En-tête

Une très bonne année à tous,

       Un site renouvelé pour Démocratie et Spiritualité,

             Une nouvelle présentation de la lettre (en wordpress).

Lettre n°142 - Janvier 2016

L'agenda

L’éditorial

• Quelles anthropologies pour une laïcité apaisée?

Nouvelles de l'association

• Université d'été de D&S en 2016

• Première formation « La boussole de D&S »

Résonances spirituelles

• Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu'ils te fassent

• La joie au quotidien

• Qu'est-ce qui compte vraiment dans mon existence ?

Démocratie et spiritualité

• Don et fraternité, JB de Foucauld 

• Pour une laïcité fraternelle, Bernard Ginisty

Échos d'ailleurs

• Rencontre entre chrétiens et musulmans à Saint Merry, Éliane Faure-Vincent

• Interculturel...Enjeux et pratiques, Jean-Claude Devèze

Libres propos

Informations diverses

Soirées conviviales 

250 bis Boulevard Saint-Germain (75007) (digicode extérieur : 12A16 ; intérieur dans le hall: 62401 ; salle au premier étage)

• Lundi 8 février de 19h à 21h : Rencontre débat avec Rachid Koraichi, le soufisme.

• Lundi 21 mars de 19h à 21h :Le bouddhisme 

• Lundi 11 avril de 19h à 21h Le Mouvement Emmaüs par Christophe Deltombe

Méditations interspirituelles les 24 février, 23 mars, 27 avril, 25 mai, 22 juin, de 18h15 à 19h15, au Forum 104, 104 rue de Vaugirard (75006)

Groupe "cheminements" : le 16 février de 16h à 18h, le 7 mars de 16h30 à 18h30dans la salle Gandon, 21 rue des Malmaisons, Paris, 75013.

Assemblée générale de D&S : le jeudi 10 mars de 18h à 21h 30     21 rue des Malmaisons, Paris, 75013 Siége D&S.

Préparation Université d’été 2016 (26, 27, 28 août à Lyon) : le jeudi 10 mars de 16 h à18h   21 rue des Malmaisons, Paris, 75013. Son titre provisoire est « Intégration et diversité, un défi social, culturel et civique »

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Détails, inscriptions sur democratieetspiritualite.org

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L'éditorial

Quelles anthropologies pour une laïcité apaisée?

L’attaque du Premier Ministre contre l’Observatoire de la laïcité, sans délibération ni concertation, et contre la pétition « Nous sommes unis » dont nous avions apprécié l’initiateur, Samuel Gryzbowski, lors de la réunion du 8 décembre au forum 104 montre à quel point le débat reste vif en France.

Cela va nous obliger à prendre plus clairement position dans le cadre de notre réflexion sur « le nouveau paysage religieux ».

Notons que le  Pacte civique appelle à signer la pétition soutenant Jean-Louis Bianco et Nicolas Cadène et leur conception ouverte du rôle de l'Observatoire de la laïcité. Ce peut être l'occasion aussi de signer l'appel #NousSommesUnis, qui a suivi les attentats du 13 novembre.

Outre la lettre de notre ancien président, Bernard Ginisty, publiée ci-dessous, nous avons reçu une contribution de Jean-Marie Gourvil qui peut nous permettre d’avancer et qui sera développée dans notre prochaine Lettre. En voici, pour commencer, quelques éléments résumés :

« Si deux laïcités s'opposent, peut-être que deux anthropologies peuvent entrer en dialogue :

Une anthropologie de la construction de soi et de notre rapport au monde (Debray, Foucault, Touraine), où l'homme est plus grand que l'homme "social", en sorte que notre époque nous appelle à un travail d'accouchement personnel... qui dépasse celui que la psychologie nous proposait.

Et une anthropologie sociale ou sociétale où, pour vivre ensemble, il serait nécessaire de réduire la question du sujet à celle de la citoyenneté, en  dégageant un cadre juridique reposant sur des valeurs partagées s'imposant à tous dans le cadre d’une identité commune.

