisme et au parti qui remplace celui au christianisme et à l’Église.

 Le fil d’Ariane pour une alternative au récit du désenchantement doit être cherché dans les différents processus de sacralisation et de formation du pouvoir. Pour l’auteur, la sacralisation est toujours d’abord aussi une auto-sacralisation de la collectivité.

« L’expérience partagée dans certains lieux et à certains moments, qui met en évidence une partie du monde comme « sacrée », rayonne immédiatement sur ceux qui ont partagé l’expérience. » Elle donnera lieu, au cours de l’histoire et de la formation des États, à la notion de la sacralisation de la Nation et de son peuple, qui n’est nullement obligée de revêtir des formes religieuses. L’interventionnisme hautement séculier des armées révolutionnaires françaises en fournit un exemple pertinent. 

La sacralisation de la personne a aussi une importance universelle, par exemple par la Déclaration universelle des Droits de l’Homme.

Tous ces processus de sacralisation prennent des formes multiples et diverses dans l’histoire des communautés humaines, avec parfois des formes qui rappellent l’État archaïque ; par exemple en Corée du Nord, un Etat fondé sur le marxisme-léninisme, a donné lieu à une dynastie de chefs d’État aux prétentions magiques.

 Il s’agit pour l’auteur d’échapper à la « tentation hégélienne » d’une interprétation téléologique de l’histoire.

 Cette fiche de lecture ne rend pas compte de la richesse et de la finesse argumentative de l’auteur Hans Joas tout au long de son ouvrage. Son but est d’inviter à lire l’ouvrage Les Pouvoirs du sacré, qui fera date dans l’histoire contemporaine des idées.

Yvon Rastetter

Que font nos partenaires?

 

LE PACTE CIVIQUE

Le 10ième anniversaire du Pc s'organisera autour de trois "événements" : La pièce de théâtre "Un Employé nommé Désir" qui devrait tourner tout au long de l'année, un Colloque sur le Grand Âge (prévu le 04 décembre) préparé avec AG2R et le livre SobriétéS, en février (dont la sortie serait accompagnée de débats).

Un événement central, dont les contours doivent toujours être définis, aura lien en mai-juin 2020.

Lien article pièce de théâtre : https://pactecivique.fr/2020/09/07/un-employe-nomme-desir/

Lien article livre Sobriété :https://pactecivique.fr/2020/07/15/livre-sobriete/

 

 

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L’Association « Artisans de paix » -

un ancien partenaire - ouvre un nouveau cycle de réflexion placé sous le signe de l’itinérance :

Une occasion de rappeler la vocation des Artisans de Paix : « Nous sommes tous appelés à être des saints en cherchant l’origine et la finalité de la vie, à la frontière de soi-même et d’autrui, chacun occupant la place unique qui est la sienne. Telle est la conviction partagée des Artisans de Paix, appelés chacun à aller vers soi-même tout en vivant en empathie avec autrui, offrant ainsi un témoignage personnel d’Amour et de Paix dans la vie quotidienne ».

La première réunion le 16 novembre participera à la semaine de l’amitié islamo-chrétienne (SERIC) par son thème : La Fraternité des cheminants entre eux, certes, mais aussi avec l’univers dont ils sont partie prenante en soi, pour soi et pour les autres.

 

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Dernières nouvelles du « Pacte pouvoir de vivre » (PPV)

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qui regroupe des associations environnementales, d’éducation populaire, de lutte contre la pauvreté, de soutien à l’accueil des migrants ; syndicats, fondations et mutuelles : nous avons fait le constat que la société civile organisée peine à se faire entendre par le gouvernement depuis le début du quinquennat.

A l’origine, 19 organisations ont décidé de s’unir pour porter ensemble un pacte de la convergence de l’écologie et du social. Elles sont maintenant plus d’une cinquantaine à avoir rejoint le Pacte. Pour la première fois, nous nous engageons à faire front commun en défendant collectivement 66 propositions qui permettent de donner à chacun le pouvoir de vivre.

Ces propositions sont le fruit des débats et des travaux collectifs menés par toutes nos organisations au plus de près de nos sympathisants, adhérents, militants et des personnes à qui l’on apporte une aide. Elles représentent la voix de plusieurs millions de personnes.

https://twitter.com/pouvoirdevivre/status/1316320580312928258?s=24

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AGENDA

Prochains bureaux :

Mardi 24 novembre à 18 h

Mardi 8 décembre

Prochains CA :

mardi 27 Octobre 2020 à 18 h,

mardi 5 janvier 2021

 

Prochaines Conviviales

 -      Mardi 20 octobre : Le travail social au risque de la spiritualité, quelles implications pour D&S ? avec Jean-Marie Gourvil sur la place de la spiritualité et de la mystique à D&S, se tiendra en visioconférence et sera animée par Jean-Baptiste de Foucauld
Si vous souhaitez participer à la visioconférence inscrivez vous

 -      Mardi 17 novembre : Education et spiritualité avec Jean Lecanu, conseiller principal d’éducation, auteur notamment avec Philippe Filliot, de Education et Spiritualité, Chronique sociale (2020) et Gérard Lurol, auteur d’une thèse sur Emmanuel Mounier. Florent Pasquier, enseignant chercheur en Sciences de l’éducation, sera discutant.
Si vous souhaitez participer à la visioconférence inscrivez vous

Cette conviviale lancera un groupe de travail sur ce thème, à l’initiative de Marie-Charlotte Bourgeois, secrétaire administrative à D&S et étudiante en Master 1 Cadres de l’éducation, à l’Institut catholique de Paris.

 

• L’Assemblée générale de 2021 qui renouvellera totalement le conseil d’administration se tiendra en Mars – date exacte à fixer.

 

Organisation d’une journée Sol Invictus, réunissant les membres du CA et les organisateurs des groupes de travail samedi 16 janvier 2021.

 

L’Université d’été 2021 se tiendra les 10, 11, 12 Septembre 2021 à Lyon, au centre Jean Bosco

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L'Ours

Lettre D&S N° 175  Octobre 2020

ISSN 2557-6364

Directeur de publication : Daniel Lenoir
Rédacteur en chef : Monika Sander
Comité de rédaction : Jean-Baptiste de Foucauld, Sébastien Doutreligne, Eliane Fremann, Daniel Lenoir, Régis Moreira, Bertrand Parcollet.

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