En-tête
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  Lettre de D&S n°180

Avril 2021

 

Sommaire

Éditorial

Silence 
Daniel Lenoir, Président de D & S

 

Dossier du mois

La charte des principes de l’Islam de France

Retour sur la Conviviale ouverte du mardi 16 mars 2021 – Discussion autour de la Charte des principes pour l’islam de France - Synthèse de Sébastien Doutreligne

Échanges de Jean-Baptiste de Foucauld avec Jean Duchesne

REGARDS SPIRITUELS SUR L’EPIDEMIOLOGIE

Épidémiologie et Spiritualité sous COVID 19 – Docteur Anne Degrand-Guillaud

Quand le chiffre pris à la lettre ouvre malgré lui sur l’horizon du sens – Docteur Julien Emmanuelli

 

Nouvelles exigences démocratiques

Homo Faber vs. Homo Sapiens – Denis Clerc

 

Résonances spirituelles face aux défis contemporains

La pratique de la discussion philosophique avec les enfants et adolescents : un levier pour un monde plus conscient, plus tolérant, plus respectueux ? –Michel Calvez

Aller vers nos commencements – Bernard Ginisty

In memoriam: Hans Küng – Bernard Ginisty

 

Libres Propos

Éduquer en temps de crises et de mutations – Jean-Claude Devèze

« Changer d’État » – Patrick Boulte

 

Art – Poésie

Silence

Haïku de Monika Sander

Extrait de Palme, de Paul Valéry

 

Notes de lecture

Rémy Rioux, Réconciliations – Débats publics, 2019 – Patrick Boulte

Christiane Singer, Du bon usage des crises, Albin Michel, 1996, – Bernard Ginisty

Jean Birnbaum, Le Courage de la nuance, Seuil, 2021 – Daniel Lenoir

Souleymane Bachir Diagne : Le fagot de ma mémoire, Philippe Rey, 2021 – Jean-Claude Devèze

 

Échos

Retour de la première réunion du groupe Spiritualité et responsabilité – Monika Sander

Les groupes d’accueil à D&S – Eliane Fremann

 

Que font nos partenaires ?

Trois visio-conférences du Groupe Interreligieux pour la Paix 78 – GIP 78

GRAND AGE, FIN DE VIE : de la quête de sens à la quête de solidarité

Les 10 ans du Pacte Civique : deux évènements à venir

CCSC – Vaincre le chômage - COLLECTIF Pour la Parole de chômeurs – Eliane Fremann

LVN   - session d'été à Vannes

 

Agenda

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EDITORIAL


Silence

"Il y a un moment pour tout et un temps pour toute chose sous le ciel (...)

Un temps pour se taire et un temps pour parler."

Qohélet (L'Ecclésiaste, 3 1 ;7)

Silence. C'est ce à quoi nous appelle aussi Djalal ad Din Rûmî, "qui souvent se donnait précisément ("silence") comme surnom"[1], dans ce poème qui porte aussi ce titre et clôt le recueil[2] qu'a traduit et publié, peu avant sa mort, l'athée Jean-Claude Carrière. Des paroles de Qohélet mises en exergue de cet édito et dans la bouche du roi Salomon aux méditations du maître du soufisme, l'auteur de ce qu'on a pu appeler le Coran mystique[3],(« Ne dis mot des deux univers. Il te conduit vers l’unique couleur, silence »[4]), en passant par les dits du Prophète de Khalil Gibran[5] ("Et souvent vous noyez vos pensées sous les flots de vos paroles"), la poésie mondaine du mystique sans Dieu Paul Valéry (« Chaque atome de silence est la chance d’un fruit mûr ! »[6]) et par la conclusion du livre d'entretien du même Jean-Claude Carrière avec le Dalaï Lama[7] ("Comme toute conversation, celle-ci nous conduit au silence"), les chercheurs de sens ont fait du silence un chemin privilégié de la quête spirituelle. Cette dimension de notre projet que nous avons décidé de renforcer lors de notre dernière assemblée générale.

Silence. De façon symbolique, à l'occasion de l'installation du conseil d'administration de Démocratie & Spiritualité, nous avons décidé de séparer chaque point de l'ordre du jour par un temps de silence, un temps bref mais profond, un temps de respiration mais aussi d'inspiration. Juste le temps de se mettre à l'écoute de soi-même, de retrouver un instant ce lieu intérieur où "les eaux troubles de l'esprit se calment et s'éclaircissent et une grande partie de ce qui est caché, tout ce qui l'obscurcit remonte à la surface et peut-être écrémé"[8]. Le temps aussi de se mettre à l'écoute de l'autre, non pas seulement de ses arguments, mais aussi de ce qui le met en mouvement, de ce qui motive sa démarche. Non pour masquer les désaccords et viser une sorte de consensus mou au royaume des Bisounours, mais pour pouvoir dépasser, sans pour autant les refouler dans un silence faussement bienveillant et parfois coupable, les oppositions et les conflits ; en ayant, comme nous y invite Jean Birnbaum, "le courage de la nuance"[9], et qui commence souvent par le courage de penser contre soi-même, et aussi en cultivant cette "éthique de l'amitié" qu'il dégage de l’œuvre de Camus.

 Silence. Alterner le temps du silence avec celui du débat, c'est aussi une façon de conjuguer dans nos échanges le temps de la spiritualité et celui de la démocratie, celui personnel de l'intériorité et celui, communautaire, de la délibération. Au-delà d'une technique pour améliorer la qualité de nos échanges, et qu'on pourrait généraliser à tous nos groupes, c'est aussi une façon de poursuivre cette "intranquille quête de l'esperluette".

Daniel Lenoir, président de Démocratie & Spiritualité

 

Post-Scriptum : Nous reviendrons dans une prochaine lettre sur les différentes dimensions du silence comme chemin de spiritualité, et comme moment de la démocratie. Avec, en avant-goût dans ce numéro, les méditations de Monika dans la rubrique « Poésie » de cette lettre.

 

[1] Jean-Claude Carrière dans sa préface à Cette lumière est mon désir.

[2] Rûmî, Cette lumière est mon désir, qui vient d’être réédité dans une traduction et une présentation de Jean-Claude Carrière, dans la collection Poésie de Gallimard (2020).

[3] Le Masnavi-I Ma'navi, transcrit aussi Masnawī, Maṯnawi ou Mesnevi est un ouvrage du XIIIe siècle écrit en persan par le poète soufi Djalâl ad-Dîn Rûmî. C'est une des œuvres les plus connues et les plus influentes du soufisme et de la littérature persane, ce qui a valu à son auteur le surnom de Mawlānā, « notre maître ». (Wikipédia)

[4] Idem.

[5] Khalil Gibran, Le prophète, dont les éditions Pygmalion viennent de publier une réédition, avec des dessins et des poèmes de l’auteur (2021)

[6]Palme in « Poésies », 1933

[7] SS le Dalai Lama, Jean-Claude Carrière, La force du bouddhisme, Pocket, 2003

[8] Patrick Leigh Fermor, Un temps pour se taire, 1957 qui vient d’être réédité dans la collection Spiritualités de la Petite bibliothèque Payot (2020)

[9] Jean Birnbaum, Le courage de la nuance, Le Seuil, mars 2021.

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DOSSIER DU MOIS :

La charte des principes de l’Islam de France

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Retour sur la Conviviale ouverte du mardi 16 mars 2021 – Discussion autour de la Charte des principes pour l’islam de France - Synthèse de Sébastien Doutreligne


La charte des principes pour l’islam de France, acte fondateur ou coup d’épée dans l’eau ?

Synthèse de la conviviale D&S du 16 mars 2021, 18h-20h

Réunissant jusqu’à un peu plus d’une cinquantaine de participants, la conviviale de D&S sur cette thématique d’actualité a été introduite par Jean-Baptiste de Foucauld. Le cofondateur et président d’honneur de D&S rappelle tout d’abord que les religions ont toutes un rapport difficile avec la démocratie, chacune ayant une vision de l’absolu, et a tendance à nier la vérité des autres. De leur côté, les démocraties se méfient des religions pour les mêmes raisons. Cela étant, les unes ont besoin des autres, dans une sorte de rapport d’amour qui n’a rien de spontané. Le catholicisme a mis du temps pour accepter la démocratie et tout se passe comme si, en métropole, l’islam devait emprunter un parcours accéléré pour accepter la démocratie. Jean-Baptiste de Foucauld estime que la charte des principes pour l’islam de France est quelque chose d’assez étonnant, avec une déclaration signée par cinq des neuf associations composant le Conseil Français du Culte Musulman (CFCM) et allant assez loin dans le propos. Sont notamment relevés l’engagement à s’inscrire dans la liberté de conscience (avec une justification théologique) ; l’égalité hommes-femmes ; la fraternité refusant les discriminations, la haine, les actes antisémites, homophobes et misogynes ; le refus de l’ingérence de l’étranger ; l’attachement à la raison. Les membres d’autres religions seraient-ils capables de produire un tel texte ? Il reste que le contexte d’élaboration de ce texte amène un autre regard, et de nombreux doutes : des pressions politiques ont été exercées ; la représentativité du monde musulman ne semble pas assurée. Mais est-ce pour autant que ce texte sera laissé sur une étagère ? Car il se pourrait qu’il fasse part d’une interaction souple et respectueuse entre démocratie et spiritualité.

Jean-Baptiste de Foucauld introduit alors les deux interlocuteurs de la conviviale en leur posant deux questions : ce texte est-il novateur et peut-il aller dans le sens de ce qui est souhaité à D&S ? Dans l’affirmative, comment le faire vivre, lui donner de la profondeur, de l’adhésion ?

Radia Bakkouch, présidente de l’association Coexister et Mohamed Khenissi, fondateur de l’association Hermeneo, vont tenter d’y répondre.

Mohamed Khenissi entame son intervention en citant Jacques Berque : « C’est posé qu’il se crée en France un islam français, soit un islam gallican… islam de progrès sur le reste de la zone islamique. » Le vœu semble exaucé avec la charte des principes pour l’islam de France. Rappelant ce que Jean-Baptiste de Foucauld a mentionné en tant qu’éléments indéniables de progrès sur le papier, le fondateur d’Hermeneo appelle tout d’abord à un élargissement de la vision s’en tenant au contenu de ce texte pour en saisir le cadre général d’émergence, et par là la logique de la gestion du fait religieux musulman en France. Les premières tentatives conduites dans les années 1980 ont conduit à des projets de chartes non abouties, dont le souhait résultait non pas d’une réflexion de fond, d’ordre théologique, mais d’une demande en lien avec l’actualité, ce qui pose question en termes d’appropriation.

Ensuite, Mohamed Khenissi relève le défi sécuritaire avec lequel nous vivons depuis quelques années, marqué par plusieurs attentats et assassinats au nom de l’islam. Cela légitime la pression exercée par le pouvoir politique, avec une approche sécuritaire totalement indispensable. Un point crucial est ici celui sur la relation entre islam et violence. Le politique a essayé d’évincer cette relation en affirmant que les attentats et assassinats n’avaient rien à voir avec l’islam. De même dans les interventions ayant présenté le plan national de prévention de la radicalisation. Depuis un certain temps, des attentes implicites se sont fait jour à l’égard des musulmans, avec notamment l’idée que les musulmans doivent se soulever et prendre la parole pour éviter les amalgames. Dans les faits, de nombreuses mosquées sont loin de toutes ces peurs et ne comprennent pas ces attentes.

Aujourd’hui, avec la charte des principes pour l’islam de France, un texte est sorti de l’esprit de laïques n’ayant pas forcément de culture religieuse en un peu moins de deux mois, avec la mise en avant d’une réflexion théologique attendue depuis plusieurs siècles. Cela témoigne que ce document a été rédigé sous la pression de l’exécutif, avec un agenda politique clair, différent de celui de l’administration, où les acteurs essaient souvent de sortir gagnants sur un plan médiatique.

Tout cela rend difficile toute appropriation de ce type de document par des ministres du culte sur le terrain, non consultés pour l’occasion. Cela étant, Mohamed Khenissi rappelle que le CFCM n’a pas vocation à représenter les musulmans mais qu’il doit assurer un rôle de gestion, d’organisation et de facilitation du culte musulman. Un glissement s’est toutefois opéré en raison de l’approche sécuritaire, avec une tendance du CFCM à parler au nom des musulmans. A ce jour, cet organisme représente un peu moins de 40 % des mosquées, n’est pas légitime face aux jeunes musulmans (qui sont davantage dans une approche identitaire et suivent des imams sur les réseaux), et est constitué de personnes connues pour leur sens politique.

En raison des faits énoncés, il semble difficile de nous maintenir dans une naïveté qui pourrait nous laisser penser que cela marcherait. En résumé, la charte des principes pour l’islam de France est une charte commanditée par le politique, rédigée par des dignitaires non-théologiens, avec une carence flagrante de la légitimité du CFCM, de son mode de fonctionnement et de son rapport au politique.