La première anthropologie mobilise toute l'histoire culturelle et religieuse de l'humanité, confirme la diversité des voies,  met au centre de nos enjeux contemporains la nécessité du travail de subjectivation, de construction du sujet.  La tolérance est basée sur la visibilité et l'acceptation des diversités culturelles d'accès à la sagesse.La seconde anthropologie mobilise la loi et la recherche d'un consensus, elle prend un immense recul avec l'histoire culturelle et religieuse de l'humanité, et aimerait qu'un accord négocié puisse permettre une vie commune menée dans la similarité et la conformité. Elle renvoie la différence dans l'intime de l'intime. La tolérance est basée sur la non visibilité (ou la négation) des voies de sagesse.

En fait, cette opposition doit être dépassée : les deux anthropologies sont en tension et ne résolvent pas les mêmes questions. Le travail sur soi ne s'oppose pas à l'acceptation de normes collectives. Comment mettre en dialogue ces deux anthropologies ?  C'est le travail que la France se doit de faire aujourd'hui. Peut-être que l'on pourrait à D&S se poser, chacun de nous, la question : quelle est mon anthropologie prioritaire et comment j'avance vers l'autre? Ensuite nous verrons comment contribuer à ce travail collectif.

Le Bureau

Nouvelles de l'association

Université d'été de D&S à Lyon au centre Jean Bosco (Fourvière)les 26, 27 et 28 août

Le titre de notre université d'été est « Intégration et diversité : un défi social, culturel et civique». Pour le déroulement, un ancrage dans le local, c’est-à-dire dans la région lyonnaise, est recherché. Le programme, à ce stade de notre préparation, pourrait être le suivant pour les 5 demi-journées :

• le vendredi matin, introduction du sujet par Jean-Claude Sommaire, avec la contribution de JM Gourvil sur le multiculturel, puis travail de groupes autour de questions sur la façon dont chacun vit la diversité, puis mise en commun,

• le vendredi après-midi, intervention sur des expériences de terrain (Jean-Marie Petitclerc), puis intervention sur la laïcité et le vivre ensemble (Jacqueline Costa-Lascous),

• le samedi matin, les thèmes : éducation, économie, culture, spiritualité,seront introduits lors d'une table ronde animée par des personnes ressources  puis approfondissement en groupes de ces sujets et mise en commun.

• le samedi après-midi, table-ronde sur le récit de l’intégration mise en commun avec Christian Delorme (partie historique depuis la Marche des beurs en 1983) et Rachid Benzine (récit national où chacun trouve sa place).

• le dimanche matin, vision politique : comment la métropole lyonnaise a-t-elle traité le problème de la diversité et de l’intégration ? (avec des responsables politiques et associatifs), puis en groupe formulation des leçons à tirer de l'UE pour D&S et  nos autres insertions comme le Pacte civique, enfin  conclusions de l'UE par Jean-Baptiste de Foucauld

En outre  une soirée théâtre (de rue) sera organisée, elles permettra des échanges entre les participants et les acteurs. Une soirée concert comblera les mélomanes.

Première formation « La Boussole de D&S »

Régis Moreira

Une semaine après les attentats de Paris de novembre 2015, nous nous sommes retrouvés une dizaine, rue des Malmaisons, pour une première rencontre consacrée à « La boussole de D&S ». Cette formation avait pour objectif de mieux comprendre l’intuition de D&S, d’identifier les points cardinaux  (nos centres d’intérêt), le pôle Nord (ce qui nous attire) et les valeurs qui s’y rattachent, de relire les textes qui inspirent la réflexion de D&S et enfin de vérifier que la boussole de D&S peut nous aider à renforcer notre propre boussole.

Après avoir rappelé le rôle et le fonctionnement d’une vraie boussole, nous avons évoqué les intuitions fondatrices de D&S, à travers la lecture de la charte qui nous a semblé toujours au cœur de l’actualité  après les attentats de 2015, son histoire, son fonctionnement, les événements que l’association organise (université d’été, lettre de D&S,groupe de travail ou de réflexion…) ou à laquelle elle participe (contributions au débat public, colloques, démarche du Pacte civique par exemple).

Ensuite chaque personne a dessiné sa boussole personnelle et l’a commentée, après en avoir débattu en duo. Nous avons pu constater la diversité des formes (roue, croix, cercle coupé, spirale, totem, alvéole, galette, cible et même un arbre) qui reflètent nos histoires personnelles faites de rencontres et d’événements, déterminent l’envie de vivre et d’avancer dans nos parcours. Malgré cette variété de formes, il existe un grand fond commun de valeurs et d’engagements, que ce soit au plan familial, professionnel, social, associatif, politique ou spirituel, même si ce qui est essentiel pour chacun peut être différent.

