En-tête
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  Lettre de D&S n°177

Décembre 2020

 

Sommaire

Éditorial

Croire, savoir et pouvoir : sortir du triangle tragique. Daniel Lenoir, Président de D & S

 

Dossier du mois

Pacte civique, pacte républicain, pacte scolaire : comment notre démocratie peut-elle encore répondre aux enjeux fondateurs ?

- Compte-rendu : Eliane Fremann

L’utilisation des caricatures dans la pédagogie de la liberté d’expression : L’Éducation nationale doit-elle définir une doctrine ? – Jean-Baptiste de Foucauld

 

Nouvelles exigences démocratiques

Que serait un esprit critique incapable d’autocritique ? (Edgar Morin) – Bernard Ginisty


Résonances spirituelles face aux défis contemporains

Noël aura-t-il lieu ? (Georges Bernanos) – Bernard Ginisty


Esprit de l'Europe

Lettre ouverte à l’Ambassadeur de Pologne - Patrick Boulte

 

Libres Propos

Un regard de terrain sur le travail avec des jeunes en souffrance et en recherche d’identité - Emmanuel Fremann

L’islamisme djihadiste, une peste qui gangrène des sociétés aux cultures, spiritualités et politiques malades – Jean-Claude Devèze

 

Culture, Art, Littérature

(Poésie, THEATRE, ROMANS)

Henri Michaux, Peintures, L’espace du dedans, (1939)

Dessin de Clown de Monika Sander

 

Propositions de lecture

Nicolas Berdiaev : Essai d’Autobiographie Spirituelle – Bertrand Parcollet

Cynthia Fleury : Ci-gît l’amer – Monika Sander

Résumé du rapport de l’Institut Montaigne La Fabrique de l’islamisme - Eliane Fremann

Un trop humain virus Jean-Luc NancyBernard Ginisty

Bernard Perret : Quand l’avenir nous échappe – Patrick Boulte

John Shelby Spong : Être honnête avec Dieu – Daniel Lenoir

 

Que font nos partenaires ?

Pacte Civique,

Hermeneo,

Groupe Interreligieux pour la Paix (GIP) 78,

Esprit civique

 

Agenda

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EDITORIAL

 

« C’est ainsi, dans et par les contradictions qui assaillent sans relâche son esprit, que Pascal a reconnu l’inséparabilité de la misère et de la grandeur de la misère humaine »

(Edgar Morin, Mes philosophes)

 

Croire, savoir et pouvoir : sortir du triangle tragique.

 Difficile de dégager des « idées forces », ces idées ayant « la capacité (…) d’exercer une action transformatrice du réel »[1], de la succession de ces multiples événements qui nous touchent : un clou chasse l’autre, les infox succèdent à des infos qui tournent en boucle puis disparaissent après quelques jours, un confinement succède à un déconfinement partiel et est renouvelé avant d’être terminé, une décapitation aux procès des attentats de 2015, les projets de loi, y compris constitutionnels, aux propositions de loi, mal ficelés à force de vouloir répondre sans délai à des émotions collectives qui elles-mêmes se succèdent sans qu’on prenne jamais le temps de les partager en profondeur pour saisir ce qu’elles révèlent de notre compréhension du monde et de nos aspirations. La noosphère est fortement agitée par les temps qui courent.

D&S n’est pas forcément à l’abri de cette hystérisation des débats ; notre vocation n’est pas d’y participer, mais, sans pour autant nous réfugier à l’écart du monde ou dans un silence coupable, de prendre la distance nécessaire pour aider à dépasser ces conflits et surtout éviter qu’ils ne se tranchent par la violence, physique, bien sûr, mais aussi verbale ou psychologique.

Du débat organisé avec le Pacte civique sur le pacte scolaire comme élément du pacte républicain, est ressortie une de ces idées force qui peut nous y aider : celle de la distinction entre croire et savoir ; une notion ancienne certes, mais c’est dans les périodes troubles qu’il faut revenir aux fondamentaux.  A ces deux ordres, celui de la science, de la connaissance rationnelle, et celui de la foi, de la quête spirituelle (et ce quel que soit le nom que l’on donne à l’objet de cette quête), il faudrait, à la façon de Pascal, en ajouter un troisième, celui du pouvoir, des obligations que nous nous imposons et des droits que nous reconnaissons du fait de la vie en société ; pour nous celui de la démocratie.

Il faut, comme l’auteur des Pensées, rappeler la distance fondamentale entre ces trois ordres de co(n)naissance. Confondre celui de la foi et celui de la science conduit à une pensée magique qui nie la loi de la gravitation, la théorie de l’évolution, ou encore les ressorts de l’immunisation, quand ce n’est pas la réalité historique d’événements tragiques comme la Shoah. Confondre celui de la foi (y compris la foi scientiste dans une science qui serait la fin ultime de nos connaissances) et celui de la politique conduit au totalitarisme religieux, qui soumet la loi commune à une interprétation littérale de textes supposés sacrés et qui passe à côté de l’essentiel de leur signification.

En même temps, si l’on ose dire (tant cette expression a été dévalorisée par l’abus qui en a été fait pour voiler les contradictions qui agitent nos sociétés), la séparation entre ces ordres n’est pas absolue : quoiqu’en dise Pascal, la distance entre eux n’est pas infinie. Il nous faut, à la façon d’Edgar Morin, grand pascalien agnostique, organiser la « dialogique » entre eux. Pas de science sans conscience, pas de démocratie sans espérance, mais aussi pas de foi sans interpellation. Une « dialogique » qu’il nous appartient d’appliquer à nos échanges et à nos réactions sur les événements tragiques -certains parmi nous diraient diaboliques (en rappelant que le diable est, étymologiquement, ce qui divise) - et que nous avons pris l’habitude de rattacher à ces multiples crises qui déchirent nos sociétés : la crise djihadiste, bien sûr, mais aussi celle du Covid, ou encore cette longue crise économique et sociale qui a commencé il y a près de cinquante ans, peu de temps après que certains en annonçant « les limites de la croissance », aient prédit la crise environnementale qui est peut-être la plus existentielle de toutes pour l’humanité.

C’est pour moi -je le dis à la première personne du singulier, dans la mesure où nos travaux se poursuivent sur le sujet-, le sens profond de ce principe juridique constitutionnel de laïcité que de mettre une distance suffisante entre ces trois instances, la foi, la science, et la communauté (que nous appelons du beau nom de République), pour qu’aucune ne soit soumise aux autres, mais qu’elles puissent dialoguer, dans la société comme en chacun.e d’entre nous.

En ces nuits les plus longues de l’année (du moins dans l’hémisphère nord), ce moment du solstice d’hiver où l’humanité a vu depuis longtemps un signe d’espoir et de capacité à sortir de ses angoisses, puissions-nous faire porter nos partages, à distance le plus souvent, et nos méditations sur ces dialogues qui sont sources de démocratie comme de spiritualité et qui nous permettrons de nourrir de nouvelles raisons d’espérer.

Daniel Lenoir

 

 

[1] Alain Supiot, La force d’une idée, suivi de L’idée de justice sociale d’Alfred Fouillée », Les liens qui libèrent, 2019.

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DOSSIER DU MOIS :

Pacte civique, pacte républicain, pacte scolaire : comment notre démocratie peut-elle encore répondre aux enjeux fondateurs ? Forum 104, 17 novembre 2020.

 

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Cette conférence- débat a été organisée en visioconférence par Le Pacte Civique et Démocratie & Spiritualité avec le Forum 104.

Trois intervenants étaient invités : Catherine Biaggi, inspectrice générale de l’Education nationale, membre du Conseil des sages de la laïcité ; Marine Quenin, déléguée Générale de l’association ENQUÊTE : éduquer les enfants à la laïcité par les faits religieux ; Hafid Sekhri, membre du Conseil des Mosquées du Rhône (CMR) et de divers groupes d’échanges interreligieux en région lyonnaise.

Le débat était animé par Jacky Richard,l’un des deux coordinateurs du Pacte civique,et conclupar Daniel Lenoir, président de Démocratie & Spiritualité. Il a réuni plus de 100 participants.

En introduction, Jacky Richard souligne que les deux associations organisatrices, fondées par Jean-Baptiste de Foucauld- auquel il est rendu hommage - partagent des valeurs communes. Elles ont pris l’initiative de ce débat, dans le contexte tragique actuel, pour prendre le recul nécessaire et faire preuve de discernement face aux passions qui font rage après les assassinats de Conflans-Sainte-Honorine et de Nice. Elles refusent les tentatives de stigmatisation et d’instrumentalisation ainsi que les explications simplistes qui font fi des situations multifactorielles. C’est l’école, institution centrale du pacte républicain, qui a été attaquée. Aux trois termes de la devise républicaine, nous devons ajouter la laïcité, garantie de neutralité religieuse et de liberté de conscience. Que s’est-il donc passé depuis une trentaine d’années, qui remette en question un équilibre et une certaine harmonie dont la France n’avait pas à rougir ?

C’est cette question que le débat a l’ambition de traiter.

  Après une présentation du Forum 104, espace de liberté de parole, centre spirituel au cœur de Paris, et des intervenants, Jacky Richard annonce les quatre séquences du débat.

 La première concerne la question de l’éducation à la citoyenneté et à la laïcité. Où en sommes-nous ?