Radia Bakkouch acquiesce aux propos tenus. L’association Coexister déplore toujours l’intervention du monde politique dans la gestion du culte et prête attention au projet de loi (visant à renforcer les principes de la République) dans son ensemble, étant donné le risque d’atteinte aux libertés fondamentales telles que la liberté d’association et la liberté de culte.

La présidente de Coexister mentionne la notion du « faith for good », « spiritualité pour le bien », défendue par l’association, avec l’idée que les personnes portant des convictions doivent monter au créneau pour renverser la balance dans un univers tendant à mettre en avant le « faith for bad ».

Radia Bakkouch estime qu’il est aberrant qu’en France, pays le plus laïque au monde, il y ait besoin de cadrer le religieux. Elle estime que les réponses actuelles ne sont pas appropriées pour répondre au terrorisme d’inspiration religieuse.

A titre personnel, elle est d’accord avec le contenu de la charte pour les principes de l’islam de France, même si en principe il est toujours étrange de demander de se conformer à la loi. L’impression générale est que cette charte ne va pas avoir beaucoup d’attache sur le terrain. Fréquentant la mosquée itinérante Simorgh depuis quelques années, une mosquée où l’imamat est féminin, non reconnu par le CFCM, Radia Bakkouch se demande si la mosquée ne va pas de fait être contre les principes de la République. Par ailleurs, la bataille se mène sur les réseaux pour faire entendre sa voix, en l’occurrence pour les différentes écoles musulmanes. C’est à ce niveau qu’il s’agit d’agir.

Jean-Baptiste de Foucauld se dit très surpris par une contradiction des débatteurs : d’un côté, ils sont en accord avec la plupart des principes énoncés dans la charte, avec l’idée générale d’une évolution de l’islam, de l’autre le sentiment que cela ne sert à rien et que cela ne marchera pas. Pour le président d’honneur de D&S, cette charte pose des principes importants témoignant d’un ralliement de l’islam à la démocratie.

Jean-François Levy qualifie la charte des principes pour l’islam de France de texte très fort et très important, et se dit très frappé de l’article 5 sur la fraternité. Il pose par ailleurs une question relative au rapport entre cette charte et la déclaration des fédérations musulmanes et mosquées de France réunies à la Grande Mosquée de Paris (question à laquelle il n’a pas été apporté de réponse).

Mme Morangieux relève que l’homosexualité est un péché pour les musulmans (ce à quoi certains rétorquent qu’il n’y a pas que pour les musulmans que c’est le cas). Dès lors, comment reconnaître la charte ? Elle estime que de nombreux musulmans vivant en France refusent les principes énoncés dans la charte. Elle demande par ailleurs : « comment répondre aux Turcs qui n’acceptent pas ce document ? »

Jean-Baptiste de Foucauld entrevoit que le monde musulman va se diviser sur cette charte. La question est de savoir si un débat démocratique au sein de l’Islam de France va accroitre les tensions ou non ? Un débat entre intériorité et extériorité ? Car il est question que les principes de la République soit acceptés en intériorité. Il ne sous-estime pas l’effort à produire, mais estime que l’effet de fuite qu’il risque d’y avoir n’est pas bon pour la démocratie. Après tout, peut-être n’est-il pas possible d’avoir ce débat.

Nadia Otmane relève un certain glissement, et estime simplement que les textes juridiques régissant les cultes et la laïcité peuvent tout à fait convenir à l’islam. La charte en question reprenant d’ailleurs des lois déjà bien établies, elle estime que s’opère de nos jours un retour en arrière. En effet, pourquoi avoir besoin de rappeler que les citoyens musulmans doivent se soumettre aux lois de la République, sauf à considérer une suspicion de non-respect ? Pourquoi devoir me justifier du respect de la République ? La charte ne constitue donc pas en elle-même un texte innovant.

Nadia Otmane relève également le problème majeur de la représentation, inexistante pour ainsi dire. Par ailleurs, elle pointe une contradiction très ancienne en termes de message envoyé aux Français musulmans : tantôt il leur est demandé de respecter la laïcité et la neutralité, tantôt de se prononcer en tant que musulman.

Jean-Baptiste de Foucauld comprend bien ce besoin de montrer patte blanche. Il rappelle à ce propos que les catholiques ne voulaient pas de la loi de 1905. Un compromis a été trouvé uniquement après la première guerre mondiale, dans les années 1920. Ce qui lui fait dire de nouveau que cela ne va pas de soi pour les religions d’accepter la démocratie, et que nous ne sommes pas au bout de nos peines pour approfondir le sujet !

A ce propos, Jean-François Levy relève que les juifs ont dû faire allégeance à Napoléon.

Daniel Lenoir indique que l’immense majorité des musulmans sont respectueux des principes de la République, et la question de la charte n’est pas celle-là. Selon le président de D&S, cette charte est l’affirmation de ce que pensent les représentants légitimes du culte musulman. L’Eglise catholique n’a pas accepté les principes de la loi de 1905 avant le concile Vatican II, et c’est seulement après la deuxième guerre mondiale que les catholiques ont accepté les principes de la République.

Marc Lebret pose la question de savoir comment faire pour arriver à un islam plus uni, constatant que 1300 mosquées sont financées par des pays étrangers. Qui pourrait avoir une approche systémique et serait capable de consulter les bons acteurs, les imams, les fidèles ?

Hafid Sekhri relève l’enjeu de l’acculturation du culte musulman en France. Il estime que nous sommes dans l’islam français (pas l’islam de France). Il déplore que le contexte actuel ne soit pas un contexte de confiance. Selon lui, le problème essentiel est celui de la méthode, et invite à relire René Descartes à ce sujet. Une vision césaropapiste semble ici déconnectée de la réalité. Certains acteurs, à l’instar de Gérard Collomb, avaient commencé à réaliser des actions de terrain.

Hafid Sekhri relève le problème de fond d’une espèce de suspicion mettant mal à l’aise de nombreux musulmans dans leur identité plurielle. Il rappelle que la République est indivisible, laïque, démocratique et sociale et qu’il ‘est important de maintenir ensemble ces quatre principes. Il suggère par ailleurs d’arrêter avec le mot valise « islam », qui veut tout dire et rien dire. Demander aux citoyens de respecter la loi est le minimum. Mais comment faire en sorte d’intérioriser la loi ? En sondant les cœurs ? Hafid Sekhri se demande de ce fait ce que la charte apporte de plus. Il rappelle l’existence de la charte de la grande mosquée de Paris (1995), les travaux conduits par Jean-Pierre Chevènement, et déplore que tout était déjà là.

Radia Bakkouch partage le fait que le terme islam est un mot valise et appelle à la vigilance à son égard. Elle estime que si la sphère politico-médiatique arrêtait de citer ce terme, souvent de façon vindicative et violente, la situation irait nettement mieux.

Faisant écho aux propos de Daniel Lenoir, elle mentionne que des analogies historiques peuvent être intéressantes. Néanmoins, elle rappelle que l’Eglise catholique n’était pas dans la même position que l’est aujourd’hui la religion musulmane : elle était en position dominante en France en 1905. Les deux contextes sont également très différents, avec aujourd’hui l’importance des réseaux sociaux.

Mohamed Khenissi revient sur la loi de 1905 qui représente une rupture dans la gestion du fait religieux. Néanmoins, il indique que la tradition musulmane est arrivée après ce moment, avec des progrès qui ont pu voir le jour sous l’impulsion du politique. Il y a par ailleurs toujours ces fameuses questions auxquelles les rabbins juifs ont su répondre (à l’époque de Napoléon Bonaparte), mais pas encore les dignitaires musulmans.

Mohamed Khenissi estime que le débat est la seule voie possible. Néanmoins, qui organise le débat, avec quelles possibilités ? L’expérience montre que, souvent, il s’agit plus d’interventions magistrales excluant les contradictions.

A propos de l’appropriation théologique, il s’agit de ne pas tomber dans le piège qui consiste à croire qu’il y aura à l’avenir un islam monolithique des Lumières. Il y aura sans doute différentes catégories de pratiques et de fidèles. Cette pluralité existe déjà, avec certains musulmans n’étant pas visibles, mais s’efforçant de ne pas se concentrer sur des enjeux de représentativité dont la pertinence est difficile à percevoir. A ce titre, certaines fédérations composant le CFCM sont directement rattachées à l’Algérie, au Maroc et la Turquie. Or, dans la charte, l’ingérence de pays étrangers est critiquée…

Mohamed Khenissi estime également que l’absence d’un projet de faculté de théologie musulmane constitue un manque cruel, alors que ce sujet existe dans l’administration depuis le XIXème siècle, d’Emile Combes au Pr Mohamed Arkoun.

On espère toutefois que les représentants du CFCM vont honorer leur engagement sur le terrain. Cela s’avérera en tout cas intéressant à observer, en considérant l’ensemble des doutes émis.

Toute la question est de savoir comment ce texte de la charte va vivre, par le peuple des mosquées, considère Jean-Baptiste de Foucauld. Car il estime que ce texte engage. Un enjeu est de savoir si nous devons participer aux discussions sur son évolution et de demander aux autres religions de savoir si elles seraient capables de signer ce type de texte. Malgré les gênes émises, tout ceci peut bien relever d’un débat démocratique !?

Quoi qu’il en soit, la question de la liberté religieuse reste entière !

Rappelant que les religions ne sont pas les seules formes d’expression de la spiritualité, Daniel Lenoir conclut la conviviale en évoquant la reprise des travaux au sein de D&S sur ces questions auxquelles l’association ne peut rester insensible, et en particulier les travaux du groupe Laïcité & Spiritualité. Il parait important au président de D&S que les cultes aient un discours sur le respect des principes de la République et de les interpeller afin de connaître leur positionnement. En contrepoint des propos de Mohamed Khenissi, il rappelle que les membres de la conférence des évêques de France sont élus par un Etat étranger.

 

Après la réunion conviviale du 16 mars 2021, nourrir un débat sur la charte des principes de l’islam de France.

 Nous avions raison d’appeler l’attention sur l’importance de ce texte, si l’on en juge par ses effets directs ou indirects : le Conseil français du culte musulman a éclaté et l’avenir de la charte parait bien incertain désormais ! Faut-il se résigner à un nouvel échec, ou au contraire en faire le support d’un vrai débat au sein de l’islam de France, un débat à tous les niveaux, avec des théologiens et les fidèles des mosquées ? C’est ce débat qui précisément a manqué lors de son élaboration. Mais ce débat est-il possible de manière suffisamment apaisée et constructive ?

Pour ce qui nous concerne, nous souhaitons poursuivre la discussion sur ce sujet délicat et sommes preneurs des points de vue qui souhaitent s’exprimer. Nous poursuivrons cette rubrique dans les prochaines éditions de la Lettre de D&S.

Et pour commencer, voici quelques extraits d’un échange de correspondance très intéressant que j’ai eu avec Jean Duchesne, à qui j’avais envoyé notre Lettre 180.

Jean Duchesne, ancien élève de l’Ecole normale supérieure de Saint-Cloud, a enseigné l’anglais en classe préparatoire des grandes écoles. Il est cofondateur de la revue Communio et a publié de nombreux ouvrages et articles sur le catholicisme. Il est membre du comité scientifique de la Fondation internationale Oasis qui promeut la compréhension mutuelle entre chrétiens et musulmans. Son argumentation apporte des éléments très éclairants à notre débat interne.

 Jean-Baptiste de Foucauld

Jean Duchesne à Jean-Baptiste de Foucauld (22 mars)

Cher Monsieur,

J’ai pris connaissance de cette « charte ». Merci. C’est effectivement un texte étonnant, car, comme vous l’avez indiqué, il va sur certains points plus loin que n’accepterait sans doute d’aller la Conférence des évêques de France. Je ne suis pas en mesure d’apprécier dans quelle proportion des musulmans vivant en France approuveraient toutes ces prises de position et ma connaissance limitée de l’islam me permet seulement de soupçonner que ce serait loin d’une majorité et que le Coran et les diverses traditions musulmanes autorisent des leçons bien différentes.

A titre personnel, il me semble que le problème, pour l’intégration pourtant nécessaire des musulmans en France, n’est pas le manque d’unité dû à l’absence d’une autorité de référence analogue au pape pour les catholiques, avec laquelle des modalités pourraient être négociées et servir de référence, mais une toute autre lacune dans les traditions musulmanes, à savoir l’attitude à prendre lorsqu’on se trouve en situation minoritaire et sans perspective d’islamiser les institutions, les lois et l’Etat. C’est, à mon sens, le défi majeur pour l’islam là où il est présent mais non dominant, c’est-à-dire principalement (mais pas seulement) en Occident.