En petits groupes, nous avons relu et étudié 8 textes de Jean Baptiste de Foucauld, de Patrice Sauvage, de Bernard Ginisty et la charte de D&S afin d’en dégager les éléments de la boussole de D&S. Cet exercice a démontré toute la richesse des textes proposés. Nous aurions d’ailleurs pu  en proposer beaucoup d’autres. L’association D&S n’ayant jamais présenté un corpus de pensée, le défi à relever pour les participants fut de dessiner en moins d’une heure une boussole commune qui enrichissait leur propre boussole. 

Cette première formation autour de la « boussole de D&S », qui a permis de clarifier des éléments essentiels de la pensée de notre mouvement, aura certainement des prolongements, d’autres formations notamment et la publication du livre retraçant l’histoire de D&S.

Résonances spirituelles

Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu'ils te fassent

Texte de Jean-Marie Pelt (p. 189, in « Les voies du bonheur »), lu à la méditation interspirituelle le 25/11/15

Ce que tu tiens pour haïssable, ne le fais pas à ton prochain. C'est là toute la loi : le reste n'est que commentaire.

Talmud, Sabbat 31 a (judaïsme)

Ainsi, tout ce que vous désirez que les autres fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux : voici la loi et les prophètes.

Mathieu, 7, 12 (christianisme)

Nul n'est un croyant s'il ne désire pour son frère ce qu'il désire pour lui-même.

Sunna (islam)

Telle est la somme du devoir : ne fais pas aux autres ce qui, à toi, te ferait du mal.

Mahabharata, 5, 1517 (brahmanisme)

Voici certainement la maxime d'amour : ne pas faire aux autres ce qu'on ne veut pas qu'ils nous fassent.

Analectes, 15, 23 (confucianisme)

La joie au quotidien

« Être capable de trouver sa joie dans la joie de l'autre : voilà le secret du bonheur ».

Georges Bernanos

« Il y a plus de joie à donner qu'à recevoir »

Jésus

« La chose la plus importante dans la vie, c’est de se trouver soi-même."

Pierre Teilhard de Chardin

« Nous avons tous les éléments en nous pour être heureux, amoureux, émerveillés. C'est le sens de la "pleine conscience", dans nos actes les plus ordinaires du quotidien." 

Patrick Viveret

Qu'est ce qui compte vraiment dans mon existence ?

Textes extraits de « Trois amis en quête de sagesse » lus à la méditation interspirituelle le 27/01/16

« Qu'est ce qui compte vraiment dans mon existence ? Est-ce me faire piéger par des miroirs aux alouettes en misant sur le pouvoir, la richesse, la célébrité ? Ou est-ce œuvrer au bien des autres et de moi-même ?

Le vrai pratiquant n'a aucun mal à renoncer aux choses futiles, car il éprouve aussi peu d'intérêt pour elles qu'un tigre pour un tas de paille. Il s'attache donc à ''simplifier, simplifier, simplifier'' comme disait Thoreau. »

Matthieu Ricard

« Après tout, il n'est pas meilleur instant que celui qui m'est donné, là, tout de suite, pour devenir un mari plus aimant, un père de famille plus attentif, une personne handicapée plus joyeuse...Le regret nous fige dans le passé, vivons plutôt à fond dans le présent. »

Alexandre Jollien

« Quand on sort de retraites en silence, on a pris goût à la vraie parole.(...) On a pris goût à la parole qui ne s'exprime que s'il y a quelque chose à dire, et  pas seulement le bavardage, le remplissage ou le radotage. »

Christophe André

Nous rappelons à ceux qui nous rejoignent à démocratie et spiritualité, ou qui connaîtraient des personnes que cela pourrait intéresser, qu’a lieu au forum 104 une méditation mensuelle autour d’un texte choisi dans les traditions spirituelles ou parmi des auteurs poètes (le 28 octobre, c'était un poème d'une adhérente de D&S). Ce temps est un moment de rencontre, de partage, dans le silence, pour une grande part. C’est le temps d’un retour sur soi et d’une rencontre avec les autres dans nos résonances.