 Catherine Biaggi rappelle l’importance de l’école dans l’économie générale de la laïcité et souligne les initiatives prises par l’institution scolaire depuis 2013, date de la loi de refondation de l’école républicaine, de la mise en place de la charte de la laïcité dans les établissements scolaires.  En 2018, Jean-Michel Blanquer a créé des dispositifs nouveaux : le Conseil des sages de la laïcité, sous la présidence de la sociologue Dominique Schnapper, qui réunit des experts de toutes disciplines et réfléchit aux modalités concrètes pour faire respecter le principe de laïcité à l'École. L’équipe nationale « Laïcité et fait religieux », les équipes académiques « Valeurs de la République et laïcité » couvrent l’ensemble du territoire pour venir en aide aux établissements d’enseignement en cas de remises en cause du principe de laïcité. Le Conseil des sages et les équipes ont produit un Vademecumlaïcité, qui apporte des réponses juridiques précises et donne des conseils d’action aux équipes éducatives. Ces valeurs républicaines sont portées par toutes les disciplines scolaires. Lors du recrutement des enseignants d’histoire-géographie, une formation initiale est proposée au sein des INSPE (instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation) et évaluée au concours. Un enseignement civique et moral est dispensé du cycle 2 de l’école primaire, du CP au baccalauréat. On peut interroger ses démarches, sa place dans les horaires, la question des méthodes pédagogiques. Dans l’affaire Mila- une adolescente de 16 ans, qui a subi des menaces après ses critiques virulentes de l’islam sur Instagram à la suite des harcèlements dont elle a été victime, -se posent plusieurs questions : celles de la laïcité, de la liberté d’expression, l’usage des réseaux sociaux, l’égalité filles-garçons. Pour la protéger, le ministère a changé de lycée la jeune fille menacée (qui s’est engagée à ne plus s‘exprimer publiquement).

Marine Quenin présente l’approche d’ « ENQUETE » : concevoir et diffuser des pédagogies et des outils ludiques d’éducation à la laïcité et aux faits religieux pour les enfants de 8-11 ans surtout, avec quatre objectifs : apporter des connaissances patrimoniales pour comprendre notre environnement et nos pratiques sociales ; proposer un rapport apaisé à ces sujets, dont on parle surtout lors des crises ; distinguer savoir et croire qui répondent à des questions différentes, travailler sur la pluralité des convictions et sur la diversité interne au sein des différentes religions; et montrer le sens de la laïcité pour l’individu, son intérêt dans un cadre collectif. Le jeu permet aux enfants une prise de distance et autorise une pédagogie du questionnement. « Enquête » crée aussi des outils, propose des formations adaptées aux besoins des enseignants, animateurs, en cohérence avec leurs programmes ou leurs missions. Une formation des formateurs pédagogiques va par ailleurs être initiée avec l’académie de Paris. Le lien établi avec la recherche en sciences sociales permet à l’association de prendre du recul et d’améliorer ses outils. Marine Quenin souligne l’intérêt des jeunes enfants pour ces sujets et la richesse du travail dans toutes les disciplines, possible dès le primaire et plus facile avant l’adolescence. Les enseignants sont souvent inquiets de ne pas maitriser ce sujet sensible qu’est le fait religieux, par rapport aux parents, aux élèves. Mais les expériences d’ « Enquête » à Trappes, à Sartrouville et ailleurs marchent ; avec les parents, il y a un travail de pédagogie à faire, expliquer pour vaincre les inquiétudes et réticences.

Hafid Sekhri a été adjoint au maire du 9e arrondissement de Lyon, est membre des mosquées du Rhône, il a une riche expérience de terrain, notamment de membre du comité de prévention de la délinquance dans le quartier de la Duchère.  La place de l’école est fondamentale pour l’enseignement de la laïcité. Distinguer croire et savoir est essentiel ; il faut des gens bien formés sur la laïcité : « l’arbre à défis » d’Enquête est un outil pédagogique remarquable qui fonctionne très bien avec des collégiens, des lycéens, et même des adultes, car l’illettrisme est grand en matière de fait religieux et de laïcité.Il faut revenir à la loi de 1905, très méconnue : c’est une loi de pacification, de réconciliation comme le montre le documentaire-fiction La séparation (2005) ; un point est fondamental dans l’intervention de Jean Jaurès : il faut apaiser la question religieuse pour poser la question sociale.Il est nécessaire d’allier les quatre attributs de la République : indivisible, laïque, démocratique, et sociale. Mieux comprendre pour dialoguer et agir. Après les attentats contre Charlie Hebdo, en 2015, la MJC de La Duchère a organisé des débats avec les jeunes de toutes religions et des athées sur le thème : peut-on rire de tout ? il s’agissait de montrer les deux objectifs de la laïcité : liberté et égalité, et ses deux moyens : séparation et neutralité. L’intervention de Rachid Benzine sur « l’islam d’hier et d’aujourd’hui » et de Latifa Ibn Ziaten, la mère du jeune militaire assassiné à Toulouse par le terroriste Mohammed Merah en 2012, qui aide les jeunes des quartiers en difficulté, ont été un grand apport.

 

La seconde partie de la conférence-débat a porté sur la liberté pédagogique et la question des contenus. Comment éviter l’autocensure des enseignants ?

Selon Catherine Biaggi, la contestation des enseignements, de tout ce qui touche au religieux, est à la fois concentrée et diffuse. Concentrée dans le primaire et diffuse dans plusieurs disciplines du secondaire, elle relève, selon elle, aussi bien de la provocation, du conflit de loyauté vécu par un jeune par rapport à sa famille, d’une contestation systématique que d’un appel à la violence, à la haine, d’antisémitisme ou de radicalisation. Pour certains enseignants isolés, l’autocensure est la solution la plus simple. Pour faire face cependant, il y a plusieurs pistes : la formation, le Vademecum Laïcité, s’appuyer sur la construction du savoir qui n’est pas une disqualification de la croyance. Le métier d‘enseignant, c’est tenir ensemble deux cheminements : la reconnaissance de chaque élève dans sa singularité et la construction du commun. Les caricatures existent depuis l’Antiquité et sont utilisées en Français, en arts plastiques, en histoire, leur utilisation en classe relève de la liberté pédagogique des enseignants, formés, et inscrits dans un collectif.

Marine Quenin relève qu’on peut être confronté avec les jeunes à des propos violents, antisémites, des contestations sur l’origine du monde. Le processus d’accompagnement est long, nécessite une mise à distance de soi, mais il fonctionne, il apaise si on laisse parler les jeunes enfants musulmans de leur religion qui n’est pas facilement partageable en dehors de leur communauté. Nous travaillons sur la manière dont le savoir se construit, sur « à quoi répond le croire ? ». Et on peut à la fois croire et savoir.

 

Comment mieux gérer l’intervention des parents ?

Pour Hafid Sekhri, il importe de leur rappeler dès la rentrée scolaire leur place dans l’école, les termes de l’alliance éducative : ils n’ont pas à se mêler des programmes et de la pédagogie. Mais il faut un espace de paroles pour les parents dans l’espace scolaire, avec un animateur, comme cela a été fait à la Duchère. Les contestations ont porté sur l’enseignement appelé « sexuel » par certains parents -en fait une éducation à la sexualité.

 

Troisième partie de cette conférence : quelle formation à la laïcité proposer aux enseignants et ministres du culte ?

Marine Quenin indique qu’« ENQUÊTE » propose aux enseignants volontaires un accompagnement à la préparation de séquences pédagogiques. Montrer comment il est possible de cadrer le propos les rassure sur une thématique dont ils ne sont pas spécialistes.

Hafid Sekhri précise qu’une trentaine de DU (diplômes universitaires) a été mise en place sur les apports théoriques du droit de la laïcité, et proposée à un public varié : aumôniers, ministres du culte de toutes confessions, simples citoyens. Cela permet des regards pluriels et la mutualisation des bonnes pratiques dans un groupe mixte. Cette expérience a été pour lui fondamentale. Un décret de 2017 impose cette formation civique et civile à tous les aumôniers, ministres du culte, dont la mission est double : le soutien individuel à la personne et la participation au bon fonctionnement du service public. Ne faudrait-il pas par ailleurs créer également des aumôneries scolaires ?

Il faut se réinscrire dans le récit national pour pouvoir se projeter, rendre hommage par exemple à l’émir Abdelkader (1808 – 1883) qui peut être un exemple pour les élèves.

Concernant la formation des imams, il y a une partie théologique, civique et civile. En France, on compte 2000 à 2500 mosquées et lieux de culte et seulement 10 instituts de formation des imams ! il y a un besoin criant de ministres du culte dignes de ce nom, et un enjeu d’acculturation car beaucoup sont des imams détachés, envoyés par les pays étrangers. La réforme du Conseil français du culte musulman est en cours.

 

Quatrième partie : islam et laïcité, pourquoi la laïcité na va-t-elle pas de soi pour certains musulmans ?

Alors que pour de beaucoup de musulmans, la laïcité est perçue comme une chance pour l’islam, 45 % des musulmans de moins de 25 ans considèrent que la charia est incompatible avec les principes et valeurs de la République (sondage IFOP d’août 2020).

Qu’en pensez-vous ? Comment rallier les jeunes de confession musulmane à la laïcité ? Comment briser cette spirale de division qui fait de la laïcité – outil d’intégration-, un vecteur d’exclusion ?

Catherine Biaggi estime qu’il faut réfléchir sur le temps long. Une nouvelle question a traversé la société française à la fin des années 80 : des revendications à la fois d’intégration portées par des jeunes (cf « la marche des beurs » en 1983) et de différenciation avec l’affaire du foulard de Creil en 1989. Il faut articuler laïcité et islam. La loi de 2004 est une loi d’apaisement. Mais on est à la fois dans une société qui se sécularise et où le religieux, par le biais de l’islam, interroge. On note la désaffiliation de certains citoyens par rapport à la République française qu’ils défient : ils inventent d’autres règles, d’autres codes. L’islamisme fait irruption dans la société française : cf Les territoires conquis de l’islamisme, de Bernard Rougier, Le Djihadisme Français- Quartiers, Syrie, Prisons d’Hugo Micheron.

Une forme d’apaisement est possible, de résilience de la société dans tous les quartiers, même favorisés, selon Marine Quenin. L’école doit pouvoir parler du religieux.