Je détecte par ailleurs dans ce texte quelques faiblesses aussi bien philosophiques (ou dans le domaine de l’argumentation rationnelle) que théologiques (pour autant que l’on puisse parler de théologie dans le cas de l’islam). Pour prendre deux exemples :

• La formulation en préambule : « ni nos convictions religieuses ni toute autre raison ne sauraient supplanter les principes qui fondent le droit et la Constitution de la République », est étrange, car des convictions religieuses et les principes d’un droit sont d’ordres différents, et les unes ne peuvent pas plus « supplanter » les autres que la peinture ne peut supplanter la musique, ou les règles du jeu d’échec celles du football. C’est ce qu’indique clairement la séparation à la racine de la laïcité. Celle-ci respecte justement par principe la liberté et donc l’objection de conscience, y compris bien sûr les « convictions religieuses » par définition personnelles et privées, tandis que ces dernières, si elles n’imposent pas une théocratie ou une supériorité des lois religieuses sur les lois civiles, respectent l’indépendance de l’Etat dans la régulation et la gestion de la vie sociale et publique. Les convictions, quelles qu’elles soient, sont par définition intimes, subjectives. De même par définition, les principes du droit sont objectifs et ne dépendent pas de l’adhésion qu’ils suscitent ou non comme « objets » à accepter ou refuser. Ce qui est implicite ici mais ne serait sans doute pas unanimement confirmé au sein de l’islam et n’est de toute façon pas justifié dans le texte, c’est que les « convictions religieuses » islamiques peuvent et même doivent rester dans la sphère du privé... Il me semble que …. les courageux et généreux auteurs de cette « charte » nient un peu rapidement qu’il puisse y avoir la moindre divergence entre d’une part non seulement leurs propres « convictions religieuses », mais encore celles de tout musulman… . En résumé, le jeu de la démocratie n’est pas encore pleinement accepté dans cette « charte », dans la mesure où elle semble considérer que le consensus sur un certain nombre de principes exclut tout désaccord sur des points particuliers, alors que le respect des droits des minorités, qui est un aspect essentiel de la démocratie, est peut-être leur meilleur atout – pourvu (encore une fois) que l’islam accepte la condition minoritaire comme commencent à le faire les catholiques et le font depuis longtemps les protestants et les juifs.  

• L’affirmation à l’article 7 que « toutes les écoles doctrinales de l’islam revêtent la même légitimité » a sans doute peu de chances de faire l’unanimité entre toutes ces écoles. La question se pose ici de la légitimité de l’instance elle-même qui déclare ce qui est légitime. La notion de « légitimité » est en l’occurrence assez floue : de quelles « lois » s’agit-il ? Quelle est leur source ? Quelle force ont-elles ? Qui ou qu’est-ce qui est le garant et le gardien de la légitimité religieuse dans l’islam ? L’égale légitimité de « toutes les écoles doctrinales de l’islam » est d’ailleurs niée avec le rejet (article 6) de « l’islam politique » dont il faut conclure qu’il ne correspond à aucune « école doctrinale de l’islam ». Le wahhabisme et le Tabligh (cités en note 3) seraient-ils donc des écoles non-doctrinales ou des doctrines sans école au sein de l’islam, ou encore des mouvances ou mouvements étrangers à l’islam ?

Bien à vous, Jean Duchesne

Jean-Baptiste de Foucauld à Jean Duchesne (23 mars)

Cher  Jean Duchesne,
Je suis très touché que vous ayez pris le temps de cette riche réflexion sur le sujet  qui me touche beaucoup en ce moment et je vous en remercie, d'autant que votre réflexion m'apporte beaucoup.
Je n'avais pas bien vu que l'islam avait en effet à faire l'expérience d'un statut minoritaire qui n'est pas dans ses habitudes.
Je suis d'accord aussi avec vous que les auteurs passent trop vite sur l'absence de contradiction entre leur foi et le fonctionnement de la République, le débat sur les contradictions étant d'ailleurs l'essence même de la démocratie.
Il me semble toutefois que dans la démocratie, on ne demande pas seulement de respecter les lois mais d'adhérer aux principes qui les fondent puisque, en définitive, c'est le peuple qui par ses représentants les élabore. C'est peut-être une nuance que j'ajouterais.
Le vrai sujet est celui de l'interaction, sujet particulièrement délicat, c'est ce que nous essayons de travailler à Démocratie & Spiritualité, dont je vous joins la Charte.
J'ai bien relevé la contradiction entre la condamnation de l'islam politique et l’égale légitimité de toutes les écoles doctrinales de l'islam. D'ailleurs, il s'agit plus d'un islam voulant dominer ou maîtriser la société qu'un islam politique proprement dit, puisque aucun parti, aucun candidat ne s'en prévaut.
Que pouvons-nous donc faire d'utile dans ce contexte ? la question reste posée…
Jean-Baptiste de Foucauld

Jean Duchesne à Jean-Baptiste de Foucauld (24 mars)

Cher Monsieur,

Vous pouvez bien sûr faire tout ce qui vous semblera utile des réflexions que je vous ai soumises, et je reste amicalement à votre disposition.

Une seule remarque sur ce que vous m’écrivez à propos de l’adhésion requise aux principes qui fondent les lois. Il me semble, en tant qu’angliciste de métier, qu’il est typiquement français de vouloir que toute acceptation pratique et circonstanciée soit fondée en amont ou au préalable sur des théories générales et plus ou moins intemporelles dont elle dépendrait même sans le savoir. L’approche dite empirique (et réputée anglo-saxonne) est moins dogmatique : c’est à travers l’expérience (empeiria en grec) que l’on découvre par comparaisons et recoupements des principes théoriques, au mieux sur le moment et plus généralement a posteriori, la connaissance reposant sur le souvenir des données qu’elle organise et la tentation (voire le besoin) étant d’édifier un système qui intègre et prévoit tout ce qui peut survenir. Les rationalisations ainsi développées conditionnent en les orientant les choix ultérieurs, mais les effets de ceux-ci peuvent amener à faire évoluer, affiner et même réviser les critères (c’est-à-dire les moyens de jugement) ainsi établis, dont il reste toujours à faire l’interprétation s’ils ont été textuellement formalisés. C’est au fond la vieille querelle médiévale entre réalisme et nominalisme. Nous avons tendance à oublier que saint Thomas d’Aquin a résolu la question en optant pour un « réalisme mitigé », autrement dit une certaine prudence dans le recours aux principes, parce que, même s’ils sont en eux-mêmes indépendants des circonstances, leur invocation est toujours une interprétation sous l’aiguillon d’un besoin. On le voit bien lorsque le gouvernement actuel semble faire évoluer ce que l’on appelle « l’esprit » de la loi de 1905 en s’y référant pour tenter de régler un tout autre problème. Les auteurs de la « charte » présument sans doute un peu vite – et ils ne sont pas les seuls ! – que « les principes qui fondent le droit et la Constitution de la République » existent de façon objective et ne peuvent être définitivement compris et mis en œuvre que d’une seule manière évidente. L’islam a peut-être justement d’autres approches à proposer.

Bien à vous, Jean Duchesne

Jean-Baptiste de Foucauld à Jean Duchesne (25 mars)

Cher Monsieur,

Merci tout d'abord de m'autoriser à partager vos remarques et réflexions.
En ce qui concerne la dernière, je suis intéressé par le réalisme mitigé de Saint Thomas d’Aquin, mais je reste assez Français et même Européen continental. Je pense que la démocratie et les droits de l'homme forment tout de même un corps de principes importants auxquels la réalité doit se plier ; on manque-me semble-t-il- d'une théologie de la démocratie, que Maritain a seulement amorcée.

Je serais très heureux de bénéficier à nouveau de vos conseils et avis et vous en remercie.
Avec mes amitiés reconnaissantes, Jean-Baptiste de Foucauld. 

 

 

Regards spirituels sur l’épidémiologie

La crise du Covid a mis au-devant des débats les connaissances épidémiologiques, avec la crainte d’un gouvernement des savants ou, au contraire, que tout citoyen, y compris le premier d’entre eux, soit devenu lui-même un épidémiologiste. Question pour la démocratie, l’épidémiologie n’est-elle pas aussi une question pour la spiritualité ?

 

Épidémiologie et Spiritualité sous COVID 19

 Depuis une année, on entend beaucoup parler d’épidémiologie, mais de quoi s’agit-il exactement ?

L’épidémiologie analyse les facteurs prédictifs d’un accident de santé touchant une population et va tenter d’identifier, à la fois, les facteurs de risque et les éléments protecteurs. Elle peut aussi proposer des études interventionnelles pour tester l’efficacité d’une mesure préventive ou d’un traitement. Le dernier volet de cette jeune discipline porte sur les études prospectives qui permettent de faire des projections sur l’avenir, basées sur les connaissances du jour, pour répondre aux questions comme « que se passera-t-il si l’on met en place telle ou telle mesure ?». Les études prospectives comportent une marge d’erreur qui peut être grande mais dont les résultats théoriques chiffrés vont aider les décideurs politiques à prendre les décisions opérationnelles qui leurs semblent les meilleures pour la Santé Publique.

Ce sont les résultats des premières études prospectives de l’Imperial College de Londres qui ont convaincu les chefs de gouvernement de déclencher les mesures de confinement radicales que le monde a connues. Leurs projections étaient extrêmement alarmistes.

L’épidémiologie est-elle une discipline propice à se laisser pénétrer par la spiritualité ? A ce stade, la réponse est négative. Mais regardons-y de plus près.

Nous allons passer en revue quatre portes d’entrée possibles.

1/ La déstabilisation des épidémiologistes devant l’urgence de la situation

Avec Covid 19, le scientifique se trouve face à une maladie inconnue, qui se propage très vite, qui est dangereuse et qui tue les personnes vulnérables. Comment va-t-il mettre ses outils au service de l’humanité dans l’urgence de la situation ?

Alors que la science est un processus lent, la décision politique doit être rapide en période d’épidémie. La confrontation des temporalités différentes entre les scientifiques et les politiques va percuter leurs certitudes respectives. Les épidémiologistes sont déstabilisés dans leurs savoirs et leurs certitudes. Cette déstabilisation peut ouvrir une porte vers un questionnement profond et, dans certains cas, cette porte peut mener jusqu’à la spiritualité.

2/ Vers la modestie du non-savoir

N’oublions pas qu’au tout début de 2020, le monde est démuni. Nous ne savons pas grand-chose sur ce coronavirus, nous n’avons pas de test pour l’identifier, pas de vaccins pour s’en prévenir, pas de traitement pour l’éradiquer et en Europe pas de moyens pour s’en protéger (manque crucial de masques de protection, même pour les soignants). Que faire dans ce contexte de manque absolu d’outils efficaces ?

La médecine moderne, techniciste se croyait toute puissante et ne peut que constater son état de dénuement. Ce manque de moyens conduit naturellement à plus de modestie. Les soignants ont, par contre, retrouvé leur humanité. Et si la perte de l’arrogance était une porte vers un partage vrai, voire même spirituel entre malades et soignants ?

La seconde porte entre science et spiritualité serait donc celle d’accepter, un instant de ne plus savoir, ne pas avoir trop tôt la solution du problème, la réponse à la question. Dans un cœur vide peut surgir l’intuition créatrice.

3/ Une science ouverte partageant ses connaissances

Alors qu’on a fermé des villes et verrouillé des frontières en réponse à l’épidémie, la science, elle, s’est ouverte largement et les scientifiques du monde entier ont partagé leurs connaissances comme jamais auparavant.

Les Chinois rendent le séquençage du génome du virus accessible au monde entier en le plaçant dans GenBank, une base de données en libre accès qui regroupe les instituts de recherche européens, japonais et américains.

L’Imperial College de Londres adopte une politique de transparence dès le début de la pandémie en rendant publics les résultats de ses recherches. Beaucoup d’autres universités ou centres de recherche de référence suivent ce mouvement d’ouverture. Ce large partage de connaissances a permis à des chercheurs du monde entier de chercher des tests diagnostic, d’élaborer des hypothèses vaccinales, de tester des traitements. Cette transparence a transformé le travail des scientifiques et pourrait changer le monde.

Ce partage des données de manière libre peut être vu comme un signe d’ouverture de l’intelligence et du cœur. Le bien de tous devient primordial, n’est-ce pas clairement un indice de la spiritualité en action ? 

4/ Une immense simplicité

Le premier moyen efficace pour réduire la transmission du virus a été d’instaurer des gestes barrières pour se protéger et protéger les autres, d’une immense simplicité : se laver très régulièrement les mains, saluer sans se serrer la main et rester toujours à plus d’un mètre les uns des autres. Cette simplicité fait penser à l’observation géniale du jeune médecin hongrois Ignace Semmelweis qui a cherché à imposer le lavage des mains aux médecins en milieu hospitalier un quart de siècle avant que Pasteur ne découvre l’existence des microbes.

Cette simplicité ne serait-elle pas une autre porte vers la spiritualité conduisant les scientifiques démunis et bousculés vers l’attitude humble du chercheur qui peut offrir des solutions simples et pleines de bon sens et non pas celle du conquérant qui propose des concepts incompréhensibles au commun des mortels ?