Démocratie et spiritualité

Don et fraternité

Contribution de JB de Foucauld après la rencontre avec Jacques Lecomte 

Le Groupe Anthropologie de la Fraternité du Pacte civique, animé par Claude Henry a reçu le 13 janvier Jacques Lecomte, spécialiste de psychologie positive, auteur notamment de « La bonté humaine » (Odile Jacob, 2012) et des « Entreprises humanistes » (Les Arènes, 2016). Selon lui, denombreuses études scientifiques montrent que, contrairement à une idée reçue, l’aptitude de l’être humain à la bonté est plus forte que sa capacité à la violence. Il est donc possible de rendre la société plus fraternelle si  on veut s’en donner la peine.

Je ne pense pas que l'on puisse dire que la propension au don soit plus forte que la propension à l'égoïsme; faire comprendre que cette propension est potentiellement égale, mais indéterminée, en équilibre dans nos choix, est déjà un changement de paradigme très important par rapport à la situation actuelle où la pensée dominante va à l’encontre de cette constatation..

J'ajouterai que cela ne relève pas seulement du contexte plus ou moins coopératif au sein duquel la personne se meut, mais aussi  d'un combat intérieur dont il ne faut pas sous-estimer l’importance; ce qui est clair, c'est que c'est un combat jouable où nous pouvons être gagnant par rapport à la situation actuelle ; c'est cela en somme qui serait révolutionnaire.

Mais j'aimerais ajouter que c'est un combat qui se joue sur deux plans, car il me semble qu'il y a deux sortes de dons : les dons qui en fait enrichissent et les dons qui, dans un premier temps du moins, amputent ou donnent ce sentiment. L'action bénévole enrichit par exemple, on la promeut souvent à ce titre (à tort ou à raison); mais il y a une autre forme de don qui est celle qui est mise en œuvre lorsque l'on est confronté au choix entre le remords et le regret : la société moderne arbitre pour le remords (que l'on met sous le tapis) là où les sociétés traditionnelles optaient ou forçaient au regret. Le fait est que l'on abandonne pas facilement celui ou celle qu'on aime, le pouvoir que l'on a, les biens que l'on possède (plus facile de donner de l'argent que ses biens): en cas de choix de ce type à effectuer, sans possibilité d’esquive, on voit bien que la capacité de don est plus limitée; on passe alors nécessairement du don anthropologique (non totalement désintéressé) au don spirituel (qui vise au désintéressement, mais ne doit pas être naïf sur ce point non plus) et qui se rapproche alors de l'amour pur. Le problème est que le débat politique sur le don mélange ces deux formes: les négationnistes du don visent le don désintéressé, pour mieux esquiver les impératifs simples du don gratifiant, tandis que les thuriféraires du don visent le caractère naturel et normal de ce dernier, en ayant tendance à masquer ses imperfections par rapport au don pur. C'est pourquoi, il faut à mon avis distinguer la fraternité (qui relève du don anthropologique et comporte une forme légitime d'intérêt et a sa place dans le débat politique) de l'amour, au sens fort   du terme. Ce dernier a une dimension plus sacrificielle, et, ne pouvant être forcé, doit être assumé et intériorisé et donc ne peut en tant que tel faire l'objet de politique, car il est à la fois en deçà et au-delà de celle-ci. Bien entendu, ces deux formes de don s'activent l'une l'autre et doivent être conjuguées chacune dans leur ordre et ensemble.

Pour une laïcité fraternelle

Une année de paix et de concorde?

Chronique hebdomadaire de Bernard Ginisty du 27 janvier 2016

Le 20 janvier dernier, le Pasteur François Clavairoly, président de la Fédération protestante de France et de la Conférence des responsables de culte en France, présentait ses vœux devant le Ministre de l’Intérieur et des Cultes. Faisant allusion aux critiques de membres du gouvernement contre l’Observatoire de la laïcité et son président, Jean-Louis Bianco, il a souhaité une année « de paix et de concorde (…) dans le cadre d’une laïcité qui ne soit pas une laïcité sujette à des bouffées d’agressivité, y compris contre l’Observatoire de la laïcité ». Par ailleurs, il a exhorté les croyants à « réfléchir à cette incroyable charge de violence que peut contenir la religion si elle n’est pas pensée, traduite, réfléchie (…), si elle renonce à l’intelligence ou au difficile mais nécessaire exercice de l’interprétation et à celui de la lente et profonde méditation, - si elle se réduit à une objurgation, à une obéissance, à une injonction, à un ordre» (1)