Hafid Sekhri souligne que la laïcité s’apprend sur le temps long. Par ailleurs, qu’est-ce qui attire dans Daech ? Rachid Benzine l’a bien analysé selon lui, c’est le « carré magique » : l’illusion de l’unité perdue, le besoin de retrouver une dignité, la question de la pureté, et enfin celle du salut et de l’au-delà. Avec cela, il est possible d’embrigader des personnes fragiles et vulnérables, en particulier les adolescents, dans une société qui n’a plus, ou a moins de rites.

 

En conclusion, Daniel Lenoir souligne que le débat a échappé au risque d’hystérisation mais pour éviter l’irénisme qui pourrait nous guetter à force de vouloir apaiser, il faut aussi savoir « nommer les choses ». Malheureusement, on a tendance à ramener les sujets à celui de la laïcité, qui n’est pourtant qu’un élément du problème et de sa solution, et à avoir une vision binaire, alors qu’il faudrait pouvoir appréhender la question dans sa complexité.

A cet égard, la distinction entre savoir et croire est essentielle. Nous assistons au sein de notre société à une forme de régression sur la science (avec les doutes créés par les faits alternatifs, les fake news ou par certains courants religieux sur les savoir scientifiques, par exemple sur l’évolution).

Une alchimie est à trouver entre la liberté pédagogique des enseignants qui s’exprime dans le cadre des programmes, la nécessaire expression des enfants, les échanges avec les parents. Un certain nombre d’enseignants, les « hussards noirs de la République » selon l’expression de Péguy, ont du mal à se retrouver dans ce rôle d’équilibriste et ont besoin que la République leur manifeste sa confiance et son soutien.

La charte de la laïcité de l’Education nationale rappelle les valeurs de la République qu’il faudrait d’abord pratiquer concrètement, comme l’égalité. Comment les transmettre si elles ne sont pas appliquées et visibles ? La meilleure pédagogie de la laïcité, c’est de la pratiquer.

Depuis le rapport de Régis Debray en 2002, la question de l’enseignement du fait religieux est apparue comme essentielle, comme une façon de faire une pédagogie de la laïcité. Depuis 2018, le Conseil des sages de la laïcité parle des faits religieux, au pluriel.

Enfin, une autre question se pose : faut-il faire une pédagogie de la spiritualité ou des spiritualités ?

Daniel Lenoir remercie intervenants et participants pour ce débat d’une grande qualité, sur le fond comme sur la forme.

Eliane Fremann

 

 

L’utilisation des caricatures dans la pédagogie de la liberté d’expression : L’Éducation nationale doit-elle définir une doctrine ?

Lors du débat du 17 novembre, il a été répondu négativement à cette question. Cela me semble présenter beaucoup d’inconvénients sur lesquels je souhaite revenir.

La liberté d’expression, tout d’abord, a en général pour contrepartie la liberté de réception : nul n’est obligé d’acheter tel ou tel journal caricaturiste. Mais l’élève de l’Éducation nationale n’est pas dans cette situation. Il est soumis à l’obligation scolaire et doit suivre le cours de l’enseignant. Il ne jouit donc pas de la liberté de réception. C’est une relation dissymétrique qui suppose une attention particulière.

Si cette question émerge à l’occasion de la décapitation de Samuel Paty, il faut la traiter indépendamment de ce drame : est-il opportun ou non d’enseigner la liberté d’expression en utilisant un support « trash » caricaturant le fondateur d’une religion dont on sait qu’elle est représentée parmi les élèves ? Même si ce meurtre ne s’était pas produit, la question se pose.  Elle doit être posée sans lien avec le terrorisme, qui trouvera toujours des occasions de s’exercer, pour autant d’ailleurs qu’il en ait besoin. Elle doit être posée en termes strictement pédagogiques.

Il parait difficile de laisser l’enseignant seul face à ce sujet et de ne pas lui fournir des guides, des indications générales pour les raisons suivantes.

L’enseignant n’enseigne pas en son nom propre, mais au nom de la République et de ses valeurs. Or celles-ci sont multiples et contradictoires : la liberté d’expression en est une, mais le respect de l’autre, de ses convictions en est une autre, et elle doit en principe s’exercer « dans un esprit de fraternité ». La formation de l’esprit critique ne légitime pas le droit à l’offense. Il y a donc un équilibre subtil à trouver, c’est cela précisément qu’il faut enseigner, me semble-t-il. C’est l’esprit de l’éthique de la discussion, de la communication non-violente, qui est la plus conforme actuellement aux valeurs de la République et qui nous est apportée par les sciences sociales.

Si chaque enseignant élabore seul, ou même en équipe, sa vision des choses, on risque d’avoir des pratiques divergentes d’un endroit à l’autre, d’une Académie à l’autre, certaines sanctionnant des pratiques, d’autres pas.

On peut penser en outre que l’on ne doit pas avoir la même pédagogie dans les petites classes et en terminale, où les élèves accèdent à une formation philosophique et à l’esprit critique leur permettant de prendre la mesure des choses et de les relativiser. Dans le cas analysé, montrer des caricatures très « hard » à de jeunes esprits de 12 ans, c’est vraiment trop pour eux, c’est les prendre à témoins de sujets qui les dépassent et que les adultes ne maîtrisent pas bien eux-mêmes. C’est une erreur. Mais dire cela, ce n’est pas accabler encore plus la victime qui a cru bien faire et qui est de bonne foi, c’est mettre en avant le fait que l’Éducation nationale doit aider les enseignants en leur fournissant des repères, sur un sujet délicat, et d’autant plus qu’il est délicat.

Il faut ajouter que l’esprit critique doit s’exercer de manière rationnelle et que la caricature joue souvent sur l’émotionnel, elle vise à créer un choc. Bien sûr, on peut l’analyser comme telle et faire comprendre qu’il faut la prendre au second degré, qu’il y a une sorte de droit à la transgression qui lui est propre. En terminale, peut-être, pas en quatrième, et encore faudrait-il réfléchir à une éthique de la transgression (beau sujet de philo !) si on veut éviter de mâtiner de nihilisme les valeurs de la République.

En outre, si l’on considère avec Régis Debray que la « religion n’est plus l’opium du peuple, mais la vitamine du faible », le recours à une identité religieuse renforcée étant l’enfant naturel de l’exclusion, des discriminations et du relativisme, l’usage exagéré de caricatures antireligieuses peut accroître le séparatisme contre lequel on entend lutter. Et cela au moment même où l’on entend enseigner le fait religieux. Là encore, nous ne sommes plus dans l’équilibre.

Pour toutes ces raisons, des éléments de doctrine de l’Éducation nationale sur ces sujets apparaissent nécessaires. On fait des circulaires pour moins que cela. Et la fameuse lettre de Jules Ferry, qui prescrivait de renoncer à tout ce qui pourrait choquer les parents des élèves, allait beaucoup plus loin.

Il est probable que l’une des raisons du silence revendiqué de l’EN sur ces sujets, outre la liberté pédagogique de l’enseignant, c’est qu’elle est sans doute très divisée et aurait du mal à prendre une position commune. Il n’y a aucun mal à cela. Mais ce n’est pas une raison de s’abstenir. L’EN agit au nom de la Nation.   Que la Nation en débatte alors sous une forme ou sous une autre et détermine ce qu’il convient de faire selon les mécanismes démocratiques normaux, comme on a su le faire avec l’affaire du voile.

Jean-Baptiste de Foucauld

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Nouvelles exigences démocratiques


Que serait un esprit critique incapable d’autocritique ? Edgar MORIN

 S’il est une constante dans la pensée et les engagements d’Edgar Morin qui fêtera le 8 juillet prochain ses cent ans, c’est le refus de se laisser enfermer dans des pensées binaires sources de violence. Dans un entretien que publie le journal Le Monde (1), il analyse le raidissement actuel des antagonismes entre deux France – l’une humaniste, l’autre identitaire – et explique comment y résister. « J’ai horreur de tout fanatisme meurtrier comme celui qui a sévi au XXe siècle et renaît sous des formes religieuses traditionnelles. J’aime discuter avec les croyants, mais je n’aime pas les offenser ; ne pas offenser ni humilier est mon credo éthique à valeur universelle : le respect d’autrui me demande de ne pas bafouer ce qui est sacré pour lui, mais je me donne le droit de critiquer ses convictions. Le respect de la liberté comporte ma liberté de parole ».

C’est sur le terrain de l’école qu’Edgar Morin situe le combat contre les enfermements meurtriers en stimulant chez l’enfant l’esprit interrogatif déjà très présent chez lui, mais qui peut s’atténuer avec l’âge et ce qu’il appelle « l’esprit problématiseur qui met en question des évidences qui semblent absolues. (…) Rappelons que la vertu essentielle de la Renaissance fut de problématiser le monde, d’où la science, de problématiser Dieu, d’où la philosophie, de problématiser tout jugement d’autorité, d’où l‘esprit démocratique ou citoyen ».

Mais, l’histoire montre que l’esprit critique peut sécréter des mandarins et des certitudes qui jettent un regard supérieur sur le monde et s’enferment à nouveau dans des logiques binaires incapables de saisir la complexité. « L’esprit rationnel suppose non moins nécessairement la conscience des limites de la logique face à des réalités qui ne peuvent être reconnues qu’en acceptant les contradictions ou qu’en associant des termes antagonistes. L’esprit critique doit comporter aussi l’aptitude à la critique quand celle-ci devient intempérante ou ne porte que sur les mauvais aspects des phénomènes, réalités ou idées. Ainsi, l’esprit critique comporte toute une infrastructure intellectuelle, laquelle est généralement ignorée » (2).