En guise de conclusion

Un minuscule virus a contraint l’humanité entière à rentrer dans ses terriers pour se protéger. Les autres espèces du monde animal ou végétal ont été épargnées, le printemps n’a jamais été aussi florissant qu’en 2020. Observer la beauté du monde, tel qu’il est et non tel que les humains se l’approprient, n’est-ce pas une formidable porte vers la spiritualité ? Hommes et femmes, de tous les continents, de toutes les classes sociales ont été touchées par la pandémie.

On n’a pas encore évalué les conséquences personnelles et collectives de la pandémie. Elles seront sans doute très importantes, pas seulement en termes de décroissance économique, de santé mentale ou de nombre de morts mais aussi en la formidable opportunité qui a été offerte en termes de prise de recul et de spiritualité.

Et si une des conséquences majeures de cette pandémie était de remettre l’homme et la femme à leur juste place sur la planète, au milieu des autres espèces et non au-dessus d’elles. Une spiritualité modeste, simple, attentive et ouverte est peut-être en train de s’implanter …

Dr. Anne Degrand-Guillaud,

Médecin épidémiologiste, Université catholique de Louvain (Belgique)

 

Épidémiologie et spiritualité : quand le chiffre pris à la lettre ouvre malgré lui sur l’horizon du sens.

S’il est une chose que la pandémie aura consacré, pour le pire comme pour le meilleur, c’est bien l’épidémiologie. Qui, avant l’irruption du coronavirus dans notre quotidien, s’intéressait à cette discipline à mi-chemin entre les statistiques et la clinique si ce n’est quelques spécialistes taciturnes travaillant le plus souvent hors de l’hôpital et se retrouvant à l’occasion d’austères congrès pour discuter de ce que d’aucun qualifierait du sexe des anges ? 

Avant que le mot soit sur toutes les lèvres, le grand public en ignorait jusqu’au nom, et la majorité des médecins n’en connaissait eux-mêmes que certains termes clefs, l’enseignement de l’épidémiologie étant restreint à quelques heures dans leur formation initiale. L’usage qu’on en faisait entre confrères se limitait à la notion de fréquence et de facteurs de risque des maladies, ce qui rendait d’ailleurs fort suspect l’existence d’une spécialité dédiée. Il suffisait de savoir additionner et diviser, ce qui était à la portée de tout le monde pourvu qu’on disposât des données. Tout le reste n’était que littérature. 

Après plusieurs vagues de Covid ravageuses, des malades à foison et des morts par myriades, l’épidémiologie semble désormais relever de l’évidence. Tout le monde s’en prévaut même si peu savent de quoi il en retourne. C’est devenu tout à la fois une manière de se faire peur ou de se rassurer, une façon de se donner un peu de consistance devant le carnage de nos certitudes, un artifice pour se convaincre que les événements n’échappent pas complétement à notre contrôle, un sésame pour les cuistres et un must pour les pédants. Chacun y va de son couplet, lors des repas de famille ou sur les plateaux télévisés. Les taux d’incidence et de létalité n’ont plus de secret pour personne, on manie les considérations sur la valeur des tests et le coefficient de reproduction comme des idiomes familiers. Quand il ne l’accable pas, l’usage démocratique de l’épidémiologie révèle l’expert qui sommeille en chacun. Et le dresse plus souvent contre son prochain qu’il ne lui permet de parler avec lui d’une même réalité.

L’épidémiologie est bien évidemment plus que cela. Au passage, il est amusant de rappeler que l’étymologie du mot désigne littéralement « ce qui frappe tout le peuple ». A travers ce terme savant apparu au milieu du XIXème siècle, les pères fondateurs de la discipline visaient l’étude des épidémies, ces fléaux infectieux qui prélevaient leur dime macabre sur les populations humaines depuis la nuit des temps. Force est de constater que depuis qu’il est connu du grand public, l’usage même du mot est, par ses effets de confusion et son potentiel clivant, un peu de ce qu’il désigne. Inconnu au bataillon, il s’est répandu de manière quasi-virale, semant le trouble dans les esprits, contribuant même à la mort de ce bon sens qui nous fait défaut en ces temps de crise...

Mais revenons aux choses sérieuses. Et rappelons pour commencer que l’épidémiologie n’est pas une fin en soi. C’est un outil au service de la santé publique, une sorte de stéthoscope qui participe à l’auscultation d’une problématique affectant le corps social mais qui n’en assure pas à lui seul le diagnostic ni n’en guide par lui seul la gestion. L’essor de cette approche qui vise « la description des phénomènes de santé », et à travers elle, « l'explication de leur étiologie et la recherche des méthodes d'intervention les plus efficaces », va de pair avec l’émergence de la prévention. S’il devait être résumé en quelques mots, son objectif est d’anticiper les problèmes, ou, au moins d’en limiter le développement et les effets délétères, qu’il s’agisse de maladies transmissibles ou de pathologies non transmissibles (cancers, maladies cardio-vasculaires, etc.).

Un part de son efficacité repose sur l’objectivation de relations entre la fréquence de survenue d’événements populationnels et des facteurs de risque. Cela suppose un travail de recueil et de traitement de données beaucoup plus complexe qu’on ne l’imagine. De fait, il y a des présupposés méthodologiques fondamentaux derrière la manière de poser une question, de calculer un taux, ou d’interpréter une tendance qui font de l’épidémiologie une discipline à part entière. 

Deux conséquences doivent en être tirées. D’une part, la complexité des méthodes et la multiplicité des écueils interprétatifs devraient appeler à bien plus de prudence tous les monsieur Jourdain qui imaginent faire de l’épidémiologie armés de leur seul bon sens en maniant la règle de trois. D’autre part, les modèles utilisés pour faire des prédictions à partir des données recueillies même dans les meilleures conditions peuvent parfois passer à côté de la réalité, faisant de l’épidémiologie une science dont les résultats doivent toujours pouvoir se discuter.

C’est là sans doute l’enseignement le plus marquant de la pandémie s’agissant de l’épidémiologie. Ce n’est pas parce qu’on dispose d’instruments de mesure et de données chiffrées qu’on fait nécessairement dans le discours de vérité. Au-delà de l‘épidémiologie, le coronavirus a eu le mérite de porter un coup aussi mortel que salutaire au fantasme d’infaillibilité scientifique, révélant ce faisant à quel point l’homme moderne a besoin de ce genre d’illusion pour escamoter la complexité qui le fonde et conjurer la finitude et le mystère de sa condition. 

Qu’il s’agisse des imprécisions de l’épidémiologie ou des débats scientifiques autour des moyens d’agir, le virus a non seulement mis un coup d’arrêt à nos attentes prométhéennes mais il a aussi fait remonter à la surface de nos civilisations policées l’indicible qu’elles cherchaient à se cacher. L’homme est le grand oublié de la modernité qui dit pourtant tout faire pour lui rendre la vie meilleure. Non pas l’individu et ses innombrables droits au confort matériel et à la jouissance de lui-même, mais le glaiseux, l’homme intérieur et son besoin de sens, la créature qui se masque sa fragilité derrière l’autorité de la science et les prouesses de la technique, cette subjectivité incertaine qui se rassure sur elle-même à coup de procédures et de jugements tranchés sur le monde, mais qu’un rien met à terre.

Dans le fond, rien de nouveau. On le sait depuis longtemps sans oser l’assumer. Le champ de la santé est parcouru de la même ambivalence, qui consiste à prendre soin de l'homme sans vraiment lui adresser la parole. Il y a peu ou prou, dans la sophistication des moyens pour secourir les gens, dans la volonté de les protéger d'eux-mêmes et des risques qui pèsent sur eux, un contournement paradoxal de ce qui en fait des personnes. La médecine a tendance à ne voir que les organes dont le silence serait signe de santé. La prévention feint de croire qu'elle s'adresse à des individus raisonnables, dénués de désir. A l'échelle de la collectivité, la santé publique est prise en tenaille entre moyennes et tendances, elle veut prendre soin de la vie des gens sans égard pour leurs singularités. Enfin, les crises sanitaires, nouveaux champs de bataille où s'imbriquent toutes ces dimensions du soin, sont traitées à grand renfort de messages et de moyens techniques, mais butent parfois sur l'écueil d'une souffrance sans visage. La peur et le sentiment d'impuissance, les réactions de panique ou de rejets qui aggravent souvent la crise sont autant d'expressions d'une humanité négligée.

De manière inattendue, plus on l'oublie, plus le sujet fait parler de lui. Mais sans mots pour le dire, l’institution sanitaire, ses dispositifs compétitifs et sa parole performative échouent à le reconnaître. Et sa souffrance persiste malgré les soins qu'il reçoit. Devant ce constat, plusieurs questions se posent : qu'est ce qui a ainsi pu ainsi éloigner la médecine de son souci originel ? Par quels glissements la personne s'est-elle peu à peu effacée de l'horizon médical ? Pourquoi la santé demeure-t-elle malgré tout une science humaine ? Comment peut-elle renouer avec ses origines sans trahir la marche du progrès ? Et en quoi ce travail de restauration de la notion de personne peut-il aller de pair avec un renouveau du sens critique et une refondation plus générale de notre société ? 

Pour tenter d'y répondre, il faut plonger dans le vif du sujet oublié, en chercher la trace dans ses formes les plus anodines. Il faut montrer qu'il se rappelle à nous à tout instant, que sa prise en compte, même discrète, peut être déterminante pour le succès d'une campagne de prévention, la qualité d'une prise en charge médicale, la pertinence d'une étude épidémiologique ou l'efficacité d'une gestion de crise.

Docteur Julien Emmanuelli

Médecin épidémiologiste

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Nouvelles exigences démocratiques

 

Homo Faber vs. Homo Sapiens

Avec l’autorisation de l’auteur, nous reprenons ici une tribune de Denis Clerc, parue dans le numéro d’avril du mensuel Alternatives économiques.

 

Dans un billet publié début mars sur le site d’Alternatives économiques,j’étrillais sérieusement le capitalisme, un système – écrivais-je - où « seul l’argent compte et où ceux qui en ont déjà beaucoup ne cherchent qu’à en avoir davantage ». Ma colère était motivée par l’éviction du directeur général de Danone par des administrateurs soucieux de dividendes plus que d’éthique, et par une information des Echos (12 février) : aux Etats-Unis, en 2020, 15 gérants de « fonds spéculatifs » ont perçu 23 milliards de dollars de revenus. Soit le coût salarial moyen annuel de 650 000 personnes. Cette colère, depuis, s’est amplifiée.

Deux économistes français (Landier et Thesmar) écrivent dans Les Echos du 12 mars : « Il y a, chez les PDG français, une difficulté à accepter la démocratie actionnariale pour ce qu’elle est : l’expression légitime des propriétaires de l’entreprise (…) Il en va de la démocratie actionnariale comme de la politique : à la fin, c’est le peuple souverain qui a raison. » Je souligne. Le peuple ? Il faut être gonflé pour parler de « peuple », alors que les actions détenues par les ménages en France le sont pour moitié par le 1 % le plus riche[1], souvent par le biais de fonds baptisés « d’investissements » dont les gérants sont du genre des 15 évoqués plus haut. Les « investisseurs » - les clients apportant leurs économies - se moquent comme de leur première chemise de savoir si leurs économies sont placées dans la société Y plutôt que Z. Ce qui les intéresse, c’est combien ça rapporte. Le terme « démocratie actionnariale », s’il enrichit la langue française, appauvrit l’intelligence. Pourquoi ne pas parler de « démocratie militaire en Birmanie » ? La (vraie) démocratie dans l’entreprise consisterait à ce que la parole soit donnée pas seulement aux détenteurs du capital, mais aussi aux « parties prenantes » grâce auxquelles l’entreprise fonctionne : salariés, bien sûr, clients et collectivités territoriales. Nous en sommes loin.

Quant à l’indécence de certains revenus, Anne Case et Angus Deaton (prix d’économie de la Banque de Suède en 2015), décrivent dans Morts de désespoir[2], « un ruissellement inversé » aux Etats-Unis. La concentration croissante des revenus au sommet de la pyramide y engendre des conséquences dramatiques : pauvreté, addictions, délinquance, échec scolaire, baisse de l’espérance de vie, etc. Andréa Orcel, ancien banquier d’UBS, réclame 112 millions d’euros à Santander pour 4 mois de travail. Les 400 millions de dividende exceptionnel perçus par la famille Agnelli pour la fusion PSA-Fiat Chrysler ont été investis dans la société Louboutin (les chaussures de 600 à 6000 € à semelles rouges et hauts talons). Le luxe et la banque, ça paye. L’économie reprend des couleurs, au détriment du bas de la pyramide. Et vous voudriez que je cajole le capitalisme ?