Ces propos me semblent cerner avec beaucoup de justesse l’espace laïc. Il rejoint la compréhension qu’en donne Emmanuel Levinas : « Les institutions laïques, qui placent les formes fondamentales de notre vie publique en dehors des préoccupations métaphysiques, ne peuvent se justifier que si l’union des hommes en société et la paix répondent elles-mêmes à la vocation métaphysique de l’homme. Les institutions laïques ne sont possibles qu’à cause de la valeur en soi de la paix entre les hommes. (…) Cette recherche de la paix peut s’opposer à une religion, inséparable des dogmes. Mais si le particularisme d’une religion se met au service de la paix, au point que ses fidèles ressentent l’absence de cette paix comme l’absence de leur dieu (…) et ne les rendent ni tyranniques ni envahissants, mais plus ouverts et plus accueillants – la religion rejoint l’idéal de la laïcité » (2).

La laïcité n’occupe pas une place qui surplomberait et toiserait toutes les langues maternelles historiques du sens et de la spiritualité. Ce serait vouloir s’affranchir de l’histoire et s’égaler à l’universel. Et finalement substituer un cléricalisme à un autre. Elle est l’espace de ce que Habermas appelle l’éthique de la discussion où chacun peut faire l’épreuve personnelle de ce à quoi il croit. En ce sens, c’est un espace spirituel. Comme l’écrit Paul Ricoeur : « Il nous faut aujourd'hui aller plus loin que les philosophes des Lumières: ne pas simplement "tolérer", "supporter" la différence, mais admettre qu'il y a de la vérité en dehors de moi, que d'autres ont accès à un autre aspect de la vérité que moi. Accepter que ma propre symbolique n'épuise pas les ressources de symbolisation du fondamental » (3). A l’être humain tenté par le court-circuit entre son désir, son Eros, et les représentations qu’il a reçues de sa tradition, le Mythos, la laïcité  rappelle la fonction médiatrice de la raison, le Logos. C’est en cela qu’elle est un garde-fou contre les dérives sectaires et fondamentalistes des religions et contribue à les renvoyer à leur vocation fondamentale d'éveil des hommes à la spiritualité et à l'engagement dans l'universel concret de la fraternité universelle.

 

(1)           François CLAVAIROLY : discours du 20 janvier 2016 lors de la présentation des vœux de la Fédération Protestante de France, en présence de Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur et des cultes  < http://www.protestants.org>. 

(2)           Emmanuel LEVINAS : La laïcité et la pensée d’Israël in Les imprévus de l’histoire, Editions Fata Morgana, 1994,  pages 181-182. 

Paul RICOEUR : Il y a de la vérité ailleurs que chez soi, entretien avec Frédéric Lenoir publié dans L’Express du 23 juillet 1998.

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Échos d'ailleurs

Cette rubrique se propose de se faire l’écho d’articles de presse, de livres ou d’autres formes d’expression (cinéma, théâtre, conférence) qui évoquent les liens et les tensions entre démocratie, spiritualité, culture, religion, politique. Nous vous invitons à l’alimenter de vos propres découvertes.

 La lettre de novembre du Pacte civique :

Face à la barbarie, osons la fraternité...et

Notre démocratie à l’épreuve...Dans celle de janvier.

 

Rencontre entre chrétiens et musulmans à Saint Merry

Éliane Faure-Vincent

Dimanche 27 décembre, belle journée de rencontres entre chrétiens et musulmans à l’église St Merry à Paris, pour célébrer ensemble les naissances de Jésus et Mohammed. 

Cette coïncidence entre les dates de Noël et du Mawlid-ou Mouloud- (fête familiale largement répandue, officielle ou non) est rarissime, le calendrier lunaire (utilisé pour les dates des célébrations religieuses de l’islam) étant plus court que le calendrier solaire. 

En matinée, les membres de l’Association Internationale Soufie Alâwiyya (AISA) avaient assisté à la célébration de la messe à St Merry avant de partager un buffet commun.  