Dans un dialogue avec Alain Finkielkraut, le philosophe allemand Peter Sloterdijk écrit ceci : « Notre travail de civilisation commence ici : reformuler un code de combat impliquant le souci de l’ennemi. Qui ne veut pas être responsable d’un ennemi a déjà cédé à la tentation du pire. Vouloir être responsable de son ennemi : ce serait le geste primordial d’une éthique civilisatrice des conflits ». (3) Nous sommes là au cœur du projet de la démocratie tout autant que de celui de l’évolution spirituelle de l’être humain. L’ambition de la démocratie est de faire place en son sein à celui qui est considéré comme un adversaire, refusant d’en faire un ennemi absolu. L’évolution spirituelle de l’homme passe par la capacité d’assumer le mal qu’on porte en soi en cessant de le projeter sur les autres. Cela conduit à une éthique où je me découvre responsable de tous les autres. Et donc à accepter que celui que je pense porteur du mal ou de l’erreur continue à faire partie de la cité. Se découvrir responsable de son ennemi ne traduit pas l’abandon à une vague tolérance inefficace et sirupeuse, mais constitue un appel à ma responsabilité. Il ne s’agit pas de fuir nos engagements dans le refuge d’une improbable neutralité, mais de mener de front le combat contre l’inacceptable et nos propres complicités avec ce que nous dénonçons.

 Bernard Ginisty

 

(1) Edgar MORIN : Que serait un esprit critique incapable d’autocritique ? Journal Le Monde du 21 novembre 2020, pages 28-29

(2) Cf. sur ce point la tribune d’Olivier MONGIN et Jean-Louis SCHLEGEL, anciens directeurs de la revue Esprit : Les défenseurs de la caricature à tous vents sont aveugles aux conséquences de la mondialisation Journal Le Monde, 4 novembre 2020, page 25.

(3) Alain FINKIELKRAUT Peter SLOTERDIJKLes battements du monde. Dialogue Éditions Pauvert Paris 2003 p.74

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Résonances spirituelles face aux défis contemporains


Noël est une fête chrétienne qui s’inscrit dans des traditions plus anciennes et universelles. Mais quel Noël au temps du corona ?

 

Noël aura-t-il lieu ?  Georges BERNANOS.

Chronique de Bernard Ginisty du 11 décembre 2020

 

Dans ces semaines où nous sommes suspendus au verdict des experts et des politiques pour savoir si, compte tenu de l’évolution de la pandémie due au coronavirus, nous pourrons participer à la fête de Noël, un texte de l’écrivain chrétien Georges Bernanos, écrit pour le 25 décembre 1947, me paraît d’une grande actualité.

Dans le désenchantement qui a suivi les espoirs nés de la fin de la guerre et de la Libération, il écrit ceci : « On s’imagine très bien les hommes s’interrogeant entre eux un matin du 26 décembre : « Mais, dites-donc, n’était-ce pas hier Noël ? – Noël ? Voyons, voyons, nous étions hier le 24, consultez le calendrier – Alors, c’est aujourd’hui Noël ? Pas du tout, nous sommes aujourd’hui le 26, fête de saint Etienne, c’est justement le nom de mon oncle -Sacrebleu ! il y a maldonne, on devrait téléphoner aux savants de l’Observatoire. Mais les savants de tous les observatoires du monde multiplieraient en vain leurs calculs, personne ne retrouverait jamais les vingt- quatre heures mystérieusement perdues. (…) Que viendra faire dans un monde tel que celui-ci un jour consacré depuis deux millénaires non seulement au plus auguste des mystères de notre foi, mais à l’enfance éternelle qui à chaque génération fait déborder à travers nos cloaques son flot irrésistible d’enthousiasme et de pureté » (1).

Le malaise de la civilisation, le désenchantement du monde, la crise du politique, la fracture sociale, la pandémie : autant de drames vécus comme la fin d’un monde qui avait été porteur. Cette crise majeure peut conduire à se crisper, à mort, sur des identités d’origine tribale, nationale, religieuse. A tous ceux qui vivent ces crises, ces effondrements, ces dépressions, Noël rappelle que chaque perte d’une sécurité, d’une protection, d’une façon de penser, peut être la chance d’une nouvelle naissance. Face à notre tendance à nous enclore dans des répétitions sécurisantes, cette espérance nous dit qu’il vaut la peine de naître au lieu de végéter dans nos nostalgies ou nos déceptions. L’engagement dans le vivre-ensemble, malgré l’ironie des désabusés, le cynisme des nantis, et le repli de ceux qui désertent les luttes pour la dignité de l’homme, témoigne de ce que Noël n’est pas une vieille, pieuse et émouvante histoire, mais une invitation permanente à renaître.

L’irruption du Verbe fait chair ouvre une brèche dans l’histoire des hommes. La fête qui, selon la liturgie du jour de Noël, annonce : « Aujourd’hui la lumière a brillé sur la terre. Peuples de l’univers, entrez dans la clarté de Dieu » est tellement dérangeante, que nous avons décidé d’en faire un gentil décor pour la célébration de la consommation posée comme pratique « religieuse » indispensable à un monde géré par l’idole économiste. Nous n’avons pas assez de guimauve, de mièvrerie, de dindes et de foies gras pour la colmater.

C’est à des lieux et à des temps de renaissance que nous convie la fête de Noël. Non dans des lendemains enchantés, mais dans l’aujourd’hui. Désormais, « le Verbe en venant dans le monde illumine tout homme », et aucun pouvoir ne peut plus masquer cette lumière. Nous ne chantons pas à Noël l’émouvante esthétique de nos enfermements et de nos sécurités, mais l’invitation à inventer la fraternité humaine qui désormais peut seule donner sens à l’histoire. L’Évangile n’est pas le lieu de notre bonne conscience ou de notre refuge identitaire. Il est perpétuelle naissance par-delà toutes ses expressions historiques. Comme l’écrivait le philosophe et théologien Maurice Bellet :  L’inouï de l’Évangile doit prendre “ figure humaine ”, historique ; mais dès que cette figure se fixe, elle ment ; il n’y a que des commencements ” (2).

 

(1) Georges BERNANOS (1888-1948) : Noël aura-t-il lieu ? in Essais et écrits de combat, tome 2, bibliothèque de la Pléiade, éditions Gallimard 1995, page 1202.

(2) Maurice BELLET (1923-2018) La chose la plus étrange, Desclée de Brouwer,1999 p. 59

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L’esprit de l’Europe

 

Nous inaugurons cette nouvelle rubrique européenne avec une lettre de l’association Solidarité France-Pologne dont Patrick Boulte, l’un des signataires, est membre de D&S. Nous avons été nombreux, au tournant des années quatre-vingt, à soutenir le mouvement de libération du totalitarisme soviétique. Une bonne raison pour rappeler aux responsables actuels l’esprit de la construction européenne.

 

Lettre ouverte à son excellence Monsieur Tomasz Młynarski, ambassadeur de Pologne :

 Monsieur l’ambassadeur,

 En 1980 était créée l’association Solidarité France-Pologne par le professeur Piotr Słonimski, son président de 1980 à 1990. Elle a été le cadre d’un investissement considérable de nos compatriotes, afin de venir en appui aux efforts de la société civile polonaise secouant le joug soviétique et se reconstruisant, à partir de 1989. Il nous faut rappeler qu’elle a pu le faire en mettant en œuvre des fonds mobilisés par l’Union européenne dans le cadre de son programme PECO, cela avant même que votre pays ne fasse partie de l’Union.

 

Au moment où votre pays y a adhéré, il s’est engagé à respecter, notamment, l’article 2 du Traité sur l’Union européenne : « L'Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'état de droit, ainsi que de respect des droits de l'homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. »

 

Or, aujourd’hui, votre pays, non seulement ne respecte pas l’état de droit, conformément à son engagement, mais entend faire accepter sa position par les autres États membres, en les menaçant de bloquer le fonctionnement de l’Union, au moment où celle-ci décide son nouveau cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027 et le plan de relance de son économie, à la suite de l’actuelle crise sanitaire.

 

Ayant tenu, à l’époque, des engagements qu’à titre individuel, nous n’étions pas tenus de prendre, nous ne pouvons que déplorer qu’aujourd’hui, le gouvernement de la République de Pologne ne tienne pas ceux qu’elle avait pris envers l’ensemble des populations de l’Union européenne et nous attendons qu’elle revienne à des positions conformes aux intérêts et aux idéaux de celle-ci.

 

Veuillez croire, Monsieur l’ambassadeur, à l’assurance de toute notre considération.

 

Anne Duruflé, Présidente de l’association Solidarité France-Pologne

Karol Sachs, Président d’honneur de l’association Solidarité France-Pologne

Patrick Boulte, Président d’honneur de l’association Solidarité France-Pologne

 

Association Solidarité France-Pologne Paris, 7 décembre 2020

c/o Anne Duruflé

34, rue du Faubourg Saint-Martin

75010 Paris

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Libres Propos

La Rédaction de la LETTRE ouvre cette rubrique aux membres de D&S qui veulent contribuer aux débats. Ces libres propos ne représentent pas l’opinion de la rédaction ni de l’association Démocratie & Spiritualité mais de leurs auteurs qui sont seuls responsables de leur texte.

 Un regard de terrain sur le travail avec des jeunes en souffrance et en recherche d’identité

 Je suis éducateur spécialisé à Nanterre et je veux apporter mon témoignage après la lecture du projet de D&S de création d’un réseau citoyen d’animateurs de vie personnelle et civique et/ou d’un guide spirituel à l’usage des animateurs et éducateurs.

Je travaille dans le secteur de la Protection de l’enfance (de la naissance à 18 ans) auprès du juge pour enfants et de l’Aide sociale à l’enfance qui missionne les différentes associations habilitées. La Protection de l’enfance intervient à la suite de la commission chargée des signalements faits par l’école, la PMI (protection maternelle infantile), etc... Après l’évaluation de la situation (par la police, le corps médical notamment), c’est le procureur de la République qui interpelle le juge pour enfants au sujet des maltraitances familiales, ou d’autres dysfonctionnements. Il peut s’agir d’enfants muselés, sans spontanéité, en lien avec une rigidité éducative parentale, et/ou le non-respect des valeurs républicaines (entretien de la haine sur les réseaux sociaux, idées favorables à l’islamisme radical).