                                                                                              Denis Clerc

 

[1] Selon le récent « Rapport du groupe d’experts sur la mesure des inégalités et de la redistribution »

[2] Livre qui vient d’être traduit aux PUF.

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Résonances spirituelles face aux défis contemporains

La pratique de la discussion philosophique avec les enfants et adolescents : un levier pour un monde plus conscient, plus tolérant, plus respectueux ?

Frédéric Lenoir, philosophe, sociologue et écrivain renommé, est le co-fondateur de l’association SEVE, « Savoir Être et Vivre Ensemble » grâce à laquelle j’ai découvert cette pratique en 2017 et suivi une formation au même titre que plus de 4000 personnes dans le monde francophone depuis 4 ans. Frédéric Lenoir se risque à dire : « Si tous les enfants avaient l’opportunité de pratiquer à l’école la discussion philosophique » le monde changerait en une génération.

 « A quoi sert la vie ? la mort est-elle la fin de la vie ? le présent existe-t-il ? peut-on vivre sans loi ? comment réagir à la violence ? »  Telles sont les questions que des collégiens de 4eme vivant à Saint Nazaire, en Loire Atlantique, se sont posées lors du second atelier de pratique de la philosophie auxquels ils participaient. Le cadre proposé les invitait à identifier les questions philosophiques qu’ils se posaient sur eux, leur rapport aux autres, au monde, sur la vie en général.

Mais le sujet qui a recueilli le plus de votes dans les deux groupes était celui de l’argent et du bonheur. Pas étonnant dans ce collège de quartiers défavorisés, classé en REP+, accueillant un grand nombre de jeunes ayant connu récemment l’immigration.

Alors est apparue toute l’ambiguïté autour de cette relation entre l’argent et le bonheur. Bien sûr on sait que l’argent ne garantit pas une bonne santé, une immortalité, mais avec de l’argent on peut se soigner. Il ne crée pas l’amitié, mais tout de même…telles ont été leurs réflexions.

Dans l’écoute des arguments des uns et des autres, les positions de départ de certains se nuancent. Pas tous. Au terme de la discussion, l’un des groupes se partage entre « l’argent contribue plus au moins au bonheur » et « l’argent contribue largement au bonheur » quand l’autre reste sur sa position de départ, à savoir que l’ingrédient principal du bonheur, c’est l’argent. Il n’est pas nécessaire de rechercher une position commune. L’essentiel est dans le cheminement qui a duré le temps de l’atelier, soit à peine trois quarts d’heure.

C’est cette capacité d’écoute réciproque, d’argumentation, de conceptualisation, de problématisation que les ateliers de pratique philosophique pour enfants et adolescents cherchent à développer.

Quand une petite fille de CE2 dit en fin d’atelier : « j’ai été contente de voir que d’autres pensaient différemment de moi », je me dis qu’une partie du chemin a été déjà accompli. Accepter les différences, déconstruire les certitudes ou préjugés… autant d’apprentissages à la tolérance et au vivre ensemble !

Ce sont bien des enfants qui philosophent, car l’animateur n’est qu’un facilitateur, qui reformule, qui questionne au sens socratique du terme, qui fait circuler la parole…mais l’animateur reste neutre, sans opinion et sans réponse sur le sujet. Au mieux se risque-t-il parfois à glisser une phrase d’un philosophe en écho à ce qui vient d’être dit. A la question « doit on toujours dire la vérité ? », posée dans un autre atelier, alors que l’on s’aide de différents dilemmes pour réfléchir, on ne peut s’empêcher d’inviter Kant à se joindre au cercle.

« J’aime bien les ateliers philo car on peut discuter de choses sérieuses, en s’amusant, en étant libres de nous exprimer… » dit dans un tour de cercle de fin d’atelier un adolescent de 5ème dont le groupe échange à partir d’extraits du film « E.T. l’extraterrestre ».

En 2016, l’Unesco a créé une chaire intitulée "Pratiques de la philosophie avec les enfants : une base éducative pour le dialogue interculturel et la transformation sociale ». Portée par l’Université de Nantes et coordonnée par Edwige Chirouter, elle énonce : « Les enjeux de la pratique de la philosophie avec les enfants rejoignent très étroitement les objectifs et les valeurs de l'UNESCO : trop souvent réduite à l'enseignement secondaire ou universitaire, la pratique de la philosophie est pourtant un des moteurs essentiels pour développer l'esprit critique, les compétences démocratiques, l'empathie, l'ouverture et le dialogue interculturel. La démocratisation de l'enseignement de la philosophie est une nécessité dans le monde d'aujourd'hui, caractérisé par la complexité et les crises multiples (de sens, des valeurs, de la démocratie, de l'économie). Nous rejoignons ainsi les préoccupations de la philosophe Martha Nussbaum dans Les émotions démocratiques (2011), dont un des chapitres est justement consacré à la philosophie avec les enfants. Pour M. Nussbaum, les systèmes éducatifs tendent à mettre de côté les Humanités au profit d'une connaissance purement technologique, préparant ainsi une grave crise des démocraties. Pourtant, seuls, la littérature, la philosophie, l'histoire et les arts permettent aux futurs citoyens de développer leur faculté critique et leur empathie. L'enjeu du développement de ces pratiques n'est donc pas seulement pédagogique, mais pleinement politique, au sens le plus noble du terme. »

Bien qu’amorcée dans les années 1970, cette pratique de la philosophie avec les enfants et adolescents se fraye timidement son chemin. Trop timidement certainement, au regard des enjeux qui sont les nôtres d’évolution des consciences dans les domaines environnementaux, de lutte contre les intégrismes, et d’une façon du vivre ensemble.

Et pourtant Montaigne écrivait déjà en son temps, dans un chapitre qu’il intitule « De l’institution des enfants » : « l’éducation consiste d'abord dans l’apprentissage d’une pensée réflexive et critique. Se former, c’est apprendre à penser par soi-même ».  Qui ignore la fameuse phrase du même auteur : « mieux vaut une tête bien faite qu’une tête bien pleine. » ?

Quand bien même se confronter à 60 ans passés à des groupes d’enfants ou d’adolescents n’est pas toujours chose simple, surtout lorsque l’on n’a jamais été enseignant, les petites phrases rappelées en début de texte, et la conscience d’agir modestement, à sa mesure, pour le monde de demain, aident à conserver de la motivation, de la bienveillance et de l’humilité.                     

Michel Calvez - 13/04/2021

 

Aller vers nos commencements – Bernard Ginisty

 Le grand philosophe et théologien que fut Hans Urs von Balthasar déplorait la tendance de certains esprits à réduire les problèmes les plus fondamentaux de l’humanité « comme s’il leur était proposé un sujet de concours de mathématiques ». Et il ajoutait : « Devant certaines « solutions », on serait tenté de dire : « Dommage ! C’était un beau problème » (1).

Il est vrai qu’une certaine pédagogie nous a habitués à chercher rapidement les bonnes réponses avant d’avoir médité suffisamment les interrogations. S’agissant des questions touchant au sens de la vie, à la recherche spirituelle, aux relations entre les personnes, l’expérience montre qu’il est important de les habiter longtemps pour qu’elles travaillent en nous, avant de se précipiter pour donner les prétendues bonnes solutions. Le travail d’une vie ne se réduit pas à des réponses à un système de Questions à Choix Multiples, ces fameuses QCM qui font les beaux jours des grands concours !

Toute interrogation fissure le champ clos de notre confort intellectuel et spirituel dans lequel nous sommes toujours tentés de nous enfermer. Et avant de colmater rapidement ces brèches ouvertes dans nos trop faciles certitudes, il est important de se laisser apprivoiser par ces mises en question. Ainsi, on découvrira qu’il s’agit moins de remettre une bonne copie ou d’engranger des réponses définitives, que de se mettre en route. En effet, chaque étape de notre recherche conduit à la découverte de nouveaux horizons qui sont aussi de nouvelles questions.

S’ouvrir à la relation avec Dieu et avec les autres comporte toujours des risques. Aussi, la tentation est grande de coloniser notre avenir en le bétonnant de certitudes, de peur « qu’il ne nous arrive quelque chose ». Combien de désastres personnels ou collectifs ont été causés par cette prétention d’enclore nos histoires personnelles ou celles des peuples dans des systèmes a priori ! Or, notre seule chance est qu’il nous arrive des événements, des relations, des émotions, des pensées qui nous surprennent et que nous n’avions pas prévus. C’est le sens du mot Évangile : une bonne nouvelle qui nous transforme et nous met en route, et non une idéologie qui conforte nos acquis et nos installations.

Notre vie ne saurait se réduire à des travaux pratiques dictés par des savants et des experts. Elle est tissée d’interrogations, de rencontres, de peurs et de joies, d’ennuis et de découvertes. Elle ne se déroule jamais selon ces fameux « plans de vie » ou « plans de carrière » qu’on m’incitait à construire dans ma jeunesse. Sa richesse n’est pas constituée des bonnes réponses que nous capitaliserions pour traverser l’existence, mais de notre capacité à rester éveillé aux questions qui nous habitent. C’est en restant veilleur, même et surtout dans nos nuits, que nous serons disponibles pour accueillir ce qui nous arrive comme une grâce.

Une amie vient de me transmettre cette belle citation de l’écrivain et universitaire britannique C.S. Lewis (1898-1963) : « Vous ne pouvez pas revenir en arrière et changer le début, mais vous pouvez commencer là où vous êtes et changer la fin ».

 

(1) Hans URS VON BALTHASAR (1905-1988) : Grains de blé Éditions Arfuyen ; Paris 2003, page 67.

   

Hans Küng,théologien suisse, prêtre catholique, né en 1928, vient de mourir le 6 avril 2021 à Tübingen en Allemagne où il a enseigné pendant de longues années. Auteur de nombreux ouvrages, il était souvent en opposition avec les autorités ecclésiales ; l’essentiel de son travail concerne l’évolution de l’Église dans l’esprit du Concile Vatican II auquel il est resté très attaché.

 

La rédaction a demandé à Bernard Ginisty un texte pour évoquer ce penseur important. Nous publions avec son autorisation cette chronique, diffusée sur RCF Saône & Loire le 13/02/2010.

 « Ce mois-ci paraît la traduction française du deuxième tome des Mémoires du théologien Hans Küng.  Cet ouvrage couvre une période cruciale dans l’histoire de l’Église catholique, celle qui va de la fin du Concile Vatican II au début du pontificat de Jean-Paul II. Il représente un témoignage de premier plan sur l’histoire de l’Église post-conciliaire, et permet, entre autres, de comparer le parcours de son auteur avec celui de Joseph Ratzinger, le pape actuel. Dans un entretien accordé à l’hebdomadaire Témoignage Chrétien, il déclare ceci : « Je suis un témoin privilégié de l’histoire de la théologie catholique et œcuménique du XXe siècle. J’ai participé à beaucoup de choses, au dernier concile, bien sûr, mais pas seulement. Par exemple, la mise en parallèle de ma carrière avec celle de Joseph Ratzinger, qui est de la même génération que moi et qui a été mon collègue à l’université de Tübingen, est sans aucun doute instructive pour qui cherche à comprendre l’évolution récente de l’Église catholique » (2)

Ses positions critiques, notamment sur le dogme de l’infaillibilité, conduisent les autorités romaines à lui retirer sa mission canonique d’enseignement en 1979. L’université d’État de Tübingen crée alors une nouvelle chaire de théologie œcuménique pour lui permettre de continuer à enseigner. Malgré ce conflit, Hans Küng a toujours refusé de s’enfermer dans l’image médiatique du théologien contestataire pourfendeur du Vatican : « Je n’ai rien d’un contestataire, écrit-il, et je n’ai jamais cherché la confrontation. Ce n’est pas dans mon tempérament. (…) À l’époque du pape Jean XXIII, je faisais partie d’un mouvement de renouveau théologique qui incarnait les aspirations d’une majorité des théologiens et des responsables d’Église, y compris Joseph Ratzinger. Je me suis contenté de poursuivre ma vie et mes travaux de manière conséquente avec ces aspirations. (…) Je ne suis quant à moi qu’un théologien catholique ordinaire qui a fait son boulot, en dépit d’un appareil romain objectivement réactionnaire dans son fonctionnement. Je n’apparais comme contestataire aux yeux de cet appareil que parce que je n’ai jamais voulu écrire ou dire quelque chose que je ne croyais pas » (3).