L’après-midi, après une présentation par le Père Daniel Duigou de la paroisse de St Merry, celle d’une Eglise fraternelle et inventive, la cérémonie a commencé par une cantilation des versets de la sourate de Marie dans le Coran, faite par un jeune musulman au son du sitar.  

Khaled Roumo, membre du Groupe d’amitié islamo-chrétienne, poète engagé dans le dialogue des cultures et des religions, a présenté l'AISA (Association Internationale Soufie Alâwiyya) qui dispense un enseignement soufi et véhicule un islam de paix et de tolérance.

Il a rappelé, au-delà des croisades et du djihad, la tradition de dialogue et les liens fraternels anciens qui unissent chrétiens et musulmans, en citant les exemples de St François d’Assise et de l’émir Abdelkader. Le premier qui décida au XIIIème siècle, en pleine croisade, de partir, sans arme et sans escorte, à la rencontre du sultan al-Malik al-Kâmi. Le second, guerrier, poète, homme politique et mystique soufi qui, au XIXè siècle, après avoir combattu l’occupant français en Algérie, a protégé des massacres les chrétiens de Damas. 

Khaled Roumo a expliqué la symbolique du Mawlid, cette journée de lectures du Coran, de prières et de chants religieux destinée à revivifier le souvenir du Prophète. Il a rappelé que les musulmans doivent s’interroger sur leur fidélité à son message et cité St Jean de la Croix : « Que votre volonté soit faite » ; se soumettre à Dieu transforme notre faiblesse en force. Il a aussi convoqué la poésie avec «Élévation», de Baudelaire.

Puis une procession de jeunes enfants, en habit de fête et tenant des bougies, a été suivie par les musiciens et la Chorale Nur el-salâm AISA, au son d’une musique arabo-andalouse. Une conteuse chrétienne a évoqué la naissance de Jésus d’après l’Évangile de St Luc, sous forme de conte. Elle a été suivie d’un chant de Noël par la communauté de St Merry. Sœur Catherine Stroebel et Faouzia Ouzaki, tour à tour, ont rappelé le message d’amour, de paix et d’espérance porté par les deux religions. Joie, appel à la simplicité et lumière.

Un temps d’échanges avec le public a permis ensuite de partager de « bonnes nouvelles » : absence d’expression de haine chez les familles victimes des récents attentats, échanges de vœux entre chrétiens et musulmans à la mosquée de Gennevilliers, textes du poète soufi Rûmi. Seule réserve : les limites à la liberté d’expression d’AISA dans certains pays arabes.

Vers 17h, psalmodie de la sourate de Marie, lecture du cantique du Livre du prophète Daniel sur la Création et chants soufis andalous d’une grande beauté. Paix et recueillement.

La journée s’est terminée par un chant de Taizé, repris par l’ensemble des participants et par l’annonce de « la nuit sacrée » de prières et de chants interreligieux qui associera les juifs aux chrétiens et aux musulmans le 28 mai prochain, à St Merry.

 

Interculturel...Enjeux et pratiques

Jean-Claude Devèze

Le livre sur le colloque de Cerisy « Penser et agir l'interculturel » (23 au 27 septembre 2013) a été publié sous le titre "Interculturel... Enjeux et pratiques" par Artois Presses Université en octobre 2015. Les travaux de ce colloque, dirigé par Issa Asgarally et Isabelle Roussel-Gillet, peuvent nous être utiles pour préparer notre université d'été 2016 sur « Intégration et diversité » pour nous aider à « agir en homme de pensée et penser en homme d'action" (Bergson).

À l’heure où nombre de cultures sont "réduites au silence", que signifie être "militant de l’interculturel" ? (Jean-Marie Le Clézio): comment construire une société interculturelle? Pour quels enjeux? Selon quelles modalités? L’enjeu n’est rien moins que l’engagement pour la paix, l’alternative posée par Issa Asgarally étant entre la guerre ou "l’interculturel qui est l’autre nom de la paix". Le pluralisme culturel ne crée pas les conditions suffisantes de l’interculturel, ne lève pas les cloisonnements et peut isoler dans "la plus haute des solitudes" (Tahar Ben Jelloun). Issa Asgarally a distingué les termes monoculturalisme, multiculturalisme et interculturel.