Ces enfants et adolescents que j’accompagne sont issus de familles africaines, françaises d’origine étrangère, récemment immigrée ou pas (une partie, qui vit en France depuis longtemps, refuse de demander la nationalité française, pour des raisons diverses), de familles françaises de la classe moyenne ou défavorisée.

Je dirais d’abord qu’il n’y a pas unemais des cultures familiales en fonction de la trajectoire des ascendants. Les communautés sont très diversifiées, cultivent une forte entraide en leur sein, avec une pratique religieuse influencée par la communauté du quartier, qui est un des éléments forts de leur appartenance.

Je fais un travail avec ces enfants sur leur identité ; beaucoup dessinent plusieurs drapeaux : celui du pays d’origine de leurs deux parents (de l’oncle si c’est lui qui domine, comme dans certaines familles africaines), et du drapeau français s’ils sont allés à l’école maternelle dont le rôle est essentiel. Le psychanalyste Fethi Benslama évoque des « tourments identitaires », d’un paysage intérieur qui est le terrain d’une lutte entre plusieurs référents.

Selon moi, leur questionnement fondamental porte sur comment trouver une place dans la société française. Leur culture est faite d’un mélange entre celle de la cité, l’attirance pour la société de consommation et un islam confus, entre transmission de la famille, des réseaux sociaux et de la vie de quartier. A l’école, ils trouvent des règles différentes de celles de la maison sur le rapport hommes- femmes, le rapport à la vérité, etc…

Les priorités des éducateurs : répondre aux besoins fondamentaux des jeunes ; qu’ils trouvent un équilibre dans leur vie : ils dorment mal (addictions aux réseaux sociaux, aux jeux vidéo), sont dans une grande insécurité, n’ont pas le goût de l’effort, pas d’esprit critique, sont en difficulté scolaire. Car pour accéder à la spiritualité, il faut des conditions, avoir satisfait certains besoins de base.

Ce qui me semble essentiel, c’est de développer des lieux d’échange. Ne surtout pas leur asséner un discours sur notre expérience, ou sur les religions. D’abord écouter leur souffrance et faire un travail sur l’éducation à la citoyenneté et à la laïcité. Les aider à réfléchir, à questionner car ils ne savent pas écouter l’autre, accepter les différences, les règles du vivre ensemble. Voir ce que fait Charles Rojzman, thérapeute social. Il y a une pédagogie à trouver, les mots, les supports, des formes d’expression qui leur parlent : BD, mangas, etc... Avec une professeure de philosophie, nous conduisons des ateliers avec un tout petit groupe de 4 ou 5 enfants ou adolescents volontaires ; c’est un très lent travail pour susciter une dynamique de dialogue. Nous menons une réflexion sur le rapport à la loi, à l’autorité, à partir de scènes empruntées à la vie quotidienne, jouées par les jeunes, qui les amènent à se questionner sur les interdits, la loi, la capacité à réparer ; ou sur leur place, sur le rapport hommes-femmes à partir de leur vécu familial, de celui de l’école.

Je tiens à souligner le rôle fondamental de l’école maternelle et primaire, qui est vraiment pour eux une ouverture, vu la défaillance des familles, puis du collège avec le rôle essentiel du CPE, conseiller principal d’éducation, qui fait tiers entre la famille et l’école, met des limites là où la famille ne les a pas posées. Les temps périscolaires, l’aide aux devoirs sont essentiels pour les familles en difficulté ; il faudrait selon moi développer des stages en milieu professionnel avant la classe de 3e car les jeunes décrochent souvent dès le début des années de collège. Voir le projet des cités éducatives qui allient les différents acteurs éducatifs travaillant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Créer, à l’initiative de D&S, un collectif avec des partenaires pour réfléchir et agir auprès des jeunes - et avec eux - me semble une bonne idée mais il faut penser à relier les intellectuels aux professionnels de terrain, et qu’ils travaillent ensemble, pour ne pas faire des projets « hors sol ».

Emmanuel Fremann

 

L’islamisme djihadiste, une peste qui gangrène des sociétés aux cultures, spiritualités et politiques malades

Le mot islamisme pourrait être encore défini comme la religion des musulmans, de la même façon que le christianisme est celle des chrétiens. Cependant, en France, l’islamisme est de plus en plus perçu comme un courant idéologique[1] qui associe visées religieuses, culturelles et politiques ; il promeut trois approches complémentaires : celle prônant une vision rigoriste d’une religion expansionniste, celle faisant de la charia la source unique du droit et du fonctionnement de la société, celle instaurant un Etat musulman.

L’islamisme a généré un courant radical, l’islamisme djihadiste, qui, multipliant les attentats suicide, a fait du terrorisme un instrument pour combattre ses « ennemis ». Ce dernier, tragique dérive de l’islam, cherche à accroitre partout son emprise sur des individus et des communautés ; à cet effet, des « islamistes » conduisent leurs processus d’islamisation dans tous les domaines où ils le peuvent. C’est ce qui introduit des facteurs de division dans la société (séparatisme).

L’islamisme djihadiste prospère dans des communautés non seulement aux multiples difficultés matérielles et psychiques, mais aussi aux cultures appauvries qui se replient sur elles-mêmes ; il s’appuie sur un cadre religieux fondamentaliste qu’il déforme en oubliant la dimension spirituelle et l’ouverture sur le respect de l’autre différent ; il embrigade ses membres fanatisés dans des croyances qui les conduisent à vouloir donner leur vie pour une cause extrême et destructive qui oublie la valeur de toute vie humaine.

L’islamisation suit des voies différentes selon qu’il s’agit de pays reconnaissant dans leur constitution l’islam comme religion d’Etat ou non. Nous allons centrer notre propos sur trois « maladies » des pays occidentaux qui constituent un terrain favorable à la poursuite de l’action de l’islamisme djihadiste.

Schématiquement, en plus des problèmes liés aux inégalités et aux discriminations de toutes sortes, les sociétés occidentales, en particulier la société française doit affronter une triple crise, à savoir culturelle, spirituelle et politique, qui rend difficile de s’unir face aux défis actuels.

La crise culturelle se traduit par une insécurité croissante face à la façon de conduire nos vies et d’envisager l’avenir. Notre socle commun pour se repérer dans un monde complexe est affecté par le relativisme, le nihilisme, le complotisme, etc. ; aussi, nous avons des difficultés à nous connaitre et nous reconnaître, mais aussi à comprendre le monde complexe qui nous entoure pour y penser, vivre et agir autrement. Un des signes du délitement et de l’éparpillement culturels en cours est notre difficulté à débattre et à construire des compromis équilibrés.

Ceci nous renvoie à la crise politique actuelle qui se traduit par la perte de confiance dans notre démocratie et en sa capacité à surmonter les clivages, les fractures et les séparatismes pour affronter les défis sociaux, économiques et écologiques. La question qui se pose est alors celle de la capacité des Français, des Européens et des Occidentaux à se remettre en question et à se ressourcer pour mobiliser leurs forces et leurs ressources issues de leurs civilisations afin de proposer une contribution crédible et motivante sur notre avenir.

Pour tenir le coup dans les épreuves actuelles et donner sens au quotidien comme au futur, nous devons surmonter une crise spirituelle ; elle se manifeste aussi bien au sein de religions que de courants idéologiques qui semblent avoir perdu leur souffle initial, croyants et non croyants ayant du mal à incarner une sagesse porteuse de perspectives enviables. Dans notre époque où on oscille entre soupçon et pensée magique, la qualité de nos vies intérieures est un levier indispensable pour discerner ce que nous devons faire personnellement et collectivement en alliant le souci de soi, le souci des autres, le souci de la nature et le souci d’institutions justes.

Face à ce tableau préoccupant, il est certes nécessaire de sans cesse améliorer nos politiques sécuritaires comme sociales pour lutter contre l’islamisme djihadiste. Mais ceci sera sans portée durable si cela ne s’inscrit pas dans des démarches alliant culture, politique et spiritualité[2] permettant d’incarner l’interaction entre nos transformations personnelles et collectives. Pour offrir des perspectives porteuses d’une espérance lucide à cette difficile mutation, je privilégie actuellement deux axes de travail qui mobilisent à la fois notre culture, notre spiritualité et notre civisme.

Un premier axe est l’éducation à la spiritualité. La dernière conviviale de D&S le 8 décembre a montré l’importance de travailler depuis le plus jeune âge à inscrire les enfants et les jeunes dans une triple approche : promouvoir la vie de l’esprit, le souffle de l’âme et la dynamique vitale permettant d’allier corps, âme et esprit. Cette voie exigeante nécessite de mobiliser des adultes qui, dans leur relation éducative, ont la capacité de les écouter et de les accompagner dans la recherche de l’élaboration d’une réponse personnelle à leurs questions sans les couper de leur famille et de leur milieu. Cela pose un problème politique difficile à l’enseignement public qui doit rester neutre, mais aussi être capable de lutter contre des emprises qui aliènent leur liberté de penser et de faire leurs propres choix.

Un second axe est de promouvoir la qualité de nos échanges et de pratiquer l’éthique du débat[3]. Dans une période à risques compte tenu de la montée des guerres idéologiques propices aux attaques, aux anathèmes et aux bulles sur internet porteuses d’autoradicalisation autour de thèses idéologiques ou complotistes, il est important d’approfondir nos accords et nos désaccords[4] sans se battre et de discerner pour agir à partir de ce que nous avons en commun. Une éducation à la spiritualité favorisera l’acquisition de comportements permettant de débattre en articulant silence, écoute, parole, réflexion, mais aussi de promouvoir des communautés fraternelles en recherche de vérités communes à sans cesse approfondir et d’implications à partager.