Mais l’œuvre de Hans Küng ne se limite pas à la nostalgie d’un ancien combattant de Vatican II. Cet homme croit que l’Esprit est à l’œuvre à travers l’humanité. C’est pourquoi, en 1990, il lance un Projet d’éthique planétaire pour inviter les religions à donner l’exemple d’une paix mondiale.: « Comme théologien œcuménique, bien qu’enraciné dans ma propre Église, je me sens responsable à l’égard de toutes les Églises et toutes les religions – responsable d’unité des Églises et de la paix entre les religions. (…) Le temps est mûr pour un appel pressant : aujourd’hui, une responsabilité toute particulière incombe aux religions du monde quant à la paix du globe. Et la crédibilité de toutes les religions, y compris les plus minoritaires, dépendra de ce qu’à l’avenir elles mettront l’accent plus sur ce qui les unit que sur ce qui les sépare. L’humanité pourra en effet de moins en moins accepter de laisser les religions attiser les guerres au lieu de bâtir la paix, sombrer dans le fanatisme au lieu d’œuvrer à la réconciliation, se prévaloir de leur supériorité au lieu d’ouvrir le dialogue » (4).

On ne saurait trop souligner l’urgence et l’importance d’un tel projet. »

 

(1)      Hans Küng, Une vérité contestée. Mémoires II 1968-1980. Éditions du Cerf, 2010

(2)      Hans Küng, Une autre mémoire de l’Église. Entretien avec Jérôme Anciberro. Témoignage Chrétien, 11 février 2010, pages 19-24

(3)      Id. Page 20

(4)      Hans Küng,Projet d’éthique planétaire. La paix mondiale par la paix entre les religions. Éditions du Seuil 1991, page11

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Libres Propos

La Rédaction de la LETTRE ouvre cette rubrique aux membres de D&S qui veulent contribuer aux débats. Ces libres propos ne représentent pas l’opinion de la rédaction ni de l’association Démocratie & Spiritualité mais de leurs auteurs qui sont seuls responsables de leur texte.

 

Éduquer en temps de crises et de mutations

Si nous décryptons les crises et les violences qui traversent notre société française comme les peuples de la terre, nous trouvons beaucoup de tensions, ressentiments et haines qui se nourrissent d’aliments puisés dans une histoire douloureuse et dans les déficiences socioéconomiques et politiques alimentant des injustices. Ces dérives peuvent déboucher sur des séparatismes, des totalitarismes et des intégrismes qui prospèrent sur fond de carences culturelles, spirituelles et éducatives. D’où la question redoutable qui nous est posée d’éduquer en temps de crises et de mutations.

Eduquer des enfants est actuellement difficile, la mutation technologique et communicationnelle les exposant à l’addiction des smartphones et à la tyrannie des réseaux sociaux.

Coopérer entre parents et maîtres ou professeurs pour éduquer est délicat. En effet, d’une part, trop de parents demandent à l’Education nationale de faire leur propre travail d’éducateur ou à l’inverse la contestent quand elle essaie de le faire ; d’autre part, des enseignants trop isolés renoncent à lutter pour que les jeunes apprennent à faire l’effort de se former et de penser par eux-mêmes.

Aider enfants, jeunes, adultes à s’éduquer en permanence devient utopique quand la société est de moins en moins cohérente, exemplaire, apaisée ; par exemple, une bulle langagière envahit une sphère médiatique qui surfe sur le sensationnel et les clashs.

Pourtant, relever l’enjeu éducatif est primordial dans notre époque qualifiée d’anthropocène, car les hommes et les femmes y ont plus en main leur destin que jamais auparavant. Prenons trois exemples où réinventer notre démarche éducative est actuellement primordiale.

Notre terre brûle et nous en avons pris conscience, sans être capable de réagir ensemble en nous élevant à la hauteur de l’enjeu[1].  La question est posée aux parents, aux élèves et aux éducateurs de la façon de s’approprier les données scientifiques sur les catastrophes annoncées pour approfondir les défis environnementaux et préparer les réponses possibles pour les relever en termes de sobriété, de nouveaux modes de vie et de développement, d’éducation, etc.

Notre capacité à débattre sans « s’entretuer » diminue. La question nous est posée sur la manière de passer d’affrontements inutiles, alimentés par des informations lacunaires ou fausses, à des débats et controverses nourris sur des données fiables et respectant une éthique du débat à la hauteur des enjeux.

Notre volonté d’affronter les questions qui fâchent comme celle des territoires perdus de la république faiblit. Par exemple, se pose l’interrogation de comment lutter contre l’islamisme radical qui prospère chez les jeunes issus de l’immigration de la seconde ou troisième génération ; à côté d’une réponse sécuritaire comme la loi dite de lutte contre le séparatisme, il est indispensable d’avoir une action sociale continue et un volet éducatif consistant[2].

En ces temps difficiles, il s’agit de ne pas nous laisser « voler l’espérance ». Pour entretenir la lumière d’un monde qui vaut la peine d’être vécu, il faut multiplier les sentinelles d’humanité[3] transmettant ce qu’il y a à retenir du passé, témoignant de ce qui est exemplaire au présent et aidant à imaginer ce qui est porteur d’avenir ; ceci suppose aussi des éducateurs qui nous apprennent à dialoguer avec l’autre différent et à rechercher la vérité en cheminant dans des communautés fraternelles ouvertes sur le monde tel qu’il est.                                                                        

Jean-Claude Devèze

 

 

« Changer d’État »

C’est le titre du dossier auquel la revue Esprit consacre son numéro d’avril. L’ensemble des articles témoigne d’une profonde inquiétude vis-à-vis de la capacité de notre système démocratique à répondre aux attentes de la population, surtout quand « l’étau de la pandémie se desserrera et libérera une énergie trop longtemps comprimée » (p. 44), cela jusqu’à affirmer que « l’avenir de la République paraît incertain et, par bien des aspects, menacé » (p.73).

Ce sentiment s’appuie sur les analyses d’opinion et autres sondages, unanimes pour noter la profonde défiance française vis-à-vis de nos institutions et à l’égard du personnel politique et administratif, défiance qui ne s’accompagne pas de propositions claires de changements susceptibles de la réduire. Le constat est plutôt celui d’une absence d’objectif et de désir de monde commun qu’aucune mutation institutionnelle ne saurait combler. D’une certaine manière, il ressort de la lecture de ces articles que les propositions faites à cet égard tournent à vide et ne répondent pas véritablement au problème.

Sans doute parce que celui-ci est, avant tout, d’ordre culturel et ne saurait être résolu de façon uniquement instrumentale. Quand le système culturel est fragile, le système politique de fixation des objectifs n’est pas en mesure de le suppléer. Or, le point n’est quasiment pas abordé dans ces articles. Tout au plus, est-il admis que « ces réformes institutionnelles n’auront d’effet que si nos mentalités et l’ensemble de nos relations sociales changent elles aussi » et « si les jeunes enfants sont préparés… à avoir confiance en eux-mêmes et dans les autres » (p.99). Il est noté ailleurs qu’il « appartient désormais à la société, aux citoyens, à chacun d’entre nous de prendre au sérieux ces nouvelles responsabilités et que des contre-pouvoirs, qui ne soient pas seulement d’interpellation ou de récrimination, mais de propositions concrètes, émergent à l’échelle nationale » (p.35).

Ce relatif silence traduit une réticence à aborder le sujet culturel, pour plusieurs raisons, sans doute : une qui tiendrait à notre capacité à le faire. Notre laïcité nous empêcherait de traiter les questions qui relèvent de l’élaboration du sens et de la construction de soi par les personnes. Une autre tiendrait, précisément, à notre propension à occulter la question de la responsabilité individuelle et à penser que seules des mesures collectives sont à même de pallier la mise en échec de cette dernière. Une autre enfin tiendrait à notre hésitation à ce qui reviendrait tout simplement à mettre en cause cette dernière.

Pourtant, on peut se demander si, là, ne doit pas être recherché la véritable mutation en train de se produire. Derrière la cacophonie des critiques contradictoires émises à l’encontre des décideurs essayant de faire face à la pandémie, derrière la défiance vis-à-vis des responsables institués, de toutes sortes, derrière la recherche éperdue de boucs émissaires, chaque fois qu’un dysfonctionnement est détecté, n’y a-t-il pas d’abord une prise de conscience de notre propre fragilité, une interrogation sur notre capacité à faire face à la complexité du monde et aux défis qu’il nous oppose sur le court, comme sur le long terme ? N’est-ce pas le signe, en creux, que l’individualisme contemporain implique, naturellement, une augmentation de la responsabilité de soi-même et des autres ?

Comment s‘expliquerait autrement le foisonnement récent d’initiatives de solidarité et de prise en charge directe de solutions à apporter à des problèmes collectifs ? Se joue là, peut-être, la configuration d’un nouveau monde commun à la réalité duquel il convient d’être particulièrement attentif, en tous cas davantage que ce que nous sommes accoutumés à faire.

N’est-il pas du rôle de Démocratie et Spiritualité de déplacer l’attention sur ce qui se passe au niveau des personnes, plutôt que d’encourager la tendance des médias et des élites qui s’expriment à focaliser leur attention sur les solutions purement institutionnelles, souvent illusoires (*), et sur les manquements de nos représentants qui n’en peuvent plus du niveau d’exigence qui pèse sur eux et qui est d’autant plus élevé que l’est peu celle que nous avons vis-à-vis de nous-même ?  Ne faut-il pas nous mettre plutôt en condition de mieux repérer et valoriser les lieux et les occasions où nous voyons à l’œuvre la construction de soi des personnes, la pertinence et l’effectivité des actions menées, le souci de continuité et de leurs effets à terme, etc. ? Ne faut-il pas réfléchir à faire évoluer nos grilles de lecture, afin de nous rendre davantage capables de comprendre ce qui advient au cœur des individus ?

(*) Il en est malheureusement ainsi, aussi, de la réforme en cours du Conseil Économique, Social et Environnemental dont on aurait pu attendre une meilleure visibilité des initiatives de la société civile, donc de sa vitalité, à travers un renforcement, qui n’aura pas lieu, de la participation associative. 

Patrick Boulte - 8.4.21

 

[1] Cf. Renaud Hétier, Nathanaël Wallenhorst, L’éducation à l’heure de l’anthropocène (Etudes, mars 2021).

[2] Cf. Jean -Claude Sommaire, Jean-Claude Devèze, Respect des principes de la République : il faut aussi un volet éducatif (lettre DS de janvier 2021).

[3] Cf. Dominique Bourel, Martin Buber, sentinelle de l’humanité, Albin Michel, 2015.

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Art,Poésie

Silence

… Vivre la rue comme un lieu de cheminement, de passage comme le sont nos vies. Être pèlerin, entrer dans la liberté de la rencontre, vivre une solidarité prioritaire, attentif à tout ce qui peut venir à soi : une rencontre, un objet, un phénomène naturel. C’est renoncer à ses représentations intérieures et s’ouvrir au mystère, laisser s’exprimer sa spiritualité dans la rue, au quotidien…

 

Ça c’était avant – la pandémie nous prive de cela provisoirement – notre vie est devenue plus silencieuse et à D & S nous avons envie d’approfondir la richesse du silence, éclairer comment elle nous ressource et fait avancer.

 

Ce haïku est né un jour de colère :

 

La haine déboule – stridente

Une voix singulière – violente

Une crue de colère.

Comme une vague immense

Elle éclate sur le sable

S’écoule et s’absorbe.

Retour de la paix ?

Le silence est puissant.

 

Le besoin de silence peut émerger à tout moment, au milieu d’une réunion tendue, après une série de fêtes, en cas de grande fatigue.

 

Pas un silence pesant ou le silence opaque du mutisme qui n’est que le vide de l’âme. Non, un silence clair et apaisant qui fait taire les bruits qui couvrent la voix intérieure, qui aide à se décentrer de soi pour se mettre à l’écoute et retrouver la paix intérieure. Poser son sac et retrouver la distance, non pour oublier mais pour reprendre du souffle, respirer pour accompagner le souffle de l’Esprit. Une lente prise de conscience de soi qui aide à se déplier, à s’ouvrir, à accueillir pour laisser la lumière de la vie émerger.

 

Cela demande de l’humilité, un regard indulgent sur nos médiocrités et laisser de la place à l’humour qui relativise et donne la distance.

 

On peut faire silence n’importe où, au milieu des autres, écouter et contempler, noter nos goûts, nos résistances et nommer les sentiments qui nous habitent pour laisser une place à notre vocation profonde : donner sens à ce que nous faisons.

 

Ce n’est pas l’abondance de la science mais le sens et le goût intérieur des choses qui comblent le désir de l’âme, disait Ignace de Loyola, le fondateur de la Compagnie de Jésus.                      

 

  Monika Sander

 

Palme, Paul Valéry lu par Paul A. Mankin

https://www.youtube.com/watch?v=1npKY7KhavE

 

ci-après un extrait, proposé par Bernard Ginisty :

Ces jours qui te semblent vides

Et perdus pour l’univers

Ont des racines avides

Qui travaillent les déserts.

La substance chevelue

Par les ténèbres élue

Ne peut s’arrêter jamais,

Jusqu’aux entrailles du monde,

De poursuivre l’eau profonde

Que demandent les sommets.

 

Patience, patience

Patience dans l’azur !

Chaque atome de silence

Est la chance d’un fruit mûr !