Parmi les apports sur quatre axes (interculturel et paix, interculturel et arts, interculturel et éducation,  interculturel en entreprise), il est intéressant, entre autres, de se référer pour nos futurs travaux à des  éléments éclairants.

Ce colloque a confronté les bases théoriques de penseurs et d’acteurs de l’interculturel dans des champs divers (pratiques artistiques, pratiques de traductions ou d’éditions, analyses des expériences en entreprise ou dans le champ éducatif et plus largement dans la société). Partageant leurs pensées lors de cette rencontre "interdisciplinaire", les conférenciers ont exploré les deux dimensions proposées par la Fondation pour l’Interculturel et la Paix: vivre et penser l’interculturel.

Libres propos

Écouter, comprendre, délibérer, discerner, s'impliquer...pour socialiser

Jean Claude Devèze

Relever le défi d'exister avec les autres

Les possibilités multiples qu'offre le monde moderne confrontent nos libertés à des choix difficiles tout au long de notre vie. La question qui nous est posée est celle de la cohérence entre la manière dont nous vivons et la vie à laquelle nous aspirons pour nous réaliser et nous épanouir en société.

Dans son livre « L'abondance frugale »[1], JB de Foucauld distingue nos besoins productifs, nos besoins relationnels et nos besoins spirituels ; ceci le conduit à réfléchir sur la place et la mise en œuvre d'un  temps spirituel qui nous aidera à trouver notre voie au milieu de nos activités et de nos relations.

Reprenant sa réflexion sur la place du spirituel dans nos vies, nous proposons d'explorer les quatre voies complémentaires suivantes pour exister pleinement avec les autres :

-      conduire un travail personnel pour mieux nous connaître et pour comprendre les autres et le monde qui nous entoure ;

-      s'impliquer dans des communautés de vie et/ou d'action qui nous aident à penser et à discerner en confiance ce que nous avons à faire, et ainsi nous permet de choisir notre chemin ;

-      approfondir les écoles de pensée et les messages des maîtres spirituels qui correspondent le mieux à ce que nous cherchons pour nous aider à bâtir une spiritualité au carrefour des traditions et des convictions qui nous inspirent ;

-      être en veille sur les rencontres, les événements, les appels qui nous aident dans nos prises de conscience, dans nos remises en question, dans nos actes, dans tout ce qui contribue à poursuivre une voie en accord avec le meilleur de nous-mêmes.

En ce début de 2016, nous souhaitons que Démocratie et spiritualité nous aide à avancer sur ces quatre voies complémentaires, ce qui requiert la contribution de chacun.

[1]    Paru chez Odile Jacob en 2010 (voir en particulier p 51).

Le Bureau

[1]    Paru chez Odile Jacob en 2010 (voir en particulier p 51).

 

 

Informations diverses

 

• Confrontations (contact@confrontations.fr) organise un colloque le samedi 6 février 2016 9h – 18h à la maison des pères Lazaristes (95 rue de Sèvres, 75007) sur le thème :

Vivre les identités culturelles, religieuses, politiques

• Conférence-débat le mardi 16 février à 20 heures à l'Espace Georges Bernanos (4, rue du Havre 75009 Paris), avec James Alison, théologien, Jean-Louis Schlegel, (Esprit), et le Père David Roure (La Croix)

12 leçons sur le christianisme

Le débat portera sur le livre de James Alison publié sous ce titre en 2015 chez Desclée de Brouwer.

• D&S appelle à signer la pétition soutenant Jean-Louis Bianco et Nicolas Cadène et leur rôle à l'Observatoire de la Laïcité. N'oubliez pas si possible de faire aussi circuler l'appel #NousSommesUnis qui leur a valu les attaques du Premier ministre.

• En liaison avec La Traversée, D&S co-organisedeux rencontres-débats :
        Le 18 mai en fin d’après-midi, sur le thème « Violence, spiritualité et religion », avec Élisabeth Leblanc, Jean-Marie Gourvil et Jean-Baptiste de Foucauld (lieu à préciser) ;
         Le 8 juin en fin d’après-midi au Forum 104, sur le thème « La bonté humaine », avec Jacques Lecomte. 

Pour faire un don: HelloAsso