Nous sommes face à un défi inédit, celui de vivre un tournant de l’histoire où il nous faut non seulement sauvegarder la vie et la santé des hommes et de la terre du local au mondial, mais aussi lutter contre des pestes de toutes sortes comme celle de l’islamisme djihadiste et celle des populismes nationalistes autoritaires. En ces temps de confinement, à nous de déconfiner nos intelligences et nos cœurs pour vivre pleinement nos vocations pour cheminer en humanité.                                        

Jean-Claude Devèze


[1] Voir le rapport l’Institut Montaigne https://www.institutmontaigne.org/publications/la-fabrique-de-lislamisme

[2] Cf. Jean-Claude Devèze, Vers une civilisation-monde alliant culture, spiritualité et politique, Chronique sociale, 2020.

[3] Cf. Jean-Claude Devèze, Pratiquer l’éthique du débat, le défi de la délibération démocratique, Chronique sociale, 2018. J’ai retrouvé avec joie dans « Un temps pour changer » du pape François (Flammarion, 2020) un développement intitulé « Contradictions et contrapositions » qui appelle à discerner pour rendre féconds nos désaccords.

[4] Voir le travail en cours du groupe D&S sur « spiritualité et laïcité » qui propose un document de travail intitulé glossaire et des illustrations de désaccords.

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Culture – Art, littérature

 

Nous ouvrons une nouvelle rubrique : Culture, art et littérature. Un coup de cœur, une résonance, un plaisir de lecture ou une joie esthétique à partager ? Nous attendons vos propositions.

 

Pour inaugurer cette rubrique, une relecture du poème d’Henri Michaux, Le clown, proposé par Daniel Lenoir, avec une illustration de Monika Sander. Chacun pourra y puiser à son gré des motifs de méditation, en lien ou non avec l’actualité.

Un jour.
     Un jour, bientôt peut-être.
     Un jour j’arracherai l’ancre qui tient mon navire loin des mers.
     Avec la sorte de courage qu’il faut pour être rien et rien que rien, je lâcherai ce qui paraissait m’être indissolublement proche.
     Je le trancherai, je le renverserai, je le romprai, je le ferai dégringoler.
     D’un coup dégorgeant ma misérable pudeur, mes misérables combinaisons et enchaînement « de fil en aiguille ».
     Vidé de l’abcès d’être quelqu’un, je boirai à nouveau l’espace nourricier.
     A coup de ridicules, de déchéances (qu’est-ce que la déchéance ?), par éclatement, par vide, par une totale dissipation-dérision-purgation, j’expulserai de moi la forme qu’on croyait si bien attachée, composée, coordonnée, assortie à mon entourage et à mes semblables, si dignes, si dignes, mes semblables.
     Réduit à une humilité de catastrophe, à un nivellement parfait comme après une intense trouille.
     Ramené au-dessous de toute mesure à mon rang réel, au rang infime que je ne sais quelle idée-ambition m’avait fait déserter.
     Anéanti quant à la hauteur, quant à l’estime.
     Perdu en un endroit lointain (ou même pas), sans nom, sans identité.

     clown, abattant dans la risée, dans le grotesque, dans l’esclaffement, le sens que contre toute lumière je m’étais fait de mon importance.
     Je plongerai.
Sans bourse dans l’infini-esprit sous-jacent ouvert
     à tous
ouvert à moi-même à une nouvelle et incroyable rosée
à force d’être nul
et ras…
et risible…

Henri Michaux, « Peintures » (1939,) in L’espace du dedans, Pages choisies, Poésie / Gallimard, 1966, p.249

Le Clown Dessin de Monika

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Proposition de lecture

 

Nikolaï Aleksandrovitch Berdiaev, Essai d’Autobiographie Spirituelle, Buchet Chastel, 1992.

 

L’Essai d’Autobiographie Spirituelle de Nicolas Berdiaev est un ouvrage épais, ardu au premier abord. Il s’agit effectivement d’un « Essai », dont la forme pourrait renvoyer à Montaigne, et d’une « Autobiographie », centrée sur une spiritualité en excluant pudiquement tout éclairage intime.

Il a été fait référence à la pensée de Berdiaev, récemment à plusieurs reprises, à D&S.

Ce livre de près de 450 pages est aujourd’hui difficile à se procurer, en absence de réédition récente.

Aussi proposons-nous d’y accéder sur notre site, par une compilation de citations, répertoriées en moins de 50 pages et dans l’ordre des chapitres.

L’intention est naturellement d’inviter à une lecture de l’ouvrage dans son ensemble.

Mais on y trouvera déjà, en première approche :

-          Le parcours d’un Russe, né en 1874 dans une famille de la haute aristocratie, réfractaire à une éducation militaire, militant communiste, déporté en Sibérie par le régime tzariste, puis exilé par les Soviets, réfugié à Berlin en 1924, installé à Paris à partir de 1926 où il côtoie activement les milieux intellectuels jusqu’à sa mort en 1948.

-          Le principe d’une vie spirituelle fondée sur la Liberté, incréée, préalable à l’Être, subjective et de nature divine, moteur de l’élan créateur que Dieu attend de l’homme. « Dieu œuvrant avec l’homme, l’homme œuvrant avec Dieu »

-          Une philosophie existentialiste d’une certaine manière et personnaliste communautaire, inspirée de Dostoïevski, Kant, Pascal… discutée avec Maritain, Mounier…

-          Une eschatologie revendiquée pour extraire « ce monde » de ses contraintes, de ses limites et de sa nécessité.

-          Une fidélité à l’Église orthodoxe, ce qui ne l’empêche pas d’en critiquer le cléricalisme et la servilité au pouvoir temporel.

-          Un œcuménisme chrétien ouvert au catholicisme et au protestantisme.

-          Une certaine fidélité à l’idéal marxiste d’une partie de l’intelligentsia russe d’avant 1905.

-          Une morale singulièrement libertaire et malthusianiste pour ce qui concerne notamment la sexualité et le mariage.

-          Un rejet profond de toutes formes de hiérarchies verticales mais une réticence (peut-être héréditaire) à la démocratie : « la grande masse de l’humanité" ne la recherchant pas, la liberté n’est pas démocratique.

-              Bien d’autres thèmes…

Une écriture spontanée, circulaire, répétitive, parfois contradictoire, probablement sans ratures ni repentis : rencontre avec l’intelligence d’une personnalité attachante, réservée, complexe, souvent en rupture avec les idées en cours.

Bertrand Parcollet

à Lire le travail de Bertrand Parcollet sur le livre de Berdiaev sur notre site 

 

 

Cynthia Fleury, Ci-gît l’amer. Guérir du ressentiment. Essai. Gallimard, 2020.

Après une longue hésitation, je vais tout de même essayer de partager avec vous mes impressions de lecture du dernier ouvrage de Cynthia Fleury. N’ayant lu ni Freud, ni Lacan, ni Frantz Fanon, ni Winnicott, encore moins Canguilhem, Laing, La Borde, Honeth et j’en passe, juste un peu Montaigne, Adorno, Hegel ou Hannah Arendt, la question se pose : qui suis-je pour parler d’un livre aussi fouillé et savant ?

 

Si je m’accroche c’est que je trouve son idée de lutter contre le ressentiment qui pourrit la vie de quiconque qui s’y laisse entrainer tout à fait louable. C’est une force négative – la force des faibles, un déni de responsabilité ? – une mauvaise passion touchant les personnes comme les groupes sociaux ; le ressentiment se veut moral, alors qu’il en est une dénaturation, et il empêche l’action individuellement, il rend faible. Cela fait le jeu des fascismes qui fonctionnent autour de la vengeance du faible par l’identification au fort (cf. Wilhelm Reich), par l’illusion de la pureté. « L’homme du ressentiment est un « moi » inexistant très infantile » dit-elle page 218, presque colonisé. Oui mais l’individu humilié, non intégré (le migrant par exemple), seul face aux déterminisme sociaux, culturels ou économiques aura du mal à lutter contre le ressentiment.

 

L’auteur décrit les méandres du chemin pour en sortir au plan individuel et collectif. Le jeu de mots avec « ci-gît la mère » a un côté agaçant même s’il peut trouver éventuellement sa justification individuellement, mais est-il indispensable de passer par une cure analytique pour guérir ? La faculté de l’oubli peut être aidant – sans même passer par le pardon -, la créativité, l’art, l’écriture sous toutes ses formes. Prendre les choses en main, être responsable de sa vie, « élaborer une vérité dynamique, existentialiste et humaniste », la vie créative comme antidote. Quitter l’image de ce que l’on a cru être et se mettre à l’ouvrage.

 

Pour tout vous dire, je me suis régalée en lisant ce texte difficile, par bribes, en fonction de mes disponibilités. Privilège de l’âge, combien de fois ne me suis-je pas dit : « ah oui, c’est vrai », ou « je me souviens », l’essai dépeint la vie comme elle va – inutile de disposer d’une thèse de doctorat pour le comprendre. C’est dense et rude mais non culpabilisant, tout dépend de l’état d’esprit du lecteur ; il y a un temps pour la poésie de Rilke, un temps pour les enjeux de la démocratie, un temps pour la joie et l’amour. Un temps pour sortir du ressentiment !

Monika Sander

 

 

Hakim El Karaoui. La fabrique de l’islamisme, Institut Montaigne, 2018

 

La fabrique de l’islamisme est le titre d’un rapport de 620 pages publié par l’Institut Montaigne en septembre 2018, sous la conduite de Hakim El Karoui. Il s’inscrit dans la continuité des deux précédents travaux menés par l’auteur au sein de cet institut, « Un Islam français est possible » (septembre 2016) et « Nouveau monde arabe, nouvelle politique arabe pour la France » (août 2017).