Viendra l’heureuse surprise :

Une colombe, la brise,

L’ébranlement le plus doux,

Une femme qui s’appuie,

Feront tomber cette pluie

Où l’on se jette à genoux !

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Notes de lecture

 

 Réconciliations – Rémy Rioux – Débats publics, 2019

 « Et si l’espoir venait de la politique de développement, la plus méconnue, la plus discrète, la plus éloignée du fracas, la plus modeste aussi sans doute parmi les instruments de l’action internationale »

 Le post-scriptum de ce livre en dit bien l’intention. Dû à la plume du directeur général de l’Agence Française de développement, dont le champ d’action est le monde entier, cet ouvrage nous ouvre sur des réalités qui échappent généralement à nos préoccupations habituelles, tant quotidiennes qu’hexagonales, et qui n’en ont pas moins des incidences importantes sur notre présent et sur notre avenir.

 Derrière l’image prégnante du monde, faite de multiples fractures, de conflits et d’influences en concurrence, il en existe une autre, celle dessinée, dans le monde entier, par le réseau des acteurs ou des agences du développement, d’une grande diversité de nationalités. Leur action, celle à laquelle participe, avec d’autres, l’AFD, se déroule sous de multiples latitudes, aussi bien en Turquie (qui l’eut cru ?) qu’en Inde, en Colombie, à Mayotte, au Tchad, au Burkina Faso, etc. A titre d’illustration, l’International Development Finance Club, réseau de vingt-quatre banques de développement engage, chaque année, 850 Milliards de dollars.

L’auteur donne à ces opérations un cadre conceptuel commun, celui de la réconciliation. L’idée lui en a été donnée par le travail diplomatique à l’échelle de la terre entière (197 pays concernés) dont il a été le témoin et qui a abouti à la COP 21. Il en fait la théorie après avoir observé et analysé ce qui s’est passé dans des opérations improbables de réduction de fractures : au Canada avec les peuples premiers, dans les commissions « Vérité et réconciliation » dans des pays africains, notamment en Afrique du Sud, en Nouvelle-Calédonie, avec les accords de Nouméa, en Allemagne au moment de la réunification, sans oublier l’échec de certaines tentatives, comme dans les Balkans.

 « Une réconciliation suppose un accord fondateur, un changement dans la réalité et un mécanisme de suivi précis et légitime pour vérifier dans la durée que les promesses ont été tenues » (p.83). Le processus, recommandé pour le montage de projets de développement, se décline en quatre phases. Il faut commencer par écouter les parties en présence, mobiliser un maître d’ouvrage local, procéder à des études de faisabilité décidées par lui, s’assurer de l’engagement des diverses parties prenantes et, enfin, évaluer le projet, ex ante et ex-post, selon une grille de développement durable. Car cette action, qui concerne rien de moins que la réalisation du « monde en commun », se déroule toute entière dans le but d’atteindre, systématiquement et volontairement, les 17 objectifs du développement durable que l’ONU s’est assignés à l’horizon 2030.

Patrick Boulte – 23.3.21

 

 

Christiane Singer : Du bon usage des crises - Bernard Ginisty

Il est des moments, dans la vie des êtres humains, qu'on appelle dépressifs. Tous les observateurs notent que l’épidémie du Covid 19 engendre un nombre croissant de problèmes psychiques et de comportements suicidaires. Un « à quoi bon » généralisé s'empare des consciences et les mots qui désignaient le sens ou les valeurs deviennent soudainement dérisoires. Le fameux « trou » de la Sécurité sociale, chiffrant la somme du coût des pathologies individuelles, pourrait alors figurer la panne de sens qui habite nos sociétés : le « trou noir » où l’angoisse d’exister cherche, à travers la pharmacopée, la Providence perdue.

Croire trouver la solution dans quelque nouveau dispositif administratif ou l’invocation rituelle à la croissance, serait nous leurrer. Ce qui est en question, c’est le rapport de chacun d’entre nous au travail, à l’argent, au temps, au rythme de vie. Lorsque j’ai vu et entendu à la télévision ce chômeur qui suppliait : « pas de charité, du travail, du travail, du travail », et un commerçant réclamant non pas des aides financières, mais le droit de continuer à travailler, je ne pouvais m’empêcher de penser à ces propos d’Hannah Arendt : « L’époque moderne s’accompagne de la glorification théorique du travail et elle arrive en fait à transformer la société toute entière en une société de travailleurs. Le souhait se réalise donc, comme dans les contes de fées, au moment où il ne peut que mystifier. C’est une société de travailleurs que l’on va délivrer des chaînes du travail, et cette société ne sait plus rien des activités plus hautes et plus enrichissantes pour lesquelles il vaudrait la peine de gagner cette liberté » (1).

A une époque où les rapports de force, ceux des armes et ceux de l’argent, bousculent avec cynisme toutes les constructions juridiques et sociétales bâties depuis des décennies, tant au plan national qu’international, il ne suffit pas de nous lamenter où de se complaire dans une certaine lucidité critique.  Nous ne surmonterons les dépressions qu’en retrouvant le goût de naître qui, par-delà les résignations et les peurs, rend disponible pour de nouvelles créations collectives dans la société. Le confinement de chacun chez soi, le culte de la « distance sociale », les masques sur les visages, risquent, au nom de la peur de la mort causée par le virus, de nous éloigner des chemins de vie vers ces nouvelles naissances.

C’est le moment de relire le livre si lumineux de Christiane Singer intitulé Du bon usage des crises : « J’ai gagné la certitude, en cours de route, que les catastrophes sont là pour nous éviter le pire. Le pire, c’est bel et bien d’avoir traversé la vie sans naufrages, d’être resté à la surface des choses, d’avoir dansé au bal des ombres, d’avoir pataugé dans ce marécage des on-dit, des apparences, de n’avoir jamais été précipité dans une autre dimension. Les crises, dans la société où nous vivons, sont vraiment ce qu’on a encore trouvé de mieux, à défaut de maître, pour entrer dans l’autre dimension (…).  Dans une société où tout est barré, où les chemins ne sont pas indiqués pour entrer dans la profondeur, il n’y a que la crise pour pouvoir briser ces murs autour de nous. La crise qui sert en quelque sorte de bélier pour enfoncer les portes de ces forteresses où nous nous tenons murés, avec tout l’arsenal de notre personnalité, tout ce que nous croyons être » (2).

(1)       Hannah Arendt (1906-1975) :  Condition de l’homme moderne, éditions Pocket, collection Agora, p.37.

(2)       Christiane Singer (1943-2007) : Du bon usage des crises, éditions Albin Michel, 1996, pages 41-42. Dans les six derniers mois de sa vie pendant laquelle elle lutté contre le cancer, elle a tenu un journal publié sous le titre Derniers fragments d’un long voyage (éditions Albin Michel, 2007). L’ouvrage se termine par ces lignes écrites un mois avant sa mort : « Le voyage – ce voyage-là au moins – est pour moi terminé, mieux : à partir de cet instant, tout est neuf. Je poursuis mon chemin. Demain, comme tous les jours d’ici ou d’ailleurs, sur ce versant ou sur l’autre, est désormais mon jour de naissance. (…) J’ai reçu par ce livre le lumineux devoir de partager ce que je vivais dans ce temps imparti pour que la coque personnelle se brise et fasse place à une existence dilatée. Ce faisant, j’ai sauvé ma vie en l’ouvrant à tous, puisque toute vie, aussi longtemps qu’on la considère comme quelque chose de séparé et de « solide », se laisse égarer pour finir comme une paire de gants ou un parapluie dans la confusion des choses du dehors (pages 135-136).      

 

Jean Birnbaum : Le Courage de la nuance –Le Seuil, 2021

Tout est bon dans le dernier livre de Jean Birnbaum, Le courage de la nuance ; tout, sauf peut-être le titre : non pas l’appel au  courage, bien sûr, mais la célébration de la nuance qui donne le sentiment d’un entre-deux, d’un « en même temps », d’un clair-obscur sans consistance ; certes il s’agit pour lui de dénoncer les méfaits des débats manichéens, des dualismes simplificateurs qui décrivent la réalité en blanc et en noir ; mais qu’on ne s’y méprenne pas, l’auteur ne leur substitue pas les innombrables nuances de gris que peuvent produire le mélange de ces deux couleurs extrêmes. En fait ce que recouvre pour lui le mot nuance, c’est ce que je préfère appeler la complexité des choses, et qui peut conduire à ce que des interprétations contradictoires soient également vraies. La nuance pour l’auteur ce n’est pas le gris, c’est la coexistence du blanc et du noir. Alors va pour la nuance, si c’est ce qu’elle veut dire. Et, de Raymond Aron à Roland Barthes en passant par Germaine Tillion,  d’Hannah Arendt à Georges Orwell, en passant par Georges Bernanos, ce sont, en commençant bien sûr par Albert Camus, sept auteurs qu’il convoque pour explorer les différentes facettes de cette nuance dont il nous fait l’éloge : des « spectateurs engagés », selon la belle formule de Raymond Aron, et pour qui la nuance c’était d’abord de penser contre soi-même pour ne pas être prisonnier de son camp.

En interlude à chacun de ces sept chapitres, il tire une sorte d’ordonnance énonçant ainsi la liste des remèdes à l’hystérisation des débats, que je reformule à ma façon en puisant dans la pharmacopée de l’esprit :

• D’abord bien nommer les choses, pour éviter « d’ajouter aux malheurs du monde », et donc fuir comme la peste toutes les formes de novlangue ou d’euphémisation.

• Pratiquer l’humour, cette forme d’hygiène de l’esprit, un exercice intellectuel mais aussi spirituel nécessaire, une forme d’assouplissement des neurones et de la pensée.

• Se sevrer de la dépendance à la crainte de « faire le jeu de l’adversaire », qui conduit à la cécité intellectuelle et au déni des réalités, de ces « méchants faits qui viennent détruire les belles théories ».

• Avoir conscience de la part d’inconscient qui nous anime, cette part d’ombre inatteignable qui structure nos émotions et nos réactions, et qui a « ses raisons que la raison ne connait pas ».

• Complémenter par la littérature et la poésie les potions de l’argumentatif, car elles disent des choses de l’humanité qui seront toujours inaccessibles à la raison, ce « supplément d’âme » qui « donne sens à nos vies ».

Daniel Lenoir

                                                      

Souleymane Bachir Diagne : Le fagot de ma mémoire- Philippe Rey, 2021

 « Quand la mémoire va chercher du bois mort, elle rapporte le fagot qui lui plait. »

Birago Diop

J’ai aimé ce livre d’un intellectuel sénégalais qui nous fait partager son itinéraire depuis sa naissance en 1955 à Saint-Louis jusqu’à un poste actuel de professeur de philosophie à Columbia (New-York).

Son ouvrage met en valeur d’abord sa vocation d’africaniste qui le conduit à animer avec Achille Mbembe et Felwine Sarr des « Ateliers de la pensée » pour partager le sens africain du pluralisme religieux et culturel. Cela lui permet de se situer dans le débat entre les universalistes et les décoloniaux comme chantre d’un juste équilibre prônant un universel pluriel. Pour lui, le dialogue interculturel suppose que les cultures soient placées sur un même plan d’intérêt et donc d’égalité ; il complète sa vision en proposant un universel latéral s’appuyant sur une capacité de décentrement qui se pratique en apprenant la langue d’autrui et en appréciant les cultures différentes des pays qui vous accueillent.

Sur le plan spirituel, il raconte sa filiation de musulman soufi grâce à un père qui s’inscrivait dans cette tradition et cultivait la voie tidjane. Dans plusieurs passages, l’auteur explique en quoi sa religion l’a aidé à rester fidèle à sa vérité comme dynamique ouverte en phase avec les mouvements de la vie.  Loin de l’assurance des croyants enfermés dans leurs certitudes et crispés sur les temps anciens, sa foi est une inquiétude permanente où il s’agit d’écarter les pierres du chemin pour que l’autre ne tombe pas.

Le bon élève décrit aussi son itinéraire de philosophe qui étudia à Normale Sup. Il ne renie pas ce qu’il doit à Louis Althusser qui fut son professeur ; celui-ci l’aida à déchiffrer l’œuvre marxienne, avec le passage d’un Marx humaniste dénonçant l’aliénation à un Marx scientifique expliquant la plus-value. Il s’intéressa d’abord à la philosophie des sciences pour maintenant se consacrer à la philosophie islamiste. Il essaie de transmette un islam des lumières en aidant à décoloniser la pensée philosophique du monde islamique à travers les itinéraires des idées depuis les Grecs jusqu’aux détours par Bagdad, Cordoue, Fès, Tombouctou… En matière d’ethnophilosophie, il s’est intéressé à Placide Frans Tempels, auteur de la Philosophie bantoue qui valorise l’élan vital et la réalité comme force et comme rythme, et aux chantres de l’ubuntu, Nelson Mandela et Desmond Tutu, qui voulaient « faire humanité ensemble ». 