Basé sur une multitude de sources documentaires, son objectif est de montrer dans toutes ses dimensions le phénomène de l’islamisme, qui est mal connu, et de comprendre l’ensemble de la chaîne de transmission, des origines de cette idéologie jusqu’aux dynamiques qui permettent sa diffusion, en France et en Europe. Le rapport s’interroge sur son impact et propose des réponses au défi qui nous est adressé.

Eliane Fremann

 

à Vous trouverez sur notre site un résumé de la version abrégée (90 pages) de ce rapport :

https://www.democratieetspiritualite.org/

 

à Et pour son intégralité, rv sur le site de l’Institut Montaigne :

https://www.institutmontaigne.org/publications/la-fabrique-de-lislamisme

 

 

Bernard Perret : Quand l’avenir nous échappe, Desclée de Brouwer, 2020.

 

Le dernier livre de Bernard Perret n’est pas de tout repos. Il nous incite à regarder en face le tragique de notre situation. Il nous oblige à nous rendre compte que nous sommes engagés dans une impasse, sans nous donner, pour autant, les moyens de nous en sortir. Ils restent à inventer. Dans une impasse, car il fait la démonstration de quelque chose de connu, mais que nous refusons de voir et de prendre en considération, à savoir que ce qui fait le dynamisme de nos sociétés, ce qui les fédère, ce qui leur donne un objectif largement partagé, la croissance économique, les mène, en même temps, à leur perte, car cette dernière n’a pas intégré, dans son équation, le fait que la prospérité promise reposait sur la consommation de ressources gratuites qui conduit, de manière accélérée, à leur épuisement.

 

Le défi à relever pour l’humanité tout entière est considérable, car il ne s’agit de rien moins que de « repenser les bases de la civilisation matérielle », de se trouver une nouvelle source d’énergie individuelle pour affronter la difficulté de vivre et pour refonder l’espérance d’un futur désirable. Personne ne sait comment faire, sur quels leviers appuyer pour opérer les changements nécessaires, ni, même, pour savoir ce qu’ils doivent être. 

 

En guise de transition, Bernard Perret suggère, en premier lieu, qu’au départ de toute réflexion politique, le constat soit fait « d’une contradiction sans cesse croissante entre l’évolution spontanée des sociétés et ce que nous pouvons savoir des conditions de survie de l’humanité ». Il évoque l’idée, pour contrebalancer la tendance au court-termisme des politiques, d’instituer une représentation des générations futures, de faire la même chose pour  « la gouvernance collective des communs », de développer les partenariats public-privé, de « miser davantage sur l’engagement bénévole des citoyens » et de progresser dans « l’intériorisation d’une conscience communautaire », ne serait-ce que pour réduire les tensions qui ne manqueront pas d’être avivées par la pénurie croissante de ressources devenues rares.

 

Pour après, il fonde son espérance sur le fait que « la vie, la nôtre et celle du monde, a révélé au cours du temps une capacité d’invention et de renouvellement dont nous ne connaissons pas les limites ». Entretemps, il revient au politique, dont il reconnaît que « la tâche n’a jamais été aussi difficile », ne serait-ce que pour faire face aux inévitables « crises du vivre-ensemble au dénouement imprévisible », de « nous préparer à des événements dramatiques qui nous feront faire ce que nous ne sommes pas prêts à faire aujourd’hui » et il nous donne quelques indications sur les efforts spirituels que cela va requérir.

 

A l’évidence, l’intuition fondatrice de Démocratie & spiritualité se trouve justifiée par cette analyse, à la seule différence que, cette fois, il n’en va pas seulement de la démocratie, mais de la survie de nos sociétés, tout court.

Patrick Boulte

 

John Shelby Spong : Être honnête avec Dieu, Karthala, 2020.

Ce sont des « lettres à ceux qui cherchent », de petites épitres adressées par John Shelby Spong à ceux qui l’ont interrogé pendant seize ans sur le site ProgressiveChristianity.org. Robert Ageneau et les éditions Karthala, qu’il a créées il y a quelques quarante ans, ont souhaité publier en  français les travaux de cet évêque épiscopalien (autrement dit anglican américain) et nonagénaire. Être honnête avec Dieu » est le sixième de ces ouvrages, après des titres qui sont en eux-mêmes une illustration des thèmes de réflexions de cet évêque anti-fondamentaliste, comme Sauver la bible du fondamentalisme », « La résurrection, mythe ou réalité ? » ou encore Pour un christianisme d’avenir, ni les credo anciens ni la réforme, ne peuvent susciter une foi vivante. Pourquoi ?   La forme du recueil de lettres conduit à de nombreuses répétitions, mais a l’avantage d’une forme de catéchèse répondant sans détours aux questions simples que se posent des croyants ordinaires.

Toutes ces réponses tournent autour de la remise en cause de la vision théiste de Dieu. Pour Spong, Dieu n’est évidemment pas un Deus ex machina, qui interviendrait miraculeusement dans l’histoire des hommes, pour les protéger des guerres ou des tsunamis, ou toute autre catastrophes d’origine naturelle ou humaine ; qui s’incarnerait en naissant dans une crèche à Bethléem d’une femme vierge de toute fécondation humaine, et que viendrait honorer trois mages venus des quatre horizons du monde ; qui retrouverait, après trois jours dans un tombeau, son corps fait d’os et de chair, et capable de se téléporter, tel les héros de « Star treck », en traversant les murs et en ignorant les distances.

Spong non seulement prend au sérieux les découvertes scientifiques qui ont remis en cause toutes les lectures littéralistes de la Bible et des Evangiles, mais il les intègre dans sa réflexion théologique, notamment la théorie de l’évolution, qui rend inopérante la notion de péché originel, et avec elle la vision sacrificielle de la crucifixion et d’une eucharistie qui en serait l’anamnèse.

Mais ce Dieu n’est pas non plus celui qu’on croit, quand déjà on ne croit plus tout cela. Il n’est pas une personne (a fortiori trois), ni même un être, extérieur au monde des humains. Spong montre à quel point les credo successifs ont été marqués par les conceptions du monde de l’époque où ils ont été édictés, mais aussi par la difficulté des humains à parler de Dieu sans projeter sur lui leur propre image. D’une certaine façon tout discours sur Dieu est déjà une caricature. Il cherche à isoler le message chrétien de la gangue qui l’entoure, cette gangue faite de la reprise de mythes ancestraux et de dogmes qui se sont sédimentés au cours des siècles. Mais pour éviter le syndrome de l’oignon, qui finit par disparaitre quand on lui a enlevé toutes ses pelures, il ne rejette pas pour autant ce que les humains ont cherché à dire de Dieu et du message chrétien dans ces mythes et ces dogmes. Il cherche juste à le retrouver.

En cherchant Dieu, comme le prophète Elie, dans la brise légère de l’élan vital, de l’espérance et de l’amour, et non dans l’ouragan, dans le tremblement de terre ou dans le feu de l’éclair,  les lettres de Spong peuvent aussi inspirer la méditation de ceux qui disent Dieu dans d’autres traditions que celles du christianisme, ou qui, agnostiques ou athées, ne mettent pas le nom de Dieu sur cette expérience spirituelle.                                                                                                                                           

Daniel Lenoir

 

Jean-Luc Nancy, Un trop humain virus, Bayard, 2020.

 Auteur d’une centaine de livres, le philosophe Jean-Luc Nancy vient de publier un ouvrage sur la crise majeure que nous traversons, intitulé : Un trop humain virus (1). A ses yeux, cette crise sanitaire agit comme un miroir grossissant des dysfonctionnements dans nos sociétés comme il le précise dans un entretien : « Cette « loupe virale » grossit les traits de nos contradictions et de nos limites. Le Covid-19 est bien à tous égards un produit de la mondialisation techno-capitaliste. Il est un libre-échangiste actif, pugnace et efficace (…) En même temps, le virus nous « communise ». Un ami indien m’a d’ailleurs appris que chez lui on parle de « communovirus ». Ce virus nous met sur un pied d’égalité et nous rassemble dans la nécessité de faire front ensemble. Que cela doive passer par l’isolement de chacun n’est qu’une façon paradoxale de nous donner à éprouver notre communauté. Il nous rappelle qu’on ne peut être unique qu’entre tous. C’est ce qui fait notre plus intime communauté : le sens partagé de nos unicités » (2).

Au moment où la santé devient une fin en soi « quoi qu’il en coûte », comme l’a déclaré le président de la République, « pourquoi être en bonne santé ? Pour quelles fins vivre ? Voilà ce qui n’est plus clair » écrit Jean-Luc Nancy qui ajoute « la production illimitée de la valeur marchande est devenue le moteur de la société et, en un sens, sa raison d’être. Les effets ont été grandioses, un monde nouveau a surgi. Il se peut que ce monde et sa raison d’être soient en train de se décomposer ». Reprenant un propos de Paul Valéry, il caractérise la crise actuelle comme une « maladie de l’esprit » : « L’esprit pour moi ne désigne pas une substance éthérée, à caractère plus ou moins divin. Il désigne la possibilité de se rapporter à une réalité qui échappe. On est dans l’esprit quand on reconnaît, pas seulement intellectuellement mais aussi existentiellement et affectivement, qu’on est dépassé par quelque chose qui ne demande pas simplement à être maîtrisé ».

Faisant référence à l’engagement, dans sa jeunesse, de Jean-Luc Nancy dans le christianisme dont il s’est ensuite détaché, son interlocutrice lui demande : Que vous reste-t-il du christianisme ? « Presque l’essentiel, qui tient pour moi dans cette phrase de Maître Eckhart : « Prions Dieu de nous tenir libre et quitte de Dieu ». Je l’avais inscrite en épigraphe de mon mémoire de maîtrise de philosophie, réalisé sous la direction de Paul Ricœur. (…) J’ai passé ma vie à me référer à la phrase d’Eckhart comme à la meilleure phrase qu’on puisse prononcer sur le christianisme et sur la religion en général, mais aujourd’hui les grands discours de la mystique sont soigneusement recouverts par toute une pacotille bondieusarde ».