Dans ce livre, l’auteur aborde enfin son itinéraire politique. Il reconnait son évolution depuis l’étudiant critiquant l’idéalisme d’un Léopold Sédar Senghor qui aurait trahi le « vrai socialisme » jusqu’au professeur partageant le socialisme humaniste et spiritualiste du président catholique et de celle de son successeur musulman Abou Diouf ; il fut le conseiller à l’éducation et à la culture de ce dernier en même temps qu’il enseignait à l’université de Dakar. Dans un entretien sur France Inter le 11 avril 2021, il a plaidé pour un postcolonial qui débouche sur un monde pluriel et pour une politique d’humanité nourrie d’une inspiration spirituelle désaliénante.

Souleymane Bachir Diagne fait partie de ces élites intellectuelles qui sont capables de nourrir les débats de fond sur les idées qui agitent le monde ; entre autres, ce fut sur le socialisme humaniste avec deux présidents du Sénégal, sur l’universalisme et la pensée décoloniale avec Jean-Loup Amselle, sur l’islam avec Remi Brague. Nous attendons la suite d’un itinéraire si riche et si ouvert sur l’avenir du monde.

 Jean-Claude Devèze (18/04/21)

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ECHOS


groupe « Responsabilité & Spiritualité »

Huit membres de D&S ont participé à la première réunion du groupe « Responsabilité & Spiritualité » le 22.3.21 – le nombre n’est pas limité, votre inscription auprès de Bertrand Parcollet : parcobert@gmail.com sera la bienvenue.

 Premières réflexions :

-          Quel sens à donner au mot « responsabilité », faut-il l’envisager dans un sens large ou simplement s’en servir pour désigner l’exercice du pouvoir ?

-          Faut-il limiter les risques de l’excès de pouvoir par des contrepoids extérieurs ou par une source intérieure ? Il y a danger dans l’exercice des responsabilités de passer de la générosité initiale à la soumission au système et de ne plus pouvoir garder la distance critique.

-          Spiritualité et pouvoir : en démocratie une spiritualité ne doit pas s’imposer au pouvoir. Mais la question est personnelle : comment exercer le pouvoir en faisant référence à sa propre spiritualité ?

-          Il y a des responsabilités sans exercice de pouvoir et le pouvoir a des formes diverses : capacités de coercition sur les autres et pouvoirs de décision avec impact sur les évènements ou la société.

 

Nous n’avons pas circonscrit le sens que nous voulons donner à notre travail ni sa finalité. S’inscrit-il dans le champ politique ? Autre ?  Il y a risque d’interprétation des mots et attention à la relation avec les autres.

 

Il faut de l’audace, de la résistance, de l’humilité pour interroger son propre rapport au pouvoir, poser des jalons et trouver de nouvelles voies.

 

Prochaine réunion le 7 mai 2021 à 18 h

Monika Sander

 

 

Les groupes d’accueil à D&S

 L’idée de proposer des réunions en petit groupe pour accueillir les nouveaux arrivants m’est venue quand j’ai réalisé qu’avec la pandémie, nous ne pouvions plus organiser de rencontres en direct, et que nous ne connaissions pas nombre de nos adhérents, nouveaux notamment. Pourquoi alors ne pas mettre à profit cette période inédite où les réunions ne sont possibles qu'en visioconférence, pour faire connaissance avec eux ?

J’ai alors proposé aux nouveaux inscrits, et plus généralement à ceux qui ne vivent pas en Ile de France et que nous ne croisons guère que lors des universités d’été, de partager avec nous un temps d’échange, certes à distance, mais en petit groupe, pour permettre un contact plus personnalisé et chaleureux que lors des conviviales.  Monika, Régis et Daniel ont répondu avec enthousiasme à cette initiative. L’idée de départ est que, lors d’une séance de deux heures, chacun.e se présente librement en évoquant son expérience de vie, ses attentes par rapport à D&S, ce qu’il/elle peut apporter, puis que nous présentions aussi en quelques minutes notre parcours personnel. Un temps informel est proposé en fin de séance afin de recueillir les avis des participants sur cette initiative.

Une première rencontre avec trois adhérentes s’est déroulée en février, une seconde en mars avec huit membres du groupe D&S de Loire Atlantique animé par Marcel Lepetit, une troisième de cinq adhérents, de différentes régions, en avril.

Les retours des participants sur ces partages d’expériences ont été positifs : ils nous ont dit apprécier la diversité des parcours de vie, mieux saisir les contours de l’association, la place de nos partenaires ; tous ont exprimé leur intérêt pour les groupes thématiques, les conviviales, les groupes Cheminement.  

Pour nous, ces échanges ont été très stimulants en raison de la diversité des profils professionnels de nos interlocuteurs (recherche scientifique, sociologie, enseignement, formation, membres des collectivités territoriales etc..), de leurs parcours d’engagement (syndical, politique, associatif, au service de l’action publique),de la profondeur de leurs vécus. Leur spiritualité, chrétienne, agnostique, ou/et axée sur l’interreligieux, sur la philosophie, leurs centres d’intérêts multiples, non seulement rejoignent les thèmes de travail engagés à D&S comme la question du pouvoir et de la spiritualité, l’éducation, mais tels l’art, la poésie, la musique, ils les élargissent, les enrichissent.

Nous avons pu parfois prolonger ces échanges par une collaboration plus étroite, certain.e.s contribuant aux groupes de travail ou à la lettre de D&S, ou s’engageant plus encore à nos côtés,  telle Laurence Fabert, membre du premier groupe d’accueil et élue secrétaire générale adjointe lors du dernier CA.

Nous nous sommes promis de multiplier ces réunions pour développer avec les adhérents des relations plus chaleureuses et plus proches, et dans l’espoir aussi d’accroitre le nombre de personnes susceptibles de prendre des responsabilités nationales à D&S.    

Eliane Fremann

P.S. Si vous souhaitez faire partie d’un prochain groupe d’accueil, n’hésitez pas à m’écrire : elianefremann@gmail.com.                                                                                                           

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QUE FONT NOS PARTENAIRES?

 

Groupe Interreligieux pour la Paix 78 – GIP 78 

Groupe Interreligieux pour la Paix 78 – GIP 78 propose, en partenariat avec D&S un cycle de trois visio conférences :

GRAND AGE, FIN DE VIE : de la quête de sens à la quête de solidarité

 La première soirée a eu lieu le jeudi 11 mars à 20h30 avec Odon Vallet.  Si vous voulez l’écouter : http://gip78.fr/Files/gip78_grand_age_no1.mp4

 La seconde a eu lieu jeudi 8 avril à 20h30sur le thème : Covid 19 et crise des Ehpad avec Anne-Laure Levesque, Infirmière coordinatrice, François Darchis, président-pôle gérontologique Lépine, Versailles, Anne Géron, gérontologue et Jean-Baptiste de Foucauld. Débat animé par Nadia Otmane Telba.

 Pour voir la capture vidéo : http://gip78.fr/Files/gip78_grand_age_no2.mp4

La dernière réunion aura lieu jeudi 27 mai à 20h30 sur le thème : Replacer les fragilités au sein de l’espace intergénérationnel avec Henri Foucard.

 

Pour y participer : https://www.eventbrite.fr/e/billets-replacer-les-fragilites-au-sein-de-lespace-intergenerationnel-142544758209

 

 

 CCSC – Vaincre le chômage - COLLECTIF Pour la Parole de chômeurs

(Résumé de la note de cadrage)

Dans un contexte où le chômage est, plus que jamais, au cœur des préoccupations quotidiennes des citoyennes et citoyens français, on entend peu la parole des personnes les plus concernées, à savoir les chercheurs d’emploi. Aussi des structures associatives déjà engagées auprès des chercheurs d’emploi partout en France, ALERTE, ATD-Quart Monde, Atout Différence, Le CCSC-Vaincre le Chômage, le Centre de recherche et d'action sociales (CERAS), GRED, la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC), le Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC), le Pacte civique, Participation et fraternité, le Secours Catholique, Solidarités Nouvelles face au Chômage (SNC), Visemploi et Territoires Zéro chômeurs de longue durée (TZCLD) -d’autres associations sont en cours d’adhésion- se sont-elles réunies en collectif pour jouer le rôle de caisse de résonance de cette parole multiple et peu audible. Intitulé Pour la Parole de chômeurs, il est animé par François Soulage, ancien président national du Secours catholique et du collectif ALERTE.

L’objectif de ce collectif est de partir des paroles et des besoins des personnes en recherche d’emploi pour promouvoir une politique qui respecte le droit à l’emploi et à son accompagnement.

Les projets du collectif sont multiples : lancement d’une consultation, via une plateforme en ligne,afin de recueillir la parole des personnes en recherche d’emploi, organisation d’ateliers collectifs ou de rencontres avec eux/elles pour collecter leurs témoignages, et à partir de là, contribuer à la publication d’un livre blanc qui servira d’appui à ALERTE pour sa plateforme présidentielle. Enfin, sur une base départementale, promotion de plaidoyers locaux qui pourraient travailler sur les expérimentations du SPIE, service public de l’insertion et de l’emploi auxquelles ALERTE a participé. Le SPIE est un des rares piliers de la stratégie de lutte contre la pauvreté, à l’écoute de la parole des personnes pour l’élaboration de leur contrat, ce qui est essentiel.

Le calendrier de ces actions se déroulera du 15 février à Septembre 2021 ; un Livre blanc sera présenté lors d’un Événement en visio par des personnes privées d’emploi et leurs soutiens.

 "Contact" du collectif Pour la Parole de chômeurs : José DHERS – 06 34 13 58 21 jdhers@wanadoo.fr     

Eliane Fremann

 

Pacte Civique

A l’occasion de son 10ième anniversaire, le Pacte civique vous invite à deux évènements :

 1.    La convention citoyenne pour le climat, un exemple de démocratie ?

Webinaire- Jeudi 29 avril 2021 -18 – 20 h

Avec Matthias Martin-Chave, qui a participé à la convention, et Bruno Benoît, enseignant à l’IEP de Lyon.

Lien pour s’inscrire :

https://us02web.zoom.us/webinar/register/WN_j7zxvtYQQbW58Ns_Qvk2Dg

 

Pour plus de détails, voir sur notre site : https://pactecivique.fr/

 

• 2.    Une journée au CESE, Palais d’Iéna à Paris, en présentiel ou en mixte : vendredi 28 mai 2021 de 9h30 à 18 h

Le matin : Face à une crise globale, agir autrement - avec les interventions de Jean-Baptiste de Foucauld, Laurent Berger, Nicolas Hulot (sous réserve), Claire Hédon, Véronique Fayet, Laurent Grandguillaume ;

L’après midi sera consacré aux défis : Emploi, sobriété, fraternité – avec les interventions de Patrick Viveret, Radia Bakkouch, Mathilde Imer, Dominique Reynié, Johanna Rolland (en visio), Pascal Canfin.

Pour vous inscrire – voir le flyer sur notre site : https://pactecivique.fr/

 

 

 LVN - La Vie Nouvelle

Habiter la terre autrement

 à Vannes (Morbihan), du 4 juillet au 8 juillet 2021.

 La Vie Nouvelle organise sa session d'été à Vannes du 4 au 8 juillet 2021. Elle est ouverte aux non vie-nouvelliens, membres et non membres, petits et grands…

Cette session est proposée et animée par les ateliers fédéraux de LVN et le soutien logistique du groupe Bretagne-Sud. Ce sera l’occasion de retrouver toutes les facettes de notre mouvement et du développement de la personne avec en fil rouge, le thème : « Habiter la terre autrement »

Toutes les infos et le programme sur le site de LVN : http://www.lvn.asso.fr/
Inscription en ligne possible (par HelloAsso).
 Date limite d'inscription : fin avril 2021.

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AGENDA

Réunions statutaires:

Prochains bureaux :

jeudi 20 mai à 18 h

mardi 15 juin à 18h

 

Conseil d'administration

 lundi 21 juin, de 18h à 20h

 

Prochaines Conviviales :

• Après la Conviviale interne du 15 avril avec Jean-Louis Bianco, président de l'Observatoire de la laïcité depuis sa création en 2013,

• lundi 10 mai : sur la question de la fraternité, avec le Laboratoire de la fraternité

• mardi 8 juin sur la situation politique en France (sous réserve)             

 

Université d'été 2021

L’Université d’été 2021 se tiendra les 10, 11, 12 Septembre 2021 à Lyon, au centre Jean Bosco

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L'Ours

Lettre D&S N° 180 - Avril 2021

ISSN 2557-6364

Directeur de publication : Daniel Lenoir
Rédactrice en chef : Monika Sander
Comité de rédaction : Laurence Fabert, Jean-Baptiste de Foucauld, Eliane Fremann, Daniel Lenoir, Régis Moreira, Nadia Otmane, Bertrand Parcollet

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