Pour Jean-Luc Nancy, la question centrale aujourd’hui est celle de savoir comment être en commun, comment vivre ensemble ? « La réflexion sur les biens communs, le partage, reste centrale. Ces mots ont été pris en charge tantôt plutôt par le communisme, tantôt plutôt par le christianisme, mais ils ont partout circulé avec un indice positif, en même temps que l’on constatait qu’ils étaient méprisés, négligés, incompris et à quel point le capitalisme n’offrait pas la possibilité d’un bien commun pour tous ». Mais ce partage n’est possible que si nous nous reconnaissons fondamentalement égaux. « Ce qui nous fait vraiment égaux, c’est justement la mort que le virus nous remet sous les yeux. Le virus égalise les existences. Il rappelle ainsi un droit souverain de la mort qui s’exerce sur la vie parce qu’elle fait partie de la vie. La mort, non comme un accident, mais comme ce qui appartient à la vie. Cela passe par la reconnaissance de notre finitude. Mais aujourd’hui, c’est le mot maudit. Celui qu’on n’aime pas entendre… ».

(1) Jean-Luc NANCY : Un trop humain virus, éditions Bayard, 2020

(2) Jean-Luc NANCY : L’infinité du progrès est un mauvais infini, conversation avec Elodie Maurot in La Croix-L’Hebdo du 20 octobre 2020, pages 17-21

Bernard Ginisty

 

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QUE FONT NOS PARTENAIRES?

Pacte civique

Session II du colloque Grand âge : comment développer l’habitat inclusif.

Organisé par Le Pacte civique, le colloque « Le grand âge : débats de société et enjeux politiques » a tenu sa session I le 4 décembre avec plus de 220 inscrits et des retours très positifs des participants. Vous pouvez voir la vidéo du colloque sur la chaîne YouTube du Pacte civique ou en allant sur son site :  https://pactecivique.fr/

La deuxième session « Comment développer l’habitat inclusif ? » aura lieu également par zoom avec la présentation de réalisations intéressantes et une intervention de Denis Piveteau, auteur d’un récent rapport pour lever les freins au développement de ce mode d’habitat. Double conclusion sur l’ensemble du colloque : Jean-Baptiste de Foucauld et la ministre déléguée en charge de l’autonomie, Brigitte Bourguignon.

Un colloque qui intervient à un moment clé : il est encore temps que le projet de loi autonomie soit inscrit à l’agenda parlementaire, suffisamment tôt pour qu’il soit voté avant les élections présidentielles ; ce n’est pourtant nullement assuré.

 Pour vous inscrire : https://us02web.zoom.us/webinar/register/WN_V4IJVx83TeKhj9JErZmaPA

ou sur le site du Pacte civique : https://pactecivique.fr/

 

Par ailleurs vient de paraître le troisième des livrets du Pacte civique, consacré à La Convention citoyenne pour le climat (Faire entrer le climat dans la démocratie)et élaboré dans le cadre de l’Observatoire citoyen de la qualité démocratique (OCQD). Nous serons amenés à revenir sur le sujet lors de notre conviviale de février (voir agenda).

Hermeneo

Notre partenaire, l’association Hermeneo, présidée par Mohamed Khenissi, membre de D&S, a organisé dimanche 22/11 un « webinaire » sur le thème : L’enseignement du fait religieux, quels défis à relever ? Trois intervenants étaient invités : Marine Quenin, déléguée générale de l’association Enquête, Thomas Vescosi, jeune professeur d’histoire-géographie en collège, et Hicham Abdel Gawad, doctorant en sciences des religions en Belgique. Cette rencontre, animée par Emmanuelle Benhamou, consultante pédagogique, a apporté des éclairages passionnants, complémentaires à ceux de la conférence du Forum 104.

L’enseignement du fait religieux est dispensé dans l’enseignement secondaire. Mais la tâche des professeurs est complexe : souvent ils ne sont pas formés,pas d’accord entre eux sur la laïcité, parfois vue comme anti religieuse ; pour certains, le fait de confessionnaliser la question évite de poser le problème politique des territoires abandonnés par la République, des tensions sociales, économiques. Thomas Vescosi préconise que, dans leur enseignement des faits religieux, les professeurs utilisent le conditionnel : Moïse « aurait reçu » les Tables de la loi, pour distinguer savoir et croire, qui ne répondent pas aux mêmes questions.

La différence entre enseignement des faits religieux et approche confessionnelle suscite l’incompréhension des parents croyants (ils ont le sentiment que l’école ne peut dispenser un enseignement neutre) ou non croyants (ils n’en voient pas l’utilité). Les élèves raisonnent en termes de vrai/faux, ne séparent pas le registre historique du théologique ; or sur certaines questions comme les récits de la création, biologie et religion « se chevauchent ».

Quelle place pour le religieux, sujet très sensible en France ?  Sans culture religieuse, on ne peut avoir accès à la culture patrimoniale souligne Marine Quenin ; c’est un élément du vivre ensemble qui passionne les élèves si on adopte une pédagogie du questionnement, si l’on met à distance ses convictions. C’est un long cheminement qui apaise.

Hicham Abdel Gawad souligne que la question du religieux fait partie de la vie sociétale ; les gens adhèrent à une vision du monde, religieuse ou non (ex véganisme), les jeunes viennent à l’école avec un système de sens à la fois hérité et construit. Les discours sur la croyance -des sites, des vidéos en ligne, de la famille, des librairies spécialisées- sont en compétition. Le rôle de l’école est de donner une vision cohérente et émancipatrice. Selon lui, l’approche historico-critique Comment sait-on ce que l’on dit que l’on sait sur le prophète de l’islam ? doit être au centre du système de construction de soi des jeunes, pour qu’ils fassent la différence entre tradition et recherche historique.

En Belgique, poursuit Hicham Abdel Gawad, l’État neutre, mais pas laïc, reconnait trois cultes, et des cours de philosophie peuvent se décliner sous des formes confessionnelles, ou non. En France, la laïcité est une forme d’aboutissement d’un projet - la modernité- qui a cherché l’universel ailleurs que dans le sacré, dans la raison. Le religieux a été soumis à la critique scientifique, et est devenu privé. La séparation du politique (qui gère le collectif) et du religieux, c’est à dire la laïcité, est devenue possible.  Mais au nom d’un sacré individuel, certains cherchent aujourd’hui à établir des normes collectives.

La loi de 2004 sur l’interdiction du port des signes religieux à l’école fait aujourd’hui consensus mais elle est source de débat, de comparaison avec les pays étrangers où le port est autorisé. Si la loi n’est pas intériorisée par les citoyens, elle génère un sentiment, avéré ou fantasmé, de persécution (cf. Jürgen Habermas).  Il faut mettre à plat les désaccords, tracer des chemins pour construire du commun. L’école ne pourra jamais pallier toutes les carences de l’État, et régler toutes les tensions.                                                                                                       

Eliane Fremann  

Groupe Interreligieux Pour la Paix 78

Nadia Otmane Telba, coprésidente du GIP et membre de D&S, a organisé le 16 décembre dernier une conférence-débat autour de l’encyclique du Pape François Fratelli Tutti pour réfléchir à la manière dont ce texte nous interpelle dans sa description des maux de notre époque. Comment réagir et nous motiver pour construire la paix ? Comment vivre cet appel à l'engagement politique ?

Intervenants : Florence Ohayon /Nadia Otmane Telba / Henri Foucard

 

à A voir sur le site du GIP : http://gip78.fr/

 

Esprit Civique

Esprit civique, cercle politique d’inspiration personnaliste, fondé par le député Dominique Potier, a tenu son séminaire de rentrée les 16 et 17 octobre, au Forum 104, en format restreint. Après une réflexion sur « le personnalisme à l’heure de l’anthropocène » et un échange sur « les empreintes 2022 », le document revient sur le projet de chaire « Esprit civique » qui a fait l’objet d’échanges avec D&S.

Le site http://www.espritcivique.org/2020/11/ a rencontré des difficultés de mise à jour, et on ne peut pas (encore) accéder au document issu de cette rencontre.

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AGENDA

Réunions statutaires:

Prochains bureaux :

Mardi 12 janvier 2021 à 18h

Jeudi 11 Février à 18h

Prochains CA :

Mardi 5 janvier 2021 à 18h

Mardi 23 ou jeudi 25 février (préparation de l’AG du 13 mars et de l’UE)

 

Journée Sol Invictus

Organisation d’une journée Sol Invictus, réunissant les membres du CA et les organisateurs des groupes de travail samedi 16 janvier 2021.

 

 Assemblée générale

• L’Assemblée générale de 2021 qui renouvellera totalement le conseil d’administration se tiendra le samedi 13 mars à 9h30.

 

Prochaines Conviviales :

• Conviviale interne (réservée aux adhérents) : mardi 19 janvier 2021 sur le projet de loi du gouvernement visant à renforcer les principes de la République (ex projet sur les séparatismes), adopté par le conseil des ministres le 9 décembre. Son examen par l’Assemblée nationale devrait commencer en février.

• Conviviale ouverte : mardi 16 février autour de la Convention citoyenne pour le climat

• Conviviale ouverte, en mars, sur Berdiaev.

 

 Université d'été 2021

L’Université d’été 2021 se tiendra les 10, 11, 12 Septembre 2021 à Lyon, au centre Jean Bosco

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L'Ours

Lettre D&S N° 177  Décembre 2020

ISSN 2557-6364

Directeur de publication : Daniel Lenoir
Rédacteur en chef : Monika Sander
Comité de rédaction : Jean-Baptiste de Foucauld, Sébastien Doutreligne, Eliane Fremann, Daniel Lenoir, Régis Moreira, Bertrand Parcollet.

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